Lia_Rochs
Maîtresse-Elémentaliste
Inscrit le : 19 Mai 2003
Messages : 5010
Points : 15
Localisation : Dans la Navette d'Inara
Séries favorites : Whedonverse ; VM; Nip/tuck ; Scrubs ; SFU ; Heroes
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J’ai trouvé ce texte sur un site il y a quelques mois. C’était le transcript en Anglais d’un article présenté lors d’une conférence académique sur :“Le Sang, l’écriture et la Peur : Explorer le monde de“Buffy the Vampire Slayer”. L’auteur est Stephanie Zacharek, journaliste, et elle l’a écrit en Nov. 2002. J’ai tenté de vous le traduire pour vous en faire profiter.
je sais que ce n'est pas vraiment thème à débat ... mais bon, c'est intéressant, je trouve.
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je sais que ce n'est pas vraiment thème à débat ... mais bon, c'est intéressant, je trouve.
Citation :
Ce fut peut être la plus incroyable phrase post-Coïtal jamais entendue: “Quand l’immeuble s’est-il effondré?”
C’est ce qu’a dit Buffy à Spike, le matin après leur “rendez-vous” spontané et passioné, alors qu’ils étaient allongés enlacés dans les bras l’un de l’autre, au milieu d’un immeuble littéralement effondré autour d’eux. Il y a des bouts de plâtre cassés partout et un trou énorme au plafond. A un moment de leur “festivité” de la nuit précédente, ils sont effectivement tombés à travers.
Vous pouvez voir également Buffy rassembler ses souvenirs, comme une étudiante après une soirée arrosée, comment tout ça s’est passé : la nuit précédente, pendant un affrontement particulièrement violent avec Spike , un vampire qui est devenu bon malgré lui (merci à la puce implantée dans son cerveau qui l’empêche de blesser les humains), d’un coup violent, elle fut projetée contre un mur. Buffy - une tueuse de Vampire dont Spike était l’ennemi mortel , et qui vient juste de revenir d’entre les morts pas aussi humaine qu’elle ne l’était auparavant – se défendit en délivrant un coup violent sur le menton du pauvre gars.
Bon, arrêtons de tourner autour du pot, et voyons cela de plus loin
Peut être que cela devait arriver. En tout cas, Buffy et Spike ont brisé les barrages qui les éloignaient l’un de l’autre et ils couchèrent ensemble.
Aucune série télé n’était allée aussi directement et sans détour dans l’exploration de la complexité du désir sexuel, en incluant même les plus sombres, les plus profondes peurs de notre conscience, que BtVS ne l’a fait. BtVS n’est pas spécialement explicite au sujet du sexe; ce qui est remarquable justement par rapport à ça c’est qu’il traite du problème des rapports érotiques d’une façon franche et profonde mais au niveau émotionnel. Si vous croyez ce que les médias vous racontent, ce qui est toujours une mauvaise idée, les films contemporains, les séries télés et les pubs sont pleines de sexe. Mais la réalité est autre, bien qu’il y est un certain amoncellement de personnes hypocritement à demi-nues dans la plupart des films ou séries télé, il y a véritablement très peu de façon originale, audacieuse, ou même “vraie” de montrer le “sexe”.
Mais avec “BtVS”, Joss Whedon, le créateur, le producteur et l’un des scénaristes de la série, a su sonder dans l’un des plus déroutant, l’un des plus profondément érotique, aspect du désir sexuel. Dans “Sexual Personae”, Camille Paglia a écrit qu’avec la “Reine des fée” Edmund Spense était le premier à “sentir l’identité du sexe et du pouvoir, la pénétration de l’érotisme par la violence”. Elle a aussi écrit une phrase qui décrit de façon parfaite et pertinente le tête-à-tête entre Buffy et Spike: “Le type masculin se précipite vers le type féminin dans un cycle éternel de poursuite et d’envolées”
Quand Paglia qualifie ce cycle d’”éternel”, elle est loin d’exagérer. Nous l’avons vu à travers le temps : dans la mythologie greque, Zeus tombe follement amoureux d’Europe et se déguise en taureau pour pouvoir l’approcher et la séduire. Le thème apparait également dans la peinture, la musique et la poésie: Même si les types de séduction auquels nous aimons penser sont souvent d’un romantisme rougissant, ils ont tous un fond vaguement “violent”. Prenez la citation célèbre d’Andrew Marvell’s “To his Coy Mistress”, par exemple: “La tombe est un endroit délicat et intime/ Mais aucun, je pense, n’en fait son épousée.” L’interprétation la plus stricte de cette phrase est exactement dans la même logique appliquée par les adolescents à travers l’histoire : “Nous pouvons mourir demain que l’on ait couché ensemble ou pas, alors pourquoi pas se laisser aller et le faire tout de suite ?”
Mais ces exemples suggèrent qu’il n’y a que les hommes qui sont sexuellement agressifs, alors qu’en fait, nous savons que c’est loin de la vérité. Il se trouve que Joss Whedon n’a pas eu le moins scrupule à explorer les sombres connections entre agression et sexualité. La vision de Buffy et Spike se rouant de coups est en partie métaphorique – pensez y comme une transposition beaucoup plus physique et brutale de l’échange verbal entre Cary Grant et Katharine Hepburn dans “Bringing up Baby”, ou celui de Barbara Stanwyck et Henry Fonda dans “The Lady Eve”.
Malgré tout, il est trop sauvage, trop cru pour être considéré uniquement et sainement de façon métaphorique. Paglia a fait beaucoup de mécontent losqu’elle a écrit dans “Sexual Personae” que les rapports sexuels sont une expression du désir de pouvoir, une représentation (enfin, parfois) de l’éveil de l’agression naturelle. “Beaucoup de gens se sentent plus à l’aise avec le sexe quand toutes les choses qui sont potentiellement effrayantes ont été apprivoisées.”
Mais avec Buffy et Spike, Whedon travaille avec des personnages qui sont sur le même pied d’égalité au niveau de la force physique. Spike, malade d’amour pour Buffy, se précipite vers elle; elle se lance littéralement sur lui, juste pour le rejoindre rageusement, passionnément un court instant plus tard. Buffy donne autant qu’elle reçoit…. Non, c’est faux…entre elle et Spike, je mise mon argent sur elle, si ils se retrouvent dans un ring un jour. Dans cette dynamique, il n’y a plus rien qui ressemble au “sexe faible”. Ils sont tous les deux en proie à leurs propres désirs.
C’est assez choquant mais pas si surprenant que ça lorsqu'après avoir presque assommé Spike, Buffy se met soudainement à l’embrasser avidement (notez que c’est elle qui a fait le premier pas) Et la façon dont elle le projette contre le mur et grimpe sur lui est d’une sensualité énorme, sans s’embêter à perdre du temps dans les tergiversations des préliminaires. Pour paraphraser Paglia, maintenant le type féminin se précipite sur le type masculin dans un cycle éternel de poursuite et d’envolées.
C’est tout à fait le genre de retournement qui ravit Whedon. Il n’est pas intéressé par le renforcement des rôles que les hommes et les femmes sont censés jouer ; il est intéressé par le bouleversement des règles établies. En effet, au lieu de dresser les différences entre les humains et les vampires, très régulièrement, la série fait ressortir le point où les désirs primaires des humains et des vampires se rejoignent.
Par exemple, considérons quelques saisons auparavant, la jeune adolescente Buffy, à l’époque où elle attendait le bon moment pour coucher avec son petit ami vampire-avec-une-âme Angel. Comme la plupart des filles de son âge – soit 16 ans à ce moment là – elle ne veut rien de plus qu’avoir une relation saine, tendre et romantique avec lui. Et Angel, un croisement pas ordinaire entre un héros masculin ténébreux traditionnel et un homme contemporain instruit, veut exactement la même chose. L’obstacle tragique à ce bonheur fut une ancienne malédiction gitane qui le transforma en monstre précisément au moment où Buffy lui donna le plus grand plaisir de sa vie ( et devenant elle-même une femme)
Whedon retranscrit de façon très violente ce que pense toutes les jeunes filles qui craignent ce qui va arriver lorsqu’elles coucheront avec leur petit ami – cette même peur que les Shirelles chantent dans la chanson « Will you love me tomorrow ? ». Une fois qu’elle aura couché avec son petit ami, il ne voudra plus jamais d’elle et sera changé en une autre personne, le matin. Et c’est exactement ce qui s’est produit pour Buffy et Angel.
Bien entendu, il est clair que la sympathie de Whedon va totalement vers Buffy. En fait, il est toujours plus à l’écoute des pensées et des sentiments de ses personnages féminins. A la fin de la saison 6, Whedon et ses scénaristes ont créé un certain scandale dans la communauté des gay et lesbiennes, qui se sont sentis trahis par la mort de Tara, l’amante de Willow.
Mais je pense que le sens réel de ce qui nous est montré est que Whedon a su recréer les mêmes tragédies retrouvées à travers les exemples classiques: des Grecs anciens, en passant par Shakespeare et d’autres encore. Les personnages qu’il aime (et que nous aimons) le plus sont aussi ceux qui souffrent le plus. Je ne pense pas que cela soit une coïncidence que la plus grande partie de ses personnages soient des femmes. Depuis le début de la série, Whedon a réservé les plus complexes, les plus riches des caractères aux personnages féminins. Aucune n’échappe à la souffrance dans le Whedonverse, mais c’est ce qui fait que nous nous identifions le plus avec ces femmes: des personnages les moins importants comme Joyce Summers, la mère de buffy (qui était toujours présente et à l’écoute et don’t la mort a causé un chagrin inimaginable) aussi bien que, bien sûr, les deux femmes qui dynamisent la série plus que tout autre : Buffy et sa meilleure amie, Willow.
Whedon nous a montré une compassion sans limite pour Buffy lorsqu’elle a perdu Angel. Il nous a montré tout autant de compassion pour Willow, mais il est évident que Willow est très différente de Buffy, et c’est pourquoi elle arborera beaucoup plus la rage et la frustration que tout ce qu’elle aurait pu imaginer. Willow a vu Tara, la personne qu’elle aimait le plus au monde, se prendre une balle tirée par le naze mais terriblement mauvais Warren. La balle a aussi atteint Buffy. Buffy a survécu mais Tara est morte dans les bras de Willow, réveillant une incroyable douleur en elle qui ne pouvait être contenue : ce sentiment ne pouvait réveiller autre chose qu’une rage immense. A travers les années, Willow était devenue une praticienne de magie puissante, mais elle avait arrêté la magie après avoir compris qu’elle était entraînée dans une dangereuse dépendance. Avec la mort de Tara, la magie devint son unique alliée, sa douleur était tellement grande qu’elle ne pouvait même plus supporter la compagnie des humains.
La tirade de Willow commence avec la prière au grand Osiris pour faire revenir Tara à la vie (une prière qui est refusée) et se termine avec rien de moins que l’orchestration de la fin du monde (qui est avorté mais de justesse). Entre temps, elle vengera de la mort de Tara en torturant et dépeçant son meurtrier, mais pas avant d’avoir invoqué pour le provoquer, la femme qu’il avait presque violée puis tuée un peu plus tôt. Et dans son plus grand courroux, elle a pratiquement détruit chacun de ses anciens amis.
Ce qui est déchirant dans le comportement de Willow – et Whedon le sait mieux que n’importe qui d’autre – c’est qu’il va à l’encontre de tout ce contre quoi Tara combattait. Elle était l’une des plus douces, l’une des sensibles des personnages de la série. Quand Buffy confie à Tara, honteuse, qu’elle s’est impliquée dans une relation obsessionnelle basée sur le sexe avec Spike, la réaction de Tara est compatissante mais de façon tonifiante. On pourrait ajouter que de tous les personnages de BtVS, Tara était la seule qui soutenait le plus clairement le droit des gens à vivre leur vie, d’aimer ce qu’ils veulent sans donner d’explication, et de faire leur propres erreurs s’ils le devaient.
En tant que spectateur, nous ne pouvions pas ne pas aimer tara, c’est la raison pour laquelle cela blessait autant de la perdre. Mais il est clair que c’était là le but de Whedon: le plus grand des amours implique toujours les plus grands risques. Whedon n’a pas peur de traiter les chagrins et les désillusions de l’amour. Les meilleurs des épisodes de “BtVS” ont toujours été ceux qui étaient empreints de mélancholie. Des quatres émotions, c’est celle que Whedon trouve la plus intéressante et la plus notable, et c’est cela qui a donné à la série autant de goût et de profondeur pendant toutes ces années.
BtVS a toujours trempé dans un luxueux romantisme exagérément sexualisé ce qui n’est pas toujours très “joli”, mais Whedon et son équipe de scénariste n’ont jamais eu peur d’affonter les désordres et parfois les dangers du sexe. Même si la série révèle aussi des démonstrations d’une beauté sensuelle à travers un paganisme sans retenue (pensez à la scène dans Once more with feeling, dans laquelle Willow et Tara tournent la lévitation à une métaphore sur la douceur du cunilingus) Nous pouvons croire que lorsqu’arrive la question de la sexualité nous sommes assez “moderne” et instruit pour y faire face, toutefois, en explorant la question du sexe qui est aussi ancienne que l’humanité elle-même, “Buffy the vampire slayer” nous rappelle que nous ne pouvons pas apprivoiser ou dompter nos désirs sexuels aussi facilement que nous le croyons. Le coeur de chaque humain (et sa libido) trouve sa propre direction, et cela va de même pour les vampires.
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