Baltar
Diplômé
Inscrit le : 15 Oct 2006
Messages : 299
Localisation : Sans PLanète Fixe, entre New york et Tokyo
Séries favorites : Confidence
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Bonjour,
Généralement j'écris en poésie mais m'étant essayé parfois à la prose, aux nouvelles, voici un extrait ... pour essayer ...
Un train pour Bruxelles
5 heures 30. Le réveil sonne. Imperceptiblement, l'esprit se réveille. Une main l'éteint. Imperceptiblement, l'esprit se rendort. Presque 7 heures. Encore un retard. Tous les mardis sont l'occasion d'un retard. Le regard fermé vérifie que les volets sont clos. Un corps traverse le vide du salon et se dirige, nu, émietté de rêves, vers les toilettes. Est-ce la cuvette qui est trop froide ou les cuisses encore trop chaudes? Repos du corps qui se partage entre une nouvelle journée et un passé refoulé aux égouts. Sensation de sortir d'une nuit rajeuni. Puis, se relevant, se nettoyant par des gestes coutumiers, sensation de l'inévitable train-train quotidien. Sentiment de vieillir face à la glace dont le cadre en bois souligne parfaitement les rides plus profondes de nuit en nuit. Le jour ne s'est peut-être pas encore levé. Le corps n'est pas lavé. Il se lave. Le corps n'est pas habillé. Il s'habille. Le sac n'est pas prêt. Il s'apprête. L'appartement s'évide lorsque je le quitte. Dans l'ascenseur je me trouve beau car je ne suis plus moi. 7 heures 40. Je pars pour Bruxelles. La valisette noire achetée récemment donne un certain genre. Le genre des gens qui réussissent.
Au sortir du métro, la Gare du Nord m'accueille dans son brouhaha. Je me sens fourmi parmi les fourmis. Des odeurs laissent des traînées plaisantes, répugnantes, lourdes ou légères. Les discours de politesse rivalisent de fausses originalités. Les yeux se posent au gré des mouvements des corps, attirés reptilement par le désir de vivre, de survivre. J'accroche du regard une femme, brune que je verrai bien dans mon lit le soir-même. Elle semble si innocente et si pure, malgré la cigarette meurtrière qu'elle tend de coté pour y brûler mon coeur. Un vieil homme regarde ses fesses. Je ne peux m'empêcher de m'identifier à son air débonnaire, à sa brioche emplie de vice. Heureusement des enfants se chamaillent à ses cotés, au sujet du Père Noël. Ils parviennent, ces garnements, à me décrocher un sourire. Ces mouvements, ces cris, cette impatience, cette lie qui se lie et se délie, gonflent mon coeur. La foule communie. La foule se prosterne au bas du grand panneau noir officiant les départs des trains. La fourmilière vit au rythme des minutes. Je balaie rapidemment ces horaires bienveillants. Mon premier effort de compréhension s'articule sur une envie de café. Une odeur parmi les odeurs. Une odeur essentielle. Le grand panneau noir m'autorise 20 minutes. Je le remercie. Il est si bon de me laisser le temps de prendre mon café.
Depuis deux mois que je pratique cette orgie ferroviaire, j'ai acquis certaines habitudes. Dans les gares, des brasseries proposent des cafés très bons, d'autres des moins bons.
- Café croissant, dis-je au serveur d'un air pâteux.
C'est un self. Prenant mon café et mon croissant à deux mains, la touillette et le sucre de la troisième main, poussant la valisette noire de mes trois jambes, je parviens à une petite table ronde. Le café est un agréable compagnon. Un ami éternel, toujours disponible. Apprécié pour ses nuances, il l'est aussi pour ses effets imprévisibles et réconfortants dont il nous fait offrande, sans retour. Les autres amis restent rarement près de vous tout le temps. A une longue séparation succède parfois un retour inopiné. Comme cet homme qui me fixe depuis cette autre table ronde. Sourire figé. Nous nous connaissons.
[a suivre]
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Généralement j'écris en poésie mais m'étant essayé parfois à la prose, aux nouvelles, voici un extrait ... pour essayer ...
Un train pour Bruxelles
5 heures 30. Le réveil sonne. Imperceptiblement, l'esprit se réveille. Une main l'éteint. Imperceptiblement, l'esprit se rendort. Presque 7 heures. Encore un retard. Tous les mardis sont l'occasion d'un retard. Le regard fermé vérifie que les volets sont clos. Un corps traverse le vide du salon et se dirige, nu, émietté de rêves, vers les toilettes. Est-ce la cuvette qui est trop froide ou les cuisses encore trop chaudes? Repos du corps qui se partage entre une nouvelle journée et un passé refoulé aux égouts. Sensation de sortir d'une nuit rajeuni. Puis, se relevant, se nettoyant par des gestes coutumiers, sensation de l'inévitable train-train quotidien. Sentiment de vieillir face à la glace dont le cadre en bois souligne parfaitement les rides plus profondes de nuit en nuit. Le jour ne s'est peut-être pas encore levé. Le corps n'est pas lavé. Il se lave. Le corps n'est pas habillé. Il s'habille. Le sac n'est pas prêt. Il s'apprête. L'appartement s'évide lorsque je le quitte. Dans l'ascenseur je me trouve beau car je ne suis plus moi. 7 heures 40. Je pars pour Bruxelles. La valisette noire achetée récemment donne un certain genre. Le genre des gens qui réussissent.
Au sortir du métro, la Gare du Nord m'accueille dans son brouhaha. Je me sens fourmi parmi les fourmis. Des odeurs laissent des traînées plaisantes, répugnantes, lourdes ou légères. Les discours de politesse rivalisent de fausses originalités. Les yeux se posent au gré des mouvements des corps, attirés reptilement par le désir de vivre, de survivre. J'accroche du regard une femme, brune que je verrai bien dans mon lit le soir-même. Elle semble si innocente et si pure, malgré la cigarette meurtrière qu'elle tend de coté pour y brûler mon coeur. Un vieil homme regarde ses fesses. Je ne peux m'empêcher de m'identifier à son air débonnaire, à sa brioche emplie de vice. Heureusement des enfants se chamaillent à ses cotés, au sujet du Père Noël. Ils parviennent, ces garnements, à me décrocher un sourire. Ces mouvements, ces cris, cette impatience, cette lie qui se lie et se délie, gonflent mon coeur. La foule communie. La foule se prosterne au bas du grand panneau noir officiant les départs des trains. La fourmilière vit au rythme des minutes. Je balaie rapidemment ces horaires bienveillants. Mon premier effort de compréhension s'articule sur une envie de café. Une odeur parmi les odeurs. Une odeur essentielle. Le grand panneau noir m'autorise 20 minutes. Je le remercie. Il est si bon de me laisser le temps de prendre mon café.
Depuis deux mois que je pratique cette orgie ferroviaire, j'ai acquis certaines habitudes. Dans les gares, des brasseries proposent des cafés très bons, d'autres des moins bons.
- Café croissant, dis-je au serveur d'un air pâteux.
C'est un self. Prenant mon café et mon croissant à deux mains, la touillette et le sucre de la troisième main, poussant la valisette noire de mes trois jambes, je parviens à une petite table ronde. Le café est un agréable compagnon. Un ami éternel, toujours disponible. Apprécié pour ses nuances, il l'est aussi pour ses effets imprévisibles et réconfortants dont il nous fait offrande, sans retour. Les autres amis restent rarement près de vous tout le temps. A une longue séparation succède parfois un retour inopiné. Comme cet homme qui me fixe depuis cette autre table ronde. Sourire figé. Nous nous connaissons.
[a suivre]
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