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CHAPITRE 13


"Tu m’offres une cigarette ?” demanda Kennedy en souriant.

Faith la regarda d’un air étonné, puis lui tendit son paquet. Kennedy prit une cigarette, et Faith lui alluma.

“Fais attention, tu vas y prendre goût…” lança Faith.

“J’aime le goût de l’interdit…” souffla Kennedy.

Leurs regards se jaugèrent un moment, une étincelle de désir brillant dans leurs yeux.

“Est-ce que toutes les Tueuses ressentent ça ?…” demanda Kennedy en hésitant.

“Quoi ?”

“Après un combat… je veux dire…”

Faith leva un sourcil interrogateur.

“Tu sais ce que je veux dire, Faith…”

*Laisse-toi aller… regarde-la… si sexy… elle a envie de toi…elle te veut…*

Un petit sourire apparut au coin des lèvres de la Tueuse brune. Elle s’approcha de Kennedy et posa sa main sur son entrejambe.

“Ca, tu veux dire, K ?”

Kennedy déglutit. Elle ne pouvait s’empêcher de ressentir une attirance pour cette femme, malgré son amour pour Willow. Etait-ce parce qu’elles étaient deux Tueuses ? Etait-ce parce qu’elles aimaient les femmes ? Kennedy ne savait pas, mais la main de Faith qui la caressait ne faisait qu’accroître ce désir étrange et irrépressible, un désir purement sexuel qui lui fit oublier sa question. Elle jeta alors sa cigarette et empoigna Faith par les cheveux avant de planter ses lèvres contre les siennes. Fébrilement, Faith déboutonna le pantalon de Kennedy et glissa sa main à l’intérieur, incapable de lutter contre cette pulsion qui l’envahissait après chaque combat, incapable de résister à cette jeune Tueuse qui lui ressemblait tant.

*Buffy va regretter… elle va te rejeter… comme toujours… regarde ce qu’elle a fait… elle n’assumera jamais...*

Les pensées instillées par le démon inconnu étaient de plus en plus fortes, insistantes et pressantes, et venaient s’ajouter à l’excitation enveloppante qui suivait les combats. Bientôt les deux Tueuses ne pensèrent plus à leurs amantes respectives, ni aux conséquences de leurs actes, et se laissèrent aller à leur désir fiévreux, cramponnées l’une à l’autre, les yeux dans les yeux, se caressant l’une l’autre sans même s’être déshabillées, écoutant leurs respirations dont le rythme s’accélérait progressivement. Et c’est sans se quitter du regard qu’elles s’abandonnèrent au plaisir, presque simultanément, laissant échapper un cri à moitié étouffé. Des mèches de cheveux collées sur leur visage par la sueur, elles restèrent enlacées un instant, reprenant leur souffle.
Kennedy se dégagea de l’étreinte de Faith et se reboutonna en lui tournant le dos. Quand elle se retourna, Faith vit dans son regard une lueur affolée, la même qu’elle devait lire dans le sien. Une lueur d’affolement face au retour à la réalité. Une lueur de culpabilité.

*Tu détruis toujours tout…tu ne sais pas t’arrêter…*

Ignorant la voix dans sa tête, Faith tendit une main vers Kennedy, et les deux Tueuses quittèrent les lieux sans un mot.
Elles restèrent silencieuses sur le chemin du retour jusqu’à ce que Faith prenne enfin la parole, torturée par le remords.

“Tu vas lui dire ?”

“Je ne sais pas… Elle ne me pardonnera pas une deuxième fois… Elle ne comprendra jamais…” répondit Kennedy la voix sombre.

*Buffy non plus ne te pardonnera pas… Elle avait commencé à avoir confiance en toi… et tu as à nouveau tout gâché… comme d’habitude…*

Faith secoua la tête comme si elle voulait se débarrasser de ces pensées insidieuses. Elle savait qu’elles provenaient du démon, mais ce qui était troublant était qu’elles contenaient toujours une part de vérité, une part insupportable et douloureuse.

“Je suis désolée…” commença Faith, qui se sentait responsable.

“Non, arrête… Je l’ai voulu aussi…” la coupa Kennedy.

Elles arrivèrent devant l’énorme bâtisse qui abritait leur groupe.

“Alors je crois qu’il vaut mieux ne rien dire…” conclut Faith en guettant l’accord de l’autre Tueuse.

Kennedy hocha la tête et pénétra dans la maison.

***

“Ah, les voilà !” s’exclama Willow avec soulagement en voyant apparaître les deux Tueuses.

Devant tous les regards pointés sur elles, Faith baissait la tête, et Kennedy ne parvenait pas à fixer Willow dans les yeux.

“Il faut nous dépêcher, il ne nous reste qu’une demi-heure…” continua la sorcière.

“Se dépêcher pour quoi ?” demanda Faith.

“Nous avons trouvé la tanière du démon. Mais elle n’est accessible qu’à ceux qui… qui ont tué un être humain…” expliqua Buffy en hésitant. “C’est-à-dire Willow, Andrew et… toi Faith… Sanders veut que vous mettiez les choses au clair entre vous avant de partir… et il ne nous reste donc que trente minutes avant que le démon puisse à nouveau pénétrer vos pensées…”

“Nous avons fait une formule qui nous isole pendant un moment…” termina Willow en remarquant enfin le malaise qui émanait de Faith et Kennedy.

Sanders sortit de son bureau à ce moment-là.

“Il faut vous dépêcher.”

“Je peux m’expliquer avec Faith ?” demanda Andrew d’une voix plaintive, tout en se dandinant sur ses pieds.

Willow leva les yeux au ciel et entraîna Andrew par la manche. Faith croisa finalement le regard de Buffy et suivit les deux autres en silence. Sanders les laissa passer et ferma la porte derrière eux. Ils prirent place dans des fauteuils disposés devant sa table, tandis que le vieil Anglais s’assit en face d’eux.

“Bien. Qui veut commencer ? Willow et Andrew ?”

Andrew se tordait les mains de nervosité, tandis que Willow avait la désagréable impression de se trouver au choix devant un psychologue ou devant un conseiller conjugal. Cette dernière pensée lui fit esquisser un sourire.

“Je commence alors…” dit la jeune sorcière sur un ton timide. “Andrew… j’ai vu tout ce que tu as fait pendant le grand combat contre le mal absolu… j’ai vu tes efforts pour nous aider… pour revenir du côté du bien… Je sais aussi que tu as été entraîné par Warren… par sa soif de pouvoir… lui-même entraîné par le Premier… Je ne peux te rendre responsable de… de la mort de Tara… même si tu as contribué à l’enchaînement des événements… mais ce n’est pas toi qui l’as tuée… et si je demande le pardon pour ce que j’ai fait… alors je dois te pardonner…”

Des larmes s’étaient formées dans les yeux d’Andrew. Faith, qui l’avait remarqué, secoua la tête avec mépris.

“Merci… merci… Willow… je ne sais pas quoi te dire… je suis tellement ému…” dit Andrew la voix pleine de sanglots.

Willow ignora l’aspect ridicule de la situation. Elle se sentait étrangement soulagée.

“Je pense que ce point est réglé pour l’instant.” commenta Sanders. “Melle Wilkins ?”

Faith leva les yeux vers lui, puis se tourna vers Willow, l’air embarrassé.

“Est-ce qu’on est vraiment obligées de faire ça devant eux ?”

“Nous n’avons pas le temps de différer, Faith… Après, les pensées du démon reviendront… et ce sera sans doute encore pire dans son antre… il essayera probablement de nous monter les uns contre les autres…”

Faith soupira. Elle savait que Willow avait raison, mais exposer ses griefs contre Willow devant ces deux hommes, elle qui n’aimait déjà pas parler, était une épreuve pour elle. Sans parler du fait qu’elle venait de coucher avec sa petite amie.
Devant le silence de Faith et la conscience que le temps passait, Willow se résolut à commencer à nouveau.

“J’ai certainement plus de choses que toi à dire, Faith, alors je me lance… Quand tu es arrivée dans nos vies, tu as tout chamboulé… Ton côté rentre-dedans, sûr de toi, aguicheur, a séduit tout le monde… Alex a succombé… Buffy rencontrait enfin quelqu’un comme elle et se sentait moins seule pour porter le fardeau des Tueuses… Je ne sais pas vraiment à quel moment les choses ont basculé… Mais je me suis sentie rejetée par Buffy… Elle passait tout son temps avec toi… Et je me sentais inutile, tellement en dehors de votre monde… Et puis tu as pété les plombs… après le meurtre de Finch… tu nous as fait à tous tellement de mal… Tu as essayé de nous tuer… tu t’es laissée entraîner par le Maire… Je résume parce qu’on n’a pas le temps, mais… je t’ai détestée… je t’en ai voulu… et je me suis toujours méfiée de toi… Tu m’as toujours méprisée, mais… je suis sans doute la seule à avoir cru Angel quand il disait que tu avais changé… que tu regrettais… C’est peut-être mon expérience avec la magie noire… mon excursion dans le mal… qui m’a fait comprendre certaines choses… que tu n’étais peut-être pas responsable de tout ce qui était arrivé… que l’on peut perdre pied… si facilement… et se laisser aller à la facilité… et au désespoir… Je ne sais pas exactement ce qui t’a menée à réagir comme ça… Mais j’étais prête à te donner une nouvelle chance… alors je suis venue te chercher à LA… et tu as combattu avec nous… comme Andrew… tu as sauvé des vies, tu as même sauvé Buffy… tu as affronté les regards méfiants et l’hostilité de la plupart d’entre nous… mais tu as toujours gardé ta nouvelle ligne de conduite… comme j’essaye de la garder aujourd’hui… celle du bien… alors aujourd’hui je te pardonne et je te fais confiance…”

La voix de Willow s’étrangla légèrement. Elle avait passé sous silence l’infidélité de Kennedy avec Faith, omission qu’avait remarqué cette dernière.

“Il nous reste 5 minutes…” intervint Sanders devant le mutisme de Faith qui regardait le sol, le visage figé.

Puis, la voix de Faith s’éleva enfin.

“Pendant ces années en prison, j’ai eu le temps de réfléchir… à ce que j’étais devenue… à ce que j’avais fait… à tout le mal que j’avais fait autour de moi… par dépit… Oui, par dépit… par jalousie… J’étais heureuse de rencontrer Buffy… de me faire des amis… pour la première fois de ma vie… ne plus être seule… Mais ça ne s’est pas passé comme ça… Votre groupe était si soudé que personne ne pouvait y être intégré… en tous cas, personne comme moi… vous dites que vous avez essayé, mais c’est faux… vous ne m’invitiez pas à passer des soirées avec vous… vous ne veniez me chercher que quand vous aviez besoin de moi pour les combats… et vous m’avez toujours considéré comme inférieure à Buffy… comme stupide… Et Buffy m’a lâchée après… Finch… c’était un accident… je le regrette… mais c’était un accident… je n’ai pas tué volontairement Finch… J’ai commencé à perdre pied… j’ai paniqué… et personne ne m’a aidée… en tous cas, la seule personne en qui j’avais confiance, Buffy, ne l’a pas fait… J’étais jeune… trop jeune pour tout ça… le Maire en a profité.. et m’a offert ce que je cherchais… de l’amour… aussi tordu était-il, il m’a donné cette affection dont je manquais… C’était la mauvaise personne, c’est vrai… mais c’était trop tard… Ensuite… après le coma, j’étais uniquement concentrée sur ma vengeance… je ne réfléchissais plus… A LA, j’ai fait des choses horribles… puis Angel m’a tendu la main… et m’a sauvée… En prison, donc, j’ai pu réfléchir… grâce à lui… et toute l’horreur de mes actes est venue me frapper… me hanter… nuit et jour… La rédemption passe par la souffrance… je souffre toujours aujourd’hui, mais je sais que je suis sur la bonne voie… J’avais juste besoin de cette confiance qu’il m’a donné… de celle que tu m’as donné quand tu es venue me chercher… et il m’importait peu que ce soit pour ma qualité de Tueuse plutôt que pour moi… Je devais prouver mon désir de changer… à vous en particulier… Je ne demande rien en retour… juste que vous ne me regardiez plus comme quelqu’un de monstrueux ou de maléfique… Je suis fière d’avoir sauvé le monde à vos côtés… même si c’est juste mon devoir… mais que je l’assume enfin… Maintenant, je sens encore des réticences… chez tout le monde… rien n’est acquis… et ce que j’ai fait… avec Kennedy… peut te renforcer dans cette opinion… Je regrette Willow, tout ce que je t’ai fait, avant et maintenant… Je suis sans doute encore fragile… Les pensées du démon m’ont submergée… et Kennedy était la seule qui n’avait pas cette suspicion et cette méfiance dans le regard… J’ai encore perdu pied… Je regrette…”

Faith retenait péniblement ses larmes, tandis qu’Andrew reniflait bruyamment et que Willow essayait d’intégrer le récit de la Tueuse et d’analyser ses propres sentiments.

“C’est terminé.” conclut Sanders. “Avez-vous quelque chose à ajouter ?”

Faith leva les yeux vers Willow, un air coupable et triste sur le visage. Willow posa sa main sur la cuisse de la Tueuse et se contenta de lui sourire.

*Et crois-tu qu’elle te pardonnera quand elle apprendra que tu as encore couché avec Kennedy ?*
****
A SUIVRE...

Mais comment va t-elle réagir ensuite notre Willow?

CHAPITRE 14

Giles fixait avec insistance la porte du bureau de Sanders, se demandant sans cesse s’il n’aurait pas mieux fait d’être à l’intérieur. Il ne savait même pas si cette question était le fruit de ses propres réflexions ou de celles du démon qui ne cessait d’instiller en lui des pensées de plus en plus sombres et violentes concernant son passé, son père, ses responsabilités, ses erreurs, ses doutes et ses faiblesses.
Il savait qu’il faisait office de guide et même de père pour toutes ces filles aux pouvoirs surhumains, et en tant que tel, il ne pouvait pas se permettre de montrer son désarroi et se devait de garder son flegme britannique en toutes circonstances. Mais il ne savait pas encore combien de temps il pourrait tenir.
Buffy et Kennedy étaient elles aussi inquiètes et se demandaient comment se passait la réunion, chacune doutant que les différends qui opposaient Willow et Faith puissent être résolus en cinq minutes.
Kennedy était gênée de rester assise aux côtés de Buffy, sans dire un mot, alors qu’elle venait une fois de plus de coucher avec Faith. Elle ne pouvait pas s’empêcher de se sentir coupable et de se demander si Buffy avait compris. De plus, elle ne savait pas ce qui se passait à l’intérieur de cette pièce. Faith et Willow devaient absolument mettre les choses à plat avant d’affronter le démon si elles voulaient mettre toutes les chances de leur côté, et cela passait évidemment par l’infidélité répétée de Kennedy et Faith. Le pire était que la jeune Tueuse britannique ne savait pas si elle serait plus soulagée qu’elles aient parlé et qu’elles soient plus en sécurité pour affronter le démon ou qu’elles n’aient rien dit.
Buffy, quant à elle, était soucieuse pour Faith qu’elle n’avait qu'entr'aperçue depuis qu’elle était partie énervée. Elle connaissait la Tueuse brune et redoutait son côté ténébreux. Elle la savait très forte et puissante mais aussi vulnérable, elle savait que Faith risquait de se laisser emporter par ses sombres pensées, s’enlisant jusqu’à ne plus savoir refaire surface. Faith était un paradoxe, si puissante et forte de caractère mais tellement fragile sentimentalement.
Buffy s’inquiétait vraiment pour elle, elle y était attachée et Faith avait commencé à lui montrer sa fragilité, lui faisant enfin confiance, lui ouvrant petit à petit la porte de son cœur. Mais ce chemin était tortueux et encore difficile d’accès malgré tous les efforts que la Tueuse brune faisait. Elle voulait se racheter, elle voulait s’intégrer et si Kennedy avait réussi à la ramener alors rien n’était perdu.

"Qu’est-ce qui s’est passé ?" demanda enfin Buffy à Kennedy.

"Quoi ?!" s’écria la jeune Tueuse.

"Avec Faith… Qu’est-ce que tu as fait pour la ramener ?"

La gorge de Kennedy se serra et elle évita soigneusement le regard de Buffy tout en se demandant à la vitesse de l’éclair ce qu’elle allait bien pouvoir lui répondre.

*Avoue-lui ! Dis-lui que Faith l’a trompée… soulage ta conscience !*

"Euh… je crois que j’ai juste su être là pour elle, sans la juger ni la blâmer…" répondit timidement Kennedy.

Buffy se contenta d’acquiescer tandis que la porte du bureau s’ouvrit enfin. Andrew sortit en premier, un sourire illuminant son visage, suivi par Willow puis Faith, toutes les deux moins joyeuses.

"Et rappelez-vous que ce qui est important, c’est ce que vous vous êtes dit pendant ces quelques minutes ! Ne perdez surtout pas cela de vue car le démon va à présent s’acharner sur les personnes qui ont la capacité d’entrer dans son repaire, c'est-à-dire vous ! Des pensées de plus en plus sombres vont vous envahir, tenez bon et ne vous laissez pas abattre !" encouragea Sanders.

Kennedy et Buffy se précipitèrent vers Willow et Faith alors que Giles s’empressa d’aller voir Sanders.

"Alors ?" demanda l’Observateur.

"Je ne sais pas trop… Ils ont fait des efforts mais je ne sais pas si tout a été mis à plat… Le garçon semble inoffensif… La Tueuse semble très affaiblie par les pensées et Melle Rosenberg, bien qu’elle seule ait essayé de débloquer la situation, me parait cacher quelque chose… Mais je suppose que l’on ne peut pas leur demander de tout dévoiler en si peu de temps… J’espère juste que personne n’a caché d’informations importantes !" expliqua le maître des lieux.

Giles ne répondit pas mais fixa les quatre jeunes femmes avec une lueur d’inquiétude et de remords dans les yeux.

*Quel Observateur minable, quel père pitoyable tu fais Ripper !*

Buffy se décida la première à poser la question.

"Alors ?"

Willow et Faith semblaient ailleurs, les pensées démoniaques les submergeaient à nouveau.

"Je pense que Sanders a raison, il faut se concentrer… sur cette réunion… et… ne pas se focaliser… sur les pensées…" articula péniblement Willow.

"Will, ça va ?" s’inquiéta Kennedy.

"Les pensées se sont intensifiées…" déclara froidement Faith alors que son regard trahissait une profonde détresse.

"Alors il faut y aller le plus vite possible ! Je vais chercher Giles, Kennedy occupe-toi de Willow et Faith et dis à Alex de récupérer les armes et la hache des Tueuses…" ordonna la Tueuse blonde.

Faith regarda Buffy se précipiter vers le bureau.

*Tu pensais quoi ? Qu’elle t’accorderait une minute d’attention ? Rien ne compte à part son boulot… tu devrais le savoir…*

"Venez, faut vous reposer…" dit doucement Kennedy aux deux filles.

***

Buffy entra sans frapper dans le bureau de Sanders où elle avait vu Giles se rendre. Elle surprit alors son mentor, la tête entre les mains, ses doigts agrippant désespérément ses cheveux comme si son crâne était sur le point d’exploser.

"Giles !" appela Buffy déconcertée.

L’Observateur se redressa, remit ses lunettes et retrouva immédiatement son calme légendaire, mais il ne pouvait dissimuler l’éclat trop brillant de ses yeux mouillés.

"Giles, vous allez bien ?" demanda la Tueuse.

"Oui, ne t’inquiète pas… c’est juste de la fatigue…" mentit maladroitement Giles.

Buffy était loin d’être convaincue par cette tirade mais le temps jouait contre eux.

"Il faut y aller, je ne suis pas sûre que Willow et Faith tiennent encore longtemps…" annonça-t-elle.

"On n’est pas assez préparé, on ne sait même pas ce qu’est cette chose ni comment la vaincre !" protesta l’ancien bibliothécaire.

"Et si on n’agit pas maintenant, les seules personnes à pouvoir affronter cette chose vont soit s'entre-tuer soit se suicider ou dans le meilleur des cas elles iront chanter dans un asile psychiatrique ! Willow et Faith vont perdre pied, Giles !"

"A ce point ? Et Andrew ?"

"La seule raison pour laquelle ce taré les accompagne, c’est parce que Willow ne veut pas se retrouver seule avec Faith… On manque de temps ! Il faut y aller !"

*Ne laisse pas cette sotte te donner des ordres ! Elle se croit meilleure que toi… Tu n’es rien à ses yeux mis à part un puits de connaissances qu’elle assèche sans scrupule… Ne subis plus… Sois un homme pour une fois, Rupert !*

"C’est beaucoup trop dangereux !" s’énerva Giles qui avait du mal à garder son calme

"Faith est une des Tueuses les plus puissantes et Willow est la sorcière la plus… sorcieresque ! Ce qui est dangereux, c’est de les laisser se faire manipuler !"

Giles ne sut plus quoi répondre, il paraissait confus et fatigué.

"Très bien, on y va." capitula-t-il.

***

Le groupe arriva enfin à destination. Ils s’arrêtèrent devant un puits en plein milieu d’un parc à vingt minutes de l’hôtel. Heureusement pour eux, la nuit était tombée depuis longtemps et ils n’avaient croisé personne à part deux vampires qui retournèrent très vite à la terre. Dawn était restée à l’hôtel pour surveiller Shella à la demande de sa sœur. Les nouvelles Tueuses, exceptée Kennedy, y étaient restées aussi.
Wood, Sanders, Giles, Buffy, Faith, Kennedy, Willow, Alex et Andrew encerclèrent le puits en le fixant, incrédules.

"Y a que de l’eau là-dedans ! C’est peut-être une sorte de monstre marin qui contrôle nos pensées grâce à son sonar maléfique en vue d’asservir la Terre !" déclara Andrew.

"Et maintenant on fait quoi ?" demanda Alex tandis que tout le monde ignorait la théorie d’Andrew.

"Revelare !" récita Willow.

L’eau du puits disparut alors petit à petit dans un cliquetis doux aux échos magiques, laissant place à un gigantesque escalier en colimaçon dont on ne voyait pas la fin. Le bruit de l’eau se fit de plus en plus lointain et l’obscurité envahit le puits.

"OK ! On fait ça…" déclara Alex.

"Hmm, qui est prêt pour une petite descente aux enfers ?" proposa Kennedy.

Tout le monde afficha une mine sérieuse et préoccupée comme pour se préparer à la bataille imminente.

"Hé les gars ! Ce bruit m’a donné envie d’aller au petit coin …" lança Andrew.

Les filles levèrent les yeux au ciel.

"Alex, accompagne-le qu’il ne se perde pas ! Nous on commence à descendre !" ordonna Buffy.

La Tueuse blonde posa la première le pied sur l’escalier et commença à descendre. Des cris étouffés, semblant provenir du fond du puits, commencèrent à résonner. Faith lui emboîta le pas et d’autres cris, plus douloureux cette fois, s’élevèrent. Les deux Tueuses se regardèrent et continuèrent à avancer. Willow fut la troisième à descendre dans le trou infernal. Cette fois-ci des hurlements d’épouvante se mêlèrent à la symphonie de cris. Kennedy suivit et des rires diaboliques et malsains s’échappèrent des parois suintantes. Mais aucune ne se laissa impressionner et elles poursuivirent leur descente. Sanders hésita un court instant puis se lança à la suite des filles provoquant à son tour une mélodie macabre de plaintes agonisantes.
Giles entreprit de descendre à son tour mais Wood le retint pas le bras. L’Observateur se retourna, surpris et vit le regard inquiet de l’ancien proviseur.

*Il sait Rupert…*

"Mr Giles, croyez-vous qu’il soit prudent de laisser Andrew y aller ?"

"Quoi ?" demanda Giles.

"Le laisser risquer sa vie alors qu’il n’a aucun pouvoir face à Willow qui le déteste et qui contrôle à peine ses pouvoirs… Je m’inquiète aussi pour Faith mais elle a des ressources et c’est une Tueuse alors qu’Andrew est un simple humain qui n’a aucun talent en matière de combat…"

"Je comprends votre inquiétude mais il veut participer et à mon avis, ce combat ne sera peut-être pas physique ou magique mais plus psychique et puis nous manquons d’effectif…"

Robin se résigna, sans être rassuré, et acquiesça alors qu’Alex et Andrew revenaient.

"Allons-y !" ordonna Giles.

L’Observateur descendit et de nouvelles salves de cris, plus aiguës cette fois, s’ajoutèrent aux précédents. Andrew déglutit bruyamment et fit un pas en arrière.

"Je suis un héros, je n’ai pas peur, la peur ne m’empêchera pas d’accomplir ma mission ! Je suis plus agile que Seyar, plus fort que Clark Kent et plus rusé que Bruce Wayne. Un héros sombre au lourd passé qui doit se racheter au péril de sa vie, au prix d’énorme sacrifices pour sauver le…"

La main d’Alex, d’une tape bien placée à la base de la nuque, coupa court aux déblatérations d’Andrew.

"Aouw ! Fais attention le cyclope, je suis tel Hercule…"

Alex leva à nouveau sa main et Andrew se tut enfin et avança.

"La souffrance est le lot des héros…" murmura-t-il en posant son pied sur la première marche.

Alex et Wood le suivirent dans une cacophonie assourdissante de plaintes, d’hurlements et de sons gutturaux qui leur donnait à tous la chair de poule.

***

Les quatre filles et Sanders se trouvaient enfin devant l’entrée du repère : un rideau vaporeux aux couleurs changeantes. Ils fixaient tous ce flot de couleurs hypnotisant alors que les pensées maléfiques diminuaient et que les cris avaient cessé pour chacun d’entre eux à la seconde même où ils avaient descendu la dernière marche.

"On y est !" déclara Faith.

Buffy se retourna pour apercevoir le reste de la bande descendre les dernières marches de l’escalier qui se trouvait juste derrière eux.
Giles fut le premier visage qu’elle distingua. Elle sourit. Sa présence l’avait toujours rassurée et ce, quelles que soient les circonstances. Elle le considérait comme un père, comme son ami. Elle n’avait plus besoin de mentor et pourtant, elle prétendait parfois le contraire pour pouvoir de nouveau apprendre de cet homme qu’elle admirait.
L’image d’Andrew derrière lui, qui se bouchait les oreilles et chantait à tue-tête alors que Giles se décomposait d’exaspération la fit sourire. Le garçon blond ne regardait même pas devant lui et tandis que Giles arriva en bas en laissant échapper un long soupir de soulagement, Andrew trébucha sur la dernière marche et poussa malencontreusement Giles de l’autre côté du rideau vaporeux.
Buffy écarquilla les yeux et sauta instinctivement vers le rideau pour sauver son Observateur. Mais elle fut alors projetée deux mètres en arrière. L’entrée lui était refusée.
Willow se jeta alors de l’autre côté de l’entrée alors que Buffy regardait, interdite, la porte mystique.
Faith, la hache des Tueuses à la main, attrapa Andrew par le col de sa chemise.

"Je te le ramènerai, promis !" dit Faith avant de franchir à son tour, avec Andrew, la porte du repère. 

Alex dévala les trois dernières marches qui lui restaient, regarda à son tour le nuage coloré puis regarda avec insistance la Tueuse blonde.

"Que s’est-il passé ?"

Buffy, toujours à terre, laissa une larme couler le long de sa joue, son monde venait de s’écrouler.

"Giles a tué un humain !" déclara-t-elle bouleversée.

****
A SUIVRE

CHAPITRE 15


Faith, Willow, Giles et Andrew se retrouvèrent dans une pièce rectangulaire plongée dans la pénombre. Le rideau par lequel ils étaient passés avait disparu et seule une torche éclairait vaguement la pièce. Ils distinguèrent immédiatement quatre portes disposées aux quatre murs.

"Giles !?" s'écria Willow qui venait de comprendre les conséquences de la présence de l'Observateur à leurs côtés.

"Vous nous auriez caché quelque chose ?" demanda Faith en levant un sourcil interrogateur.

Giles redressa ses lunettes d'un geste nerveux.

"Nous n'avons pas le temps de parler de ça... Nous devons être sur nos gardes... Le démon est capable de tout, il ne faut pas nous séparer, et surtout n'écoutez pas les pensées !"

"Giles, qui avez-vous tué ?" s'enquit Willow l'air inquiet.

L'ancien bibliothécaire ne répondit pas et s'approcha lentement de l'une des portes. Des lettres venaient de se graver dans le bois. Des lettres qui formaient son nom. Il fronça les sourcils et posa la main sur la poignée.
Faith serra la hache dans sa main et suivit Giles. Mais au moment où celui-ci franchit le seuil, la porte se dématérialisa et Faith se heurta à un mur.

"Heureusement que l'on ne devait pas se séparer..." commenta-t-elle.

Andrew s'était approché d'une autre porte. Il était terrorisé.

"Il y a... mon... mon nom... sur cette porte..." bégaya-t-il.

Willow et Faith se regardèrent un instant, puis se placèrent à chacune des portes restantes.

"Ne vous laissez pas subjuguer par les pensées, c'est la seule chose importante." conseilla une dernière fois Faith avant de pousser la poignée et de pénétrer dans l'inconnu.

***

Giles se retrouva dans un couloir sombre éclairé aux bougies et aux murs ruisselants d'humidité. Il se retourna et constata que la porte avait disparu. Il n'en était pas étonné. L'objectif était de les séparer, et si Faith, qu'il avait sentie derrière lui, n'avait pu le suivre, c'est que cela n'était pas possible.

Il marcha lentement le long du couloir qui ne semblait pas vouloir finir, faisant fuir quelques rats à son passage. Tout à coup, il sentit une brûlure sur son bras gauche. Il retroussa sa manche et découvrit que son ancien tatouage - la marque de Eyghon - était devenu rougeâtre.

* Tu te rappelles Eyghon, Ripper ?*

Giles replaça sa manche et continua son chemin, ignorant la pensée venue du démon. Au fur et à mesure qu'il avançait, la brûlure devenait plus forte, plus intense. Giles serra les dents et ferma les yeux un instant. Quand il les rouvrit, il se rendit compte qu'il était parvenu au bout du couloir et qu'une nouvelle porte se tenait devant lui. N'ayant pas d'autre choix, il l'ouvrit et pénétra dans une pièce qui lui était étrangement familière. Trois personnes étaient agenouillées autour d'un pentacle dessiné sur le sol au centre duquel était allongée une quatrième personne. Et là, soudain à ses côtés, un sourire maléfique planté sur les lèvres, se tenait Ethan Rayne.

"Bienvenu, Ripper... Nous n'attendions plus que toi."

Le souvenir qui avait hanté ses nuits pendant des années revint enfin à la mémoire de Giles. Il revivait la nuit où son groupe d'amis de la faculté avaient invoqué le démon Eyghon.
Sans s'en rendre compte, Giles se retrouva agenouillé, Rayne près de lui, fermant le cercle et commençant les invocations.

* Tu te souviens de Randall, Ripper ?*

A cette pensée, la scène changea devant les yeux de Giles et Randall, possédé par Eyghon, se releva lentement du centre du pentacle. Les yeux jaunes se fixèrent sur lui un instant, puis se détournèrent pour se poser sur Philip, un autre de ses amis. Randall se jeta sur Philip pour l'étrangler. Les quatre autres réussirent à l'arracher de sa victime et à le maîtriser au sol.
La scène changea à nouveau. Ethan regardait Giles en lui tendant une épée.

"Nous n'avons pas d'autre choix, Ripper."

Giles se vit prendre l'épée et s'approcher de Randall, toujours immobilisé.

"Pardonne-moi, Randall..." murmura-t-il en brandissant l'arme au-dessus de sa tête.

Giles abattit l'épée et décapita l'homme. Il resta ensuite prostré, contemplant avec fascination le sang gicler de l'artère, des larmes plein les yeux, tandis que la brûlure de son bras s'estompait.

*Tu avais du potentiel, Ripper... tu aurais pu faire de grandes choses...*

"Et regarde ce que tu es devenu..." dit Ethan qui véhiculait la pensée du démon. "Un bibliothécaire minable au service d'une gamine qui se fout éperdument de toi... et qui n'a plus besoin de toi depuis longtemps..."

"Non !!!" hurla Giles en se ruant sur Rayne, lui enfonçant la lame de son épée dans le ventre.

Le sourire d'Ethan s'agrandit de plus en plus, alors que la scène devenait floue.

*Tu vois, c'est si facile de se laisser aller à la colère... à la rage... tu n'es pas si flegmatique, Ripper... tu n'es pas toujours du bon côté de la balance... tu te souviens de Randall ?*

Giles crut qu'il allait devenir fou, quand soudain, à travers ses larmes, il distingua une autre porte. Il courut vers elle et l'ouvrit à la volée.
Il était de nouveau dans un couloir du même type que le précédent.

Je ne dois pas écouter ses paroles... je ne dois pas...

Giles essuya ses larmes et tenta de reprendre ses esprits. Il venait de comprendre que ce qu'il avait vu n'était que des visions du passé utilisées pour semer le trouble, pour le déstabiliser, voire le rendre fou. Cela n'en était pas moins insupportable. L'image du corps décapité de Randall ne cessait de s'imprimer devant ses yeux.
Quand il fut calmé, il poursuivit sa marche le long du couloir, jusqu'à une nouvelle porte.

* Tu te souviens de Ben, Ripper ?*

Ben... évidemment, pensa Giles en franchissant la porte.

Une autre pièce, une autre scène. Deux autres personnes. Ben et Gloria, la déesse. Celle-ci avait le même sourire atroce que Ethan.

"Je sais, Ripper... parfois il faut savoir passer de l'autre côté... faire des sacrifices pour sauver le monde... Buffy n'aurait jamais compris... Tuer un être humain... pour le bien des autres..."

Gloria le regardait et tendit le doigt vers Ben, au pied de la tour où Buffy s'était sacrifiée. Giles essaya de se retenir, mais cela lui était impossible. Il se vit se diriger vers Ben, allongé par terre.

"Tu n'as pas eu beaucoup de remords pour Ben, hein Ripper ? Tu avais déjà franchi le pas... Ca t'était déjà plus facile... On s'habitue à tout, n'est-ce pas ?" continua Gloria.

Giles se jeta sur Ben et plaça une main sur sa bouche et son nez pour l'étouffer.

"Tu n'as pas eu beaucoup de remords... Pourtant il a souffert, tu sais ? La mort par asphyxie, c'est long et douloureux..."

Giles maintenait fermement sa prise alors que le corps de Ben résistait et était agité de soubresauts. Giles eut l'impression que cela faisait des heures qu'il se cramponnait en essayant d'ignorer les bruits qui surgissaient du dessous, les bruits d'un corps qui cherche vainement l'oxygène... il eut l'impression que Ben ne mourrait jamais, qu'il continuerait à agoniser des jours durant... Et au moment où Giles allait hurler, terrassé par l'atrocité de cette scène, Ben cessa enfin de bouger et son corps se relâcha.

"Celui-là a été difficile, hein, Ripper ? Ben s'est tellement raccroché à la vie... Je lui avais promis tant de choses..." commenta Gloria qui le regardait en souriant.

Giles retira sa main en évitant le regard affolé de Ben dont les yeux étaient restés ouverts. Il se leva, pleurant en silence, avec cette impression d'avoir vieilli de 20 ans en un instant. Les épaules et le dos voûtés, il marcha jusqu'à la prochaine porte, qu'il franchit avec lassitude, se demandant quelles horreurs l'attendaient derrière.
Il fit quelques pas dans un nouveau couloir, les images des meurtres qu'il avait commis tournant dans son esprit. Jusqu'à une nouvelle porte.

*Tu te souviens de Jenny, Ripper ?*

Oh non !...

Giles poussa la porte d'une main tremblante et se retrouva dans le lycée de Sunnydale, la nuit. Il entendit une course précipitée dans les couloirs sombres, puis vit passer Jenny Calendar, l'air paniqué, qui semblait fuir quelque chose. Ou quelqu'un.

*Tu sens la panique...? L'angoisse viscérale... ? L'adrénaline...?"*

"Jenny !!!" hurla Giles alors qu'il vit Angelus se lancer à la poursuite de la jeune femme, son masque de vampire sur le visage.

*Tu n'as jamais su comment ça s'était réellement passé, Ripper... Eh bien, regarde...*

Giles se mit à courir pour les rattraper, mais il avait l'impression, comme dans un rêve, de courir sur place, de courir au ralenti... Il les suivit tout au long des couloirs, puis monta un escalier et se figea sur place. A quelques mètres de lui se tenait Angelus qui s'était emparé de Jenny. Son ancienne amante était pétrifiée, la terreur se peignant sur son visage éclairé par la lune.

"Giles ! Tu as failli rater la fin !" lui lança Angelus avec un rictus diabolique. "J'adore sentir la peur qui émane de tous leurs pores... Tu la sens toi aussi, hein Ripper ?... Tu sens cette angoisse primale, cet instinct de survie qui se bat... A quoi pense un homme quand il sait qu'il va mourir dans une seconde ? A quoi peut-il penser alors que la terreur envahit son esprit ?"

"Lâche-la !!!" cria Giles, dont le cœur allait exploser.

Il se précipita sur eux, mais ses pieds étaient comme collés au sol, et c'est impuissant, un flot de larmes coulant sans discontinuer de ses yeux, qu'il vit Angelus tordre le cou de la femme qu'il aimait d'un geste sec.

"Oups ! Trop tard, Ripper ! Elle ne nous a pas dit ce qu'elle pensait... Dommage..."

Puis Angelus s'approcha et lui tendit une rose et une enveloppe. Mécaniquement, Giles les prit, mais il n'ouvrit pas l'enveloppe. Il savait ce qui y était écrit. En haut.
Giles vit un escalier et s'y dirigea lentement, complètement hagard. Il parvint à une nouvelle porte et la franchit.

***

Faith arpentait un couloir similaire à celui qu'avait rencontré Giles.

*Tu te souviens de Finch, Faith ?*

Au moment où la pensée du démon pénétrait son esprit, Faith arrivait devant une porte. Elle l'ouvrit et se retrouva dans les rues de Sunnydale. Soudain, Buffy passa devant elle en courant, et elle se mit à la suivre, mue par une force irrésistible. Elle courait à perdre haleine dans la nuit noire. Si noire qu'on ne distinguait presque rien. Elle dépassa Buffy et se rendit compte qu'elle poursuivait un vampire. Le vampire tourna au coin d'une rue, et au moment où Faith allait faire de même, le vampire surgit devant elle. Elle le plaqua contre la benne à ordures qui se trouvait là, brandit son pieu et lui planta dans le cœur.

*Tu te souviens de ses yeux exorbités ? Il avait l'air tellement étonné...*

Mais ce n'était pas le vampire.

"Faith, non !!!" cria Buffy derrière elle.

Alors qu'elle regardait avec incompréhension le sang couler de la plaie de l'adjoint du Maire, sa main tenant toujours le pieu enfoncé, elle vit apparaître le maire Wilkins, un sourire triomphant sur les lèvres.

"Oh, Faith... Il faisait vraiment si noir ? Ce n'est pas bien... Lui qui voulait vous informer de ce que je préparais... Quel dommage vraiment... En plus, son costume était tout neuf... Quelle erreur de jugement... Tu es beaucoup trop impulsive, Faith, ce ne serait pas arrivé à Buffy..."

Elle sentit le regard agonisant de Finch qui essayait de lui dire quelque chose, puis le sang sur sa main, chaud et visqueux. Elle s'agenouilla, retira le pieu et le laissa tomber sur le sol.

"Tu as tué un homme, Faith." dit Buffy au-dessus d'elle, sa voix froide lui vrillant le cœur. "Tu sais ce que ça fait un pieu en plein cœur Faith ?"

Finch ne semblait pas vouloir mourir. Il continuait à la fixer de ses yeux implorants en poussant des râles de douleur intense.

"Je... je ne pouvais pas savoir..." souffla Faith qui ressentait la souffrance de Finch, non pas au niveau du cœur, mais à l'endroit de sa cicatrice.

"Tu ne pouvais pas savoir ?" lui dit Buffy sur un ton accusateur. "Mais tu n'as jamais rien su. Tu es stupide, tu es incontrôlable... C'est ta faute !"

"NON !!!!" hurla Faith qui prit sa tête entre ses mains ensanglantées et se mit à pleurer.

*Stupide, incontrôlable, instable, incapable... Comment pouvaient-ils te faire confiance Faith ? Comment pouvais-tu espérer devenir leur amie ? Comment pouvais-tu espérer mériter le respect de Buffy ? Et son amour ? Tu t'es toujours leurrée... Tu ne vaux rien... même dans la seule chose que tu croyais maîtriser, tu as échoué... lamentablement...*

"C'est faux !" cria Faith en relevant la tête. "J'ai changé ! Je ne suis plus la même, je..."

Sa phrase resta en suspens alors qu'elle venait d'apercevoir une porte dans le mur, à gauche du corps de Finch dont les yeux accusateurs la fixaient toujours. Elle se leva d'un bond et l'ouvrit. Elle déboucha dans un nouveau couloir. Elle s'arrêta un instant et réfléchit en essuyant ses larmes.

Il n'y a plus de sang... se dit-elle en regardant ses mains. Ce n'est qu'une illusion... Je n'avais pas ma hache dans cette pièce, mais en fait je l'ai toujours. Ca semblait si réel pourtant...

*C'était réel, Faith... Ces hommes que tu as tués... Ils étaient bien réels eux aussi... Ce n'est pas un jeu... Tu ne peux pas tuer un homme et oublier comme s'il ne s'était rien passé... Comme s'ils n'avaient pas une famille, des gens qui les aimaient et qui les pleurent...*

Faith se mit à marcher le long du couloir en essayant d'ignorer les pensées du démon jusqu'à ce qu'elle parvienne à une autre porte.

*Tu te souviens du professeur Worth ?*

La Tueuse brune prit une profonde inspiration et pénétra dans la nouvelle scène. Lester Worth, le vulcanologue, se trouvait devant elle. Un peu plus en retrait derrière lui, le Maire Wilkins regardait la scène d'un air désapprobateur.

"Faith... Tu as vu comment cet homme te regarde ? C'est vraiment une honte... un homme de cet âge et de cette importance... Tu vois ce désir dans ces yeux ? Tu vois l'effet que tu fais aux hommes ? Et aux femmes, d'ailleurs... Tu n'es qu'une petite traînée... C'est ce que te disait ta mère... elle avait bien raison... Tu me déçois... tu me dégoûtes..."

Un sentiment de honte et de dépréciation s'empara de Faith, un sentiment qui venait de loin, de son enfance chaotique.

"Ils ont tous compris ça, tu sais, tes soi-disants amis..." continua le Maire. "Ils savent que tu es perverse, mauvaise, que c'est ta vraie nature et que tu ne fais que dissimuler... Regarde... Alex, Wood, et maintenant Kennedy... Tu ne t'es pas gênée pour tromper Buffy à la première occasion... Comment veux-tu qu'elle te fasse confiance ? De toutes façons, ils t'utilisent... Tu es une vraie traînée..."

"Non..." protesta Faith qui se sentait subitement sale.

Une montée de rage sourde la submergea et elle sentit quelque chose dans son dos. Son couteau. Worth la contemplait toujours avec un air vaguement lubrique. Faith ne supportait plus ces yeux, ce regard insultant posé sur elle.

"Vous voulez bien vous retourner, Lester ?" s'entendit-elle dire.

"Pourquoi ?"

Elle passa la main dans son dos et retira son couteau de son ceinturon. Le professeur Worth, subitement effrayé, fit un pas en arrière. Elle s'avança vers lui et le plaqua contre le mur.

"Pitié !" tenta le professeur d'une voix geignarde.

"Désolée, ça non. Mon patron veut que je vous tue."

"Mais pourquoi ?"

"Ah ça, j'ai jamais pensé à lui demander..."

Faith sentait le plaisir du pouvoir monter en elle, ce pouvoir primal de la force pure, du pouvoir sur la vie ou la mort de cet homme. Un instinct de survie, privé de conscience. La vengeance. La violence aveugle. L'abandon des règles communes de la société.

*Oh oui, ça tu sais bien faire... Tu as toujours su enfreindre les règles...*

"C'est pour ça que je t'ai choisie, Faith." ajouta le Maire. "Le mal, c'est ce que tu fais de mieux... c'est ton domaine... Regarde comme tu le fais bien..."

D'une main, Faith maintenait Worth par le cou, l'étranglant presque. Ses yeux semblaient sortir de leurs orbites alors qu'il cherchait désespérément de l'air. Elle ne supportait plus ces yeux qui l'avaient salie en se posant sur son corps.

Je ne suis pas une traînée, fils de pute !!!

Faith enfonça profondément son immense couteau dans le ventre de l'homme. Une fois. C'était si facile... si bon... Il allait enfin fermer ses foutus yeux. Il poussa un cri de douleur, puis des râles de souffrance sortirent sans discontinuer de sa bouche impuissante. Et ses yeux ne se fermaient pas, ils restaient rivés sur son agresseur, exorbités, accusateurs, presque moqueurs.

Ca n'avait pas duré si longtemps... Mon dieu, pourquoi ne meurt-il pas ?

Elle enfonça une deuxième fois son couteau avec rage et l'homme hurla. Sa souffrance déformait les traits de son visage, et ses cris s'étaient transformés en une litanie de plaintes que ne pouvait plus supporter Faith.

Pourquoi ne meurt-il pas, bordel, pourquoi ?!

"Parce que pour lui, cet instant est le dernier." dit Buffy qui était soudainement apparue. "Parce que pour lui c'est une souffrance indicible et éternelle. Tu ne peux pas tuer un homme et espérer que tout se passe vite et que tu vas oublier."

Faith avait du sang sur ses mains, sur son couteau. Elle le lâcha et assomma l'homme pour le faire taire. Il s'effondra à ses pieds, enfin silencieux. Mais ses cris résonnaient encore dans la tête de Faith. Elle se sentait au bord de la folie, maintenue par un fil ténu à la conscience et la réalité qui menaçait de rompre à tout instant.

Quelle réalité ?

"La réalité de ta nature, Faith." lui répondit Buffy les bras croisés, les sourcils froncés. "Celle d'une meurtrière de sang-froid, d'une psychopathe qui prend plaisir à tuer..."

"Non ! Buffy ! J'ai changé ! Je regrette... je..." plaida Faith, des larmes dans les yeux.

Buffy disparut subitement et le Maire prit sa place.

"Faith, je ne suis pas content. Tu as perdu le couteau que je t'avais offert."

Faith regarda à ses pieds et ne vit pas l'arme qu'elle avait laissé tomber par terre. Quand elle releva les yeux, Wilkins s'était volatilisé, révélant une nouvelle porte. Elle se précipita et déboucha sur un nouveau couloir. Et une autre porte.

*Tu te rappelles ta mort, Faith ?*

Je ne suis pas morte...

Mais quand elle tourna la poignée, elle savait ce qu'elle allait trouver derrière. Car sa cicatrice était devenue incandescente.
Buffy l'attendait sur un toit. Le couteau de Faith dans sa main.

"C'est toi qui me l'as volé !" accusa Faith.

"Tu as voulu tuer Angel, espèce de tarée !!! Tu n'es qu'un monstre, une dégénérée, tu nous as trahis, tu nous as fait du mal, tu as voulu tous nous tuer !"

"Tu m'as trahie, B. Tu ne m'as jamais soutenue après Finch... Tu n'as jamais voulu accepter que c'était un accident..."

Des images de Finch, puis de Worth agonisants s'imposèrent dans son esprit épuisé, lui donnant une soudaine envie de vomir.

"Un accident ? Allons donc, Faith ! Si tu n'étais pas aussi stupide, ce ne serait jamais arrivé. Tu es la pire chose que j'ai connu dans ma vie... Tu n'es qu'une psychopathe assoiffée de violence et de sexe... Tu n'es capable d'aucun sentiment positif."

La dureté des paroles de Buffy était une souffrance plus insupportable encore que la vision et la sensation des meurtres.

"C'est faux ! Je t'aimais, B., et tu m'as toujours rejetée... Tu ne m'as jamais laissée aucune chance..." lança Faith, de grosses larmes roulant le long de ses joues.

"Si, je t'en ai laissée une... Et qu'est-ce que tu as fait ? Tu as bondi sur la première occasion pour coucher avec Kennedy... Et je suis censée te faire confiance ?"

Sur cette phrase, Buffy se jeta sur Faith, et les deux femmes se lancèrent dans une lutte effrénée. Les coups plurent de chaque côté avec une rage incoercible, chacune prenant alternativement l'avantage. Le combat sembla durer une éternité pour Faith, mais elle ne sentait pas les coups, seules les paroles de Buffy l'avaient atteinte profondément. Ses mots et son regard méprisant. Puis, Buffy accula Faith au bord du toit, ne lui laissant aucune échappatoire, et dans le même mouvement enfonça le couteau dans son ventre.

"Tu n'es rien pour moi, Faith. Je ne t'ai jamais aimée. Tu n'es qu'une pourriture sans âme."

Ca ne s'est pas passé comme ça... rappela un dernier vestige de son esprit.

*C'est ce qu'elle a pensé... c'est toujours ce qu'elle pense... c'est ce qu'ils pensent tous...*

Faith recula en se tenant le ventre. Du sang s'écoulait de la plaie et inondait ses mains. Elle eut l'impression que ses mains avaient été maculées de sang toute sa vie. Et c'est le cœur brisé qu'elle se jeta dans le vide, après un dernier regard sur la femme qui avait animé sa vie et qui la regardait à cet instant avec un sourire maléfique empli d'un contentement sournois.

Faith pensa sombrer dans l'inconscience et elle ferma les yeux, mais quand elle les rouvrit, la scène avait disparu et elle se trouvait de nouveau dans un couloir. Et face à une nouvelle porte.

*****

A SUIVRE...

CHAPITRE 16

Andrew avançait doucement dans la pénombre, sifflotant un air qui se voulait joyeux pour masquer sa frayeur face à ce couloir ruisselant et oppressant. Cette solitude le terrorisait, il avait toujours préféré obéir aux ordres, faire parti d'un groupe plutôt que d'être son propre chef, se dégageant ainsi de toutes responsabilités quant à ses actes qu'il mystifiait alors en une sorte de conte qu'il se racontait.
Et pour la première fois, il se retrouvait seul et il allait devoir réussir à mener seul ce combat, n'obéissant qu'à lui-même et prenant seul ses décisions et ses choix.

*Tu te souviens de Katrina, Andrew?*

Andrew, le front en sueur, s'approcha prudemment de la porte qui se présentait devant lui et posa sa main sur la poignée. La porte s'ouvrit sur le sous-sol, ancien repaire du trio. Un bras se posa autour de ses épaules et il n'eut pas le temps de sursauter qu'il reconnut son frère.

"Franchement Andy pour ton premier meurtre, je m'attendais à mieux… Je ne t'ai pas appris à invoquer des démons pour que cette fille meure si proprement…" débita Tucker en montrant Katrina se disputant avec Warren.

"C'est un viol!" hurla-t-elle.

A ces mots, Andrew ferma les yeux, se disant que ce n'était pas de sa faute, se trouvant des excuses comme par le passé. Mais il avait changé et il fallait qu'il apprenne à affronter la chose qu'il fuyait depuis toujours: la vérité. Il se décida alors à rouvrir les yeux et lorsqu'il le fit, il se retrouva en train de revivre la scène du meurtre de Katrina.

"Arrêtez-la!" ordonna Warren.

L'ordre avait été donné, il était son second, Warren était son guide, son mentor et il ne voyait plus que cela, il devait lui obéir, ne pas se retrouver seul. Il essaya donc de retenir Katrina, ses sensations passées se mêlant à sa confusion présente.

"Ce n'est pas réel." murmura-t-il alors qu'il empoignait Katrina.

Mais la douleur du coup de coude qu'il reçut était bien là, il ressentit la même douleur que par le passé. Il vivait un cauchemar dont il connaissait déjà l'issue et pourtant il ne pourrait rien y changer. Il ferma une fois de plus les yeux pour se convaincre de la supercherie en espérant de toutes ses forces ne pas revivre la suite.

*Voyons Andrew… Tu as fait ça pour le pouvoir, la gloire, regarde où ça t'as mené...*

Andrew ouvrit ses yeux sur des mains ensanglantées, le corps de Katrina allongé devant lui, du sang s'écoulant à l'arrière de la tête. Une vison morbide de ce corps qui ne lui était jamais apparue auparavant que comme l'image d'un personnage dont la destinée s'achevait devant lui. La panique prit le dessus et il mit un certain temps avant de réaliser que ces mains lui appartenaient. Le sang de Katrina le brûlait, du bout des doigts jusqu'aux entrailles et il ne pouvait se résoudre à regarder ce liquide chaud et visqueux qui s'insinuait dans sa peau sans avoir une furieuse envie de vomir. Il était souillé et le corps de la femme qu'il avait contribué à tuer le dévisageait d'un regard vide… Il ne supportait pas cette vision, l'affront de cette accusatrice sans vie qui lui rappelait à la réalité de son acte, lui qui ne vivait que dans le fictif, et maintenant, ce regard était à jamais gravé dans son esprit.

Les larmes coulaient le long de ses joues sans discontinuer. Il ne s'était jamais senti aussi seul et il voulait désespérément fuir cet enfer.

"Y a-t-il quelque chose… que tu peux invoquer… qui la dévorerait?" demanda Warren à Andrew, répétant inévitablement la scène qu'il avait déjà vécue.

"Ce n'est plus moi! J'ai changé!" cria Andrew.

"Tu ne changes pas Andrew! Tu es toujours aussi influençable… Seul ton modèle change…" affirma Tucker qui apparut de nouveau derrière lui.

"C'est faux, je suis avec les gentils maintenant!" se défendit le jeune homme qui n'en pouvait plus.

"Arrête Andrew! Ca a commencé avec moi, je t'ai appris à invoquer les démons et je te signale que c'est à cause de ta nouvelle copine qu'on a été séparés! Ensuite tu as fait confiance et tu t'es laissé porter par Warren… Même mort, il t'influençait encore et puis tu t'es fait arrêté par Buffy et sa bande et d'un coup tu deviens gentil! Mais on sait tous les deux qu'il n'y a que moi qui t'ai toujours considéré, les autres ne font que t'utiliser…"

Tandis que Tucker continuait son sermon, Andrew aperçut une porte devant lui et s'y précipita, espérant ainsi échapper à l'image de lui-même que lui renvoyait si justement son frère.

Un nouveau couloir se présentait à lui et il y trouva un peu de répit malgré son aspect peu accueillant. Malheureusement, il savait qu'il ne pouvait pas s'y réfugier indéfiniment et se dirigea à contrecœur vers une nouvelle porte. Il se retrouva dans un autre sous-sol qui lui était plus que familier.

*Tu te souviens de Jonathan, Andrew?*

"Non, non, non, non, non…" paniqua le jeune homme.

*C'était ton ami… comme le sont Buffy et ses amis…*

Il se retrouva au milieu du sceau de Danzaltar, une pelle à la main, de la terre sous les ongles, respirant la poussière qui se dégageait de ce cercle maléfique tandis que lui et Jonathan le découvrait.

"Allez Andrew, nous allons tous les trois devenir des dieux, tu lui rendras service en lui enfonçant ce poignard dans le ventre! Son sang nourrira le sceau et il s'élèvera à un autre niveau, se débarrassant de son cloisonnement terrestre…" prêcha Warren qui se tenait près du sceau.

Andrew se voyait une fois de plus prendre le poignard. Il savait que ce qu'il faisait n'était pas juste, que les mots que Warren prononçait n'étaient que mensonges et fausses promesses, mais il allait quand même le faire, poussé par une faiblesse qui lui était propre, son influençabilité, ce besoin de plaire à ce qu'il reconnaissait comme sa figure autoritaire.

Pourtant Jonathan était bien son ami et il l'avait tué. Il avait une fois de plus ramené les événements les plus tragiques de sa vie en une histoire fictive qu'il modulait à sa convenance suivant les mêmes schémas que les fictions qu'il affectionnait, lui permettant de se défaire de la culpabilité et du poids de la réflexion qu'entraînaient ses actes.

Mais aujourd'hui, sa rencontre avec les Scoobys lui avait fait comprendre que ses actes n'étaient pas sans conséquences, il avait réalisé toute la portée du meurtre de Jonathan et il allait revivre ce moment de la façon la plus douloureuse qui soit: en toute conscience.

"Je ne veux pas! Laissez-moi tranquille…" plaida-t-il désespérément.

"Tu ne peux pas me laisser tomber Andrew! Tu vas entrer dans l'Histoire…" continua Warren alors qu'Andrew avançait vers Jonathan qui fermait son sac.

"Andrew! Tu es fait pour ça… et c'est trop tard, tu l'as déjà fait, on ne change pas le passé." déclara Warren, un sourire sadique sur les lèvres, alors qu'Andrew avançait inévitablement vers Jonathan.

Il posa une main qui ne répondait même plus à sa volonté sur l'épaule de Jonathan et des larmes amères lui sillonnèrent le visage.Son ami se retourna et tout se précipita devant ses yeux dans une douleur interminable. Le regard naïf de Jonathan se posa sur lui puis il vit enfin la silhouette de Warren derrière Andrew, comprenant en une fraction de seconde que son destin s'achevait ici et de par la main de celui qu'il considérait comme son ami. Ses yeux se posèrent alors sur Andrew et le regard que le jeune homme blond capta lui déchira le cœur d'une façon qu'il n'aurait jamais pu concevoir. L'incrédulité de son regard était amplifiée par la déception et l'angoisse qu'Andrew ressentit finalement à travers Jonathan. Tout était si réel, si palpable, la douleur elle-même semblait tangible et Andrew était accablé par cette réalité, cette culpabilité et la fatalité de ce meurtre. Tandis que Jonathan s'écroulait devant lui, laissant échapper toute vie de son corps, la peur de la mort qu'il avait ressentie résonnait à travers Andrew qui se retrouvait une fois encore avec la main en sang, incapable de bouger. L'odeur de tout ce sang qui imprégnait le sceau lui agressait les narines, cette odeur métallique accompagnerait à jamais ce sentiment de haine qu'il nourrissait contre lui-même. Il avait tué son meilleur ami et il ne se leurrait plus, il n'avait aucune excuse.

*Tu ressens sa souffrance n'est-ce pas? Ca t'était si facile pourtant de la lui infliger… Et tu te disais son ami, il avait confiance et tu l'as trahi… Quel genre de personne ça fait de toi?*

Andrew avait de plus en plus de mal à respirer, il était oppressé, la culpabilité le rongeait et il n'arrivait pas à concevoir comment il pourrait vivre avec toute cette souffrance, toute cette solitude.

"Je suis désolé." pleura-t-il en se laissant tomber près de Jonathan.

Mais dès que ses genoux touchèrent terre, il se retrouva à nouveau dans un couloir et une nouvelle porte l'attendait.

***

Même couloir, différent protagoniste.

Hum, pas très accueillant ce couloir! pensa Willow.

La sorcière posa sa main sur une des parois du couloir et grimaça au contact tactile très déplaisant, mêlant viscosité de l'eau et boursouflures de la pierre.

Evidemment, pas de magie ici…

Elle se dirigea alors vers l'unique issue: une porte à l'aspect rustique.

*Tu te souviens de Rack?*

Le visage de Willow se fit plus grave et elle essaya de se préparer à ce qu'elle allait découvrir. Elle franchit le pas et se retrouva dans le repaire de Rack. L'endroit était vide et pourtant l'ambiance y était inchangée, c'était un lieu de débauche où les pires créatures comme les plus expérimentés des sorciers venaient se perdre pour un shoot magique.

"Toujours accro à ce que je vois!" lança une voix familière derrière elle.

"Amy! Bizarrement je ne suis pas étonnée de te trouver ici! Tu ne changeras donc jamais?" répondit Willow.

"Parce que tu crois avoir changé?" se moqua la sorcière brune.

"J'ai changé!" se défendit la sorcière rousse.

"Vraiment?!" ironisa l'ancien rongeur.

Pendant quelques secondes, Willow se retrouva collée au plafond, galvanisée par la magie, coupée du monde qui l'entourait comme elle l'avait été par le passé avec Rack. Et lorsqu'elle se retrouva de nouveau aux côtés d'Amy, elle avait le souffle court et tenait à peine sur ses jambes.

"Allons Willow! Nous savons toutes les deux que tu y prends toujours autant de plaisir… Tu n'as pas changé!" continua Amy.

La sorcière rousse ne pouvait pas nier le plaisir qu'elle avait pris et même si elle savait qu'elle ne pouvait pas se servir de ses pouvoirs en ces lieux, elle ressentait bel et bien qu'elle était près de la perte de contrôle, elle sentait pertinemment que son corps lui en réclamait davantage. Elle avait soif de ce pouvoir qui la consumait, mais qui lui apportait un plaisir extatique, une perversion dégradante qui l'avait rendue si facilement dépendante.

"Je n'aurai jamais de contrôle sur la magie noire, mais je sais ne pas l'utiliser comme je sais que la magie n'est pas que mauvaise et impure…" articula péniblement Willow.

"Hum… Et je vois que tu as encore l'illusion d'avoir acquis une quelconque force de caractère… Tu ne trouves pas que ça sent la fraise mûre?" sourit l'autre sorcière.

En une fraction de seconde, la scène changea. Willow fut envahie par une horde d'émotions qui ne lui étaient que trop familières et qu'elle aurait préféré oublier à jamais. Elle tenait Rack à bout de bras et le drainait de son énergie et de sa magie.

Sa haine, sa colère, sa douleur, étaient précipitées dans un tourbillon dévastateur que la magie noire et impure qu'elle puisait de Rack exaltait à leur maximum.

Mais la situation était différente de celle du passé. Tout ce qu'elle ressentait était réel, mais elle continuait à garder le contrôle, réalisant alors qu'elle vidait le sorcier de son essence vitale, lui aspirant la vie dans une souffrance des plus vives.

*Vois-tu Willow, tu es si douée… Je sais aussi bien que toi que ses organes sont en train de bouillir… que tu lui infliges de longues coupures… que tu déchires ses muscles… et tu en retires une satisfaction immense! Tu es le pouvoir et tu aimes ça!*

"Non, je ne veux plus!" se défendit Willow qui tentait désespérément de stopper ses actes.

*Laisse-toi envahir… Tu sais comme tu as aimé ça, comme le pouvoir te rend si supérieure… Tu n'es rien sans lui…*

Une partie d'elle le croyait si fort. Malgré toutes ses réticences et tout son désespoir face à ce meurtre, elle continuait de frémir de plaisir, le pouvoir l'enivrait toujours autant. Mais ce qu'elle ressentait était aussi horrible. Elle le tuait et ressentait sa souffrance dans les moindres détails, elle était connectée et la souffrance était ce qui avait nourri la haine de DarkWillow. Le malheur l'avait envahie et dès lors, elle avait fait souffrir ses opposants, poussant le vice jusqu'à ressentir ce qu'ils ressentaient comme pour s'assurer du mal qu'elle leur faisait. Et maintenant qu'elle avait dépassé tout cela, ce malheur ne nourrissait plus que sa culpabilité, diminuant Willow chaque seconde un peu plus, l'enfonçant dans une méprise d'elle-même de plus en plus forte. Elle était bouleversée, déchirée entre ses sensations présentes et passées, incapable de se défaire de l'emprise que le démon avait sur elle.

Sa délivrance arriva en un hurlement désespéré qui prit vie à l'instant où la mort eut raison du corps pantelant de Rack. Epuisée par cette vague de sentiments, Willow défaillit, mais elle parvint à rassembler ses forces pour atteindre la porte qui venait de se former.
Elle arpenta le couloir et son sentiment de dépendance s'atténua jusqu'à disparaître. Mais en apercevant une autre porte, elle sut que ce qui l'attendait derrière serait pire.

*Tu te souviens de Warren?*

La sorcière prit quelques secondes afin de se motiver, pensant à ce qu'elle avait accompli cette année, pensant à Kennedy, pensant à l'importance de sa réussite. Elle décida alors d'accepter cette nouvelle épreuve comme punition pour ses actes passés et franchit la porte.
Elle se retrouva dans la forêt de Sunnydale, Warren devant elle, attaché par des racines et des branches d'arbres, à sa totale merci.

Son regard se posa sur sa main et elle vit alors léviter la balle qu'elle avait retirée du corps de Buffy. L'ironie macabre de la situation n'avait pas échappé à Warren, cette balle provenait du revolver qui avait tué Tara et maintenant cette balle allait le tuer lui.

"Tu veux savoir l'effet que fait une balle ?…" s'entendit-elle prononcer à son prisonnier.

Elle avait presque oublié l'intensité de sa fureur à ce moment-là, la lucidité malveillante dont elle avait fait preuve et ce sentiment obsessionnel de vengeance qui avait guidé chacun de ses mouvements. Elle ressentait à nouveau ce pouvoir malsain coulant dans ses veines, envahissant chacune de ses cellules, transformant son intellect en une arme machiavélique qui élaborait les plans les plus vicieux. Elle dirigeait cette balle, la guidant dans un flottement aérien jusqu'à la poitrine de Warren, la pénétrant en une brûlure vive qui se transformait lentement en une agonie incandescente.

*Tu ressens cette puissance… Ce pouvoir est tien…*

"Non! Je ne veux pas!" cria Willow alors que les lèvres de Warren se scellèrent d'un simple geste de sa main.

La balle continuait de s'engouffrer plus loin dans sa chair, le brûlant, déchiquetant ses tissus, faisant vivre la douleur alors que Willow s'entendait prononcer son discours sadique, consciente de la moindre sensation qu'elle provoquait.

*Tu fais preuve d'un tel talent… Tu pourrais accomplir de grandes choses…*

"Je ne suis plus maléfique!" se défendit la sorcière.

*Vraiment?!*

"Pitié, arrête!" hurla Warren qui priait pour son salut.

*Tu as poussé la perversion jusqu'à lui faire croire que ses excuses pouvaient t'atteindre, lui laissant la pire chose qui soit: l'espoir…*

"Ce n'est plus moi!" pleura Willow.

*Ce sera toujours toi, une partie de toi…*

"Willow!" cria Buffy.

La scène continuait de se dérouler sous les yeux remplis de larmes de Willow et dans un bruit de déchirement, Warren fut dépecé brutalement, mettant ainsi fin à son agonie d'une façon abominable.

L'odeur qui accompagnait cette horreur agressa les narines de Willow, provoquant immédiatement une furieuse envie de vomir. Elle avait une fois de plus donné la mort et ce spectacle visuel et odorant marquerait à jamais son esprit, la putréfaction de cette chair, gravée à jamais dans sa mémoire. La mort résonnait en elle et tout son corps appelait désespérément à l'aide.

*Magnifique vois-tu! La mort est un art et il n'existe que très peu de ses artistes… Mais toi tu as un talent inné… Tu appelles la mort de tout ton être, tu lui donnes vie, glorifiant sa grandeur!*

Warren disparut, brûlant par la volonté d'une Willow sombre, cédant sa place à une nouvelle porte. Willow, dont la force de caractère faiblissait au fur et à mesure, ouvrit la porte et s'engouffra le long du couloir jusqu'à la porte suivante.

*Tu te souviens de Tara?*

Willow comprit alors qu'elle allait revivre le pire moment de toute sa vie, celui qui l'avait fait basculer du mauvais côté, celui qui hantait la majorité de ses nuits. Mais elle savait qu'il ne fallait pas qu'elle craque et cède à nouveau à sa folie meurtrière.

La scène se matérialisa et elle se retrouva dans la chambre qu'elle avait occupée toute une année avec Tara, celle qui avait vu le plus tragique des événements arriver.

"Tara?!" lança doucement la sorcière rousse dont l'émotion transparaissait dans la voix.

Elle se trouvait devant elle, rayonnante, lumineuse, elle lui souriait et par cette belle journée, la perfection semblait régner en maître d'œuvre. Pourtant son sourire, qui d'habitude lui réchauffait le cœur, était à présent un signe dérisoire et précurseur de la fatalité qui allait la frapper d'ici quelques minutes. Il était presque insupportable à Willow de recevoir ce sourire, si doux mais réveillant une tristesse des plus ardentes. Cette radieuse image, parfait instant reflet de son bonheur passé, au moment même où il allait lui échapper, était une ode à la provocation et à l'angoisse.

Ayant ouvert déjà deux portes, elle savait qu'elle ne pourrait rien y changer, et un désespoir brutal s'empara d'elle, lui déchirant le cœur, lui coupant la respiration et des larmes, les plus amères qu'elle avait jamais eues, lui sillonnèrent le visage. Et plus la scène avançait, plus la panique s'intensifiait. Malgré toutes les supplications qu'elle faisait, toutes les demandes qui auraient permis à Tara de s'éloigner de la fenêtre, la sorcière blonde restait sourde à ses appels, jusqu'au moment fatidique, où dans un bruit de bris de glace, son sourire s'effaça à jamais. Elle connaissait les moindres détails de cette scène pour l'avoir vécue et revécue tous les jours depuis, mais l'éclaboussure de sang qu'elle reçut la fit tout de même sursauter. Elle vit la vie s'échapper de son âme sœur et elle restait impuissante. Une odeur ferreuse réveilla alors son envie de vengeance et la scène se figea à cet instant.

*Tout ce pouvoir et tu n'arrives pas à la sauver…*

"La ferme!" hurla Willow dont le souffle court accompagnait des larmes rapides.

"Sauve-moi, je t'en prie Willow!" supplia Tara.

Le cœur de Willow se serra si fort qu'il arrêta de battre quelques secondes. Seule la bouche de sa compagne avait bougé, ses yeux reflétant toujours la mort.

*Tu as un tel potentiel et dans ce royaume je peux rendre tous tes rêves réels… Y compris Tara!*

Une main se posa alors sur la joue de Willow qui sursauta et vit Tara devant elle, souriante à nouveau. Elle s'approcha tendrement pour déposer un baiser sur les lèvres de la sorcière rousse qui ne bougeait pas. Elle était troublée par les sensations si réelles, tout y était, du toucher soyeux de Tara à son parfum enivrant, son regard si doux et sa chaleur réconfortante.

Le seul geste qu'elle réussit à faire fut de fermer les yeux pour recevoir le baiser. Mais rien ne se passa. Elle ouvrit les yeux et Tara était allongée devant elle, sans sourire, sans vie. Son cœur fut une fois encore malmené, vidé brutalement.

*Aide-moi, et tu auras ce que tu désires, tes pouvoirs te seront même restitués au sein de ma demeure…*

"Je ne trahirai jamais mes amis!" rétorqua Willow

*Tu l'as déjà fait pourtant…*

"C'est du passé!"

*Oui et tes amis te sont si loyaux…*

Une autre porte apparut et Willow la franchit sans réfléchir, en découvrant rapidement une autre.

"Ca ne finira donc jamais! Je ne me laisserai pas prendre à votre petit jeu!" s'impatienta la sorcière.

*Tu me répéteras ça après avoir franchi cette porte et vu combien tes amies tiennent à toi…*

Willow, résignée, passa la porte. Elle se retrouva à Cleveland, devant le bus, garé à l'entrée du manoir. Elle voyait les filles descendre du bus une à une. Elles rentraient de leur soirée en ville, mais deux des filles restèrent à l'intérieur: Kennedy et Faith.

Elle savait ce qui se passait à l'intérieur de ce bus, que Faith et Kennedy couchaient ensemble, la trahissant, faisant renaître ses anciennes craintes et brisant son cœur de façon brutale et injuste. Elle ne voulait pas voir cela, elle refusait même de se l'imaginer mais mue par une curiosité masochiste, par le besoin de savoir, le besoin de passer à autre chose et parce que les trois dernières portes l'avaient ébranlée plus qu'elle ne croyait, elle monta dans le bus. Guidée par des soupirs et des gémissements obscènes à ses oreilles, elle s'avança vers l'arrière du bus, découvrant avec stupeur les deux femmes enlacées, se donnant frénétiquement du plaisir, ne se quittant pas d'un regard puissant et intense. Elles se caressaient devant elle et elle pouvait presque sentir les vagues de plaisir les envahir. Faith et Kennedy se ressemblaient tellement à cet instant que Willow en eut la nausée. La violence de l'acte et le désir qui les enveloppaient les transportaient vers un lieu de débauche que la sorcière rejetait plus que tout à cet instant. Cette vision d'horreur, cette complicité intime, exacerbaient une colère qu'elle ne voulait surtout pas voir ressortir et quand la jouissance transporta les deux femmes, Willow s'enfuit vers la sortie du bus, refusant d'assister à cette provocation suprême.

Elle descendit bouleversée et se retrouva aussitôt dans un bâtiment qui lui était inconnu.

"Vous croyez que je vais me retourner contre elles parce que vous avez mis des images sur leur infidélité?! Vous vous trompez, je savais ce qu'il en était!" s'énerva la sorcière.

*Vraiment?! Regarde de plus près…*

Deux voix féminines s'élevèrent sans que Willow ne puisse distinguer ce qui se disait. Elle s'approcha prudemment et vit Faith et Kennedy l'une en face de l'autre, une étincelle de désir dans le regard…

"Ca, tu veux dire, K?"

Les paroles de Faith furent accompagnées de son geste lubrique. Willow venait de voir Faith poser la main sur l'entrejambe de Kennedy et pire encore, elle avait vu Kennedy en frissonner de désir.

La tourmente dans laquelle fut plongée Willow fut aussi précipitée que l'avidité des deux jeunes femmes à se caresser. La sorcière ne pouvait pas détacher son regard de cette nouvelle trahison qui se déroulait devant elle, l'obscénité de leur plaisir, la fièvre de leur désir les enveloppaient d'une luxure malsaine que Willow percevait parfaitement.

Ce spectacle horrifiant de la femme qu'elle aimait s'abandonnant égoïstement au plaisir avec la femme qui incarnait ses peurs passées fit monter en elle une rage immense. Elle se sentit trahie, abusée, salie et une fureur désespérée l'envahit.
Mais Willow savait qu'elle n'était pas dans son monde et un dernier espoir de ne pas céder au démon vit le jour dans un démenti qu'elle savait faux.

"Ce n'est pas réel! Ceci ne s'est jamais passé!" cria-t-elle.

*Si, ça c'est passé, tu le sais, tu le sens… c'est tout aussi réel que la rage que tu ressens…*

Elle n'en pouvait plus. Tous ces sentiments l'avaient mise à vif, sa motivation n'avait plus de raison d'être, et les cris de jouissance qui mirent fin aux caresses effrénées des deux Tueuses, achevèrent la volonté de Willow dont les cheveux noircirent. Une porte apparut…


*****

A SUIVRE...

CHAPITRE 17


Giles, Andrew, Willow et Faith franchirent les portes et surgirent au même instant dans une pièce plongée dans la pénombre. Et une même pensée pénétra leurs esprits dévastés.

*Acceptez la haine et la violence qui est en vous... Rejoignez-moi... Votre pouvoir sera décuplé... Nous ferons de grandes choses ensemble... Rejoignez-moi...*

Au centre de la pièce, chacun s'observait, immobile, submergé par les souvenirs des épreuves qu'ils avaient traversés et croyant encore être dans cette autre dimension parallèle qui leur paraissait toujours si réelle.

*Vous ne serez plus jamais malheureux, vous ne serez plus jamais seuls... Rejoignez-moi...*

Tous avaient le cœur brisé et le regard vide et hagard, terrassé par la douleur. Tous sauf une.
Les yeux et les cheveux de Willow étaient devenus complètement noirs, et des veines d'un bleu sombre transparaissaient sur son visage haineux. Le plan du démon avait si bien marché que Willow s'était laissée envahir par la colère, laissant place à son côté négatif, à la magie noire. Elle fixait tour à tour ceux qui incarnaient pour elle les responsables absolus de sa souffrance. Faith et Andrew.
Elle éleva légèrement ses mains et deux boules de feu commencèrent à se former alors qu'une aura nébuleuse et lugubre entourait à présent son corps.

"Willow !" s'écria Giles, qui venait enfin de se rendre compte de la transformation de la sorcière.

Willow tendit la main en direction d'Andrew, pétrifié, tremblant de peur. Alors que la boule de feu allait atteindre le jeune homme, une ombre surgit devant lui pour s'interposer. Faith hurla, touchée de plein fouet par l'arme magique, et s'écroula sur le sol.
Willow se tourna vers elle, courroucée par cette intervention.

"Cela ne sert à rien, traînée ! Je le tuerai quand même..." lança-t-elle d'une voix sépulcrale.

"Willow, non !" dit Giles, "C'est le démon qui essaye de te retourner contre nous !"

La sorcière ignora l'Observateur et regarda Faith qui se relevait en grimaçant, le débardeur déchiré laissant apparaître la terrible brûlure que lui avait infligée la boule de feu sur le flanc.

"Willow, Giles a raison, le démon nous a affaiblis et t'utilise contre nous ! Tu dois..."

Faith n'eut pas le temps de terminer sa phrase qu'une autre boule de feu surgit de la main de Willow. La Tueuse parvint à l'éviter et se jeta sur Willow, lui assenant un coup de manche de la hache des Tueuses pour tenter de l'assommer. La sorcière sembla désorientée pendant quelques instants, puis reprit ses esprits et un sourire inquiétant se dessina sur son visage. Elle murmura quelques mots incompréhensibles et tendit la main vers la hache. L'arme se mit à luire de façon inquiétante et une sorte de brume en sortit, comme aspirée par la main de Willow.

"Merci, Faith... Tant de puissance dans cette arme magique... Je n'en demandais pas tant..." déclara Willow en se relevant.

La hache devint soudain brûlante dans les mains de Faith et elle dut la lâcher. Elle regarda Willow avec horreur, réalisant qu'elle venait d'offrir l'énergie de l'arme à la sorcière qui l'avait absorbée.
Willow sourit et éleva ses mains vers Faith et Giles qui furent brusquement projetés contre le mur et maintenus par une force magique.

"Vous ne croyiez quand même pas que cela suffirait ?"

Elle tourna la tête vers Andrew avec un sourire sadique qui le fit se liquéfier. Le jeune homme tremblait, mais était incapable de faire un geste. Il n'avait pas d'issue, pas de pouvoirs. Il n'était qu'un humain à la merci de la plus terrible des sorcières.

"Andrew... et si on s'amusait un peu ?" murmura Willow en s'approchant lentement.

"Willow, non !!!" s'écria Giles.

Sans même détourner la tête, Willow le fit taire en lui scellant les lèvres, comme elle l'avait fait avec Warren.

"Taisez-vous donc, Giles, vous n'avez jamais su que parler... avec cet infame accent de britannique coincé..."

Elle pointa son doigt sur le torse d'Andrew et sans même le toucher, une longue estafilade s'imprima dans sa chemise. Andrew hurla et bientôt le tissu s'imbiba de son sang.

*Oui... Tu es la plus forte... Et tu seras encore plus puissante avec moi...*

Bientôt la chemise ne fut plus que lambeaux sanguinolents et Andrew s'effondra à terre, se tordant de douleur.

"Je vais te laisser un peu goûter à la souffrance..."

Willow se dirigea vers Faith et Giles, toujours collés au mur. Elle ignora Giles et se concentra sur la Tueuse.

"Comme c'est bon de te voir impuissante... Tu es si pitoyable, Faith... Je me demande ce que Kennedy a pu te trouver..."

"Peut-être ce que tu n'as pas su lui donner..." lança Faith qui regretta aussitôt ses paroles.

Willow s'approcha de la Tueuse et remonta son débardeur, découvrant sa poitrine.

"Je peux peut-être t'arracher le coeur, il ne t'a jamais servi à rien, salope !" cracha la sorcière qui contenait mal sa fureur.

"Si tu avais écouté le tien, Kennedy n'aurait jamais couché avec moi !"

"Petite pute, comment oses-tu ?!!!"

D'un geste vif, Willow passa son doigt sur le ventre de Faith et elle hurla, traversée par une douleur épouvantable. Elle n'eut pas besoin de baisser ses yeux, elle savait ce que Willow venait de faire. Et du sang coulait à présent de son ancienne cicatrice.

"Buffy n'a jamais eu le courage d'en finir avec toi... Encore une que tu as subjugué avec ton cul ! Mais moi je termine toujours ce que j'ai commencé..." dit Willow tout en ramassant la hache des Tueuses sur le sol.

"Tu vois, je suis fair-play..." reprit-elle. "Je ne vais pas utiliser de magie... je veux voir couler ton sang... avec ce petit jouet que tu aimes tant... Tu sais, cette jolie hache, celle des Tueuses... c'est plutôt ironique d'ailleurs que tu meures par ce symbole d'un statut que tu as si longtemps rejeté..."

Willow leva la hache au-dessus d'elle et à ce moment fatidique où Faith pensait que la mort allait enfin la frapper, une voix familière envahit l'esprit de la sorcière.

Willow... c'est moi... Tara... ne fais pas ça, je t'en prie...

Willow fut tellement choquée que son geste meurtrier resta en suspens et que le sort fut rompu, laissant choir Faith et Giles sur le sol. Ils se rendaient compte que quelque chose se passait, mais ils ne pouvaient percevoir la voix de Tara.

"Ta... Tara ?!" s'écria Willow, qui laissa tomber la hache.

Ils ne sont pas responsables de ma mort, et les tuer ne me ferait pas revenir, tu le sais... Tu n'es pas ce que le démon pense que tu es... tu n'es pas le mal, Willow... Oublie ta haine...

"Tara ? Ce n'est pas possible ! C'est le démon !" déclara Willow dont les cheveux noirs commençaient à s'éclaircir.

Les trois autres se jetèrent des regards d'incompréhension, mais ne pouvaient qu'attendre la suite, impuissants et affaiblis.

Ce n'est pas le démon... et tu le sais au fond de toi... tu le sens... Ta douleur était si forte... et l'appel de la magie noire si puissante... que les Puissances d'En Haut t'ont entendue... et m'ont contactée...

Les cheveux à nouveau roux, mais les yeux toujours noirs, Willow avait totalement oublié ce qui se passait autour d'elle, et ce qu'elle faisait là, uniquement subjuguée par la voix de l'amour de sa vie revenue d'entre les morts. Elle savait intuitivement que ce n'était pas un nouveau tour du démon et plus rien n'avait d'importance que cette voix magique qui lui avait tant manqué.

Ecoute-moi, Willow, je n'ai pas beaucoup de temps... Le démon n'avait pas prévu que vous vous entre-tuiez... Il veut faire de vous ses alliés en vous poussant jusque dans vos retranchements... pour vous faire passer définitivement du côté du mal... Il vous a manipulés... tous... Mais vous pouvez le vaincre... Je te dirai comment... Mais d'abord tu dois ouvrir ton esprit aux autres...

Des larmes coulaient le long des joues de la sorcière qui se laissait enfin totalement aller, guidée par la voix apaisante de Tara.

*Rejoins-moi Willow... N'oublie pas que Tara est morte pour rien... à cause de Buffy... c'est elle qui aurait dû mourir...*

Imperméable à toute autre pensée que celles instillées par Tara, Willow ne prêta pas attention aux tentatives désespérées du démon pour la faire basculer. Accrochée à l'image de la sorcière blonde, Willow ouvrit son esprit.

*Détruisez-la ! Elle a perdu ses pouvoirs !*

Mais il était trop tard. En libérant son esprit, Willow s'était connectée à ceux de ses amis, les rendant sourds aux appels du démon. Chacun put alors lire dans l'esprit de l'autre, non seulement Faith, Andrew et Giles, mais aussi ceux qui étaient restés à la surface.
C'est ainsi qu'Alex vit Andrew et Anya se battre désespérément contre les Arbringers et son amie succomber bravement, pourfendue par une lame.

Andrew n'est pour rien à la mort d'Anya... Et elle t'a aimé jusqu'au bout Alex...

C'est ainsi que Giles perçut toute l'affection, le respect et la reconnaissance que lui portaient Buffy, Willow, Alex et même Faith.

Ils ont besoin de vous Giles... Ils ont toujours eu besoin de vous...

C'est ainsi qu'Alex et Buffy comprirent la raison du passage de Giles dans l'antre du démon en lisant les meurtres de Randall et de Ben dans l'esprit de l'Observateur.
Il pensait qu'il n'avait pas le choix, Buffy... Il l'a fait pour que tu ne tues pas un humain ...

C'est ainsi que Buffy apprit la vérité concernant Faith et Kennedy. Et alors qu'elle était submergée par la colère et la déception, elle entendit elle aussi la voix de Tara.

Regarde plus loin, Buffy... Beaucoup plus loin... à votre première rencontre... Elle t'a toujours aimée... Mais tu n'as pas voulu le voir... ni l'accepter... Elle t'aime toujours... Et tu sais que tu l'aimes aussi...

C'est ainsi que Kennedy vit l'amour immense et indéfectible que Willow portait toujours à Tara, et une vague de désespoir s'empara d'elle.

Willow m'aimera toujours... mais elle t'aime aussi... véritablement... Et elle ne demande qu'à s'abandonner avec toi... et vivre enfin dans le présent...

Dans le repaire du démon, une aura blanche immaculée entourait Willow, un sourire de béatitude inscrit sur son visage.

Willow... les Puissances m'appellent... Je dois vous laisser... Je veux que tu sois heureuse... Je serai toujours dans ton cœur, mais tu dois vivre dans le présent... Avec Kennedy... Elle saura te protéger contre la magie noire... Elle t'aime, Willow... Ouvre ton cœur...

Willow, dont les cheveux s'étaient teintés de blanc, ressentait à présent une puissance bénéfique incommensurable. Elle prononça quelques mots et les blessures de Faith et d'Andrew se refermèrent soudain. Elle tendit ensuite la main vers Faith qui comprit de manière intuitive et la prit. Giles et Andrew se rapprochèrent et fermèrent le cercle. Main dans la main, ils fermèrent les yeux et Willow commença des incantations sibyllines, guidée par les paroles de Tara qu'elle seule pouvait entendre. La voix de Willow pénétra leurs esprits connectés.

Concentrez-vous sur un souvenir positif...

Giles évoqua le visage de Jenny Calendar quand il l'avait retrouvée à ses côtés un matin et qu'il s'était senti heureux pour la première fois de sa vie... Andrew se rappela les moments insouciants du lycée avec Jonathan et Warren quand il avait enfin eu l'impression d'être accepté et reconnu, et Faith revit le regard de Buffy quand elles avaient fait l'amour, un regard empreint de désir mais aussi de communion, de respect et d'amour. Willow, elle, regardait fixement le sourire de Tara et quand l'image mentale disparut enfin, un flot de lumière aveuglante jaillit du centre de leur cercle, enveloppant la pièce et crevant le plafond. Un cri assourdissant rempli de douleur et de haine et semblant venir du tréfonds de leur être se propagea dans leur tête et les fit presque défaillir. Mais ils tinrent bon. Et soudain, tout ne fut plus que silence. A l'extérieur mais aussi dans leurs esprits éreintés. La lumière avait disparu et ils surent que tout était fini quand ils virent que Willow avait retrouvé ses cheveux roux.
Ils se sourirent faiblement et rompirent le cercle. Alors ils remontèrent à la surface où les attendaient leurs compagnons. Ils s'étreignirent les uns les autres comme pour retrouver la consistance de la réalité, puis restèrent un long moment à se regarder en silence, leurs yeux baignés de larmes, éprouvant le soulagement et l'intensité du moment présent. Ils n'avaient pas encore la force d'affronter la vision de leur avenir. Un avenir à construire, un avenir incertain où certaines questions devraient encore être résolues. D'autres questions. D'autres pensées délétères. Un autre temps.


FIN

Ah donc une nouvelle bientôt?