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L'affaire Dutroux - Le procès du monstre

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Samael 
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MessagePosté le : 01 Mar 2004 10:03
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Un peu de serieux, le monde dans lequel nous vivons n'est pas très beau, la preuve avec Marc Dutroux, ce monstre qui à enlevé, violé et tué des enfants et de jeunes filles, arreté il y a 8 ans, voit son procès (le sien et celui de ses présumés complices) commencé ce lundi premier mars, plus de 1000 journalistes du monde entier sont présent dans la petite ville d'Arlon, province du Luxembourg, Belgique.

Aujourd'hui je vous invite à lire les dossiers paru dans le journal Belge: LE SOIR.

Je sais que ce topic est assez long à lire, mais je pense qu'il est important de savoir qui sont Marc Dutroux et ses complices ainsi que ce qu'il leur sont reprochés afin qu'un telle histoire ne tombe pas dans l'oublis.

Pour rappel, je proviens de Bertrix, la ou a eu lieu l'enlevement de la dernière victime de Dutroux et comme beaucoup d'autre Bertrigeois, j'ai participer à la recherche de Laeticia (mise d'affiche dans toute la région, fouille des étendue de bois,...)



Citation :
Ces semaines qui ébranlèrent la Belgique

Ce 1er mars, Dutroux, Martin, Lelièvre et Nihoul comparaîtront aux assises. Le Soir décortique le dossier et ses conséquences sur notre société.

Le procès de Marc Dutroux, Michelle Martin, Michel Lelièvre et Michel Nihoul approche. La fièvre monte dans les médias. Il ne se passe plus guère de jour sans qu’une « révélation », vraie ou supposée, sans qu’un aspect, anecdotique ou signifiant, du dossier ne soit publié dans la presse.
Tant mieux : l’affaire sera ainsi plus présente à l’esprit des Belges au moment du procès. Tant pis : le lecteur/auditeur/téléspectateur se noie dans un tourbillon de nouvelles hétérogènes dont il ne parvient plus à trouver le fil rouge.
« Le Soir » veut aider ses lecteurs à ne pas être submergés. La perche qu’il leur tend, c’est le dossier. Les faits. Rien que les faits. Les actes de Dutroux et consorts. Pour en revenir à l’essentiel : la mort et les souffrances de Julie Lejeune, Melissa Russo, An Marchal et Eefje Lambrecks ; la captivité et les souffrances de Sabine Dardenne et de Lætitia Delhez.
Le cœur du procès, ce sont ces enfants, ces jeunes filles, les sévices qu’elles ont subis, les tortures qui leur furent infligées, physiques et morales, la mort qui s’ensuivit pour quatre d’entre elles, la douleur et la perpétuité du souvenir pour les deux autres.
Ce que nous allons vous livrer pendant 30 jours est souvent brutal, parfois même à la limite du supportable. Nous n’avons pas voulu édulcorer les faits. L’affaire Dutroux, c’est ça, c’est cette réalité-là, dont il ne faut pas se détourner. Ni par décence, ni même par respect. Car le seul respect dû aux victimes, c’est de dire de quoi elles ont été victimes. Et de révéler de quelles aberrations humaines sont capables leurs tortionnaires. Sans complaisance. Mais également sans curiosité malsaine, sans voyeurisme ni exhibitionnisme.
Sans cet exercice de confrontation à la réalité, l’affaire Dutroux perd de sa vérité, perd de son sens. Elle redevient un banal fait divers. Julie, Melissa, An, Eefje, Sabine, Lætitia n’ont pas été victimes d’un banal fait divers. L’affaire Dutroux n’est pas une affaire triviale. Réduire le procès qui va commencer devant la cour d’assises d’Arlon à un procès ordinaire, comme il s’en déroule des dizaines chaque année dans les cours d’assises du pays, serait plus qu’une erreur : une faute. Les 30 pages que nous allons consacrer à la réalité du dossier ne servent qu’à cela : empêcher l’affaire de se banaliser, empêcher le lecteur d’oublier des événements qui hélas ! s’embrouillent déjà dans la mémoire, empêcher la justice de faire de ce procès un procès comme les autres, empêcher de croire que tout est clair, qu’il n’y a plus de questions.
Des questions, le dossier en est encore rempli, vous le lirez ci-dessous. La principale : Dutroux a-t-il agi pour lui-même ou pour le compte d’un réseau ?
Nous ne possédons pas la réponse à cette question, qui se pose depuis l’arrestation de Dutroux, le 13 août 1996. Croyons-nous au réseau ? N’y croyons-nous pas ? L’attitude du « Soir » a toujours été de ne pas s’enfermer dans une posture. Jusqu’ici, aucune démonstration évidente de l’existence d’un réseau de pédophiles alimenté par Dutroux n’a été faite. Et nous ne croyons pas que les questions restées sans réponse en reçoivent une automatique avec l’existence d’un réseau. Ce qui ne nous empêche nullement de rester ouverts : le procès nous fournira peut-être – en tout cas nous l’espérons – les éléments dont nous manquons aujourd’hui pour se forger des certitudes.
L’affaire Dutroux nous a tous profondément changés. Tous les Belges se souviennent avec émotion de ces événements, de ces images, de leur joie d’avoir retrouvé Sabine et Lætitia, de leur désarroi devant les cadavres de Julie, Melissa, An, Eefje, de leur incompréhension, de leur chagrin aux funérailles des Liégeoises d’abord, des Flamandes ensuite, de leur peur de retrouver d’autres corps, de leur stupéfaction devant le constat que Marc Dutroux bénéficia d’un sentiment d’impunité en raison du laisser-faire, conscient ou non, que lui accorda le fonctionnement de la justice et de la police, de leur étonnement devant cette tranquille révolution blanche, de leur fascination pour les débats de cette commission d’enquête parlementaire, de leur anxiété à voir le régime belge au bord du précipice.
La Belgique était complètement déboussolée. La suite incessante des arrestations. Des policiers en taule. Les aberrations incompréhensibles des services de police. L’opération Othello, Decime. La retransmission des travaux de la commission d’enquête parlementaire en direct à la télévision. Les mensonges des uns et des autres. Les menaces de Marc Verwilghen. L’arrêt spaghetti. Les arrêts de travail à Volvo Gand et ailleurs. Les manifestations spontanées. Les pompiers arrosant de mousse les façades des palais de justice. Les témoignages ahurissants des X. Régina Louf et ses révélations. Les fouilles interminables à Sars-la-Buissière, Jumet, le charbonnage Saint-Louis à Jumet encore, dans les étangs Caluwart, même à Ixelles. Abrasax
On aurait pu croire que tout était gangrené, jusque dans les plus hautes sphères de l’Etat. Que la Belgique allait basculer. Que ce n’était plus qu’une question de semaines, de jours.
Et puis la tempête se calma. Le feu n’avait plus d’aliment à manger. On ne retrouva rien dans le charbonnage, dans les étangs, dans le jardin d’Ixelles. Abrasax, c’était de la frime. Et les témoignages X semblaient ne pas tenir la route devant la réalité des faits.
La Belgique s’apaisa. Mais une lame de fond l’avait bousculée en profondeur. La Belgique muta.
Cette effervescence anxieuse et ces transformations, « Le Soir » veut aussi les ramener à la mémoire des lecteurs. Après un voyage dans les 440.000 pages du dossier de l’affaire, nous allons décortiquer ses conséquences, son impact sur la société belge, les transformations que la Belgique a connues. L’affaire Dutroux a en quelque sorte tué la vieille Belgique, la vieille politique, la vieille police, la vieille justice. Elle a profondément marqué les rapports aux enfants. Elle a accru l’intérêt porté aux victimes. Elle a fait émerger un mouvement citoyen, qu’il s’appelle blanc ou pas, dans un pays où les citoyens n’étaient que des électeurs.
Ces pages nous mèneront jusqu’au procès. Et nous serons alors tous mieux à même d’en estimer les tenants et les aboutissants.


Bertrix, 12 août 1996, Dutroux devient une affaire

L'enlèvement de Lætitia, à Bertrix, entraîne la chute de Dutroux, qui se croyait invincible. L'opiniâtreté des gendarmes ardennais et du procureur Bourlet permet de sortir son nom des fichiers de police. Le Carolo tente par tous les moyens d'échapper aux enquêteurs.

LES FAITS (1/30)
En ce début du mois d'août 1996, Bertrix l'ardennaise jouit paisiblement, comme chaque année, des touristes qui sillonnent la région. Il y a les Hollandais des campings, les trois camps scouts installés à proximité, les cyclotouristes, les hôtels et les gîtes qui ont fait le plein. Le ronron estival est troublé dans la nuit du 9 au 10 lorsque la maman de Lætitia Delhez et sa grande sœur Sophie déboulent à la gendarmerie. Elles sont inquiètes. Elles viennent de faire, en vain, le tour de la ville : Lætitia n'est pas rentrée.
La jeune fille, âgée de 15 ans avait, de 10 h 15 à 14 h 15, aidé sa maman à nettoyer les salles de classe de l'institut Notre-Dame où c'était jour de grand nettoyage. Elle avait ensuite enfourché le porte-bagages du scooter de sa mère pour l'accompagner à Recogne. Au magasin Brantano, d'abord, pour y montrer cette paire de chaussures qui plairait tant à sa grande sœur. Au magasin Aldi ensuite, pour y faire quelques courses. Le soir, sa maman aurait bien voulu l'emmener au cinéma. Mais je n'avais pas trop de sous, de plus j'étais fatiguée, précise-t-elle à la gendarmerie.
A 19 h 30, Lætitia et sa sœur quittent le domicile maternel pour rallier la piscine de Bertrix. Sophie doit y retrouver son petit ami. Lætitia y rencontre des copines, Gaelle et Lindsay. Elle s'amuse avec elles dans la plaine de jeux jouxtant le complexe sportif. Elle rallie ensuite les gradins d'où elle regarde ses amies s'ébattre dans l'eau. Vers 20 h 45, Lætitia veut rentrer. Sa copine Lindsay raconte : Lætitia a sifflé après moi et m'a dit : « Je retourne chez moi » et elle est partie seule.
A l'extérieur de la piscine, Marc Dutroux et Michel Lelièvre sont prêts à passer à l'action. Ils se croient invincibles.
Au petit matin du samedi 10, le branle-bas de combat est sonné dans la région. Michel Bourlet, le procureur du Roi de Neufchâteau, prend les choses en main. Le juge d'instruction de garde, Jean-Marc Connerotte est avisé. Les brigades de gendarmerie de Marche-en-Famenne, de Bouillon, de Bertrix, les polices locales sont mobilisées. L'association Marc et Corine est alertée. Des battues sont annoncées.
Ce jour-là, tout le monde a en tête les disparitions de Julie et Melissa et celle de Sabine Dardenne, enlevées bien loin de la petite cité ardennaise. Mais, la veille même de l'enlèvement de Lætitia, hasard prémonitoire du calendrier, la piste de Sabine s'était imposée à Bertrix. Le 8 août, la brigade de gendarmerie locale procède à une enquête de voisinage dans la rue d'Orgéo. Elle montre aux habitants des photos de Sabine. Trois semaines plus tôt, un Bertrigeois en vacances à la Panne avait en effet signalé à la police locale qu'il avait reconnu dans une photo de Sabine diffusée le 25 juillet à la télévision l'enfant accompagnée d'un homme de 40 ans circulant le 23 juillet près du pont d'Orgéo. Les recherches, vaines, menées à Bertrix ce jour-là ne seront qu'une répétition de ce qui se lancera deux jours plus tard.
Des témoins, souvent de bonne foi, se manifestent. L'un a entendu des cris d'enfants. C'était un couple qui se disputait. D'autres, venus spécialement de Mons pour assister aux battues, affirment avoir vu Lætitia en compagnie d'un homme de 30-35 ans vêtu d'un anorak bleu à la sortie du village d'Assenois. Un radiesthésiste soutient que l'adolescente se trouve dans une maison abandonnée située à Bertrix à l'angle de la rue des Frênes et de la rue de Bohémont. La fouille des lieux ne débouche sur aucun résultat.
Les gendarmes de Bouillon se concentrent sur les amis de Lætitia. Travail de police classique : ces témoins des derniers instants où Lætitia a été vue ont peut-être, enfoui dans leur mémoire, ce détail insignifiant qui va permettre d'élucider le mystère. Cette stratégie, assaisonnée d'un solide zeste de chance et de beaucoup de perspicacité, va payer. Une information intéressante leur est transmise par Sophie, la sœur de Lætitia.
Elle leur raconte qu'une de ses amies, Virginie, lui aurait signalé, le vendredi soir, vers 23 h 30, alors qu'elle parcourait la ville à la recherche de Lætitia, celle-ci avait été vue par « des jeunes gens » remontant de la piscine, en compagnie d'une autre amie. Je pensais qu'il s'agissait de Cathy, l'une de ses relations, confie Virginie aux gendarmes Peters et Sevrin. Je n'ai pas été témoin direct de cela, mais je sais aussi que Cathy n'est pas rentrée chez elle ce soir-là. Je ne peux pas vous en dire plus sur les jeunes gens, garçon et fille, qui m'ont fait cette réflexion, je ne les connais pas. Interrogée à son tour, Cathy dément avoir vu Lætitia le vendredi soir et fournit un emploi du temps crédible.
Une nouvelle piste vaine ? Au cours de son interrogatoire, Virginie a pourtant lâché une petite phrase sur laquelle les deux gendarmes vont se braquer. En fin d'audition, elle déclare : J'ai remarqué aussi un homme bizarre. Il est entré dans le vestiaire et est entré dans les toilettes. Son signalement : chaussures brunes type Mephisto, paraissant âgé de 50 ans. Mon copain Benoît, indique-t-elle, l'a vu aussi, mais je ne sais pas s'il s'en souvient.
L'adjudant Peters et le maréchal des logis Sevrin veulent en avoir le cœur net. Le mardi 12 août, à 12 h 40, ils entendent Benoît leur confirmer qu'il n'a aucun souvenir du physique de cet « homme bizarre », car, explique-t-il, lorsqu'il est entré dans les toilettes, j'étais en train de lacer mes chaussures.
Et alors que la piste de l'inconnu des toilettes semble s'effondrer, les deux gendarmes lui demandent, à tout hasard, s'il n'a rien vu de bizarre ce jour-là. Benoît reprend sa déclaration : Ce vendredi, j'ai remarqué devant mon domicile, garé quatre roues sur le trottoir, avant orienté vers le complexe sportif, un fourgon Renault Trafic de couleur blanche, tôlé, avec autocollants sur les vitres latérales arrière. Il portait l'immatriculation FRR et 69 et 2 ou 7. Je me suis inquiété de la présence de ce véhicule suite à la crainte du vol de mon vélo.
Benoît explique encore qu'il y avait au volant un homme curieux, que les autocollants évoquaient des lieux touristiques, qu'il a retenu la composition générale de la plaque minéralogique grâce à un moyen mnémotechnique ; qu'enfin il s'est étonné qu'une camionnette aussi vieille et mal entretenue portait une plaque aussi récente.
Les gendarmes tiennent enfin un élément concret. Sans la « petite phrase » de Virginie, sans les ragots relatifs à Cathy, jamais, sans doute, ils ne seraient retombés sur Benoît et son témoignage précis. Dès cette audition terminée, Jean-Pierre Peters et Gilles Sevrin entretiennent l'espoir que les ordinateurs du BCR (le Bureau central de recherches de la gendarmerie) et ceux de la DIV (Direction de l'immatriculation des véhicules) vont pouvoir leur permettre de poser un pas supplémentaire dans la résolution de la disparition de Lætitia. Ils notent dans leur procès-verbal, le mardi 12 août, à 13 h 40 : Etant en possession du numéro d'immatriculation débutant par les lettres FRR, nous demandons au BCR l'extraction des véhicules Renault débutant par les mêmes lettres. L'extraction comporte 77 véhicules dont un seul ressort pour un véhicule Renault Trafic. Le titulaire de ce véhicule (NDLR : immatriculé de fait FRR672) serait un certain Dutroux Marc, de Charleroi. Des vérifications doivent être menées en ce qui concerne cette personne.
L'identité judiciaire apporte un surcroît de certitude : Dutroux est sorti de prison quatre ans plus tôt après une série de rapts d'enfants et de jeunes filles. Le poisson est ferré. Il faut désormais le prendre. L'hallali est sonné. Le procureur Michel Bourlet, véritable chef d'orchestre de cette enquête menée au pas de charge, informe le juge d'instruction Connerotte, qui découvre pour la première fois le nom de celui qui fera sa gloire et obtiendra, plus tard, sa tête devant la Cour de cassation.
Dutroux est localisé. Ses proches sont identifiés grâce à des observations menées par les équipes Posa de la gendarmerie. La BSR de Thuin est chargée d'intercepter Dutroux. A Bertrix, on vérifie, ultime précaution, s'il n'est pas l'un des 4.700 « résidents secondaires » qui disposent d'un logement dans la région où Lætitia aurait pu être séquestrée. Le 13 août, à 14 heures, les gendarmes investissent à Sars-la-Buissière la maison du 43, rue de Rubignies, où réside Michelle Martin. Dutroux et Lelièvre sont là aussi. Dutroux vient d'ôter les plaques de son Renault Trafic pour les apposer sur une Ford Sierra. A la gendarmerie de Charleroi, il raconte lui-même les circonstances de son arrestation : Lorsque j'ai vu des personnes entrer par l'arrière de la propriété, j'ai pris peur et je me suis sauvé. Plus exactement, j'ai pris peur lorsque j'ai vu un homme sortir de la voiture avec une mitraillette. Je n'ai pas eu le temps d'aller très loin car, après une dizaine de mètres, il m'a rattrapé. Comme il n'avait pas tiré, j'ai cru qu'il n'en voulait pas à ma personne et je me suis arrêté. J'ai ensuite été immobilisé sur place. Un bandeau m'a été placé sur les yeux et j'ai été menotté avant d'être ramené à la brigade de gendarmerie. Jusqu'à présent, j'ignore le motif de mon interpellation. Je n'ai aucune idée de ce motif.
Il est à ce moment-là 15 h 15. Le chef d'enquête Michel Demoulin, de la BSR de Marche-en-Famenne, qui s'est transporté au Pays noir, laisse parler Marc Dutroux. Il découvre pour la première fois l'homme qui va l'occuper professionnellement pendant plus de cinq ans. Dutroux parle en abondance. De banalités. Il évoque sa relation avec Michelle Martin. Il parle de ses voitures. Il fait étalage de ses connaissances en matière de procédure d'immatriculation des véhicules. Il prétend que son Renault Trafic est actuellement en panne de moteur et ce depuis une quinzaine de jours. Le véhicule ne démarre pas. Cependant, ajoute-il, je pense qu'en le tractant le moteur devrait pouvoir prendre, mais je n'en suis pas sûr.
Après plus d'une heure, le gendarme hausse le ton. Dutroux réagit : Vous me faites remarquer que je suis très vague dans mes réponses et que vous me suspectez de vouloir cacher certaines choses. Dutroux tente de se libérer de l'étau qui inexorablement se resserre sur lui : J'ai de gros problèmes psychologiques. Je souffre de crises de désespoir. Je me révolte contre moi-même. Je souffre également de problèmes de mémoire. J'oublie tout.
Michel Demoulin passe à l'attaque.
- Où avez-vous passé les cinq dernières nuits ?
- J'ai peut-être dormi à Sars (NDLR : chez Michelle Martin) ou à Marcinelle, je n'en sais rien.
- Qu'avez-vous fait ces cinq derniers jours ?
- Je n'ai rien fait de marquant, je ne me souviens de plus rien.
- Avez-vous suivi l'actualité de ces derniers jours ?
- Non, je ne sais pas ce qui s'est passé en Belgique. Je ne regarde pas la TV et je ne lis que « L'Echo de la Bourse » lorsque j'en ai envie. Aujourd'hui, j'ai parcouru les titres.
- Connaissez-vous des personnes correspondant au prénom de Lætitia ?
- Non.
- Vous êtes vous déjà rendu dans les Ardennes ?
- Cela m'est arrivé. Quand il fait beau, je roule et je vais n'importe où.
- Vous êtes-vous déjà rendu à Bertrix ?
- Je connais tellement de communes que je ne sais pas.
A 20 h 30, cette première audition de Marc Dutroux s'achève. Son numéro d'amnésique ne va pas résister longtemps à l'interrogatoire serré de l'adjudant Demoulin. A 23 h 25, comme on le lira dans nos prochaines éditions, Dutroux est replacé sur la sellette. Au milieu de la nuit, il fait une première concession : Je pense que tout ceci a assez duré. Je suis disposé à vous dire toute la vérité concernant le fait qui vous occupe. Il va encore mentir.•


« Cette fille est en vie »

Le corps-à-corps avec Marc Dutroux se poursuit dans la nuit. Lelièvre, réarrêté, finit par avouer. Dutroux est contraint de céder. Le 15 août 1996, il livre aux gendarmes les secrets de son antre. Sabine et Lætitia lui demandent la permission de sortir de la cache.

LE DOSSIER (2/30)
Retrouvons Marc Dutroux dans la chambre de passage de la brigade de gendarmerie de Marche-en-Famenne où il a été enfermé après avoir subi, ce 13 août 1996, un premier interrogatoire de 15 h 15 à 20 h 30 (« Le Soir » d'hier).
Il est 23 h 25. Durant près de trois heures, l'adjudant de BSR Michel Demoulin et son collègue Jean Laboul ont laissé mariner leur prisonnier dans cette petite pièce inconfortable où du café et des sandwichs ont été servis à Dutroux. Il se plaint de souffrir d'hypoglycémie. Il a exigé qu'on lui apporte du sucre. Durant ces trois longues heures d'interruption, le juge d'instruction Jean-Marc Connerotte et le procureur Michel Bourlet ont été mis au courant de l'évolution de l'interrogatoire. La stratégie de confrontation avec celui qui se profile d'heure en heure comme le suspect nº 1 a été affinée. La nuit promet d'être longue.
- Qu'avez-vous encore fait le vendredi 9 août (NDLR : le jour de l'enlèvement de Sabine) ? commencent les enquêteurs.
- Rien de marquant, réplique Dutroux.
- Que faisait votre femme Martin Michelle ?
- Elle devait être chez elle.
- Qu'avez-vous fait le samedi 10 août 1996 ?
- Je ne sais pas.
- Qu'avez-vous fait le dimanche 11 août ?
- Je ne sais plus. Sauf que je me rappelle avoir été chercher une voiture à Bruxelles. J'ajoute que le samedi, M. Nihoul m'avait téléphoné pour que j'aille chercher la voiture.
Le nom de l'homme d'affaires bruxellois survient pour la première fois.
La nuit est déjà bien avancée. Dutroux est excédé. Il sait qu'ils ne le lâcheront pas. Il a d'ailleurs appris, dès le début de son interrogatoire, que le lendemain matin, le 14 août à 10 heures, il sera présenté au juge d'instruction Connerotte. Dutroux sait ce que ce mandat d'amener signifie : une arrestation et une nouvelle longue détention qu'il veut à tout prix éviter.
Dutroux essaie de s'en sortir en concédant quelques miettes d'une vérité tronquée : Je pense que tout cela a assez duré. Je suis disposé à vous dire toute la vérité concernant le fait qui vous occupe.
Ses trois heures de réflexion passées dans le cachot de la brigade lui ont laissé le temps de se construire une histoire qu'il débite avec beaucoup de conviction : Je suis effectivement au courant de la disparition de Lætitia. Bien que je ne sache pas ce qu'il est advenu de cette fille, je suis cependant au courant de pas mal de choses.
Et il raconte candidement être parti dans la journée du vendredi 9 août sans avoir de destination particulière et avoir roulé au hasard jusqu'à une ville où par la suite j'apprendrai qu'il s'y déroulait des courses de mobylettes.
Cette ville, il ne la nomme pas. Il se souvient que, quelques heures plus tôt, il avait affirmé aux gendarmes ne pas connaître Bertrix.
- Arrivé dans cette ville, poursuit-il, je me suis promené tant à pied qu'avec mon véhicule. Je ne sais plus très bien tout ce que j'ai fait dans cette ville, je ne me souviens plus des endroits particuliers où j'avais stationné mon véhicule. Dans l'après-midi, j'ai flâné en ville, sans but précis. Je regardais les filles et je me dépaysais. Arrivé dans la descente, mon moteur a « scafoté ». Il allait de moins en moins bien. Je me suis garé là. J'étais dans la pente parce que j'avais peur que mon moteur ne redémarre pas. J'ai ouvert la porte coulissante, je me suis assis derrière dans le mobil-home et j'ai bu un coup de jus.
Lætitia, qu'il n'a pas encore nommée, surgit à ce moment-là dans son récit : J'ai vu une jolie fille. Elle était habillée comme les filles s'habillent en été, soit très court. Lorsqu'elle est passée devant moi, je lui ai dit bonjour. Elle s'intéressait au mobile home. Je lui ai dit : « Tu peux bien monter. » Elle s'est assise à l'arrière près de moi sur la banquette. On a parlé. Je lui ai dit que j'avais envie de me changer les idées. C'est par elle que j'ai su qu'il y avait les 24 Heures de mobylettes. J'ai parlé un peu pour savoir son âge. Elle m'a dit quinze ans, quelque chose comme ça. Nous étions toujours dans la camionnette. Elle m'a aussi dit qu'elle en avait marre. Qu'il y avait des problèmes dans la famille. En discutant, je voyais qu'elle était liante, apparemment facile. Elle n'était pas peureuse. Quand j'ai su son âge, j'ai été déçu. Je me suis dit : « Ce n'est pas la bonne affaire, je n'ai pas envie d'avoir des emmerdes. » On s'est quitté.
Marc Dutroux, pressé de questions par les gendarmes incrédules, concède : Je l'ai prise par la taille. Elle s'est laissé faire. Elle ne s'est pas débattue. Je n'ai pas insisté. Elle n'était ni pour ni contre. Je n'ai pas caressé ses seins et ne l'ai pas pelotée. Je vous signale que je n'ai jamais attenté à sa personne, que je n'ai pas eu de relations sexuelles avec elle et qu'en tout cas je ne l'ai pas tuée.
Il est 4 heures. Il croit encore que son « histoire » peut tenir le cap. Car il sait que les perquisitions en cours dans sa maison de Marcinelle n'ont toujours pas livré leur secret. Les dizaines d'enquêteurs, les chiens qui se sont succédé ce jour-là et la veille dans les caves de sa maison n'ont toujours pas retrouvé Lætitia et Sabine qui se terrent au fond de la cache protégée par la lourde porte étagère de 200 kilos de ciment qui se confond avec le mur blanc.
Six heures plus tard, Marc Dutroux est introduit dans le cabinet du juge d'instruction Jean-Marc Connerotte, à Neufchâteau. C'est la première fois qu'il gravit les marches du désormais célèbre palais de justice. Au terme d'une audition qui se termine à 11 h 40, le juge l'inculpe de l'enlèvement et de la séquestration de Lætitia Delhez. Dutroux a fidèlement répété au juge l'histoire qu'il a livrée la nuit précédente aux enquêteurs. Je trouve l'inculpation anormale, lâche-t-il au juge Connerotte.
Le lendemain, le 15 août à 15 h 30, Dutroux est à nouveau extrait de sa cellule par l'adjudant Michel Demoulin et son collègue Laboul. Il ne sait pas ce que ces deux-là viennent d'apprendre de la bouche de leurs collègues de la BSR de Neufchâteau, l'adjudant-chef Gérard Degives et son collègue André Collin.
A 13 heures, ceux-ci ont repris l'interrogatoire de Michel Lelièvre, mis sur la sellette dès son arrestation le 13 août, mais libéré avant d'être réarrêté le 14 après avoir été reconnu par des témoins comme l'homme qui accompagnait Marc Dutroux le vendredi 9 à bord du mobile home Renault. Lelièvre est mal. Très mal. Il demande, dès le début de son interrogatoire, l'intervention d'un médecin. Il est en manque : À la suite des événements que je vais vous expliquer, se lance-t-il, j'ai consommé beaucoup d'héroïne et je ressens maintenant les effets du manque.
Il avoue. Bertrix. L'enlèvement de Lætitia. Les cris de terreur de la jeune fille L'arrivée à Marcinelle, où il abandonne Dutroux et sa proie : Toi tu as fini, m'a-t-il dit. Tu peux y aller. Ta dette (NDLR : des arriérés de loyer, principalement) est apurée.
Les enquêteurs le pressent :
- Où est-elle ?, demandent-ils à Lelièvre.
- Moi, je l'ai déposée à Marcinelle, chez Marc, et je n'en sais pas plus. Je ne sais pas si Marc a pu abuser d'elle ou s'il a pu la tuer. C'est en regardant la télévision chez Maryse (NDLR : son amie) samedi soir que je me suis rendu compte que Marc ne l'avait pas libérée. J'ai tout de suite changé de chaîne.
Il est 15 h 05. Le médecin vient soulager Michel Lelièvre de son manque de drogue. Dans une autre salle d'interrogatoire, l'adjudant Demoulin et son équipier, forts de ces aveux, reprennent Dutroux en main. A 15 h 30, il craque, contraint et forcé d'admettre la vérité à la suite des aveux de Lelièvre.
- J'ai effectivement enlevé la petite Lætitia à Bertrix le vendredi. J'étais effectivement en compagnie de Michel Lelièvre lorsque les faits se sont passés. Actuellement, cette fille est encore en vie. Je suis d'accord d'aller vous montrer où elle se trouve. Elle est en compagnie de Sabine que j'ai également enlevée. Je suis d'accord d'aller avec vous tout de suite pour vous montrer où elle se trouve. Prenez les clés de Marcinelle, je vous montrerai.
Dutroux accepte dans la foulée de signer, futile obligation administrative, une « autorisation de perquisition » par laquelle il marque son accord à la visite domiciliaire en sa demeure, ses dépendances et toutes les pièces que j'occupe afin d'y faire toutes les recherches jugées nécessaires et (NDLR : mention ajoutée à la main) d'y retrouver les deux jeunes filles Lætitia et Sabine. A 18 h 30, Marc Dutroux et les gendarmes se retrouvent dans la cave de Marcinelle. Dutroux enlève les boîtes et les packs d'eau qui encombrent l'étagère dissimulant la porte secrète et fait basculer l'entrée de son antre.
Les gendarmes consignent sur procès-verbal cette scène hallucinante : À l'intérieur se trouvent deux filles. Elles sont nues et se terrent dans un coin. Elles sont paniquées. Les filles en question ne croient pas que ce sont des membres de la gendarmerie en habits civils qui sont présents. Marc Dutroux, qui avait pénétré dans l'entrée de la cache, dit : « Vous pouvez venir. » Les filles ont alors répondu « Non, il y en a d'autres qui sont avec vous. » Marc Dutroux dit : « Ce sont des gendarmes. » D'un ton interrogatif, les filles ont demandé : « C'est vrai ? », ce à quoi nous les avons rassurées sur notre qualité. Sabine disait de façon répétée : « C'est vrai, je vais revoir maman. » Nous invitons les filles à sortir. Après une longue hésitation, elles se décident. Cependant, avant de sortir, Sabine voulait récupérer un sac de vêtements. Elle nous remet ce sac en plastique tout en disant : « Merci, merci, Messieurs. » Elle s'est adressée à Dutroux en disant : « Merci aussi à vous, Monsieur. » Juste avant de sortir, Sabine a demandé à Dutroux pour emporter ses crayons de couleurs. Dutroux lui a dit « oui ». Lætitia, quant à elle, a demandé à Dutroux si elle pouvait emporter le flacon de parfum qui se trouvait sur l'étagère. Dutroux a dit « oui ». Les deux filles sont alors sorties de la cache. En passant à côté de Dutroux qui se trouvait à côté de la porte d'entrée de la cache, toutes les deux lui ont donné un baiser sur la joue. Les deux filles se sont ensuite jetées dans les bras des enquêteurs.
Leur image, sortant de la maison de Marcinelle et tournée par les caméras de VTM, a fait le tour du monde. Deux petites filles apeurées, pleurant, s'engouffrent dans les voitures de la gendarmerie pour enfin rejoindre leurs parents après avoir été conduites à la brigade de Charleroi. Sur la route, Sabine évoque déjà son calvaire. Elle parle aux gendarmes, aux assistantes sociales. Elle leur livre quelques fragments de l'horreur subie dans la cache durant deux mois et demi. Les violences subies. Le pain pourri qu'il lui laissait. Il m'a dit que mes parents ne voulaient pas payer la rançon et ne pensaient plus à moi et que le « chef » voulait me liquider.
Marc Dutroux, à ce moment-là, a d'autres préoccupations. Au moment de quitter la maison, il demande de retourner dans la cache. Nous l'accompagnons, consignent les enquêteurs dans leur procès-verbal. Celui-ci nous remet un sachet en plastique contenant des titres. (NDLR : d'une valeur de 1,5 million d'anciens francs.) Dutroux nous demande de prendre les mesures afin qu'ils ne disparaissent pas.•


Marc Dutroux conduit le juge aux corps de Julie et Melissa

Le samedi 17 août 1996, à Sars-la-Buissière, les fouilles sont en cours. Dutroux n'a plus le choix : il avoue où il a enterré les corps de Julie et de Melissa et de Bernard Weinstein. Il emmène les enquêteurs au fond de la prairie. Autour de sa propriété, la foule exprime sa colère.

LE DOSSIER (3/30)
Il est 12 h 15 ce samedi 17 août. Marc Dutroux signe enfin le procès-verbal qui rend compte de son audition commencée le jour même à 9 h 20. Ces six pages d'audition, il les a triturées dans tous les sens, biffant certains mots, rajoutant de sa main des considérations qui minimisent sa responsabilité. Bien qu'il me soit très difficile de repenser à tout cela devant témoins et dans ma solitude, je l'ai fait spontanément, écrit-il au centre de la page 6, comme si l'horrible vérité qu'il vient de dévoiler devait ajouter une vraisemblance forcée à tous ses mensonges ultérieurs.
Trois heures plus tôt, à peine entré dans la salle d'auditions, Dutroux, prisonnier de l'étau qui se resserre sur ses secrets, s'est lâché.
- Je suis disposé à vous dire toute la vérité.
Toute ? En tout cas la sienne. Mais, ce jour-là, ce ne sont pas ses contradictions ou ses mensonges qui importent. Le juge, le procureur, les enquêteurs veulent seulement le faire avouer : savoir ce qu'il est advenu de Julie et de Melissa, d'An et d'Eefje.
Dutroux débute son récit. Il parle de Bernard Weinstein, son ami depuis 1994, et de Lelièvre, qu'il connaît depuis deux ans aussi. Il les désigne tous deux comme les auteurs du rapt de Julie et de Melissa, une affirmation sur laquelle il reviendra dans les mois qui suivent.
- A une date que je ne sais plus préciser, se lance-t-il, j'ai dit à Michel Lelièvre que j'aurais bien voulu une fille. Je ne lui ai pas dit pourquoi. Il me demandait 50.000 francs pour me la livrer. Ma surprise a été énorme lorsqu'un jour je suis rentré chez moi. Deux gamines étaient dans la maison. Elles étaient réveillées. Je saurai par la suite qu'il s'agissait de Julie et de Melissa. Michel Lelièvre qui était seul avec les filles m'a dit qu'il avait fait le coup avec Bernard Weinstein. Au départ, je ne voulais pas les filles parce que c'était des gamines. Ce n'était pas ce que j'avais demandé, avouant ainsi qu'il voulait, en ce mois de juin 1995, s'approprier une fille.
Marc Dutroux embraie rapidement sur « l'épisode An et Eefje ». Cet enlèvement a été réalisé par Bernard Weinstein, Michel Lelièvre et un autre, dont il ne cite pas le nom. Weinstein a bon dos. Il est mort. Il ne se défendra plus. Quant à Lelièvre, Dutroux sait, à ce moment-là, que l'avant-veille (« Le Soir » d'hier), le toxicomane l'a « balancé » pour l'enlèvement et la séquestration de Lætitia et Sabine. Il fulmine de rage à son encontre. Il ne va plus l'épargner, le chargeant de nombreux maux pour mieux les éloigner de lui.
Dutroux affirme qu'il a fait l'amour avec Eefje et qu'elle était consentante. Rappelons qu'il est accusé de viol. Dutroux lâche une formule vulgaire puis se ravise et préfère biffer de sa main cette formulation pour y substituer un plus convenable : J'ai passé à l'acte la veille de son départ. Il façonne déjà l'image qu'il compte bien donner de lui aux assises.
Après quelques jours, précise alors Dutroux, Bernard Weinstein et Michel Lelièvre sont enfin partis avec les filles. Le troisième homme, je ne l'ai vu que le jour de l'enlèvement et jamais plus après. Les filles, je ne les ai plus jamais revues. Je n'ai aucune idée de ce qui leur est arrivé. J'étais un peu embêté qu'elles partent, et, en même temps, cela m'arrangeait bien qu'elles ne soient plus là.
Bernard Weinstein ? Dutroux avoue lui avoir donné du Rohypnol en douce.
- Je lui ai mis une grosse dose et je l'ai enterré. Vivant : Il respirait encore lorsque je l'ai mis en terre.
Le Français voulait quitter la Belgique après avoir été impliqué dans une affaire de séquestration de trois jeunes gens qui allait aboutir à l'arrestation de Dutroux le 6 décembre 1995. Pendant le mois qui a précédé ma convocation à la police et mon arrestation, Bernard devait trouver une solution pour les deux filles (NDLR, il s'agit maintenant de Julie et Melissa). J'ai compris qu'il allait me laisser seul avec les deux filles ; il m'avait dit « Moi, de toute façon, je vais en France ».
Encore une fois, à l'issue de son audition, Marc Dutroux reprend son stylo à bille et tient à préciser : Sa seule solution était de liquider les filles, et, à défaut, je n'avais qu'à me débrouiller.
Cette phrase, écrite en pattes de mouche, forge jusqu'à maintenant sa ligne défensive : Weinstein voulait tuer Julie et Melissa, donc, moi qui voulais les protéger, je l'ai tué. J'ai donc jeté Bernard dans le trou. Ce mec est une ordure. Il foutait le camp, il partait en France. Je lui ai alors dit : Viens à la maison, on va faire le verre de l'adieu. Il est alors venu. Je savais que j'allais le supprimer.
Il raconte encore sa version : la mort des petites, laissées sans nourriture dans la cache pendant son incarcération du 6 décembre 1995 au 20 mars 1996 : J'avais prévenu Lelièvre. Je lui ai remis 50.000 francs. Je pensais qu'il allait s'en occuper. Mon incarcération est arrivée le 6 décembre 1996, et les deux filles sont donc restées dans la cave. Je pensais que Lelièvre allait s'en occuper. Deux mois après le début de mon incarcération, je sais que les filles étaient toujours en vie car j'ai retrouvé des dessins datés de cette époque. Elles étaient encore en bonne santé pour dessiner.
Il donne aux enquêteurs sa version de la mort des deux petites, découvertes agonisantes à sa sortie de prison. Julie, décédée dans les heures qui suivent et dont le corps fut placé dans le congélateur familial. Melissa, morte quelques jours plus tard.
Dutroux, sur le coup de midi, arrive au bout de sa déposition. Il revient à Julie et Melissa : Je les ai enterrées à côté de l'autre (NDLR : Weinstein). Il précise qu'il a creusé le trou avec la pelleteuse.
Il est 12 h 15. L'horreur appréhendée de ce qui est désormais « l'affaire Dutroux » vient d'éclater dans ce petit local d'audition.
Ce jour-là, le temps n'est cependant pas à la confrontation des déclarations du pervers, aux vérifications, à la traque aux mensonges.
L'urgence, ce samedi 17 août, c'est de se rendre à Sars-la-Buissière, de rendre aux enfants une sépulture, de dire enfin aux parents des petites disparues ce que fut l'échec de la traque de leur ravisseur. Un hélicoptère décolle. Il va repérer le terrain et cliche les parcelles sur lesquelles sont déjà déployés des dizaines d'enquêteurs. Dutroux est emmené dans la propriété. Il y arrive à 16 heures. La juge d'instruction liégeoise Martine Doutrèwe, en charge du dossier Julie et Melissa, retrouve son collègue Jean-Marc Connerotte à Sars à 17 h 50.
L'adjudant Jean-Luc Saintviteux, de la brigade de Charleroi, est chargé de consigner les événements par écrit. Son rapport est la mémoire de ce samedi noir : Le nommé Dutroux se dirige directement vers le fond de la propriété et désigne sur la parcelle l'endroit où il aurait enseveli les corps, annote le gendarme. La veille, à cet endroit, un chien de décombres avait déjà marqué l'arrêt. Le sol est creusé sur un mètre de profondeur.
Ce 17/08/96, à 17 h 57, relève très précisément l'adjudant Saintviteux, au moyen de la grue présente sur les lieux (NDLR : la Liebherr à bac rétro appartenant à Dutroux), laquelle est actionnée par un membre de la Protection civile, débutent les recherches dans le fond de la propriété de Dutroux, à l'endroit indiqué par ses soins.
La parcelle est entièrement protégée des regards par des plantations. Un poulailler y a été érigé. Plus loin, se trouve le local du club colombophile local. A 18 h 30, poursuit l'adjudant, les recherches entreprises nous permettent de constater, alors que le bac rétro de la grue remonte à la surface, la présence d'un sac en plastique de teinte noire. La profondeur atteinte à ce moment-là par la pelle est de 2,7 mètres.
Sur le chantier de fouilles, tout s'arrête. Julie et Melissa sont retrouvées. Mortes. L'adjudant Saintviteux poursuit sa prise de notes, en indiquant que les deux corps ont été ficelés de la même manière (...) de façon à occuper l'espace le plus restreint possible.
Le chef d'enquête, l'adjudant Demoulin, de la BSR de Marche-en-Famenne, invite Dutroux, dont il a obtenu les aveux à s'approcher des corps. Il est alors 19 h 17, consigne son collègue Saintviteux. Dutroux identifie le corps de l'enfant portant la boucle d'oreille comme étant celui de la nommée Russo Melissa. L'examen du deuxième corps est ensuite effectué à 19 h 24, et Dutroux reconnaît aussi ce corps comme étant celui de la nommée Lejeune Julie à 19 h 27. L'adjudant Saintviteux griffonne dans son carnet : Le nommé Dutroux est resté impassible et n'a manifesté aucune réaction durant toutes les opérations de fouille, de découverte et d'examen des corps.
A l'extérieur du périmètre de sécurité, la foule, peu à peu, s'est rassemblée. La nouvelle a filtré. Des cris fusent : « A mort Dutroux ! ».
Un opportuniste marchand de fleurs, venu de la Louvière, est pris à partie par des manifestants qui lui reprochent son indécence. La police le réprimande, non pas pour écart moral, mais bien parce qu'il ne dispose pas de permis de marchand ambulant.
Encadré par des gendarmes, celui qui devient le personnage le plus haï de Belgique est rapidement évacué par hélicoptère. Il est 20 heures. Ces mesures ont été prises pour éviter tout débordement de la foule, note l'adjudant Saintviteux.
Au même moment, la pelleteuse reprend son macabre va-et-vient dans la parcelle de terre glaise où Dutroux affirme avoir enterré vivant Bernard Weinstein. A 20 h 25, un lambeau de chemise est remonté de 4 mètres de profondeur. Le dégagement du corps se poursuit jusqu'à 22 h 45.
Pendant ce temps, à la morgue de l'hôpital civil de Charleroi, les médecins légistes Abati et Beauthier procèdent à l'autopsie des deux petites victimes. Ils concluent : La cause de la mort est la privation de nourriture. Le corps de Melissa ne pèse plus que 16 kilos, celui de Julie 13 kilos. L'une et l'autre ont subi des sévices sexuels.
Dans la salle d'autopsie, des policiers et des magistrats ne peuvent retenir leurs larmes. Les corps des deux petites sont ramenées à Liège par la juge d'instruction Martine Doutrèwe.
A Grace-Hollogne, les Russo et les Lejeune ont appris la nouvelle. Ils ne pourront pas voir une dernière fois les corps, martyrisés, de leurs enfants.
Le 18 août, la Belgique se réveille en colère.•


Lætitia enlevée au terme d’une longue maraude

Le 9 août 1996, Marc Dutroux veut à tout prix « une fille ». Avec Michel Lelièvre, il parcourt les Ardennes. La panne de son mobile home ne l'arrête pas. Il enlève Lætitia devant la piscine de Bertrix. A l'arrivée à Marcinelle, des voisins le voient porter le corps de la jeune fille.

LE DOSSIER (4/30)
Marc Dutroux retombe toujours sur ses pattes. Pour se justifier, deux heures après la libération de Lætitia Delhez le 15 août 1996, il n'hésite pas à désigner la petite Sabine Dardenne comme « l'instigatrice » de l'enlèvement de la Bertrigeoise. Sabine voulait une copine pour rester avec elle, déclare-t-il aux enquêteurs. Elle s'ennuyait. Après quelques jours, il lui est très vite venu l'idée que je pouvais bien enlever une fille pour elle-même, afin qu'elle lui tienne compagnie.
Le pervers n'a de cesse, depuis août 1996, de parfaire cette ligne de défense : C'est pas moi, c'est les autres. Même si les autres, ce sont ses victimes.
Le mardi 6 août, Dutroux contraint Michel Lelièvre à monter à bord de son mobile home. Lelièvre sait qu'il s'agit, une nouvelle fois, d'enlever une fille. Pour apurer ta dette, lui a signifié Marc Dutroux qui dispose d'une créance de 60.000 francs auprès du jeune homme. A deux, ils prennent la route des Ardennes, une région que Lelièvre connaît bien : sa grand-mère disposait autrefois d'une caravane à Vresse-sur-Semois.
Ils empruntent la nationale 40 : Fontaine-Valmont, Beaumont, Philippeville et Beauraing sont dépassés. Lelièvre suggère de rallier Bouillon. Ils s'y rendent en passant par Vonêche, Gedinne-gare, Bièvre, le carrefour de Menuchenet avant de rejoindre la nationale 89. A Bouillon, ils maraudent dans les rues de la cité médiévale. Mais aucune proie ne s'offre à eux. Ils cherchent des campings, s'arrêtent sur la Semois au pont de Cordemoy, puis se dirigent vers Bohan en passant par Poupehan et Rochehaut.
A Bohan, Dutroux doit retenir Lelièvre qui vient de repérer une Lada Niva de couleur bordeaux stationnée dans la rue Mont les Champs. Il veut la voler. Dutroux s'interpose. L'objectif de la journée n'est pas cette voiture. La nuit est tombée. Les deux comparses s'endorment dans le mobile home garé sur un parking.
Le lendemain, mercredi 7 août, leur équipée reprend. Ils empruntent de petites routes, longent la Semois par un chemin forestier, toujours aux aguets d'une proie. Ils arrivent, cahin-caha, à Membre où ils rôdent autour du camping, fort fréquenté en cette saison. Ils repartent vers Vresse-sur-Semois, là où Lelièvre campait dans son enfance. Ils patrouillent le long de la rivière dans l'espoir d'y repérer la jeune fille que veut Dutroux. Les deux comparses rallient Chairière, puis Alle, et se dirigent vers Mouzaive. Le long de la Semois, à hauteur du camping du Héron, ils aperçoivent huit jeunes filles nues se baignant dans la Semois. La présence, à proximité, de deux camions de pompiers les empêche de passer à l'acte.
Leur errance les conduit à Rochehaut. Dutroux y achète du Cécémel au magasin Spar. Ils retrouvent la Semois à Poupehan où ils rôdent autour d'une plaine de jeux. Il y a trop de monde. Ils prennent une consommation, que Lelièvre paie, au café « Le vieux moulin », avant de reprendre la route vers Corbion et Bertrix, cette ville où Lelièvre certifie « qu'il y a de beaux coins ».
Ils s'intéressent d'abord au centre de loisirs Récréalle, mais le parking est payant et ils renoncent. Ils tentent une incursion à l'IC Camping mais font demi-tour. Ils avisent enfin le complexe sportif et la piscine. Ils y prennent connaissance des heures d'ouverture, jugent l'endroit « intéressant » et décident d'y revenir le samedi 9.
Sur la route du retour, ils passent par Florenville où Michel Lelièvre, jamais en manque d'un mauvais coup, vole un vélo sur le parking du magasin Unic. Dutroux lui promet de l'échanger, à l'issue de l'enlèvement, avec celui que Michelle Martin a acheté pour son fils Frédéric.
Le samedi 9 août, Michel Lelièvre n'est pas au rendez-vous fixé par Dutroux à 9 heures. Il s'est levé tard, s'est rendu chez son assureur, est passé prendre un sandwich à Charleroi, sur la place du Manège. A 14 heures, il retrouve Dutroux, impatient, à Marcinelle. Tous deux s'engouffrent dans le mobile home Renault et prennent la route des Ardennes vers 14 h 30. Une heure plus tard, à Gedinne, le moteur lâche. Dutroux contacte son assureur, la Smap. Un garagiste est appelé à la rescousse. Il tracte le véhicule jusque dans son atelier et y effectue les réparations d'urgence. Dutroux reprend le volant. Son moteur demeure faiblard, mais il n'en a cure : sa « mission » obsédante, ce jour-là, c'est de se trouver une fille.
Il est passé 20 h 30. A Bertrix, Dutroux se gare dans une descente, pour être sûr de redémarrer. Michel Lelièvre passe au volant. Dutroux s'en va vers la piscine. Leur plan est au point : quand Dutroux aura repéré la fille qui lui convient, il fera un signe à Lelièvre qui devra alors interpeller la jeune fille. Marc Dutroux, comme à son habitude, n'aura plus alors qu'à la pousser dans la camionnette.
Le 15 août 1996, à 13 heures, lorsqu'il passe aux aveux avant même que Dutroux n'ait consenti à montrer le fonctionnement de la porte de la cache, Michel Lelièvre se livre :
- Je l'ai vu qui attendait devant l'entrée de la piscine. Une fille est sortie du complexe. Elle a remonté la rue en direction de notre véhicule. Il a suivi cette fille. Lorsqu'il est arrivé à hauteur de notre véhicule, qui avait toujours la porte latérale ouverte, il a poussé la fille violemment à l'intérieur. Elle a crié une fois. Il est monté à son tour.
D'après Lelièvre, Dutroux lui hurle alors de démarrer.
- Je n'ai pas démarré directement parce que j'étais paniqué. J'ai démarré par à-coups. J'ai demandé à Marc : « Pour aller où ? » Il m'a dit : « Roule tout droit, je te dirai le chemin après. » J'ai entendu à ce moment-là la fille qui disait : « Vous n'allez pas me tuer, je veux revoir ma famille, mon petit frère, mes sœurs. »
Marc Dutroux réplique sèchement à sa victime apeurée : Tu fais ce que je te demande et tu reverras tout le monde.
- J'étais mal dans ma peau et je ne savais pas quoi faire, poursuit Michel Lelièvre. J'ai continué à conduire. Il était déjà trop tard pour moi, je ne pouvais plus reculer.
Le récit de Michel Lelièvre rencontre les dépositions de Lætitia. J'ai de suite demandé à l'homme s'il allait me faire mal, déclare-t-elle aux enquêteurs le 19 août 1996. Je tremblais, j'avais froid. Il m'a répondu : « Non, si tu fais ce que tu dis, tu n'auras rien. » Lorsque je lui ai demandé s'il avait déjà fait cela, il m'a répondu sans hésiter « oui » .
Lætitia confirme aussi que le mobile home Renault était dans un piètre état et que Lelièvre était mal à l'aise. Il y avait un problème avec le véhicule, déclare-t-elle. L'homme (NDLR : Dutroux) qui me tenait disait au conducteur comment il devait faire. On aurait dit que cet homme apprenait à conduire. Alors que la camionnette brinquebalante s'échappe de Bertrix, Marc Dutroux se retourne vers Lætitia. Il sort de sa poche une petite bouteille pourvue d'un compte-gouttes et contenant du Haldol.
- A deux reprises, témoigne Lætitia, il a aspiré du produit dans le compte-gouttes. Ensuite, il m'a mis le tout dans ma bouche. Pendant qu'il parlait avec son copain, j'ai craché tout sur le matelas et il ne l'a pas vu. Le produit avait un goût vraiment dégueulasse.
Dutroux n'en a pas fini avec ses médicaments. Il sort de sa poche une tablette de Rohypnol et en administre 5 cachets à l'adolescente.
- Les pilules en question étaient blanches, déclare Lætitia. Je pense que c'est une à une qu'il me les a mises dans la bouche. Il m'a ensuite donné une canette. J'ai alors recraché le tout dans la canette et ça a commencé à mousser. Il m'a alors dit : « Qu'est ce que tu as foutu pour que ça mousse ainsi ? » Je lui ai répondu : « Rien ». Il a alors pris la boîte et a avalé tout le contenu. Il a senti les médicaments mais il était trop tard. Il les avait avalés. Il m'a alors dit : « Je m'en fous, ça ne fait rien, je suis solide. » Il avait un rire malade. Il riait pour se foutre de ce qu'il venait de faire. Il me disait : « Toi, t'es une petite maligne. »
Dans sa déposition du 13 août, Michel Lelièvre parle aussi de ce piège qui se retourne contre Dutroux lui-même :
- Marc se trouvait avec la fille. Il est venu derrière moi et m'a dit : « Elle m'a eu. Je lui avais donné des médicaments et elle les a recrachés dans la boîte de Coca. » Il avait l'air bizarre. Il criait dans mon oreille.
Lætitia va s'endormir. Marc Dutroux l'a forcée à avaler une à une sept pilules de Rohypnol.
- Il m'a aussi remis deux fois des gouttes dans la bouche, précise-t-elle aux enquêteurs. Et cette fois, j'ai bien dû les avaler. Il me demandait tout le temps comment je m'appelais. J'étais en train d'étouffer à cause des cachets. Je lui ai répondu que je m'appelais Lætitia.
Dopé par les médicaments qu'il a absorbés, volontiers bavard sur le chemin du retour, Dutroux confie à Lelièvre sa satisfaction d'avoir enfin trouvé une fille qui lui convenait.
La camionnette, poussive, ne peut rouler à plus de 60 km/h. Le voyage de retour vers Marcinelle dure trois heures. Les ravisseurs se garent vers 23 h 30 devant le 128, route de Philippeville. Sur le pas de porte d'une maison voisine, des riverains devisent. Ils voient Dutroux sortir un corps emballé dans une couverture rose. Ils croient que c'est le petit Frédéric, endormi, que transporte son père. Ils ne voient pas la chevelure blonde et les jambes de jeune fille qui dépassent du tissu. L'un des voisins s'adresse à Marc Dutroux qui vacille en raison des médicaments qu'il a involontairement absorbés : J'ai trop bu, lui lance le pervers.
Michel Lelièvre voit Dutroux déposer Lætitia sur le carrelage de la pièce du rez-de-chaussée. Il s'inquiète : Les voisins ne l'ont pas vue ? Dutroux le rassure : Non ! Il le congédie, lui précisant qu'il est dans le « gaz ». Lelièvre s'en va récupérer sa voiture. Il est en manque. L'héroïne qu'il a consommée (1 gramme) au cours de l'expédition de Bertrix ne lui a pas suffi. Il se rend à la plaine de jeux de la chaussée de Bruxelles, connue des toxicomanes de Marcinelle pour se transformer à la nuit tombée en un marché de la drogue. Il n'y rencontre aucun dealer. Il décide de revenir chez Dutroux, sachant qu'il en dispose.
Il frappe à la porte close. Les voisins de Dutroux, goguenards, lui disent : Tu peux insister, car vu l'état dans lequel il est rentré, il doit sûrement dormir.
Après quelques minutes, Dutroux apparaît à la fenêtre. Il descend et précise à Lelièvre qu'il ne dispose pas de drogue. Dutroux porte encore son pantalon. Son torse est nu. Quelques instants plus tôt, il a appelé Michelle Martin qui réside chez sa mère à Waterloo. Sans doute pour lui annoncer qu'il disposait d'une deuxième fille à Marcinelle.
Michel Lelièvre lui demande : Où se trouve Lætitia ?
- Elle n'est plus là, lui réplique sèchement Dutroux. La jeune fille, inconsciente, est à ce moment-là enchaînée sur le lit de son ravisseur, au premier étage.
Deux jours plus tard, Michel Lelièvre revient chez Marc Dutroux.
- Je l'ai interrogé sur ce qu'était devenue Lætitia, dit-il aux enquêteurs. Il a répondu que de son côté le travail était effectué. J'en ai conclu que la fille n'était plus là et qu'il l'avait déjà livrée aux gens qui l'avaient commandée


Sabine et Lætitia, terrorisées dans la cache

Conditionnée par Marc Dutroux, Sabine croit que Lætitia représente un danger pour elle. Les conditions de vie dans la cache sont épouvantables. Dutroux leur fait croire que leurs parents ne veulent pas payer la rançon. Et qu'un mystérieux chef veut les tuer.

LE DOSSIER (5/30)
La perversité de Marc Dutroux est sans limite. Dès ses premières auditions, ainsi qu’on l’aura lu hier, il transforme l’enlèvement de Lætitia en un « service « rendu à la petite Sabine qui voulait, selon lui, disposer d’une copine dans la cache. Il ose de plus prétendre que les violences qu’il a infligées à Lætitia durant ses cinq jours de détention étaient des « initiations » auxquelles sa victime apeurée acquiesçait. Cette abjecte ligne de défense est récurrente chez Dutroux. On lira plus tard dans cette série qu’il soutient aussi qu’An et Eefje étaient également consentantes.
La jeune Bertrigeoise, elle, est terrifiée. Elle raconte son supplice aux enquêteurs : Lorsque je me suis réveillée (NDLR : le samedi 10, au lendemain de l’enlèvement), j’avais oublié ce qui venait d’arriver. J’étais couchée sur le dos dans un lit. Le lit en question était un lit superposé et je me trouvais dans le lit inférieur. J’avais une chaîne avec des maillons longs passés autour de la cheville gauche. Un cadenas était placé pour maintenir cette chaîne à la cheville. Il s’agissait d’un petit cadenas où la clef s’introduit par le dessous.
Cette chaîne est fixée au lit supérieur. Elle est longue : Je pouvais me lever pour me rendre vers un seau pour y faire pipi. Il s’agissait d’un seau en plastique avec un couvercle. J’avais remis le couvercle à l’envers et il m’avait dit sur un air moqueur : ça se met comme ça .
Lætitia ne sait pas, à ce moment-là, que les premières heures de sa séquestration, elle les a passées dans le lit de Marc Dutroux, enchaînée mais aux côtés de son ravisseur. Au lever du jour, il l’a transportée, encore inconsciente, dans l’un des lits superposés habituellement réservé à son fils aîné. A son réveil, Dutroux (dont elle ne connaîtra jamais le nom avant sa libération) lui demande ce qu’elle veut boire et manger. Des tartines au choco et du café au lait, lui répond-elle. Il lui apporte deux tranches de pain tapissées de pâte chocolatée bon marché qu’il réservait à ses enfants et à ses victimes. Lui, il utilisait de la pâte à tartiner de marque, du Nutella, qu’il était le seul de la famille à pouvoir consommer.
Lætitia n’avale qu’une tartine. Lui, vêtu d’un simple slip blanc, mange l’autre, assis par terre. Je n’osais pas le regarder, raconte Lætitia aux enquêteurs. Elle se souvient d’un détail : Le café avait plus le goût de l’eau que du café. Mais surtout : A chaque fois que je le voyais, j’avais peur. Je me dépêchais de manger et, après le repas, il repartait.
Un soir, Lætitia est interpellée par Dutroux qui surgit dans la chambre, complètement nu : Tu veux prendre un bain ? lui demande-t-il alors qu’elle est enchaînée sur son lit. Je lui ai répondu que oui, déclare-t-elle. Je ne pensais pas qu’il allait venir avec moi. C’était la nuit, il faisait noir lorsqu’il est venu me chercher. J’avais trop peur alors je faisais ce qu’il me disait.
Lætitia est sonnée. Le Rohypnol continue à faire son effet. Il m’a remise dans le lit, se souvient-elle. Il m’a attachée par le cou avec la chaîne. J’avais l’impression d’étouffer. Je lui ai demandé de desserrer. Il m’a dit : « Tu n’es pas folle, je sais passer mon poing ». Je suis restée attachée par le cou jusqu’au lendemain. Il ne m’a pas dit pourquoi il avait fait cela.
Au troisième jour de sa détention, Lætitia découvre l’existence de Sabine. Elle est toujours enchaînée sur son lit à l’étage, livrée aux caprices de son ravisseur. Le troisième jour seulement, raconte-t-elle, j’ai entendu parler en bas. Il s’agissait d’une petite voix, en plus de celle de Marc (NDLR : libérée, elle connaît désormais son nom et le dénomme ainsi lors de ses dépositions). Je pensais que cela devait être la voix d’une femme. Marc m’a alors dit qu’il y avait une fille dans le même cas que moi.
Le mensonge de Dutroux apparaît avec évidence : Lætitia découvre l’existence de Sabine par hasard. Ce n’est donc pas à la demande de sa petite prisonnière, prétendument désireuse d’avoir une copine, qu’il a décidé d’enlever Lætitia. Son seul mobile est d’assouvir ses pulsions perverses. Il déclare d’ailleurs, lors d’un de ses interrogatoires, que lorsque Lætitia est arrivée, il s’est sexuellement détourné de Sabine.
Dutroux, ce lundi 12 août 1996, intime donc l’ordre à Sabine de se présenter à Lætitia : Viens ici fifille !, lance-t-il à la gamine terrorisée. Elle est venue sans blouse. Elle portait juste un short, se souvient Lætitia. Elle était toute blanche. Elle me donnait l’impression qu’elle se faisait battre. Elle s’est mise accroupie. Elle était gênée. Je lui ai demandé comment elle s’appelait. Elle m’a répondu « Sabine ». Je lui ai demandé depuis combien de temps elle était là. Elle m’a dit deux mois et quatorze jours. Je lui ai demandé si elle avait une chance de revoir ses parents. Elle m’a répondu : « Ouf, une chance sur mille ».
Juste avant de mettre ses deux prisonnières en présence l’une de l’autre, Marc Dutroux glisse à l’oreille de Lætitia : J’ai une mauvaise nouvelle. Tes parents ne veulent pas payer la rançon. Il vient de mettre Lætitia au même niveau de conditionnement psychologique que la petite Sabine qui est persuadée que ses parents l’ont abandonnée, comme l’en a convaincue Dutroux.
La veille, Sabine a déjà vu Lætitia enchaînée sur son lit et endormie. Mais ce dimanche soir, Sabine s’est refusée à réveiller l’adolescente enlevée à Bertrix. Parce qu’elle est terrorisée. Il m’a demandé si je voulais qu’il l’éveille, déclare Sabine aux enquêteurs. Je lui ai répondu non car j’avais peur que si ses parents payaient la rançon, elle retournerait chez elle et dirait qu’elle m’avait vue. J’avais peur pour ma vie puisque mes parents à moi ne voulaient pas payer la rançon.
L’emprise de Marc Dutroux sur les deux fillettes est totale. Il est parvenu à convaincre Sabine que Lætitia était un danger pour sa propre survie. Il entend ainsi faire de Sabine son alliée, celle qui va suffisamment se méfier de Lætitia pour ne pas avoir la tentation de trahir son ravisseur, qui se présente en fait comme son protecteur qui empêche « le Chef » de la tuer.
Marc Dutroux fait descendre Sabine et Lætitia au rez-de-chaussée. Il leur enjoint de ne pas toucher les murs de la cage d’escaliers. Ils sont trop poussiéreux. Arrivé en bas, Dutroux impose à Sabine de s’exposer au soleil. Il l’avait obligée à se mettre sous la fenêtre du toit (NDLR : une bulle de plexiglas) au soleil, témoigne Lætitia. Elle devait s’y mettre torse nu. Il disait qu’elle devait prendre de la vitamine D. Elle devait bronzer. Elle était assise sur une chaise. Elle mettait sa blouse sur son visage. Elle n’aimait pas le soleil dans sa figure. Normal après avoir passé deux mois et 14 jours dans la pénombre de la cache.
Marc Dutroux ouvre ensuite la petite porte qui mène aux escaliers de la cave. Il y emmène ses deux prisonnières. Lætitia, pour la première fois, découvre sa geôle. J’ai trouvé cette cache petite et « con », confie-t-elle lapidairement aux enquêteurs. La grosse porte était ouverte. On est rentrés dans la cache. On ne pouvait mettre nos mains aux murs. Je suis allée sur le lit. Sabine, qui était venue sur le lit, a allumé la Sega. Marc est rentré dans la cache et s’est aussi mis sur le lit. Il doit être resté sur place environ un quart d’heure.
Lætitia s’endort. Dans son agenda, Sabine note de son écriture juvénile, face à la date du 12 août, la mention « copine ».
Le soir venu, Dutroux refait monter ses deux prisonnières. Elles mangent du lapin sans sauce. Dutroux essaie de les amadouer. Il leur montre des dessins. Sur l’un figurent un château et une biche. Comme si Marcinelle était le refuge du prince Charmant. Lui, il sait ce qu’il veut. Quand le repas a été terminé, se souvient Lætitia, Sabine a dû redescendre. Je me suis donc doutée à ce moment de ce qui risquait de se passer. J’ai donc suivi Sabine mais il m’a dit de remonter.
Lætitia est renvoyée par son violeur dans la cache fermée où grouillent les insectes. Je ne pouvais pas me tenir debout, dit Lætitia. Outre le premier déjeuner que nous avions pris ensemble, tous les autres repas nous les avons pris dans la cache. Comme nourriture, nous avions reçu un pain gris, six pommes, du beurre, du fromage, du lait, du sucre, du Nescafé, un percolateur, des bouteilles d’eau et des boîtes de conserve. Pendant les six jours, je n’ai pas eu un seul repas chaud. La boîte de boulettes que nous avons mangée était ce qu’il y avait de meilleur. Après deux jours, lorsqu’il n’était pas venu nous chercher, nous avions l’autorisation d’ouvrir une boîte de conserve. C’est Sabine qui m’avait expliqué cela.
Dans la cache, la vie des deux adolescentes est rude. Quelques jours à ce régime-là laissent entrevoir ce que fut le calvaire, durant trois mois et demi, de Julie et Melissa. Dans la cache, raconte Lætitia aux enquêteurs, il faisait très chaud. Il faisait un peu plus froid lorsqu’on arrêtait le chauffage. Nous disposions d’un bouton que nous faisions aller à droite ou à gauche pour actionner le chauffage. Il y avait un dispositif d’aération. Il n’était pas possible de l’arrêter. Il fonctionnait tout le temps. Seule la Sega marchait. La TV ne fonctionnait pas. Il n’y avait pas de radio. A cause de la couverture qui grattait et qui était remplie de peluches, j’ai eu des croûtes au coude.
Ce témoignage sur la vie dans la cache est capital. Lors de la séquestration de Julie et Melissa, le dispositif d’aération (un ventilateur qui faisait beaucoup de bruit, selon Michelle Martin) ne fonctionnait pas, rendant illusoire la vie dans la cache. Nous reviendrons sur le sort réservé par Dutroux aux deux petites Liégeoises.
Pour leurs besoins naturels, Sabine et Lætitia ne disposent que de deux seaux en plastique. Sabine, dit Lætitia, m’avait dit que nous devions les remplir à ras bord avant d’en changer. Il y avait également trois rouleaux de papier hygiénique. Le lit sur lequel nous nous couchions était trop petit pour moi. Mes pieds passaient.
Plus que l’inconfort et les sévices infligés par leur geôlier, c’est la peur de mourir qui tenaille les deux enfants. Dutroux leur a parlé du « Chef », de la « rançon ». Il leur affirme, raconte Lætitia, que lorsqu’il part en mission, un de ses copains devait amener de la nourriture. Lorsque la porte s’ouvrait, nous devions nous cacher et ne nous montrer que lorsque nous entendions sa voix à lui (NDLR : celle de Dutroux). Nous devions faire le moins de bruit possible si quelqu’un était dans la maison. Marc m’a dit qu’il avait un copain qui connaissait la cache. Qu’il ne pouvait pas nous voir s’il venait et qu’il fallait qu’on se cache sous les couvertures. Que s’il nous voyait, il nous tuerait. Il nous avait dit que ses copains étaient méchants. Il ne nous a pas dit pourquoi ils étaient méchants. Sabine a ajouté dans ce qu’elle m’a dit que parfois le chef venait dormir à la maison. Cependant, elle ne l’avait jamais vu. Elle disait que si elle l’avait vu, il l’aurait tuée .
Qui était le chef ? Une pure et cruelle invention de Dutroux pour s’assurer l’obéissance des enfants ? Pendant que je me trouvais dans la pièce où on mangeait, témoigne Lætitia, lors de conversations téléphoniques, j’ai entendu deux prénoms. Michel (comme les prénoms de Martin et Lelièvre) et Jean-Michel (comme celui de Nihoul). Je sais que Dutroux a dit lors d’une communication : Ça a marché


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Samael 
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Dutroux inflige 79 jours de manipulation à Sabine

Marc Dutroux et Michel Lelièvre montent un scénario. Objectif : faire croire à Sabine qu'ils la protègent du « chef qui veut la tuer ». Dans ses dépositions, la fillette raconte ses conditions de vie. Dutroux la terrorise et lui fait croire que ses parents l'ont abandonnée.

LE DOSSIER 6/30
Marc Dutroux l'invoquera devant les assises. Le désespoir qu'il dit avoir ressenti suite à la mort atroce de Julie et Melissa l'aurait fait basculer dans un état de folie, d'irresponsabilité mentale à l'origine, selon lui, des enlèvements de Sabine et Lætitia. Sa ligne de défense, toujours
- Je voulais retrouver l'ambiance que j'avais connue avec Julie et Melissa. Je l'ai fait parce que j'étais obsédé par leur mort. Je les voyais partout, déclare-t-il aux enquêteurs. J'ai enlevé cette fille pour me créer mon monde à moi. Je veux dire que je n'arrivais plus à vivre dans la société telle qu'elle est. Je suis révolté par la situation dans laquelle je me trouve par la faute des autres. C'était cela ou le suicide, mais je ne pouvais pas le faire à cause de ma femme et de mes gosses.
Vers le 22 mai 1996, un mois après le décès de Julie et Melissa, Marc Dutroux repart en maraude avec Michel Lelièvre dans la région de Tournai. Il connaît bien la ville. Il y a fréquenté la patinoire. Le repérage dure deux jours. Ils passent devant des écoles, des centres sportifs, à la recherche d'une proie. Mais rien, ces jours-là, ne correspond aux souhaits de Dutroux. Lelièvre insiste pour rentrer à Charleroi. Dutroux finit par céder. Quelques jours plus tard, il repart seul vers Tournai. Il trouve ce qu'il cherche : une jeunotte de Kain. Il convoque Michel Lelièvre, lui enjoint l'ordre de l'accompagner dès le lendemain pour s'embusquer sur le chemin que la victime repérée, Sabine Dardenne, emprunte depuis son domicile jusqu'à l'école.
Lelièvre fait de la résistance. Dutroux tape sur la table et exige de son complice de rester à Marcinelle jusqu'à leur départ, prévu à l'aube du 28 mai. Une nouvelle mission, lui explique-t-il. Une fille à enlever pour être revendue. Marc Dutroux ferme les portes de sa maison à clé. Je ne pouvais plus m'échapper, affirme Michel Lelièvre qui décrit Dutroux comme un tyran, le tenant sous sa coupe, profitant de sa toxicomanie et de ses dettes (des arriérés de loyer) pour lui imposer sa volonté criminelle : J'étais coincé, se justifie-t-il.
Ce mardi 28 mai à 7 h 20, Sabine Dardenne quitte comme chaque jour son domicile pour se rendre à vélo au collège de Kain. La nuit ne s'est pas encore totalement retirée. Elle enfourche son vélo. Son cartable est solidement arrimé à son dos. Son sac de piscine est fixé par un élastique sur son porte-bagages. Elle donne ses premiers coups de pédales. Elle doit, en principe, rallier le collège en une dizaine de minutes. Soudain, alors qu'elle se trouve à hauteur du parking de la rue du Stade, une main lui couvre le visage. Elle ne peut plus respirer ni voir. Elle est précipitée à l'intérieur d'une camionnette par Marc Dutroux. Lelièvre quitte sa place de chauffeur et rentre précipitamment le vélo à l'intérieur du véhicule.
Dans l'habitacle, Dutroux applique sa technique, déjà éprouvée à de multiples reprises. Il sort de sa poche des comprimés de Rohypnol, qu'il administre précipitamment à sa petite victime, et lui fait boire du Coca. Comme je ne dormais pas, raconte Sabine aux enquêteurs, il m'a redonné trois ou quatre cachets et m'a fait boire des gouttes avec un compte-gouttes. J'étais étourdie et je pense avoir dormi quelque temps. Je me suis réveillée et j'ai demandé à Dutroux où était le reste de mon Coca. Il m'a répondu que c'était l'autre (Lelièvre) qui l'avait achevé.
Sabine est couchée sous une couverture. Dutroux examine sa proie. Je me suis rendu compte, déclare-t-il aux enquêteurs, qu'il s'agissait d'une toute jeune fille. Dutroux, une nouvelle fois, feint l'erreur sur la personne. C'est pourtant bien la petite fille qu'il a repérée la veille, qu'il a choisie. Il sait pertinemment qu'elle n'a que 12 ans, comme il le souhaitait.
Nous roulions toujours, poursuit Sabine. Un peu avant qu'on arrive, Dutroux a sorti un coffre en fer bleu rouillé et l'a placé près de la porte coulissante. Dutroux m'a dit « Quand je te le dirai, tu te mettras dans le coffre ». A un certain moment, il m'a donné l'ordre d'entrer dans le coffre. Je m'y suis mise. J'étais toute croquée. Je n'aurais pas pu rester longtemps dans cette position. J'ai senti qu'on bougeait le coffre. Ça secouait dans tous les sens. On a ouvert le coffre et j'ai vu que j'étais dans une pièce.
Sabine découvre la prison qui sera la sienne durant deux mois et demi. Une petite maison où règne un désordre indescriptible. Où la saleté et la poussière sont reines.
- Je me suis retrouvée à l'étage. Dutroux était seul avec moi dans la chambre. Il m'a dit de me déshabiller. Il m'a dit de me coucher sur le lit, puis m'a attaché une chaîne au cou. Il est alors 8 h 45. Michel Lelièvre s'en va au bureau de chômage. Là, il est interpellé par deux policiers qui l'emmènent au commissariat. Il est recherché pour défaut de changement d'adresse. Il restera entre les mains de la police, qui ne se doute pas qu'il a participé à l'enlèvement de Sabine, jusqu'au milieu de l'après-midi.
Sabine s'endort. Le deuxième jour, Dutroux l'entraîne dans sa chambre. Sabine sait à ce moment-là la détermination perverse qui anime son ravisseur.
Le jeudi 30 mai, Dutroux s'assied sur le lit où Sabine est enchaînée. La petite est recroquevillée. Elle ne voit que son visage. Elle perçoit la présence d'un autre homme. J'ai essayé de le regarder, mais je ne l'ai pas vu, précise Sabine aux enquêteurs. Dutroux et cet inconnu (il s'agit de Lelièvre) engagent la conversation sur un ton grave
- Ni ses parents ni la police ne veulent payer la rançon. Le chef a dit qu'il fallait la liquider, entend-elle. Cette scène, Dutroux et Lelièvre l'ont répétée quelques minutes avant de rentrer dans la chambre de Sabine, fermée par un petit verrou. Le ravisseur sait où il veut en arriver : se construire l'image d'un « protecteur » pour faire de la gamine apeurée son obligée et lui faire tolérer ses immondes agressions. Les enquêteurs de Neufchâteau demandent à Dutroux : Pourquoi avoir attendu trois jours avant de jouer cette scène ? Dutroux, plutôt fier de sa planification criminelle, réplique : Il fallait un délai raisonnable pour pouvoir rester crédible. Chaque jour, elle me demandait si on avait eu la rançon. Je lui répondais que non et que le chef était occupé à la réclamer et que ce n'était pas de mon ressort. Après cette comédie, Lelièvre disparaît. Dutroux se penche vers Sabine. Il m'a alors dit, raconte-t-elle, que si les parents ne voulaient pas payer, que je pouvais choisir, ou vivre ou mourir. Bien entendu, j'ai évidemment choisi que je voulais vivre. Il m'a alors dit : je vais te conduire où le chef ne te trouvera pas.
A cet instant, Dutroux sait qu'il a pris le pouvoir. Que Sabine acceptera la cache comme un refuge. Qu'il pourra par la suite tout exiger de la fillette car il la protège du chef. Dutroux se déguise en gentil. Le méchant, c'est le chef. La cache, Sabine l'appelle « le trou » : Il y avait des bricoles à lui empilées au fond à gauche, il y avait un ordinateur, un écran et clavier, une étagère, un lit composé de lattes attachées au mur et des lattes comme sommier. Dessus, il y avait un mousse qui se décomposait. Il m'a dit qu'il me mettait là pour me cacher du Chef. Il m'a laissée seule en me disant de ne pas ouvrir la porte. Une seule fois, au cours de sa détention, Sabine tentera d'actionner la lourde porte basculante en béton. Dutroux s'en apercevra.
Le chef, Dutroux en parle constamment à Sabine. Il me disait qu'il avait des enfants et qu'il était plus riche qu'un ministre. Il m'a dit un jour qu'il était parfois envoyé par les chefs dans les pays de l'Est.
Le chef, Dutroux l'appelle souvent à la rescousse. Lorsqu'il tourmente Sabine et que la petite pleure et crie, il lui dit : Tais-toi, le chef va t'entendre. Dutroux en appelait encore au chef pour la faire taire :
- Il me menaçait en me disant que si le chef venait avec sa bande, il m'enfoncerait des tuyaux et d'autres choses. J'avais peur.
Sabine est parfois contrainte de rester huit jours seule dans la cache.
- Quand il partait, raconte-t-elle aux enquêteurs, j'avais du lait à boire mais il tournait vite. J'avais de l'eau et des boîtes de conserve, des petits pois et carottes, du corned-beef et des raviolis, mais tout cela était froid. Il me disait de boire le jus des conserves mais ce n'était pas bon. Parfois, quand le pain commençait à moisir, il le reprenait. Il disait qu'il avait sept maisons gardées par des chiens, qu'il n'avait pas de femme parce que le chef ne le voulait pas. Il me disait qu'il avait trente ans et que ça faisait un bout de temps qu'il était dans la bande. Il était colérique et s'énervait pour rien. C'était le jour et la nuit. Il parlait gentiment, puis criait brusquement, sans raison.
Dutroux la contraint à nettoyer la maison à l'aide d'un vieux torchon rempli de cheveux : Je ne parvenais pas à enlever les cheveux du torchon. J'avais peur aussi de me détériorer les mains. Il me traitait alors de princesse et criait parce que ce n'était pas propre. Il ne m'a jamais frappée mais me menaçait fréquemment. Quand il s'énervait, il frappait sur la table.
Humiliation encore, lorsqu'il laisse Sabine porter durant des semaines les vêtements qu'elle portait le jour de son enlèvement : Je suis restée longtemps avec les mêmes vêtements et ils étaient tout noirs, explique-t-elle. Je dormais tout habillée dans le trou. Un jour je lui ai demandé pour me changer. Il m'a donné une chemisette courte et un short. C'est dans cette tenue que vous m'avez trouvée.
Humiliation encore lorsqu'il refuse de procéder au nettoyage de la cache : Le trou n'a pas été nettoyé durant mon séjour, dit Sabine. Il y avait des bêtes qui sortaient de dessous les lattes. Je l'ai dit à Dutroux. Il a mis du Titox mais cela sentait mauvais.
Un jour, Sabine parvient à mettre un nom sur son tourmenteur.
- Dans le trou, explique-t-elle, j'ai vu de la correspondance, en l'occurrence « Test-Achats » où il était écrit comme adresse Marc Dutroux, rue de Philippeville 128, 6001 Marcinelle. C'est ainsi que j'ai pensé que l'homme s'appelait Dutroux. J'ai lu aussi sur « Sciences et Vie » : Martin Michelle. J'ai vu sur un autre Sciences et Vie : Cellule 154. J'ai demandé à Dutroux s'il avait été en prison. Il m'a répondu affirmativement. J'ai demandé : longtemps ?
Marc Dutroux lui répond : Oui, beaucoup trop longtemps. Maintenant je fais des choses interdites par la loi pour me venger des flics et des juges et ils ne sauront plus me prendre. Un autre jour, Sabine se retrouve devant la télévision dans la chambre où Dutroux l'a une nouvelle fois emmenée. Le journal télévisé évoque la disparition de Lætitia : Il a dit « ils peuvent toujours chercher. Ils ne trouveront pas ». Il se moquait des policiers.
Dutroux ne sait pas, ce jour-là, qu'à Neufchâteau, des dizaines de policiers s'apprêtent à fondre sur son repaire. Il m'avait dit qu'il viendrait encore m'embêter le 15 août. Il n'en a pas eu l'occasion, confie Sabine aux enquêteurs.
Durant sa détention, Sabine a écrit trois lettres, à sa famille. Dutroux, qui ne les a jamais envoyées, les lisait pour obtenir des renseignements sur sa famille, lui faire croire que ses parents refusaient de payer la rançon. Ces écrits émouvants, qu'on lira dans nos éditions de demain, racontent le calvaire intérieur d'une petite fille tombée dans les griffes d'un manipulateur sans scrupules.


Sabine à sa famille : « Ne m'abandonnez pas »

Dutroux fait écrire des lettres à Sabine. Il prétend les remettre à sa famille. Le pervers peut ainsi parfaire sa manipulation. Sabine croit qu'elle ne reverra jamais ses parents. Avec ses mots d'enfants, elle les supplie de trouver l'argent de la « rançon ».

LE DOSSIER (7/30)
Ne m'abandonnez pas. Ma vie sans vous ne sert à rien. Aidez-moi. La petite Sabine pleure en écrivant les lettres à sa famille dans le « trou » où Marc Dutroux l'a enfermée. Pensez à votre Binou, supplie-t-elle. Chaque jour, je demande au Seigneur pour qu'il m'aide à vous retrouver, car c'est mon vœu le plus cher.
Elle ne sait pas, alors, que ces lettres ne parviendront jamais à sa maman. Dutroux les lit. Pour mieux connaître Sabine et lui faire croire que ses parents refusent toujours de payer la rançon, qu'il est devenu son protecteur, qu'elle ne peut compter que sur lui pour éviter la fin atroce que lui promet le prétendu méchant Chef.
La petite fille raconte longuement à sa maman les sévices que Dutroux lui inflige. Elle les détaille avec ses mots d'enfant. Nous n'en reproduirons pas une ligne ici.
Sabine confie ses peurs et son chagrin à sa feuille blanche : Maintenant, Maman, je suis en train de t'écrire et j'espère que tout cela te fera réfléchir longuement car je vais devoir te demander quelque chose de très grave et dur ! Si tu savais ce qu'il me dit et ce que j'endure ! Je sais, je l'ai déjà demandé plusieurs fois mais il faut que vous me sortiez d'ici. Au début, ça allait. Mais, maintenant, il a dépassé les bornes, je suis désolée. Une fois, une idée si on veut m'est venue dans la tête. Je lui ai demandé, si vous trouviez l'argent (hélas encore l'argent), si ce serait possible que je rentre à la maison. Et devine ce qu'il m'a répondu : OUI. Bien. sûr, il y a un inconvénient. Comme le « connard » (NDLR : elle parle du « Chef ») me croit morte, il faudra donner plus d'argent (un million). Alors si vous trouvez 3 millions (le plus vite possible, SVP) et que je vous écris toujours et qu'il vous téléphone toujours, quand vous aurez les trois millions vous lui direz et il s'arrangera avec vous. Quand il aura l'argent, il m'a dit qu'il parlerait de son mieux au « Chef » et qu'ainsi je pourrais retrouver la maison. Ne pensez pas que je veux vous faire du mal en vous demandant ça, mais, si je demande ça, c'est 1o pour vous revoir sains et en bonne santé si
possible, 2o pour ne plus souffrir et retrouver le vrai bonheur, 3o pour nous sortir de cette sale affaire et s'aimer encore plus qu'avant ! Je vous en supplie, c'est très important pour moi et ma vie dans l'avenir. Tu sais, Maman, j'ai longuement réfléchi à tout ça et ça me désole de vous demander une chose pareille, mais pensez-y. J'espère que vous gagnerez la cagnotte du Lotto ou pourquoi pas aller à Tele-Kwinto ? Ou peut-être s'arranger avec la famille (ou d'autres personnes) pour qu'ils donnent chacun de l'argent ! Tu sais, j'ai beaucoup pensé à tout cela quand j'étais dans le lit avec une chaîne avant d'être sauvée (NDLR : elle fait référence à Dutroux qui lui a dit qu'il la protégerait du prétendu « Chef » qui veut la tuer). Je pensais toujours que, dans un jour, ou je ne sais pas, j'allais vous revoir. Et j'ai aussi réfléchi au passé. Je me suis rappelée des souvenirs mais aussi des bêtises, de toutes les fois où je vous ai maltraités, ou mal aidés, ou mal aimés ! Et je me suis dit que, si j'étais en vie, c'était parce que le Seigneur m'a donné une seconde chance pour m'améliorer beaucoup plus dans les choses que je vis, je dis, je fais ; donc c'est pourquoi j'ai pris plein de bonnes résolutions pour ma nouvelle vie.
Sabine promet à sa maman d'être moins égoïste, d'être plus serviable, de prêter mes affaires. Dutroux est parvenu à lui faire croire que si, elle se trouve dans cette situation, c'est parce qu'elle en est responsable. Le pervers, auquel elle a confié que son papa était gendarme, n'a de cesse de l'humilier : il lui prétend que c'est parce que son père n'aurait pas été correct avec des gens de la bande à laquelle il dit appartenir que le « Chef » aurait décidé de son enlèvement. Il lui raconte aussi que son papa n'aurait pas remboursé une dette à ce « Chef », et que ce serait, là aussi, la justification de son enlèvement.
Sabine, ce jour-là, termine la lettre à sa maman par une ultime supplique : Je t'en prie. Réfléchissez beaucoup, mais pas trop longtemps Car je me laisse aller certaines fois. Je t'aime.
Dans ces lettres, jamais transmises, Sabine livre également son quotidien. Quand vous mangez un dîner, écrit-elle ainsi à sa famille, mangez-le en pensant à moi, car, moi, quand j'ai des friandises, ce n'est que parce que j'ai fait ce qu'il voulait, si vous voyez ce que je veux dire. Quelquefois, je dois laver la toilette dégueulasse (parce qu'en bas j'ai un seau à besoins et, quand je monte, je le vide dans la toilette et que je rince bien sûr), l'évier, par terre. Je ne peux malheureusement pas aller jouer, courir, m'amuser. La salle de bains est crado. Surtout le sol. En plus, il n'y a pas de carpette, et, ce qui ferme la pièce, ce n'est même pas une porte mais un rideau. Et encore, il est craqué, et il n'y a même pas le chauffage central dans cette « maison ». Je regrette vraiment de ne plus vous voir, vous savez ? Je regrette de ne plus être à la maison parmi vous. Je regrette aussi la salle de bains bien chaude, propre et belle. Je regrette aussi ma chambre, bien chaude elle aussi, bien douillette, avec une couette, un bon oreiller, de bons coussins, des nounours et les objets qui la remplissent. Je regrette aussi la bonne nourriture (NDLR : Sabine souligne ces mots), dont le beefsteak-frites. Je ne bois que du lait et de l'eau du robinet. Quelquefois, en haut, j'ai droit à du Coca ou à du café et parfois à un petit bonbon. Presque toutes les choses qu'il me donne sont périmées. Mais lui dit que la date qui est sur l'emballage, c'est la date de la vente ! Il a dû partir en mission cinq jours et il m'a donné du chocolat qui datait de 1993 . Il avait un « petit » goût de vieux, mais je l'ai mangé quand même. Tout ce qu'il me donne, c'est du produit blanc. Je ne dis pas (qu'à la maison) on « prenait de la marque » tout le temps, mais quand même Pendant ce temps-là, il boit du Coca (la marque Coca !!!), mange du Nutella, etc. Je vous disais que j'avais du pain, mais ce n'est pas du bon pain comme celui de chez de Roo ou Maes. C'est du pain fait par des machines ou je ne sais pas quoi. Et ce n'est même pas du beurre, c'est de la margarine. Mes habits sentaient tellement mauvais qu'il les a pris pour les laver. Et, à la place, il m'a donné une chemise d'été à courtes manches et serrantes et un petit slip de plage. Maman, si tu l'as au téléphone, tu lui diras comment laver (il ne l'a pas encore lavé) le mieux possible le pull rouge de Bonne-Maman (NDLR : celui qu'elle portait lors de son enlèvement) pour qu'il ne l'abîme pas. Je crois qu'il n'a pas de machine à laver ni un sèche-linge.
Sabine est habitée par la certitude de mourir. Au fait, écrit-elle. il m'a donné un radio-réveil pour que ça me fasse un peu de compagnie. J'ai trouvé Fun Radio Charleroi. Le son craque un peu, mais bon ! Quand j'entends une chanson que vous aimiez bien ou que j'aime bien, ou s'il y a quelque chose de marrant à la TV, me permettez-vous de rire, ou de chanter, ou danser ? Ça fait un peu con de vous demander ça, mais je ne voudrais pas que je m'amuse et vous non. Vous direz la réponse au monsieur. Comme je ne reviendrai sûrement jamais, à moins d'un miracle, Papa peut prendre mon radio-réveil, et vous aussi bien sûr, vous pouvez me prendre des choses.
Dans sa geôle étroite, froide et humide, Sabine regarde les minutes qui passent sur l'écran du radio-réveil que lui a concédé Marc Dutroux. Elle l'écrit à sa maman : Je ne peux m'empêcher de noter les numéros du réveil quand je les regarde. Et elle égrène les chiffres des minutes, expliquant ce qu'ils lui suggèrent : 1 h 02 : 2 est le numéro de la maison de marraine Annie ; 1 h 07 : parce que c'est mon chiffre préféré ; 1 h 08 : parce que c'est le chiffre préféré de Sébastien ; 1 h 17 : c'est le jour de la naissance de Sophie et de Maman ; 1 h 39 : c'est la pointure de Bobonne ; 1 h 52 : c'est l'année de la naissance de Papa et Maman.
Sabine, que Dutroux laissera enfermée jusqu'à huit jours dans le « trou » (ainsi qu'elle appelle la cache), tente, tant bien que mal, de s'occuper. Elle révise ses devoirs. Elle recopie aussi des grilles de mots croisés destinées à ses proches : Sur des feuilles à part, je vous ai joint des mots et aussi des poèmes faits par moi-même et sans aide.
Celui qu'elle a rédigé pour sa mère sur sa paillasse pourrie dans la cave de Marcinelle ne peut qu'émouvoir celui ou celle qui se projette, fût-ce quelques secondes, dans la peur de cette fillette de douze ans et demi tombée dans les rets de Dutroux, prédateur sans scrupule :
Toi Maman que j'aime tendrement,
Toi Maman qui es toujours là pour les autres et pour tes enfants,
Toi Maman, qui apportes le bonheur dans la maison
Toi Maman, qui es toujours là pour nous ramener à la raison,
Toi Maman qui es là pour nous consoler,
Toi Maman qui es là pour nous aimer,
Toi Maman qui fais tout pour nous,
Toi Maman qui nous fais devenir fous,
Toi Maman qui fais des sacrifices pour nou
Toi Maman à qui on voudrait faire plein de bisous,
Toi Maman qui es là quand nous en avons besoin,
Toi Maman qui es pleine d'entrain,
Toi Maman qui as un cœur grand comme l'univers,
Toi Maman qui nous aimes, je l'espère,
Je t'aime.
« Je l'espère » Dutroux est parvenu à immiscer le doute dans l'esprit de la fillette. Il l'a convaincue que sa maman ne l'aime peut-être pas parce qu'elle ne veut pas payer la rançon. Marc Dutroux a raconté la même chose à toutes ses autres victimes : à Julie et Melissa, à An et Eefje, à Lætitia, par la suite.
Dans le « trou », Sabine trouve dans ses lectures scolaires des raisons d'espérer. Elle recopie des citations, issues, notamment, de son journal de classe. Des mots de Prévert, de Vasarely, de Gide ou encore des évangelistes ou de saint Augustin.
La liberté, ce bien qui fait jouir des autres biens : Montesquieu, dont elle recopie la citation, lui rappelle sa condition de prisonnière Marc Dutroux, lui, n'a cure des tourments de Sabine. Il lui fait écrire des questionnaires destinés à ses parents. Il fait mine de leur demander les réponses par téléphone. Il n'a de cesse d'asseoir encore plus sa dominance psychologique sur sa petite victime.
Dans la cache, les enquêteurs découvrent l'agenda de la petite fille. Tout au long de ses 79 jours de détention, elle tient une signalétique de ses terribles épreuves : sur les feuilles, les dates s'alignent comme autant de stations de ce calvaire. Elle note les présences et les absences de Dutroux. Elle associe une croix aux jours où Marc Dutroux l'embête. Ces feuillets balisent le martyre de la petite otage.
Que Marc Dutroux méprise : Ce n'était pas un bon choix. Elle ne se laissait jamais faire. Elle avait un caractère difficile. C'était un petit gendarme comme son père. Je n'aurais jamais pu la laisser seule. On me dit « difficile », mais à côté d'elle, ose dire aux enquêteurs Marc Dutroux qui se présente quasiment comme une victime de Sabine. Ainsi, comme elle lui avait dit un jour qu'elle aimerait bien avoir une copine, Dutroux, après son arrestation, n'a eu de cesse de l'accuser de l'avoir « obligé » à enlever une autre fille, Lætitia.•


En 1985 déjà, Dutroux enlevait des jeunes filles

Les faits de 1985 annoncent ceux de 1995 et 1996. Dix ans plus tard, Dutroux ajoutera la séquestration aux enlèvements. Son maître mot était : « On peut tout faire, mais pas se faire prendre. » Il a été condamné à 13 ans et demi de prison. Six ans plus tard, il était libre.

LE DOSSIER (8/30)
Le 7 juin 1985, Jean Van Peteghem, 30 ans, sort de la caravane installée dans le jardin de la maison du 4, rue des Anémones, à Goutroux, qu'occupent Marc Dutroux et Michelle Martin. Il pousse la porte de la cuisine et partage le repas du couple. Dutroux, en verve, lui fait soudainement part de son intention d'aller s'amuser. Michelle Martin se cabre. Elle ne veut plus que Dutroux utilise sa Golf pour aller se faire une gonzesse.
D'après les déclarations de Van Peteghem, les deux hommes, voleurs associés, prennent la route. Il est 23 h 15. Ils repèrent une fillette devant la piscine de Gilly. Elle a 11 ans. Dutroux la désigne à Van Peteghem, qui lui rétorque : Elle est bien jeune. Dutroux réplique : Elle me plaît bien, et c'est mon genre. Van Peteghem, que Dutroux loge et nourrit depuis plusieurs mois, s'exécute. Il fond sur la fillette, la saisit par la taille, lui met la main sur la bouche, la place, côté convoyeur, sur le plancher de la Golf bleue. Ses yeux, sa bouche, sont recouverts de sparadrap. Marc Dutroux lui inflige les pires outrages sur le siège passager. Il prend une photo polaroïd de sa victime et lui fait croire qu'elle est destinée à un magazine américain. Et, pour mieux appuyer cette fable, il converse, durant toute la scène, avec Van Peteghem en adoptant un accent américain.
La petite est libérée près de l'hôpital de Gosselies dans la nuit, à 2 h 20. Alors qu'elle sort de voiture, Dutroux lui remet un paquet de dragées. C'est avec le même appareil Polaroïd 2000 qu'il photographiera Sabine Dardenne durant sa séquestration.
Le jeudi 17 octobre 1985, une autre jeune fille tombe dans les griffes de Dutroux. Elle est âgée de 19 ans. Il est 17h30 lorsqu'elle se dirige vers un magasin de la rue Vandervelde, à Péronnes-lez-Binche. Un homme se trouve sur le trottoir. Quand la jeune femme passe à sa hauteur, il la pousse dans une camionnette Peugeot J9, celle de Dutroux.
Deux autres complices, jamais identifiés, se trouvent à bord du véhicule. L'un des deux est un chauve âgé d'une cinquantaine d'années. La jeune fille est emmenée dans une maison. Elle est violée à plusieurs reprises. Avant de la libérer, Dutroux met en garde sa victime : Tu ne dois pas porter plainte, sinon je t'aurai, je le saurai par les journaux.
Van Peteghem, qui n'a pas participé à ce viol, a reçu, plus tard, les confidences de Dutroux. En prison, celui-ci lui a demandé d'accuser un certain « William » et un « Michel » auxquels il aurait, ce jour-là, loué sa camionnette pour un déménagement.
Dutroux n'aurait, selon cette version, assisté à l'enlèvement qu'en tant que chauffeur.
Entre ces enlèvements, le couple Dutroux - Van Peteghem poursuit ses rapines : vols de voitures et de pièces de rechange, cambriolage d'une friterie, vol de meubles dans un entrepôt de Gilly.
Le samedi 14 décembre 1985, à Nalinnes, Marc Dutroux et Jean Van Peteghem, accompagnés par Michelle Martin, qui conduit la camionnette J9, jettent leur dévolu sur une étudiante de l'ULB. A 19 h 20, elle descend de son bus. Elle aperçoit la camionnette qui la suit sur une distance de 300 mètres avant de la dépasser. Un homme en sort. Il la pousse dans le véhicule et lui plaque du sparadrap sur les yeux. Il fait croire à la jeune fille qu'il l'enlève pour obtenir une rançon. En 1995, les victimes de Dutroux se verront imposer la même mise en scène.
L'étudiante est emmenée dans une maison où elle subit les assauts de deux hommes, Dutroux et Van Peteghem, après avoir été déshabillée en présence de Michelle Martin qui ne tente pas d'empêcher le pire. D'après les déclarations de Michelle Martin et de la victime, Dutroux propose à sa victime d'avoir des rapports avec Martin. Il passe la nuit avec elle. Il étale des connaissances pseudoscientifiques. Il revendique une formation en droit et lui explique longuement le processus de la détention préventive.
A son tour, Jean Van Peteghem en rajoute : Je suis la réincarnation d'un samouraï, nous avons trois équipiers : le fou, le muet et l'Italien, se gargarise-t-il. Elle est finalement ramenée, le dimanche, vers 18 heures, près de chez elle.
Quat re jours plus tard, le trio repart en campagne. Le mercredi 18 décembre, une fille de 15 ans prend son vélo pour se rendre à son école, à Pont-à-Celles. Il est 7 h 25. Il fait encore nuit. Une camionnette la suit. Soudain, le véhicule lui coupe la route. La porte latérale droite de la camionnette Peugeot J9 de Dutroux s'ouvre. L'adolescente est happée à l'intérieur par Dutroux et Van Peteghem. Son vélo est hissé à bord. Le scénario est identique à celui qui sera appliqué le 28 mai 1995 lors de l'enlèvement de Sabine Dardenne à Kain. Ses ravisseurs lui appliquent du papier collant sur les yeux. Elle est emmenée dans une maison et violée. A la torture physique, Dutroux ajoute la torture morale. Il affirme à l'adolescente que son enlèvement est une vengeance contre son père qui n'a pas toujours été régulier Dix ans plus tard, Dutroux tiendra des propos identiques à Sabine. La jeune fille est filmée et photographiée pendant 15 minutes dans les postures que lui impose Dutroux. Ses ravisseurs lui proposent ensuite des jus de fruits et des pralines. Ils lui donnent 500 francs pour aller voir un médecin et lui demander un certificat d'excuse pour l'école ! Le soir venu, vers 19 heures, elle est libérée à 300 mètres de chez elle.
A l'occasion de cet enlèvement, le trio a perfectionné son organisation. La jeune fille déclare à l'époque aux enquêteurs : Lorsqu'ils m'ont hissée dans la camionnette, je les ai entendus dire : « C'est elle », comme s'ils me connaissaient.
Martin et Van Peteghem le confirmeront devant le juge d'instruction : Dutroux avait organisé des repérages. La veille de l'enlèvement, il avait dressé une liste de victimes potentielles, renseignant les lieux et les heures où elles se trouvaient.
Ils pensaient d'abord enlever une gamine à Lodelinsart. Ce fut un échec. A Pont-à-Celles, ils s'étaient décidés à s'en prendre à une jeune handicapée, sauvée par l'arrivée de son bus scolaire ; la jeune fille était en troisième position sur la sinistre liste.
Le mois suivant, le duo s'en serait pris à deux jeunes filles âgées d'une quinzaine d'années à Morlanwelz. Le conditionnel est de mise, car, malgré une enquête policière serrée, les deux jeunes victimes n'ont jamais été retrouvées. Marc Dutroux nie ces faits. Mais Jean Van Peteghem, son comparse, fournit au moment de son arrestation en février 1986, une multitude de détails confondants.
En mai 1985, il serait donc parti avec Marc Dutroux dans l'espoir de trouver une nouvelle victime. Les deux hommes battent la région de Charleroi. Ils aboutissent à Morlanwelz où ils ont appris qu'une « boum » est organisée dans une école. Ils guettent la sortie des adolescentes. Vers minuit, ils pénètrent dans la salle de bal. Dutroux apostrophe Van Peteghem : Attends, tu vas voir, lui lance-t-il en voyant deux jeunes filles s'éloigner de la salle de bal. Elles sont rattrapées et emmenées dans une caravane de chantier proche d'un terril. Selon le récit de Van Peteghem, Dutroux viole la plus jeune. Ils relâchent ensuite leurs victimes dans la drève de Mariemont.
Le 27 août 1991, quelques semaines avant la libération de Marc Dutroux, Jean Van Peteghem, sur son cyclomoteur, brûle le feu rouge au carrefour des rues Cathédrale et de l'Université, à Liège. Il percute un bus des TEC et est tué sur le coup. Selon le témoignage de Michelle Martin, Dutroux s'était promis de le liquider dès sa sortie de prison. Il lui reprochait de l'avoir balancé. Dutroux promettra plus tard le même sort à tous ceux qui le mettent en danger.
Van Peteghem avait aussi affirmé au juge d'instruction Lacroix, de Charleroi, que Marc Dutroux lui avait raconté avoir violé une jeune fille en janvier 1985 en compagnie d'un complice qui n'a jamais été identifié.
Ce jour-là, le 31 janvier, une adolescente de 18 ans est prise en chasse sur un chemin de campagne d'Obaix par une Toyota Carina bordeaux volée trois jours plus tôt à Montignies-sur-Sambre. Elle est ceinturée, projetée sur la banquette arrière. Ses yeux sont immédiatement bandés. Son agresseur lui pointe une lame de couteau sur la gorge. Dutroux la violente et déclenche, à cinq ou six reprises, son Polaroid. La jeune fille reconnaît les barrettes de flash, caractéristiques de cet appareil.
Le violeur, raconte la jeune fille aux policiers, parlait de temps à autre le wallon. Comme Dutroux qui aimait s'adresser à sa grand-mère dans cette langue. Les deux complices finissent par libérer leur victime quatre heures plus tard. Elle reçoit des bonbons. Eux lui volent encore un misérable billet de 100 francs.
Jean Van Peteghem avait aussi rapporté au juge Lacroix l'agression revendiquée par Dutroux et commise au domicile d'une dame de 58 ans, à Haine-Saint-Pierre. Le 9 juin 1983, Dutroux et deux complices investissent de nuit la chambre de cette femme, dont ils convoitent les économies. La quinquagénaire est bâillonnée. Sa robe de nuit est arrachée. Ils la jettent pieds et poings liés sur un divan. Ils exigent de connaître l'endroit où elle a caché ses biens. Elle refuse. L'un des agresseurs détache alors les liens qui lui enserrent les pieds. Il la menace : Cette fois, tu vas parler. Ils la torturent à l'aide d'une baïonnette. La quinquagénaire livre son secret : 70.000 francs en liquide, des titres au porteur et un livret d'épargne CGER riche de 500.000 francs sont cachés dans la carcasse du poêle à gaz.
Après trois heures de souffrance, la bande s'esquive. Le chef prévient la femme : Si vous déposez plainte et si l'un de nous est arrêté, il y en aura toujours bien un de la bande qui vous tuera .
L'un des complices de Dutroux est rapidement identifié. C'est Thierry D., le locataire de la victime. Pour les « tuyaux » fournis à la bande, il perçoit 20.000 francs qu'il s'empresse de remettre à la victime, au lendemain du raid sauvage, pour apurer sa dette locative.
Dutroux s'empare des titres au porteur d'une valeur de 1,3 million et prétend les avoir brûlés. Ceux-là sont peut-être à l'origine de ses placements boursiers et de sa frénésie à acquérir, dans la région, de misérables masures.
En août 1983, un « inconnu » se présente à l'agence CGER de l'avenue Louise à Bruxelles pour y retirer les 500.000 francs du carnet d'épargne volé. L'employé constate que ce compte est bloqué depuis l'agression. Il émet des doutes sur la procuration prétendument signée par la propriétaire du compte au bénéfice d'un certain Patrick B. « L'inconnu », qui est sans doute Dutroux, prend la fuite.•


Marc Dutroux récidive dès sa libération, en 1992

LE DOSSIER (9/30)
Après avoir purgé 6 des 13 ans et demi de prison auxquels il a été condamné pour des enlèvements, des viols et des agressions perpétrés en 1985, Marc Dutroux est libéré en 1992. Qu’a-t-il fait de cette liberté ? A-t-il perpétré d’autres faits que ceux qui ont fait de Julie, Mélissa, An, Eefje, Sabine et Laetitia des victimes ?
Le 23 août 1996, les enquêteurs visionnent une cassette vidéo Sony HI8 saisie dans le mobile home Renault Trafic qui a servi aux enlèvements de Sabine et Lætitia. La bande se déroule. Les enquêteurs prennent note : Le film débute en montrant une jeune fille nue sur un lit d’une personne. La jeune fille est inconsciente. Elle n’a aucune réaction et semble droguée. La suite montre le viol de cette jeune fille, toujours inconsciente. Arrivés au bout de la vidéo, les enquêteurs voient apparaître à l’écran un visage qui s’expose à l’objectif de la caméra : En fin de reportage, le visage de l’homme peut être aperçu et nous constaterons qu’il s’agit de Marc Dutroux.
La jeune fille est rapidement identifiée. Il s’agit d’une Slovaque de 18 ans venue passer des vacances à Sars-la-Buissière en juillet 1994. En séjour en Slovaquie, Dutroux et Martin avaient fait la connaissance de Slovaques. Ils avaient accepté de recevoir des jeunes chez eux. Dutroux avoue aux enquêteurs : Ma femme était allée faire des courses. J’ai mis du Rohypnol dans ses tartines. Elle est donc montée se coucher et elle s’est endormie après une heure environ. Je l’ai déshabillée et j’ai filmé ce que j’ai fait. J’ai arrêté parce qu’il me semblait qu’elle allait se réveiller. Après le film qui a duré environ un quart d’heure, je l’ai habillé et je l’ai remise dans son lit. Elle ne se souvenait de rien.
Deux ans plus tard, en juillet 1996, la jeune Slovaque revient à Sars-la-Buissière en compagnie de sa jeune sœur. Dutroux va récidiver. Michelle Martin se rend complice de la nouvelle explosion de son mari. Elle explique lors d’un interrogatoire : Le lendemain de leur arrivée, alors que nous nous préparions à prendre une tasse de café, Marc m’a obligée à verser des gouttes de Haldol dans le café destiné aux deux jeunes filles. Elles sont devenues somnolentes. En début de soirée, Marc m’a demandé de mettre dans une crème au chocolat que j’avais dû préparer des somnifères. J’ai refusé. J’ai alors vu Marc y mettre lui-même les comprimés écrasés dans les raviers destinés aux jeunes filles. À partir du moment où elles avaient pris du Haldol, les deux jeunes filles se sentaient un peu dans les nuages. Elles se sentaient fatiguées, s’endormaient et nous faisaient comprendre qu’elles voulaient aller dormir. Marc m’a ensuite obligée à quitter la maison. Je suis partie chez ma mère à Waterloo.
Marc Dutroux avoue le viol de la plus jeune des deux Slovaques : Elles dormaient à deux dans le même lit. Je l’ai prise dans mes bras et je l’ai conduite dans mon lit. J’ai installé la caméra, je me suis filmé ainsi qu’elle-même. Elle ne s’est souvenue de rien le lendemain. Avec le Rohypnol, c’est toujours ainsi, il y a des blancs dans la mémoire.
Cet événement se passe en juillet 1996. La date est importante. Sabine a été enlevée quelques semaines plus tôt. Elle est séquestrée à Marcinelle.
Juste avant l’enlèvement de Julie et Melissa, le 24 juin 1995, Marc Dutroux est en pleine frénésie. Il cherche, dès le début du mois, des jeunottes, comme il le dit aux marginaux qu’il tente d’entraîner dans ses mauvais coups.
Olivier P., un toxicomane de Marcinelle, est de ceux-là. Il raconte à la PJ d’Arlon : Il est exact que Dutroux m’a proposé de ramener des enfants chez lui et de participer avec lui à des enlèvements d’enfants qu’il ramènerait chez lui et qu’il vendrait. J’ai toujours refusé pareille offre, affirme ce témoin. Il me disait qu’elles ne devaient pas avoir au-dessus de 16 ans. Dutroux m’a dit qu’il revendait les filles et qu’elles partaient. Je lui ai demandé où elles partaient, mais il m’a répondu que cela ne me regardait pas. Il m’a dit que si j’enlevais une fille pour lui, je recevrais 20.000 francs. Dutroux me tenait par la drogue.
A une époque qu’Olivier P. situe au mois de juin 1995 (en tout cas avant le 29 juin), Dutroux l’entraîne : Il m’a demandé d’aller en repérage à Marcinelle, explique-t-il. Il voulait que je lui ramène des filles de moins de 16 ans. Je lui ai ensuite expliqué que je n’avais rien trouvé. En fait, je lui ai menti, car je n’avais procédé à aucun repérage dans le quartier. Au vu de mon échec, Dutroux m’a proposé de m’accompagner. Nous sommes alors partis ensemble à bord de sa CX grise à Gosselies. On est allés faire un tour dans le quartier, d’abord en voiture et ensuite à pied. C’était au moment d’une foire foraine. Il a surtout regardé les jeunes filles en disant qu’il voulait les prendre. Nous n’avons rien trouvé. Nous sommes ensuite partis vers Nivelles.
Là, les deux hommes explorent les alentours du centre sportif. On a circulé ensemble à pied, poursuit Olivier P. Nous sommes entrés dans le bâtiment où se trouvait la piscine. Il m’a dit que c’était trop risqué. Il y avait des gens dans la piscine mais personne ne correspondait aux souhaits de Dutroux. Sur le parking, Marc Dutroux tente d’aborder une jeune fille de 15 ans. Il y a du monde. Il renonce. Nous sommes ensuite partis vers Hofstade, près de Malines, où ma mère possédait un chalet dans un camping, raconte Olivier P. Il m’a demandé de me rendre dans le café de ce camping pour voir s’il y avait des filles. Je me souviens que ce jour-là, il y avait des filles d’environ huit ans qui entraient et sortaient de cet établissement. Dutroux m’a alors dit d’enlever une des gamines en m’en désignant une. Je pense qu’il s’agissait d’une gamine mince avec des cheveux bruns. J’ai refusé de faire ce que Dutroux me demandait et il m’a alors traité de couillon. Ces faits seront dénoncés à la gendarmerie de Charleroi. Aucune suite n’y sera réservée.
Quelques semaines encore avant l’enlèvement de Julie et Melissa, Marc Dutroux s’en prend à une jeune femme lors d’un séjour en Slovaquie. Les faits se passent le 4 juin 1995. Ce soir-là, cette jeune femme rejoint son domicile après une soirée passée en discothèque. Elle est happée par Dutroux, à moitié étranglée, violée. Marc Dutroux filme la scène. Ce n’est qu’en 1999 que les gendarmes visionneront cette cassette pourtant saisie le 13 décembre 1995 lors de la perquisition menée par le gendarme Michaux à Marcinelle. Dutroux affirme que la jeune fille était consentante et qu’il lui aurait payé 1.000 couronnes slovaques.
Quelques jours aussi avant l’enlèvement d’An et Eefje, en août 1996, Michel Lelièvre témoigne : Plus ou moins sept jours avant l’enlèvement, alors que nous nous trouvions dans la rue du Bois, Dutroux m’a demandé de marcher quelques mètres afin de me parler seul à seul. C’est alors qu’il m’a dit qu’en fait le trafic de drogue n’était pas le plus important pour lui, mais qu’il s’intéressait spécialement aux jeunes filles. C’était la première fois qu’il me parlait de cette façon. Il était très calme et souriant, il en parlait presque en plaisantant. C’est à ce moment que je me suis rendu compte que j’avais peut-être affaire à un pédophile. Il me disait que ce qui l’intéressait n’étaient pas les filles en elles-mêmes mais l’argent que ces filles pouvaient lui rapporter.
Lelièvre raconte ainsi avoir accompagné Dutroux, entre septembre et décembre 1995, en repérage dans les régions d’Onoz, Sambreville, Spy, Temploux et Suarlée. Nous avons roulé dans la CX grise, explique Lelièvre. Je savais qu’il cherchait une fille à enlever. Il m’avait dit au cours du trajet que s’il avait l’opportunité d’enlever une fille, il profiterait du fait que je suis avec lui pour le faire.
Ce souvenir de Lelièvre est important car il démontre, si ces faits se sont passés au début septembre, que Dutroux voulait encore augmenter le nombre de ses prisonnières, malgré le fait qu’An, Eefje, Julie et Melissa, s’il dit la vérité, étaient toujours vivantes et détenues à Marcinelle.
D’autres témoins attestent du démon qui dévore toujours Marc Dutroux à sa sortie de prison en avril 1992. L’un d’eux, Jean-Pierre L., raconte : Je me souviens qu’un jour, deux jeunes filles de 18-19 ans sont passées non loin de nous et je lui ai dit quelque chose du genre « Pas mal, hein ». Dutroux a alors répondu : « Pas mal mais je préfère plus jeune ». A ma question de savoir ce qu’il entendait par « plus jeune », il m’avait répondu : « huit ou neuf ans ». Je me souviens lui avoir répondu en wallon : « Ça n’va nin dins t’tiesse ! » (Ça ne va pas dans ta tête).
Il avoue aussi sa préférence pour les toutes jeunes gamines à son ex-codétenu Patrice C. : En septembre 1993, raconte celui-ci aux enquêteurs, Marc Dutroux m’a proposé d’aller enlever une fille avec lui. Dutroux m’a dit : « La prochaine fois, je la garderai pour la voir pousser. »
En juillet 1993, Claude T. se rend vers 23 heures à la fête d’Yves-Gomezée. D’après cet homme, Dutroux l’interpelle : J’ai repéré quelque chose, lui dit-il alors qu’il circule à bord de son Audi 100 verte. Dutroux se gare sur un petit parking, le long d’un bois. Claude T. voit circuler à proximité deux jeunes filles de 13 ou 14 ans. Dutroux dit à Claude : Je voudrais bien les prendre. Claude lui réplique : Tu es fou ? Dutroux lui explique : C’est simple. Il suffit de leur tenir une main sur la bouche. Une fois dans la voiture, elles ne peuvent plus partir car la sécurité est enclenchée. Dutroux précise à son compagnon que le prix varie de 100.000 à 150.000 francs et il lui parle des caches qu’il aménage dans sa maison de Marchienne-au-Pont. La gendarmerie de Charleroi est, cette fois-là encore, informée. Il y aura des perquisitions. Sans suite.
A Michelle Martin, aussi, Dutroux explique son envie de recommencer ce qu’il avait déjà commis lors de sa razzia des années 83-85 : En 1994, Marc Dutroux m’a progressivement fait part de son envie de recommencer à enlever des jeunes filles, raconte-t-elle dans un interrogatoire. Dans ses dires, Dutroux exprimait le fait qu’il avait des pulsions pour les filles, qu’il avait besoin d’aventures, qu’il ne voulait pas passer sa vie dans un cercle familial habituel. Et Dutroux montre à son épouse comment il compte s’y prendre : Il s’est avancé vers moi et me faisant face, à l’aide d’une seule main, la main droite, me semble-t-il, il m’a serrée au niveau de la gorge. Il m’a alors dit que c’était pour me montrer comment il fallait s’y prendre pour maîtriser quelqu’un. Il m’a serrée tellement fort que j’en ai eu la respiration affaiblie. J’ai même eu mal.
Une nouvelle fois, Michelle Martin adopte le profil bas. Les humiliations subies depuis tant d’années, la complicité (« forcée » selon elle) avec Dutroux dans les enlèvements et les viols de 1985, cette annonce qu’il va la replonger dans les pires incertitudes : tout cela n’inclinera pas l’épouse de Marc Dutroux à s’écarter suffisamment de lui. Ni à dénoncer ce qu’elle savait déjà et qui préparait l’enlèvement de Julie et Melissa, d’An et Eefje, de Sabine et de Lætitia.


Michelle Martin a suivi « son dieu » jusqu’au bout

Marc Dutroux ne s'est jamais arrêté. Libéré en 1992, il cherche à enlever des enfants. Il s'attaque à de jeunes Slovaques qu'il agresse après les avoir endormies au Rohypnol. Michelle Martin, à nouveau, est sa complice. Elle laisse faire.

LE DOSSIER (10/30)
Nous sommes en septembre 1981. Sur la glace de la patinoire de Forest-National, un jeune homme tourne et tourne encore autour d’une belle jeune fille blonde et timide, maladroite sur ses lames. Leurs regards se croisent. Ils échangent quelques mots. Marc saisit le bras de Michelle. Il l’entraîne sur cette glace dont il connaît si bien tous les secrets. Martin a 21 ans. Dutroux en a 25. Leur glissade ne s’arrêtera que le 13 août 1996, lors de leur ultime arrestation.
Cette rencontre m’a fortement impressionnée, raconte Michelle Martin aux enquêteurs. Il paraissait très sûr de lui, intelligent, un peu vantard, très séducteur. Il ne laissait pas les filles indifférentes. J’étais très timide mais il a su me mettre en confiance et j’avais très facile de me confier à lui. Rapidement, je suis tombée amoureuse de lui et je crois que ce fut réciproque. Avec lui, je me sentais vivre, je me sentais respirer, je me sentais libre. Je ne connaissais rien de la vie et encore moins des hommes. Dutroux est devenu mon Dieu, comme mon père l’était.
Ce père lui avait été arraché 15 ans plus tôt, sur une route verglacée du Brabant wallon. Michelle avait 6 ans. Ce matin d’hiver 1966, elle avait traîné à regagner la voiture de cet agent des PTT, qui devait l’emmener à l’école avant de rallier son lieu de travail. Puis elle avait oublié le masque de carnaval qu’elle devait porter à la fête scolaire. Son père avait donc dû rentrer à la maison. Il était énervé. Michelle était à ses côtés lorsque la collision tragique survint. Son père est tué sur le coup. La petite fille, commotionnée et victime d’une fracture de la jambe gauche, demeure 15 jours à l’hôpital. Sa mère lui fit toujours peser ce reproche : Tu es responsable de la mort de ton père.
La maman, condamnée à une dépression perpétuelle, enferme Michelle dans son deuil, l’accaparant tout entière. Jusqu’à 18 ans, Michelle est obligée de passer ses nuits dans le lit maternel. Tous les mercredis et les samedis, c’est le même rituel immuable qui est imposé à la fillette, à l’adolescente, à la jeune fille : une visite au cimetière. Elle explique : J’ai ressenti un profond sentiment de culpabilité qui a influencé mon vécu : coupable d’avoir tué mon père, coupable d’avoir ôté son mari à ma mère. J’ai ressenti l’obligation de réparer ce malheur en m’occupant de ma mère qui m’avait donné la place de mon père.
C’est donc cette jeune fille fragile qui ne connaît rien d’autre de la vie que ce que cette mère possessive jusqu’à l’obsession a bien voulu lui faire connaître, qui tombe un après-midi de septembre 1981 sur la glace de Forest-National, dans les rets de Marc Dutroux. Lui sait comment s’y prendre. Les patinoires, c’est son terrain de chasse. Il n’en est pas une, en Belgique et dans le nord de la France, qui ne l’ait vu évoluer, parfois même comme moniteur ou surveillant bénévole. Sur la glace, sa prestance lui permet de compenser ses complexes d’infériorité. Marc Dutroux ne s’aime pas ; il n’aime pas ses parents. Sa petite taille l’obsède. Sur la glace, il devient le roi. Et il se doit d’emporter avec lui son « carrosse » : une caravane pourrie qu’il traîne chaque week-end sur le parking de ces patinoires qui sont devenues ses étangs de pêche aux jeunes filles en mal d’affection. C’est dans cette caravane qu’il entraîne sa nouvelle conquête.
Nous avons entretenu des relations sexuelles peu de temps après notre première rencontre, raconte Michelle Martin. Jusqu’à trois fois par jour, les jeunes amants referment la porte de la caravane. J’avais besoin d’être aimée et protégée. Lui savait se faire désirer. Marc va m’expliquer la tristesse qu’il porte en lui, en me racontant sa jeunesse et ses très graves problèmes affectifs et autres avec ses parents, ce qui m’a beaucoup ému. Cela me rapprochera de lui puisque nous souffrions tous les deux d’une blessure. Je désirais le soigner, le materner.
Dutroux cache à Martin l’existence de son épouse, elle aussi rencontrée quelques années plus tôt dans une patinoire, à Charleroi. Un mariage rapide. Elle n’a que 17 ans ; lui, à peine 18. Il ne s’était, avant cette rencontre, jamais affiché en compagnie de jeunes filles. Après avoir quitté le domicile familial à l’âge de seize ans et demi, Marc Dutroux s’était fait héberger chez des homosexuels avec lesquels il consentait à des relations moyennant finances. De l’union de Dutroux et de sa première épouse sont nés deux fils.
A ses conquêtes qui se multiplient, Marc Dutroux se présente sous le nom de cette première épouse, par honte de ce patronyme de « Dutroux » qui lui valut dans les cours de récréation de son enfance les quolibets les plus cruels.
Francis, le copain qui l’accompagne fidèlement dans ses tournées des patinoires, finit par lâcher le morceau à la jeune institutrice blonde : Marc est marié. Michelle Martin, passée la stupéfaction, s’en fait une raison. Il m’a alors dit qu’il envisageait de divorcer, raconte-t-elle aux enquêteurs. J’étais inquiète de cette situation, mais il me rassurait. Toutefois, il m’a fait comprendre qu’en divorçant il voulait rester par la suite libre de toute attache, même s’il éprouvait de l’amour pour moi. Il m’apprendra plus tard que je n’étais pas sa seule maîtresse. Quant à moi, j’étais déjà heureuse de la place qu’il m’accordait. J’ai dès lors accepté cette situation. J’avais besoin de donner mon amour à quelqu’un. J’avais besoin d’être aimée et protégée.
En 1983, Michelle Martin s’installe chez Marc Dutroux, à Goutroux, dans une petite maison de la rue des Anémones. Jusqu’à 1985, elle se domicilie fictivement chez des amies de son amant. Celui-ci est trop soucieux de continuer à bénéficier d’allocations sociales. Il a été victime, dit-il, d’un accident du travail.
En attendant de s’établir « officiellement » avec Dutroux, Martin rencontre sa première épouse et l’une de ses jeunes maîtresses, elle aussi rencontrée à l’âge de 14 ans à la patinoire de Charleroi. Les trois femmes lient connaissance. Je me rappelle que Marc m’a dit à l’époque que son désir était de nous garder toutes les trois, dit encore Martin. C’est Dutroux qui dirigeait cette situation pour le moins marginale. Il voulait maîtriser nos sentiments et le côté pratique des choses. Je pense que nous réagissions en adolescentes que nous étions.
A la fin de l’année 1983, Michelle Martin annonce à Marc Dutroux qu’elle est enceinte. La jeune femme est ravie. Sa mère, qui lui reproche de l’avoir abandonnée, l’est beaucoup moins : Ne viens jamais avec ça chez moi, dit-elle de l’enfant à naître.
Quant à Marc, précise Michelle Martin, il accepte bien au début cette grossesse. Mais son attitude va changer quand il saura que j’attends un garçon. A cinq mois de grossesse, j’ai dû me rendre en clinique où le gynécologue voulait me garder suite à des contractions prématurées. Marc a refusé que je sois hospitalisée en disant qu’il me soignerait bien à la maison. Il aurait voulu que je perde mon garçon parce qu’il préférait avoir une fille. Sur le parking, il m’a fait courir en me disant qu’ainsi je perdrais le fœtus et nous pourrions recommencer. Cet événement m’a profondément choquée et je me suis renfermée en me tournant d’autant plus vers mon bébé. Le petit garçon naît le 2 juin 1984.
Dutroux fuit Michelle et ce nouveau-né dont il ne veut pas. Chaque week-end, il part en expédition dans les patinoires après avoir pris en charge ses deux autres fils nés de son premier mariage. Il les confie à Michelle Martin.
Les enfants ne le voyaient pas, témoigne Michelle Martin devant les enquêteurs. Le lendemain matin, il les reconduisait chez leur mère en repartant à la patinoire. J’étais triste de me retrouver seule, jalouse même et en colère, mais je ne pouvais pas me permettre de montrer ces sentiments qui frustraient Marc car, alors, il se sentait coincé par mon attitude et il devenait violent. De plus, il me disait que je ne devais pas perdre « mes bonnes habitudes », entendez par là de le laisser faire ce qu’il avait envie. J’ai donc appris à me taire, à ne pas le contrarier, à ne pas l’irriter pour éviter ses comportements violents et aussi parce que j’imaginais qu’il souffrait trop.
A Goutroux, la jeune institutrice se retrouve prisonnière de son amour, de son incapacité aussi à envisager de reprendre la vie professionnelle. Je ne me sentais plus capable d’affronter le monde de l’enseignement, explique-t-elle. Je voulais rester auprès de Marc et de mon enfant.
Marc Dutroux n’accepte pas cette situation. Il me traitait alors d’endormie, de mollusque, d’incapable, déclare Martin. Il se méfiait de tout le monde et disait toujours « qui n’est pas avec moi est contre moi », ce qui voulait dire pour moi que, si je n’étais pas avec lui, il me considérerait comme son ennemie et la situation deviendrait très dangereuse.
Ces craintes ne tardent pas à se concrétiser : Il était devenu hystérique, explique Martin. Il s’en prenait physiquement à moi. Il était insultant, humiliant, mais je supportais ces attitudes en silence. Quand il me portait des coups, il me reprochait de l’avoir provoqué. Même quand j’étais enceinte, il lui arrivait de me frapper à coups de poing et de pied. J’ai dû protéger notre enfant. Dutroux était jaloux de l’attention que je lui portais. Il exigeait de passer avant qui que ce soit, y compris ses enfants. En me soumettant aux exigences de Dutroux, j’évitais ses colères et nous ne prenions pas de risque.
Malgré les coups, la haine, les pleurs, Michelle Martin reste pourtant aux côtés de celui qui était « comme une drogue » pour elle : J’idéalisais notre relation. J’étais terrifiée à l’idée qu’il ne m’aimerait plus, d’être abandonnée et d’être face à mon vide intérieur. J’avais besoin de lui pour tenir debout. Je me taisais et je m’enfonçais dans l’isolement. J’étais gênée et j’avais le sentiment de ne pas réaliser mon rêve de couple, mais je m’estimais heureuse qu’il s’intéresse à moi. Plus il demandait, plus je donnais pour rester à la hauteur de ses exigences. J’étais obsédée par cet homme. Cette obsession me dictait mes conduites jusqu’à mettre ma vie en danger. Je devais être sa mère, son épouse, sa maîtresse et la mère de ses enfants. Je ne pouvais tenir tous ces rôles, ce qui me culpabilisait.
En 1985, Marc Dutroux rencontre à la patinoire (encore !) de Valenciennes une nouvelle jeune fille. Il tente d’imposer à Michelle Martin le partage de cette rivale : J’étais très jalouse et je n’osais pas le lui avouer, concède-t-elle. Je voulais éviter ses reproches et ses réactions agressives.
D’après Michelle Martin, c’est ce qui provoque la plongée du couple dans la délinquance la plus dure : les enlèvements, les viols, puis les meurtres d’enfants. L’explication de Michelle Martin est hallucinante : C’est dans ce contexte, explique-t-elle, que je fus embarquée malgré moi dans les faits d’enlèvements en 1985. Marc Dutroux avait imaginé enlever, séquestrer et violer des jeunes filles dans un laps de temps assez court pour les remettre en liberté par la suite. Il m’a expliqué que, s’il agissait ainsi, c’était bien à cause de moi. En effet, draguer les filles lui prenait beaucoup de temps. S’il les kidnappait, il récupérait ce temps de séduction pour me le consacrer. Quand il m’a expliqué tout cela, je n’en ai pas cru mes oreilles. Il ajoutait que c’était à cause de moi qu’il devait agir ainsi. Il attendait de moi que je soutienne ses projets d’enlèvements, pire : que je l’aide. J’étais outrée, je le traitais de « fou ». Il est devenu de plus en plus violent pour m’obliger à le suivre, jusqu’à me traîner littéralement hors de la maison pour lui servir de chauffeur, même si je n’ai pas su tenir ce rôle. Face à cette violence, je n’ai pas eu le choix. J’étais seule face à lui.
A la violence conjugale vont désormais succéder ces razzias dont seront victimes, de 1985 à 1996, des dizaines de filles et de femmes, dont certaines demeurent non identifiées.


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Dernière édition par Samael le 01 Mar 2004 10:13; édité 1 fois
Samael 
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MessagePosté le : 01 Mar 2004 10:07
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Michelle Martin raconte l’emprise de Marc Dutroux

Michelle Martin poursuit le récit de sa descente aux enfers aux côtés de Marc Dutroux. Celui qu'elle appelle le « démon » aiguise sa stratégie. Elle se marie en prison avec lui. Elle lui rend visite à 744 reprises. Elle aurait pu partir, elle est restée.

LE DOSSIER (11/30)
Il est désormais loin le temps des amourettes de la patinoire de Forest-National (« Le Soir » d’hier). Au fil des années, Michelle Martin, obsédée par l’amour inconditionnel qu’elle voue à Marc Dutroux, découvre l’inquiétante personnalité de celui qui s’est substitué à son père, son « dieu ».
En 1984, Dutroux donne le coup d’envoi d’une équipée sauvage qui ne s’arrêtera pas. Il a expliqué à Michelle qu’en enlevant des jeunes filles, en les violant, en les remettant rapidement en liberté, il pourrait ainsi « réduire le temps » qu’il réserve à la séduction d’autres femmes et se consacrer d’avantage à sa famille.
Dutroux va tenir parole. Il enlève, il viole, il torture (« Le Soir » du 21 Janvier). Pour le sexe, pour l’argent, avec cruauté, Michelle Martin prend part aux expéditions. Parfois aussi aux sévices infligés aux victimes. Le couple et leurs complices sont arrêtés au début de l’année 1986.
Après notre arrestation, raconte Michelle Martin aux enquêteurs, j’ai d’abord nié les faits comme Dutroux me l’avait ordonné. Par la suite, j’ai avoué mais je me suis rétracté plusieurs fois. Je recevais du courrier de Marc Dutroux qui me pressait de me taire. Je l’avais aussi rencontré à la prison où il était entré dans le parloir que j’occupais avec mon avocate. Il m’avait dit de me taire d’un ton menaçant.
La jeune femme est libérée après quelques semaines de détention préventive. Elle est soumise à une expertise psychiatrique qui conclut à la nécessité de l’interner en raison de sa dépendance psychologique à Marc Dutroux. La chambre du conseil de Charleroi suit cette recommandation. Marc Dutroux entre dans une colère noire.
Cet internement m’écartait du jugement, ce qui ne convenait pas à sa défense, se souvient Michelle Martin. Il me voulait au tribunal à ses côtés pour clamer mon innocence. Il faut savoir qu’il niait tout en bloc. Il m’ordonna de me soumettre à une contre-expertise.
L’avocat (de l’époque) de Marc Dutroux la dirige vers un psychiatre bruxellois. Ce médecin établit un rapport estimant, comme le souhaitait Dutroux, que Michelle Martin est responsable de ses actes.
La chambre du conseil, raconte Michelle Martin, désigna un collège d’experts pour trancher et ce collège dit que je n’ai jamais été irresponsable mais nuance ma responsabilité en raison de ma dépendance envers Dutroux.
Michelle Martin est donc renvoyée devant le tribunal correctionnel de Charleroi. Marc Dutroux met en œuvre la stratégie qu’il reproduira dix ans plus tard après son arrestation d’août 1996 et qu’il compte bien développer en 2004 à Arlon.
En attendant le jugement, raconte-t-elle aux enquêteurs, Marc Dutroux écrit à mes (trois) avocats pour leur indiquer comment diriger ma défense, ne tenant pas compte de ce que je pense et de ce que je veux. Il écrit au juge d’instruction, aux journaux pour crier au scandale. Il étudie son dossier par cœur, accuse d’autres personnes des faits et la justice de fabriquer un coupable. Il cherche de faux témoins pour le disculper, dont une de ses maîtresses, à qui il avait promis le mariage. Il cherche aussi des contradictions dans les déclarations des victimes et des abus policiers, m’impliquant d’office dans ses moyens de défense.
Le tribunal prend en compte la sujétion de Martin à Dutroux, la sincérité de ses aveux aussi : elle n’écope en 1988 que de trois ans de prison.
Je vais interjeter appel contre cette condamnation sur l’insistance de Marc Dutroux et contre ma volonté et celle de mon avocat, poursuit Michelle Martin. Je panique terriblement. Je ne veux pas faire appel. Sous la pression de Marc Dutroux, je cède. Il m’oblige à changer d’avocat. En appel, il exige que je revienne sur mes aveux pour mieux assurer sa défense.
Au bout de ce baroud judiciaire insensé, la sanction tombe : la cour d’appel de Mons relève la condamnation de Michelle Martin de 3 à 5 ans. Dutroux est envoyé pour 13 ans et demi derrière les barreaux. Il entraîne Martin devant la Cour de cassation et demande vainement que son affaire soit rejugée aux assises, devant les jurés populaires qu’il croit sans doute pouvoir ferrer dans ses manipulations.
À Martin, il écrit : Je ne te permettrai pas de discuter de ma compétence stratégique ni des systèmes que j’utilise. Si tu ne changes pas, tu seras seule responsable car le dernier mot m’appartiendra. Mon rôle de chef de ménage est de décider en paroles et en actes.
Avant que cette décision ne tombe, Marc Dutroux continue à mettre la pression sur Martin. La jeune femme, devenue mère, se plie aux ordres de son mari qui exige sa présence constante à la prison. Avant qu’elle soit elle-même incarcérée, Martin rend ainsi visite à Dutroux à 744 reprises, selon les registres de l’administration pénitentiaire.
A la visite (en prison), il disait m’aimer. Ses propos moralisateurs m’oppressaient. Je sortais des visites en pleurs, complètement décomposée. Il manifestait sa violence, malgré que nous soyons séparés par une vitre. Il menaçait, il criait, il se tapait la tête sur les murs, tout cela pour m’infléchir. Il piétinait sa montre, son stylo. Il me reprochait l’état dans lequel il se mettait.
Le 16 décembre 1988, Michelle Martin, malgré sa peur, accepte de se marier avec Marc Dutroux, toujours incarcéré. C’est un mariage sanction.
Il estimait, raconte Martin, que c’était une compensation au fait que j’avais fait des aveux et que c’était de ma faute s’il était en prison.
En août 1991, la jeune femme sort de la prison de Bruges après deux années de détention. Sa conduite, jugée exemplaire, et le versement des indemnités dues aux parties civiles lui ont permis de bénéficier d’une libération conditionnelle.
Dutroux est rendu à la liberté l’année suivante après n’avoir purgé que 6 des 13 ans et demi de prison auxquels il avait été condamné. Ses années de taule l’ont rendu, selon Michelle Martin, encore plus dur, plus intransigeant, plus déterminé.
Il découvre à sa sortie que son épouse fréquente les Témoins de Jéhovah. Elle se rend avec assiduité à la salle du royaume à Marcinelle, où elle se livre à des études bibliques.
A sa sortie de prison, explique Michelle Martin, Marc Dutroux m’a interdit de continuer à fréquenter ces gens-là et a brûlé mes bibles. Le monde des croyants l’écœure. Il les appelle les « judas-crétins ». En 1993, il inscrit mon fils dans une institution catholique. Pour le dégoûter à jamais des calotins, avait-il dit.
La violence de Dutroux s’amplifie. Il se prend pour Dieu. Il l’affirme lui-même. Et Michelle Martin d’égrener devant les enquêteurs les stations de son calvaire :
Il lui arrive de me jeter au bas des escaliers, ce qu’il a fait avec mon fils aussi. Il me coince contre un mur et me frappe à coups de pied et de poing. Les coups de pied sont parfois portés avec ses grosses bottines de travail à bout renforcé. Il me mord, me pince, me pique sa fourchette dans la main. Il m’a cassé le nez à deux reprises. Si je gaffais, il me faisait mal et m’engueulait. Il m’humilie, m’insulte devant les étrangers, me traite de « cerveau de merde », de paillasse, de connasse et me rabaisse. Il m’appelait « face de rat ». Il exploite tout le monde. Un jour, il m’a expliqué qu’il rangeait les gens comme des objets dans des tiroirs et qu’il ouvrait un tiroir quand il en avait besoin. Parfois j’avais l’impression d’avoir le diable devant moi. Dans sa colère, ses yeux étaient injectés et le regard était glacial. De rage, l’écume lui sortait de la bouche.
En 1994, la terreur monte encore d’un cran. Dutroux, qui est en liberté conditionnelle, évoque la possibilité d’enlever des jeunes filles.
Il lançait une idée pour analyser la réaction de la personne, analyse Martin. Il savait ainsi jusqu’où il pouvait aller. Je n’ai jamais pensé sérieusement qu’il pourrait recommencer ses enlèvements. Cette intention, qui se concrétisera l’année suivante, n’est qu’une menace de plus que Dutroux fait peser sur sa famille.
Je lui reprochais de nous mettre en danger, étant donné ses vols, ses travaux au noir, ses tricheries, ses mensonges tant à la police qu’à l’administration. Dutroux lui répliquait : Il est plus facile de voler que de travailler.
Les relations sexuelles du couple sont à l’avenant de l’enfer conjugal décrit par Martin. Elle raconte : Marc Dutroux va me forcer à satisfaire ses besoins sexuels d’une façon violente qui me dégoûtait. J’étais obligée de m’exécuter tellement je le craignais. Pendant l’acte, il me donnait des coups de poing. Il voulait à tout prix concevoir une fille avec laquelle il se promettait d’avoir une relation incestueuse pour l’initier à l’amour.
Enceinte de cinq mois, Michelle Martin va apprendre, fin juin 1995, que Marc Dutroux est passé à l’acte. Qu’il a tenu ses sinistres promesses. La radio parle de l’enlèvement de Julie et Melissa. Le téléphone sonne chez Michelle Martin. C’est Dutroux. Il lui dit qu’il a les petites, affirme Martin.
Je n’y croyais pas, avance-t-elle. C’était impossible. Au fil du temps, Dutroux va me raconter l’aménagement de la cache, comment sont les petites pour mieux m’asservir et m’impliquer dans ses méfaits. J’ai l’impression d’être sa poubelle. Je percevrai chez Dutroux une énorme tension contrôlée, une grande froideur, une détermination absolue. On aurait dit un robot en marche, programmé, que rien ne peut arrêter. C’était un rouleau compresseur. Je ressentais un vertige intense, une peur terrible du précipice qui se cristallisait en moi. Il y avait ce silence auquel j’étais réduite. Il y avait Dutroux, ce démon, ses pressions mortelles, sa cruauté, son arme. Il y avait l’indicible. Je ne savais même pas crier pour rester en vie. J’étais un échec. Je vivais comme une condamnée en sursis. Je voulais retourner dans le ventre de ma mère.
Le 24 janvier 2002, Michelle Martin se retrouve une ultime fois devant le juge d’instruction Jacques Langlois dans son bureau du palais de justice de Neufchâteau. Le magistrat lui égrène la longue série de crimes, d’enlèvements, de viols dont elle était au courant. Le juge lui pose la question qui trotte dans la tête de tous : Alors que vous aviez une formation d’institutrice, que vous êtes mère de famille, pourquoi ne réagissez-vous pas et ne prenez-vous aucune initiative ? Martin s’effondre en pleurs. Quand vous m’avez lu ce qu’on me reproche, je rentrerais sous terre. Dutroux, c’est comme s’il vous avait vidé le cerveau et mis autre chose à sa place.


Weinstein, le « Roucha », de Fresnes à Charleroi

Marc Dutroux charge Bernard Weinstein de tous les maux. Mais Weinstein n'est plus là pour se défendre : on a retrouvé son cadavre à Sars-la-Buissière. Dutroux l'a tué. Qui était ce truand français ? Un voleur. Voici son histoire.

LE DOSSIER 12/30
Bernard Weinstein a 44 ans en novembre 1996 lorsque Marc Dutroux, après l’avoir drogué au Rohypnol, le précipite vivant dans la fosse creusée au fond de la propriété de Sars-la-Buissière.
Qui est ce truand que Dutroux accuse d’avoir participé à plusieurs enlèvements ? Ce Français, né à Nantes le 4 mars 1952, a connu une enfance qui l’a bousculé de foyer en famille d’accueil en raison des violences que son père lui infligeait.
Au cours de l’été 1975, il rencontre de mauvais amis avec lesquels il écume la Bretagne. Cambriolages, vols dans des voitures, falsifications de chèques. Weinstein endosse à 18 ans les habits d’un truand sans peur. A la mi-octobre 1975, fort d’une impressionnante série de forfaits pour lesquels il n’a pas été inquiété, il s’acoquine à Carcassonne avec de mauvais garçons en compagnie desquels il prend pour cible le département du Val-d’Oise, près de Paris, là où, quelques années auparavant, il a effectué des stages d’apprentissage en mécanique.
Dans la nuit du 18 au 19 décembre, vers 3 heures du matin, il gare la Simca-Chrysler volée quelques jours auparavant à proximité du garage Citroën d’Osny, où il a travaillé un mois en 1973. Accompagné de son complice Patrick Dubouil, il brise l’une des fenêtres du garage. Weinstein est porteur d’une carabine 22 long rifle. Le veilleur de nuit surprend les deux malfaiteurs. Il lance ses chiens sur eux. Weinstein n’hésite pas. Il épaule et abat l’un des deux molosses.
Les deux complices prennent la fuite. Ils se trouvent une nouvelle proie : le magasin de meubles « Vivre », situé boulevard Bordier à Montigny les Cormeilles. Weinstein monte sur un camion. Il brise une vitre à l’aide d’un marteau. Il ouvre le volet métallique pour faire entrer Dubouil. Ils raflent de petites sommes d’argent, des chèques-repas.
Les deux jeunes truands ne sont pas rassasiés. La nuit suivante, ils s’attaquent au garage « Pontoise Motors », à Saint-Ouen-l’Aumone. A l’aide d’un chalumeau, ils ouvrent des armoires métalliques, s’emparent de 500 francs français en liquide, de chèques, de deux pistolets à peinture, de matériel de rivetage. Ils s’attaquent au coffre-fort. La fonte ne cède pas. Weinstein et Dubouil sont furieux. Dans ce bureau, un perroquet en liberté les défie de ses piaillements stridents. Weinstein, excédé, pointe sur le petit animal la flamme de son chalumeau et le brûle. Les deux compères s’emparent d’une Fiat 130 qu’ils emmènent en lisière de la forêt de Berthemont. Ils retournent au garage et s’emparent d’une deuxième Fiat. Les voilà en possession de quatre voitures volées Weinstein et Dubouil passent la nuit dans la forêt. Vers 9 heures, le 20 décembre, ils se décident à reprendre la route. Weinstein, à bord d’une Fiat, part en reconnaissance et tombe nez à nez avec une patrouille de la gendarmerie de Taverny. Il fait brutalement marche arrière dans le petit chemin forestier. Il emboutit la deuxième Fiat volée, descend de voiture et s’engage dans la forêt. Au même moment, le gendarme Levêque arrive à hauteur de la Chrysler. Dans l’habitacle, Dubouil tente de se saisir d’un fusil de chasse à canon scié. Le gendarme dégaine et lui adresse les sommations d’usage :
Gendarmerie, lâchez votre arme, levez les mains ! Le gendarme Levêque comprend vite pourquoi Dubouil esquisse un petit sourire. Weinstein est là, derrière le brigadier. Il pose le bout du canon de sa Remington 280 sur la tête de Levêque et lui intime l’ordre de déposer son pistolet de service. Le gendarme s’exécute.
Weinstein s’adresse alors au collègue de Levêque, le gendarme Bouasnon, qui progresse le long d’une haie, pistolet à la main. Il l’interpelle : Viens rejoindre ton copain, c’est fini ou je te tire dessus. Bouasnon garde sa position. Weinstein ouvre le feu. Le gendarme se jette à terre. Merde, je l’ai loupé, s’exclame Bernard Weinstein.
Les deux comparses se retrouvent à bord d’une des deux Chrysler avec leur otage. Weinstein dit à Dubouil : Il faut l’abattre sur place . Dubouil lui réplique : Non, on va l’emmener en otage. L’équipage s’en va à toute allure vers Paris alors que l’alerte est déclenchée dans toutes les gendarmeries de la région. A Saint-Denis, deux motocyclistes de la police nationale font mine de s’approcher de leur voiture. Les deux truands préparent leurs armes, bien décidés à en découdre. Fausse alerte. Près de Malakoff, ils font le plein d’essence et paient à l’aide d’un chèque volé. Ils libèrent leur otage à Orsay.
Deux jours plus tard, leur fuite les conduit dans une forêt de l’Eure, sur le territoire de la commune de Tostes. Leur voiture s’enlise dans la boue. Les deux comparses remarquent une cabane de bûcheron. Ils menacent les occupants de leurs armes pour tenter de leur voler leur 2 CV. Les deux solides bûcherons résistent. Ils tentent de désarmer Weinstein. Dubouil tire une balle dans la cuisse du premier. D’autres bûcherons arrivent en renfort. Weinstein et son complice choisissent de fuir à pied à travers la forêt. La chasse est lancée. Des hélicoptères survolent les arbres. Les deux fuyards tentent de sortir de la forêt à Pont-de-l’Arche. La gendarmerie locale les y attend. Des sommations fusent. Weinstein et Dubouil mettent en joue les gendarmes qui ouvrent le feu. Des balles sifflent aux oreilles du chef Raphael et de son collègue Van Wassenhove. Ils décident d’arrêter la poursuite et de demander des renforts. Les deux jeunes voyous seront finalement interceptés dans la région de Tarbes.
Bernard Weinstein est incarcéré à la prison de Fresnes le 13 janvier 1976. Cinq ans plus tard, le 27 février 1981, la cour d’assises du Val-d’Oise le condamne à 15 ans de réclusion.
En 1985, il bénéficie d’une libération conditionnelle après avoir purgé les deux tiers de sa peine. Sa sœur, établie en Belgique depuis le début des années 60, se porte garante de sa réinsertion. Le frère de son beau-frère lui accorde un contrat d’emploi de magasinier dans l’une de ses sociétés de matériel vidéo. Il emménage dans un petit appartement de l’avenue Brugman, à Forest. Quelques mois plus tard, il reprend sa liberté et se dégage de l’appui familial. Il ouvre un petit garage de réparation de motos, place Morichar, à Saint-Gilles. J’y suis allée une fois, a déclaré sa sœur aux enquêteurs. C’était plus proche du taudis que du magasin. Là, Bernard Weinstein vit en ermite, préférant passer des nuits à dormir auprès de ses bacs d’huile plutôt que dans son appartement.
Il émigre en 1989 à Charleroi où il s’installe chaussée de Bruxelles. Il déménage l’année suivante à Lodelinsart pour s’établir enfin à Jumet, dans le chalet de la rue Daubresse en 1991. Il travaille en intérim comme manœuvre ou électromécanicien.
L’un de ses ex-collègues de la SA Dauby Béton, de Marchienne-au-Pont, racontera aux enquêteurs : Ce qui m’a étonné de la part de cet homme, c’est qu’il dormait au travail. Souvent, je lui ai fait la réflexion. Weinstein me rétorquait : « Il faut que je travaille la nuit pour gagner ma vie. » Il m’a expliqué qu’au moyen de sa dépanneuse, il dépannait des véhicules sur l’autoroute.
Dans la région de Charleroi, Bernard Weinstein, que l’on surnomme « le Roucha », se lie avec les ferrailleurs et les voleurs de voitures Il fait la connaissance de Marc Dutroux en 1994. Celui-ci a acheté un camion DAF en mauvais état mécanique et le confie à Bernard Weinstein.
Michelle Martin en parlera dans un interrogatoire : Depuis lors, Marc Dutroux et Bernard Weinstein se sont fréquentés très régulièrement. Bernard était à mon sens une sorte de clochard. Toutefois, il était très instruit et avait de nombreuses connaissances en mécanique, en électricité, en électronique et en chimie. Jamais Bernard n’évoquait son passé. Il était habitué à voler toutes sortes de véhicules, tant des voitures que des camions. Il considérait cela comme tout à fait normal, comme faisant partie de son mode de vie, de sa philosophie. Cela ne le dérangeait nullement de voler n’importe quel objet qui aurait pu lui être d’une utilité quelconque. C’est ainsi que Marc Dutroux a déjà commis avec Bernard Weinstein des vols sur des chantiers dans le courant des années 94-95. Bernard était un personnage fort taiseux et fort timide. Il avait une vision de la vie qu’il confondait avec la mort. Il n’arrivait pas à se lier avec des personnes du sexe opposé. Je pense que Marc Dutroux n’arrivait pas à avoir toute l’emprise qu’il souhaitait sur Bernard, que ce dernier arrivait parfois à « doubler » Marc. Cet état de choses irritait fortement Marc.
Weinstein va effectivement « doubler » Marc Dutroux en volant, le week-end du 23 au 25 septembre, un camion chargé de câbles téléphoniques. Il signera ainsi son arrêt de mort, ainsi qu’on le lira demain.
« Doubler » Dutroux, Weinstein le fait aussi dans la nuit du 28 au 29 mars 1994 en lui volant son camion DAF. Une plainte est déposée par Du-troux. La chambre du conseil de Charleroi renverra le Français pour ces faits (et d’autres vols commis en compagnie de deux complices) devant le tribunal correctionnel le 22 mars 1996. Bernard Weinstein ne comparaît pas à cette audience. Et pour cause : Marc Dutroux l’a tué fin novembre 1995.
Un mois plus tôt, le 26 octobre 1995, Marc Dutroux l’a entraîné dans une autre combine, décelée par l’assureur Groupe Josi : les deux hommes déclarent un faux accident de la circulation pour permettre à Dutroux de réparer l’avant abîmé de sa voiture. Sur le constat d’accident, rédigé de la main de Dutroux (qui imite grossièrement la signature de Weinstein), le Français certifie qu’il s’est endormi au volant.
Jusqu’au terme de sa vie, Bernard Weinstein gardera en Belgique un casier judiciaire quasiment vierge. Seule y figure une condamnation prononcée le 19 octobre 1995 par le tribunal de police de Charleroi : une amende de 150 francs et une déchéance du droit de conduire pendant un mois pour défaut d’assurance et défaut d’immatriculation.
Un autre incident de la circulation, dont les conséquences auraient pu être catastrophiques pour Bernard Weinstein, débouche, le 6 novembre 1996, sur le constat par le tribunal correctionnel de Nivelles de l’extinction de l’action publique : on sait, à cette date-là, que le cadavre de Bernard Weinstein a été découvert trois mois plus tôt dans le terrain de Sars-la-Buissière. Les faits qui lui valent ces poursuites posthumes se déroulent le 13 août 1995.
Ce jour-là, Bernard Weinstein revient de la côte où il a passé la journée avec une jeune fille de 17 ans avec laquelle il entretient une relation platonique. Juché sur sa puissante moto Kawazaki Z 1300, il est pris en chasse vers 18 heures par une patrouille de gendarmerie sur l’E19.
Les gendarmes le suivent depuis plus de deux kilomètres. Ils enregistrent une vitesse constante de plus de 154 km/h. Ils allument leurs feux bleus, se portent à la hauteur de la moto de Weinstein pourvue d’une plaque française et lui intiment l’ordre de s’arrêter. Weinstein prend la fuite. Il sort à Seneffe, emprunte la N 59, heurte un véhicule, brûle des feux rouges, file vers Thuin à vive allure. A Manage, il force un barrage de la gendarmerie. Il fonce sur l’un des agents qui ouvre le feu, sans atteindre le fuyard. Quelques centaines de mètres plus loin, Weinstein et sa passagère font une lourde chute. Ils sont interceptés par les gendarmes. Bernard Weinstein se « justifie » : La motocyclette que je conduisais n’était pas assurée, c’est pourquoi j’ai décidé de prendre la fuite.


Une embrouille et Dutroux séquestre trois jeunes gens

LE DOSSIER (13/30)
C'est, à ses débuts, un fait divers banal. Qui aura des conséquences terribles pour plusieurs victimes. Il se déroule fin septembre 1995. Julie et Melissa, enlevées le 24 juin 95, sont alors séquestrées par Marc Dutroux. An et Eefje ont été enlevées le 23 août 95. Mais on ne sait si elles sont encore en vie à cette époque. Les corps des deux Flamandes seront retrouvés sous la cour du chalet de la rue Daubresse, qui tient un rôle central dans cette histoire.
Le week-end du 23 au 25 septembre 1995, Bernard Weinstein, l'ami de rapines de Marc Dutroux, et deux jeunes gens, Pierre Rochow et Philippe Divers, volent à Wauthier-Braine (Brabant wallon) un camion de marque Iveco appartenant à la société Fabricom. A l'aide de ce camion, le trio embarque ensuite l'objet de ses convoitises : deux bobines de câbles téléphoniques entreposées sur un chantier Belgacom. Ils ont projeté de désosser les câbles orange pour en récupérer les fils de cuivre et les revendre à une fonderie. Le camion ne les intéresse pas. Ils ne l'ont « emprunté » que parce que sa grue tridirectionnelle leur permet de s'approprier les précieuses bobines. Ce butin est entreposé dans le hangar loué par Gérard Pinon à Michelle Martin, qui le sous-loue à Bernard Weinstein.
Le lundi matin, Dutroux fait irruption dans le hangar. Il découvre les trois comparses occupés à découper les bobines. Il s'emporte : Vous êtes chez moi, ici ! Il roule des mécaniques face aux trois voleurs, qui n'en mènent pas large. L'une des deux bobines lui est abandonnée. Mais Dutroux en veut plus. Lorsqu'il apprend que le camion Iveco a été abandonné sur le parking de la société Armabeton à Marchienne-au-Pont, il exige de Bernard Weinstein d'aller le chercher. Dutroux espère, en prélevant les pièces qui l'intéressent et en recyclant la carcasse, en tirer au moins 500.000 francs, de quoi installer une nouvelle chaudière à Marcinelle et acheter de l'outillage. Les deux hommes s'en vont chercher le bahut. Pour le rentrer dans le hangar loué par Weinstein, il leur faut démonter en partie la grue et veiller à dégonfler les pneus pour ne pas accrocher le linteau de la porte d'entrée.
Un mois plus tard, l'accord passé entre Dutroux et ses complices est anéanti par une embrouille digne d'une série B. Gérard Pinon, le propriétaire du hangar, est un informateur habituel de la police judiciaire de Charleroi. Il a le nez fin, Pinon. Il sait qu'en organisant la récupération du camion, il pourra se réserver un joli pactole promis par les assurances. Il appelle son officier traitant, l'inspecteur Georges Zicot. Pinon lui raconte qu'un camion volé se trouve dans le hangar occupé par Weinstein ; qu'on y découpe du câble. Gérard Pinon sait que, pour toucher la prime de l'assurance, il faut éviter que le camion soit retrouvé dans le hangar dont il est le propriétaire. Il faut l'évacuer et faire semblant de le retrouver sur la voie publique. Ce plan est approuvé. Zicot et l'un de ses collègues, accompagnés d'un dépanneur, s'introduisent donc le soir du 30 octobre dans le hangar. Ils tractent le camion, mais oublient de dégonfler les pneus : le linteau de la porte est arraché. Le véhicule est ensuite « abandonné » sur la rue à Ransart, permettant ainsi à l'inspecteur Zicot de le découvrir « par hasard » et d'assurer, classique technique policière, la rémunération de son informateur. Zicot est en aveux de ce tour de passe-passe.
Dès le lendemain de cette opération d'évacuation rocambolesque, Pinon appelle Weinstein. Il fait semblant de fulminer : La porte du hangar a été arrachée. Dutroux est appelé à la rescousse. Avec Weinstein, il apaise Gérard Pinon, lui promettant de réparer les dégâts. Mais Dutroux est dans une rage folle. Ce camion qui devait lui rapporter 500.000 F, il est sûr que c'est Rochow et Divers qui l'ont fait disparaître.
Les événements vont s'enchaîner rapidement. Le lendemain du « coup de gueule » de Gérard Pinon, Rochow est appelé par Bernard Weinstein : Viens me voir à Jumet, lui signifie-t-il. Le jeune homme arrive devant le chalet de bois de la rue Daubresse dans l'après-midi. Son amie l'attend dans sa voiture. Dutroux et Weinstein lui tombent sur le paletot. Ils étaient assez tendus, témoigne Pierre Rochow devant les enquêteurs. Immédiatement, ils ont déclaré : « On a volé l'Iveco et on a cassé la porte du garage. » Rochow sirote son café auquel il trouve un goût bizarre. Et pour cause : Dutroux y a versé du Haldol, un puissant calmant. Le ton monte. Dutroux veut savoir à tout prix ce qu'est devenu « son camion ».
Alors qu'ils m'interrogeaient, explique Pierre Rochow, ils m'ont demandé si j'étais tout seul. Je leur ai expliqué que ma petite amie m'attendait dans la voiture. Dès cet instant, Bernard a changé de comportement. Il est devenu plus calme et m'a dit que je ne devais pas m'inquiéter avec cela. J'ai quitté les lieux.
Pierre Rochow, grâce à son amie, vient d'échapper au pire une première fois. Le café au Haldol qu'il a absorbé lui inflige de terribles douleurs musculaires. Il se rend aux urgences de la clinique de Braine-le-Château où il reçoit une injection avant de pouvoir rejoindre son domicile. Il ne sait pas qu'il a été drogué.
Trois jours plus tard, le 4 novembre, à 22 heures, Pierre Rochow et Philippe Divers se rendent, à la demande de Weinstein, au chalet de la rue Daubresse. Weinstein leur ouvre la porte. Soudain, ils aperçoivent dans un recoin de la pièce Marc Dutroux affalé sur un lit. Il brandit dans leur direction un pistolet doté d'un silencieux. Un coup part. Une balle siffle. Les deux jeunes gens sont pétrifiés. Dutroux est menaçant. Sous la menace de son pistolet, ils se laissent, sans broncher, enchaîner et menotter sur un lit métallique. L'un et l'autre sont contraints d'avaler du café allongé au Haldol et quatre pilules de Rohypnol.
Dutroux s'approche d'eux.
Il a baissé son arme. Il nous a demandé si c'est nous qui avions volé le camion Iveco, raconte Philippe Divers aux enquêteurs. Nous avons répondu que ce n'était pas nous. Il a ajouté qu'il allait mener son enquête et que, si ce n'était pas nous, il n'y aurait pas de problèmes.
Les deux jeunes font valoir qu'ils ne peuvent être les auteurs du vol : ils savaient que, pour sortir le camion du hangar, il fallait impérativement dégonfler les pneus. Or le linteau a été arraché : c'est donc, argumentent-ils, que les vrais voleurs ne savaient pas que la porte était trop basse. Dutroux reçoit l'argument. Il commence à hésiter. Rochow et Divers profitent de la faille. Ils s'adressent à Weinstein : Libère-nous, nous avons toujours été corrects avec toi !
Bernard Weinstein hésite. Dutroux s'énerve. Il hurle : Ne les écoute pas, on ira jusqu'au bout ! Jusqu'au bout ? Plus tard, Dutroux racontera cet épisode à Michel Lelièvre. Celui-ci explique aux enquêteurs : Il m'avait raconté la séquestration de jeunes gens suite au vol du camion. Et, par cet exemple, il m'avait dit comment il traitait ceux qui lui mettaient des bâtons dans les roues. Il m'a également dit que, si Weinstein n'avait pas fait le con ce jour-là, il les aurait liquidés. Gérard Pinon, lui-même confident occasionnel des mauvais coups de Dutroux, se souvient : Dutroux a expliqué qu'il avait tiré un coup de feu chez Weinstein pour faire peur à Rochow et à son copain. Je lui ai rétorqué : « Tu es fou ! Et si tu l'avais tué ? » Dutroux a ajouté : « Cela n'était pas un problème ! »
Pierre Rochow et Philippe Divers commencent à céder à l'effet des médicaments. Rochow lâche : Ma copine va s'inquiéter si je ne rentre pas. Dutroux et Weinstein exigent de connaître son adresse. Il fait nuit. Les deux comparses filent jusqu'à Waterloo où ils découvrent la jeune femme, déjà alitée. Ils lui expliquent : Pierre est malade, comme il y a trois jours (NDLR : lorsqu'il avait absorbé du Haldol à son insu). Il te réclame, il faut venir avec nous à Jumet. La jeune femme s'habille rapidement : Je les ai suivis sans me méfier, dit-elle aux policiers.
Vers 1 heure du matin, le trio arrive devant le chalet plongé dans la pénombre. La jeune femme pénètre dans le living. Weinstein manipule l'interrupteur. La lumière jaillit. Elle aperçoit avec stupéfaction Pierre Rochow et Philippe Divers enchaînés sur le lit. Elle se précipite vers ses amis inconscients. Philippe Divers ouvre les yeux. Weinstein lui assène aussitôt un coup de maillet sur la tête pour le replonger dans les bras de Morphée. Dutroux se saisit de la jeune femme. Il lui serre la gorge et veut la forcer à absorber des médicaments. Elle crie. Elle pleure. Elle supplie son agresseur : Je ne peux pas prendre n'importe quel médicament, je suis sujette à des crises d'épilepsie.
Tu ne risques rien, lui réplique Dutroux qui la reprend à la gorge et la force à prendre en bouche quatre comprimés et un liquide blanc. La jeune femme parvient à recracher deux pilules, qu'elle dissimule dans sa poche. Dutroux la houspille : Tu as intérêt à faire ce que je te dis si tu ne veux pas qu'il t'arrive quelque chose !
Dutroux veut à tout prix que les médicaments fassent rapidement leur effet. Il est à court de chaînes et, déjà, il s'est décidé à retourner au domicile de Rochow pour y voler des babioles et les voitures des deux amis. Il interroge la jeune fille sur le vol du camion. Ils m'ont harcelée de questions concernant un camion volé selon eux par Pierre et Philippe. J'ai demandé de quoi ils parlaient parce que je ne comprenais rien .
La jeune femme finit par sombrer dans un demi-sommeil. Dutroux et Weinstein, convaincus que les médicaments ont fait leur effet, partent fouiller l'appartement de Rochow à Waterloo. Ils ferment les portes du chalet à clef.
Dans l'appartement de leur otage, Weinstein et Dutroux font leur marché. Ils volent une radio, des CD, un jeu Sega, un sac, quelques vêtements, des photos, des lunettes, des cassettes. Et deux voitures.
Pendant ce temps, à Jumet, l'amie de Rochow, qui n'a pas absorbé tous les médicaments que voulait lui faire ingurgiter Dutroux, se lève, allume la lumière et tente de réveiller ses amis. Ils ne bougent pas. Elle casse une vitre et se réfugie chez une voisine. Elle la supplie d'appeler la police. Dix minutes plus tard, un balai de feux bleus entoure le chalet de la rue Daubresse. Rochow et Divers sont libérés de leurs chaînes et emmenés à l'hôpital.
Marc Dutroux est atterré. Il planque les deux voitures volées dans le hangar de Gérard Pinon, rentre à Marcinelle et appelle Pinon : Gérard, viens tout de suite à la maison, c'est grave. Je ne peux pas te le dire par téléphone ! Pinon est inquiet. Il sait de quoi Dutroux est capable et se demande s'il n'a pas découvert qu'il était responsable de l'évacuation du camion Iveco. Il griffonne sur un bout de papier : Je vais chez Dutroux, à Marcinelle. Si je ne suis pas rentré demain matin, prévenez la police .
Arrivé à Marcinelle, il conduit Dutroux et Weinstein à proximité de la rue Daubresse. Les deux hommes veulent récupérer l'arme qui les confond. Le chalet est gardé par la police. Vers 4 h 45, l'agent de faction aperçoit un homme, probablement Weinstein, qui tente de pénétrer dans le chalet par l'arrière. Il l'interpelle : Police, ne bougez pas. Ce policier communal se souvient : L'individu n'a rien dit. J'ai remarqué qu'il tenait quelque chose d'indéterminé dans sa main droite. J'ai tiré un coup de feu en l'air à l'aide de mon arme de service .
Pierre Rochow et Philippe Divers parlent aux policiers. Ils désignent Weinstein et son copain « Marc »...


Dutroux torture Weinstein et s'empare de son magot

LE DOSSIER (14/30)
Le fiasco de la séquestration des trois jeunes gens au domicile de Bernard Weinstein (« Le Soir » d'hier) plonge Marc Dutroux dans une colère noire. Il risque d'être identifié si Bernard Weinstein est arrêté. Il a perdu dans cette aventure les 500.000 francs qu'il comptait retirer de la vente du camion Fabricom volé. Pour Dutroux, Weinstein devient tout à la fois une proie et un risque à éliminer.
Le Français, lui, sait que la police est sur sa trace. Il abandonne son domicile de la rue Daubresse surveillé et fouillé par la police. Il se terre chez des amis. Il sait que sa fuite ne pourrait être que de courte durée et envisage de se livrer à la police pour atténuer ses responsabilités. Dutroux fait tout pour l'en empêcher.
Le 17 août 1996, le jour même de la découverte des corps de Julie et Melissa et de celui de Weinstein à Sars-la-Buissière, Dutroux livre à gros traits les circonstances qui l'ont conduit à assassiner le Français.
Pendant le mois qui a précédé ma convocation à la police (NDLR : le 6 décembre 1995) et mon arrestation, Bernard devait trouver une solution pour les deux filles (il parle de Julie et Melissa), déclare-t-il le 17 août 1996 aux enquêteurs. Lorsque j'ai compris qu'il allait me laisser seul avec les filles et qu'il m'avait dit : « De toute façon, moi je vais en France », j'étais furieux mais je ne l'ai pas montré. Je l'ai attiré chez moi et je lui ai donné du Rohypnol en douce. Je lui ai mis une grosse dose et je l'ai enterré. Il avait reçu une quinzaine de cachets. Il respirait encore lorsque je l'ai mis en terre. Ce mec est une ordure. Il foutait le camp. Il partait en France. Je lui ai alors dit : « Viens à la maison, on va faire le verre de l'adieu ». Il est venu. Je savais que j'allais le supprimer
A l'issue de cette longue audition, Dutroux reprend les six pages dactylographiées par les enquêteurs. Il organise déjà sa ligne de défense ultérieure. Il ajoute à la main ce qu'il va présenter ultérieurement comme son seul mobile la protection de Julie et Melissa.
Je précise, écrit Dutroux, que sa seule solution était de liquider les filles et qu'à défaut, je n'avais qu'à me débrouiller. Marc Dutroux a beau jeu : Weinstein, mort, ne pourra jamais le contredire. Et aucun témoin, pas même Michelle Martin, ne peut confirmer que le Français fut impliqué, de près ou de loin, dans les enlèvements et les séquestrations. Ce qu'elle dit de Weinstein, elle le sait de Dutroux : Dutroux m'a dit que Weinstein
Au lendemain de l'intervention de la police à son domicile de la rue Daubresse où les trois jeunes ont été séquestrés à l'initiative de Dutroux (« Le Soir » d'hier), Bernard Weinstein lui en veut beaucoup. J'ai tout perdu à cause de lui, déclare-t-il à l'un de ses proches. Je n'ai plus qu'à partir, récupérer l'argent (NDLR : 100.000 FF, soit environ 600.000 FB) que m'a donné ma mère et l'acompte que j'ai payé pour acheter le chalet voisin de celui que j'habite. L'un de ses amis, Gérard Pinon (l'informateur de l'inspecteur Zicot), lui propose de se réfugier dans une maison qu'il possède en Hongrie. Weinstein préfère la France. Dutroux, lui, donne le change. Il se rend en compagnie du Français chez Michel Nihoul, l'homme d'affaires bruxellois rencontré quelques mois plus tôt et dont on reparlera plus tard. Dutroux veut obtenir un faux passeport pour Weinstein, par l'intermédiaire d'Annie Bouty, la compagne de Nihoul. L'un et l'autre ne nient pas cette rencontre..
J'ai eu le sentiment que cette rencontre avait pour but de rassurer Weinstein quant au fait qu'il existait une possibilité de lui fournir un faux passeport, explique Annie Bouty aux enquêteurs. J'ai aussi le sentiment qu'il s'agissait d'une mise en scène. Weinstein n'avait pas l'air demandeur parce qu'il n'a pas parlé. C'était Dutroux qui parlait. A aucun moment, Weinstein n'a montré qu'il avait envie d'avoir un passeport. Il n'avait pas de réaction. Il était amorphe.
À ce moment-là, Marc Dutroux est sans doute dans la première phase de son projet criminel : faire croire que Weinstein va effectivement quitter la Belgique rapidement.
Les 6 et 8 novembre 1995, Bernard Weinstein se rend à la BBL de Lodelinsart pour y liquider ses comptes d'épargne. Il y a déposé les 100.000 FF que lui a donnés sa mère trois semaines plus tôt. Marc Dutroux est au courant de l'existence de ce pactole. Weinstein retire au total 698.734 francs qu'il va cacher dans le hangar de Gérard Pinon jusqu'à son départ annoncé pour la France. Le 10 novembre, il procède à la radiation de sa plaque d'immatriculation PHL796. Marc Dutroux lui rachète sa Ford Fiesta.
Le 13 novembre, vers 12 heures, Weinstein se présente à la téléboutique Belgacom de Marcinelle pour y résilier son abonnement Proximus. Le soir même, à 19 h 59 très précisément, la carte Proximus de Marc Dutroux est introduite dans le GSM de Bernard Weinstein. Dutroux prétend qu'il a racheté cet appareil pour une somme de 2.000 francs.
Ce soir-là ou au plus tard le 20 novembre (la date précise n'a pu être déterminée), Marc Dutroux prend en charge Bernard Weinstein, réfugié chez Gérard Pinon. Il l'invite à dîner. Il explique ainsi la soirée tragique : Alors que je me trouvais à Sars-la-Buissière avec mon épouse, nous avons préparé des tartines au pâté. Sur ces tartines, j'ai personnellement éparpillé du Rohypnol provenant de cachets que j'avais écrasés. J'avais en effet l'intention de faire venir Weinstein chez moi et de le séquestrer pour l'empêcher de continuer à faire des conneries. Lui a mangé les tartines au pâté avec le Rohypnol et moi, j'en ai mangé d'autres, sans produit.
Comment expliquez-vous qu'il n'a pas senti le goût du Rohypnol ?, lui demande un enquêteur.
Le Rohypnol n'a pas de goût, lui répond, en fin connaisseur, Marc Dutroux, qui poursuit : Après quelque temps de discussion, il s'est endormi. Je l'ai descendu à la cave. En le soutenant, j'ai réussi à le faire descendre la rampe d'escalier jusqu'à la cache et j'ai expliqué à Julie et Melissa que Bernard Weinstein voulait les tuer et que je m'y opposais. Je les ai fait monter et je leur ai expliqué que, pendant un certain temps, elles dormiraient dans la chambre. J'ai donc installé Weinstein sur le lit et je l'ai enchaîné avec une chaîne. Sur le mur du fond de la cache, juste sous l'étagère supportant la TV, il y a un anneau fixé dans le mur. J'ai attaché la chaîne à cet anneau et au support métallique de la TV pour qu'il ne puisse pas la détacher. J'avais laissé à la chaîne une longueur suffisante pour permettre à Weinstein d'aller jusqu'au seau hygiénique placé à hauteur de la grille centrale. La chaîne en question avait été tournée autour du cou de Weinstein et fixée à l'aide d'un cadenas. Il lui était impossible de se libérer.
Selon Dutroux, Bernard Weinstein est resté enfermé dans la cache pendant quatre jours. Comme boisson, il ne reçut que de l'eau additionnée d'une forte dose de Haldol. Qui peut croire que ce « traitement » fut accepté volontairement par Weinstein, comme le prétend Marc Dutroux ? Et pourquoi ne pas lui avoir pas laissé tout simplement l'occasion de partir en France, comme Weinstein le souhaitait ?
Le mobile de la séquestration de Bernard Weinstein est probablement tout autre. Michelle Martin, dans ses témoignages, en donne les clés.
Marc m'a demandé de préparer des tartines pour endormir Bernard Weinstein, déclare-t-elle le 25 septembre à la PJ d'Arlon. Il voulait s'emparer d'une somme de plus de 500.000 francs que Bernard avait reçue de sa mère pour acheter une maison. C'est bien le lendemain de mon accouchement (NDLR : de sa plus jeune fille), soit le 25 novembre 1995, lors de sa première visite à la clinique de Braine-l'Alleud où je venais d'accoucher la veille, qu'il est venu m'annoncer qu'il avait liquidé Bernard Weinstein. Il m'a même précisé qu'il avait pris l'argent qu'il convoitait. Il m'a dit qu'il l'avait trouvé dans le hangar, mais ne m'a pas précisé l'endroit.
Pour trouver cet argent, Marc Dutroux ne ménage pas sa peine. Il veut à tout prix cette petite fortune qu'il compte consacrer à l'achat de matériel de chantier et d'une nouvelle chaudière pour la maison de Sars-la-Buissière. Michelle Martin témoigne du supplice infligé au Français : Dutroux m'a dit que, pour faire avouer à Weinstein l'endroit où il avait caché son argent, il avait dû finalement utiliser la torture. Il aurait fait usage de colliers de serrage qu'il aurait placés autour de ses testicules. C'est suite à ce procédé que Weinstein aurait finalement avoué où se trouvait son argent. C'est après cette torture exercée sur Weinstein que Dutroux a pu découvrir l'argent caché dans le hangar.
D'autres témoins disent avoir vu Marc Dutroux aller et venir dans la maison de Weinstein. Il y cherche le magot qu'il convoite et semble s'emparer de tout ce qui l'intéresse : un compresseur, une bétonnière, une télévision. Marc Dutroux confie à Lelièvre qu'il enlève les biens de Weinstein pour les revendre. Parce que Weinstein veut accumuler un maximum d'argent avant de partir. Lelièvre ajoute que Dutroux lui prétend que le Français, déjà assassiné, est en fuite. Dutroux me propose de reprendre la maison de Weinstein, de la rafraîchir, dit encore Lelièvre aux enquêteurs. Qu'ensuite, il me financerait un bon contrat d'assurances et qu'il y mettrait le feu.
Une escroquerie habituelle pour Dutroux : en 1993, il avait, avec un complice, incendié volontairement l'une de ses maisons achetée 350.000 francs et était parvenu à récupérer 1,4 million de son assurance.
Les enquêteurs de Neufchâteau se sont longuement intéressés à la situation financière de Marc Dutroux juste avant et juste après l'assassinat de Bernard Weinstein. Ils se sont aperçus que l'argent en possession de Weinstein avant sa mort s'insérait, à quelques milliers de francs près, dans la situation patrimoniale de Dutroux après l'assassinat. Le 24 novembre, Dutroux achète ainsi la grue qui servira à enterrer Bernard Weinstein vivant au fond de la prairie de Sars-la-Buissière. Il la paie cash 550.000 francs. Le vendeur témoigne : Une heure plus tard, Dutroux et son ami sont revenus avec les 550.000 francs en liquide. Je sais qu'il y avait beaucoup de coupures de 2.000 francs. La liasse était assez importante. Il me fallait une facture pour sortir le matériel. C'est ainsi que j'ai établi la facture no 95-355 du 24 novembre pour un montant de 60.250 francs TVA comprise. Lors d'un de ses interrogatoires, Marc Dutroux, que rien ne déstabilise, dénonce son vendeur aux enquêteurs : Je dénonce un délit de fausse facture, il a facturé les achats pour 60.000 francs environ alors que j'ai payé 550.000 francs !
Le lendemain, le 25 novembre, Dutroux fait l'acquisition du mobilhome Renault Trafic qui servira lors des enlèvements de Sabine et Lætitia. Après lui avoir dit le prix que j'en voulais (à savoir 150.000 francs à discuter), témoigne le vendeur, il m'a demandé pour pouvoir venir le voir le jour même. C'est ainsi que cette personne est venue en soirée. Il était seul et s'est présenté comme Dutroux, Marc, entrepreneur, habitant à Marcinelle. Après un essai, Dutroux conclut le marché. Lui qui, habituellement, est si âpre au gain ne négocie même pas le prix. 550.000 francs le 24 novembre, 150.000 le 25 novembre : le total de 700.000 francs n'est supérieur que de 1.626 francs aux 698.374 francs retirés des comptes de Bernard Weinstein.
Bernard Weinstein, enterré vivant, est mort étouffé par la terre déversée sur son corps anesthésié par le Haldol et le Rohypnol. Dutroux lui enleva des vêtements : Il n'en avait plus besoin. Je voulais l'humilier.•


Marc Dutroux, fasciné par l'argent dès son enfance

Marc Dutroux se dit victime de la « société » depuis son plus jeune âge. Il se vante d'être un propriétaire immobilier, mais il n'a acheté que des taudis. Il se dit « financier avisé » mais ses opérations boursières n'ont pas été fort rentables. Il escroque les assurances.

LE DOSSIER (15/30)
Dans l'univers mental de Marc Dutroux, l'argent occupe une place primordiale, qu'il justifie par rapport aux privations dont il dit avoir été victime dans son plus jeune âge.
L'événement déclencheur de cet appétit démesuré pour le gain, il le situe à la Noël 1962. Marc Dutroux, alors âgé de 6 ans, reçoit de ses grands-parents une panoplie de menuisier. Dès leur départ, ce cadeau lui est confisqué par ses parents. Ils ont estimé que ce coffret était trop beau pour moi, confie Dutroux aux enquêteurs. Je n'ai jamais pu le récupérer. Mes parents l'ont offert au fils d'un de leurs amis pour se faire valoir. Je n'ai rien reçu en compensation.
Dès cet instant, Marc Dutroux se positionne déjà en victime d'un système qui l'oppresse. C'est la relecture qu'il fait de sa prime jeunesse pour appuyer encore son slogan : « L'enfer, c'est les autres ; l'horreur, c'est pas moi. »
Il appuie sa « démonstration » en prétendant qu'en 1963, sa frustration d'être privé d'argent de poche (que sa grand-mère lui donnait en cachette) l'entraîne à tricher, avec la complicité d'un professeur, lors du tirage d'une tombola. Marc Dutroux a alors 7 ans. Il prétend conserver aujourd'hui une mémoire intacte de ces « frustrations » de prime jeunesse.
En septembre 1967, il se retrouve à l'internat catholique de Morlanwelz. Je me sentais considéré comme un petit minable. J'étais perdu au milieu de gosses de riches, dit-il. Je ne m'intéressais à personne, sauf lorsque j'ai commencé à rendre service à certains, à faire discrètement les courses au magasin du coin en faisant le mur. J'étais devenu le fournisseur attitré de ceux qui acceptaient de payer le prix de mes services, car être pris signifiait le renvoi. De la sorte, j'avais un revenu appréciable, mais cette compensation ne pouvait me rendre heureux.
En 1971, Marc Dutroux est inscrit par ses parents aux Aumôniers du travail, à Charleroi. Il se retrouve, une fois de plus, confronté à la rigueur d'un système scolaire strict qu'il exècre à l'égal de l'autorité de ses parents ou des règles de vie en société. L'argent, toujours, l'obsède. Il négocie avec sa mère.
Je me rends à l'école à pied, et, en contrepartie, tu me donnes l'argent réservé aux transports en commun, négocie-t-il. Sa mère, selon lui, le rabroue sèchement.
Jeanine (NDLR : sa mère), explique Dutroux aux enquêteurs, a saisi la balle au bond pour dire que, puisque je me déclarais capable de me rendre à pied au collège, j'irais désormais à pied et que je n'aurais pas un franc.
Marc Dutroux fait mine d'accepter la décision maternelle. Il se reconvertit dans la vente des fascicules catholiques que le prosélytisme de mise aux Aumôniers lui impose de vendre durant ses moments de loisirs. Chaque semaine, affirme-t-il, je vendais de plus en plus de fascicules, avec un bénéfice de 17 francs la pièce. Très vite, j'ai gagné 6.500 francs avec ça.
Marc Dutroux exagère ses prouesses : pour collecter une telle somme, considérable pour l'époque, il aurait dû vendre chaque mois plus de 380 fascicules. J'ai aussi vendu, avec un meilleur rapport encore, ajoute-t-il, tous les autocollants qui étaient donnés gratuitement pour faire la publicité de ce collège. A l'entendre, ses revenus mensuels de collégien de 14 ans auraient quasiment égalé, à l'époque, un salaire d'employé.
Les années suivantes, Marc Dutroux est scolarisé à Nivelles. Son appétit financier l'entraînera encore dans des embrouilles qui amèneront ses parents, et plus d'une fois, dans le bureau du directeur. Il vend ainsi à ses condisciples les photos érotiques d'un magazine « Playboy » subtilisé à son père. Pour autant que ça lui rapporte, il aurait vendu n'importe quoi, résume, lapidaire, sa maman.
Marc Dutroux se pose en fin commerçant. Il se gargarise devant les enquêteurs de ses acquisitions immobilières : Je ne manque pas d'argent, je suis propriétaire de plusieurs immeubles. Mais il doit finalement concéder : Je les ai achetés à l'état de taudis.
Des taudis, c'est bien de cela qu'il s'agit. Les maisons de Marc Dutroux ont alimenté depuis 1996 l'idée qu'il était un propriétaire bénéficiant de rentrées importantes, investissant même dans des terrains aux Caraïbes. Voici l'état exact de ce « patrimoine immobilier ».
Le 31 octobre 1984, il acquiert, sous le nom de Martin, la maison sise 33 rue des Gris à Montignies. Il l'achète pour une somme de 344.500 FB.
Le 19 juillet 1985, il achète la maison du 128 route de Philippeville à Marcinelle, celle où seront retrouvées ses victimes survivantes. Prix d'achat : 265.000 FB.
Le 16 janvier 1986, il devient propriétaire de deux maisons contiguës de la rue Jules Destrée à Marchienne. Il ne paie que 300.000 F pour cette acquisition.
Le 7 octobre 1992, enfin, il acquiert la propriété de Sars-la-Buissière, avec le garage et les terrains pour 1.850.000 FB, bien au-delà de ce qu'il avait consenti pour ses achats antérieurs.
Au total, la valeur d'achat de ce patrimoine immobilier ne représente donc qu'un investissement de 2.759.500 F, soit le prix d'une seule maison moyenne. Durant des années, Marc Dutroux s'applique à rénover ses immeubles, dans l'espoir de les revendre et de réaliser une plus-value intéressante. Cette « plus-value », il n'hésite pas à la réaliser au détriment des assurances. Dans la nuit du 11 au 12 avril 1992, il monte ainsi, avec son complice de toujours Patrice Charbonnier (celui qui lui indiqua comment réaliser la cache invisible de Marcinelle), une escroquerie à l'assurance. Il ne perd pas de temps : il était sorti de prison trois jours plus tôt, le 8 avril, après avoir purgé 6 ans et demi des 13 ans et demi de prison infligés pour les enlèvements, les viols et les tortures infligées à des fillettes, des jeunes filles et des femmes entre 1983 et 1985 (« Le Soir » de ce 21 janvier).
Dutroux embarque sa famille pour un week-end à la mer. Pendant ce temps, Charbonnier boute le feu à la maison de la rue Jules Destrée à Marchienne. Les assurances Aegon remboursent 1.447.880 FB, soit cinq fois la valeur d'achat de ce bien dans lequel de modestes travaux d'aménagement avaient été réalisés pour en permettre la location.
Les assurances, Dutroux en est un consommateur frénétique. Chaque année, il déclare des sinistres, dont les enquêteurs ont établi qu'ils furent parfois simulés. Le 28 juin 1994, il perçoit ainsi 80.000 FB suite à un accident de voiture. Le 13 février 1995, il est indemnisé pour un « dégât des eaux » : 49.488 francs. Le 6 mars 1996, il perçoit à nouveau 46.800 francs suite à un autre accident de voiture. Le 2 mai, les assurances lui paient 25.669 francs pour un nouveau sinistre.
Dutroux et Martin sortent de prison, d'un parcours social et judiciaire compliqué qui ne justifie pas la hauteur de leurs revenus. Tous deux sont parvenus à se faire reconnaître comme handicapés et émargent à la mutuelle. Pour la Faculté, ils sont effectivement malades. Mais leur handicap, concèdent les médecins, résulte de leur détention. Voilà qui heurte le sens commun : Dutroux et Martin sont indemnisés pour avoir subi la peine que leur a valu leur campagne sauvage de 1985 : enlèvements, viols, tortures. Au total les indemnités qui leur sont octroyées atteignent 80.000 FB par mois.
Un rapport de guidance sociale rédigé le 22 mars 1995 le signale : Le couple perçoit des indemnités de mutuelle leur permettant une vie tout à fait décente. Sur ces revenus, il est imparti une somme de 1.000 F pour l'indemnisation des parties civiles. Mille francs sur des revenus de 80.000, augmentés de revenus locatifs et d'un appréciable patrimoine boursier : pour les victimes qui récupèrent chichement la légitime indemnité financière que les atrocités commises par le couple Dutroux-Martin leur ont valu, cette contribution mensuelle doit être reçue comme une véritable insulte.
Et Dutroux continue à tricher. Malgré son « handicap », il continue à travailler au noir, à voler et à magouiller. Partout où il repère un franc, il tente de se l'approprier.
Il en a été déjà question dans ces colonnes : en mai 1993, un inspecteur de l'Institut national d'assurance maladie invalidité, l'Inami, détecte ces fraudes manifestes. Le remboursement des sommes indûment perçues (plus de 2,6 millions d'anciens francs) fait toujours l'objet de procédures devant les cours du travail.
Dutroux loue à sa grand-mère une maison de Jemeppe, pour 2.000 F par mois. Il la sous-loue à deux de ses relations pour 12.000 F.
Outre les vols, les rapines et la perception d'indemnités sociales indues, la Bourse est l'une des autres préoccupations de Dutroux. Il prétend que c'est son grand-père qui l'a initié, dès son plus jeune âge, aux secrets de la corbeille. Sa première transaction connue remonte au 23 janvier 1992. Il est encore en prison et bénéficie, à cette époque, d'un magot d'environ 1,6 million de francs, placé à la Banque générale du Luxembourg avant son arrestation en 1986.
Comment, en sortant de prison, a-t-il en main un tel pactole ?, s'interrogent les enquêteurs de Neufchâteau qui relèvent que Dutroux, au moment de son arrestation en 1986, se déclare en situation d'indigence. Cette somme provient vraisemblablement de vols commis chez des personnes âgées entre 1983 et 1985, de vols de titres, de ventes d'objets volés Certains vols furent commis avec la complicité de Patrice Charbonnier, à l'époque facteur à La Poste, qui lui renseignait, moyennant 10 % de commission, les personnes nanties qu'il desservait au cours de sa tournée.
Mais revenons à la Bourse. Dans ses transactions, déclarent les agents de change auxquels il s'adressait, Marc Dutroux savait très bien ce qu'il voulait et semblait être très au courant. Abonné au journal financier « L'Echo », Dutroux avait appris les subtilités de la finance, même si ses résultats ne furent pas à la hauteur de ses ambitions. En 1994, il perd ainsi 400.000 FB sur des opérations portant sur des warrants de l'Union minière. Son agent de change n'est pas parvenu à le contacter en temps utile pour éviter cette catastrophe. Une même mésaventure survient avec des titres Forges de Clabecq en option d'achat. Aux enquêteurs de Neufchâteau, Dutroux délivrera des cours encyclopédiques de stratégie boursière. Mais ses gains ont rarement été à la hauteur de ses prétentions. Le résultat, sur la base du capital de départ supposé, tenant compte de la conjoncture des années de référence, notent les enquêteurs, ne donne pas lieu de croire que Marc Dutroux ait été un financier averti .
C'est aussi un financier frimeur : Martin et lui-même disposent d'une vingtaine de comptes ; seuls quatre d'entre eux sont utilisés fréquemment. Les autres ne servent qu'à donner le change aux banques, à se faire valoir comme clients importants. En clair, faire circuler l'argent de compte à compte, pour donner l'illusion d'une activité appréciable : Pour valoriser nos qualités de clients, admet Dutroux, le nombre de transferts et d'opérations, même fictives, était important.
L'enquête financière n'a pas permis d'établir de rentrées d'argent importantes rattachées aux enlèvements d'enfants. Mais des zones d'ombre subsistent sur la provenance des liquidités dont il semblait disposer en permanence.


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Dernière édition par Samael le 01 Mar 2004 10:13; édité 1 fois
Samael 
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MessagePosté le : 01 Mar 2004 10:08
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Marc Dutroux se révèle face aux psychiatres

Entretiens avec trois psychiatres. Marc Dutroux banalise les crimes qui lui sont reprochés ainsi que le sort de ses victimes. Il pleure sur lui-même. « Manipulation » est le maître mot de son comportement.

LE DOSSIER (16/30)
En novembre 1996, les psychiatres poussent pour la première fois la porte de la cellule de Marc Dutroux. Ils sont trois. Les entretiens qu’ils ont avec le détenu leur semblent tellement éclairants qu’ils les transcrivent dans leur rapport, ce qui est inhabituel. En voici des extraits.
A leur première entrée dans la cellule, Marc Dutroux les interpelle : Vous venez voir quelles conditions de vie on me fait ? Vous comptez intervenir ?
– Quelles conditions de vie ?, réplique l’un des médecins.
– Les quinze premiers jours, s’emballe Dutroux, on a tout fait pour que je me suicide et puis ensuite on a tout fait pour me rendre fou. On cherche à me déstabiliser. Le soir, on me prend un pantalon pour me donner un drap de lit Le lendemain, l’inverse. Ils s’imaginent avoir enlevé tout danger. Mais j’ai vingt moyens de me suicider dans ma cellule protégée ! Un exemple ? J’ai la TV, non pas que ça m’intéresse, à part les nouvelles mais pour faire enrager la direction. On l’a installée sur des cornières métalliques. Je pourrais m’y pendre ! On n’y a pas pensé (il rit, note le psychiatre). Mais, quand j’ai eu des crises d’angoisse, on ne m’a apporté aucune aide, savez-vous. On me jette la nourriture par terre. Il est arrivé que je nettoie ma cellule avec mon gant de toilette. C’est depuis que Russo a dit craindre qu’on me suicide ou que je me suicide que tout a changé. Je mène une vie insupportable.
Marc Dutroux se plaint longuement de ses conditions de détention. Mais les psychiatres, eux, ne sont pas là pour enregistrer ses doléances. Ils ont été chargés par le juge de sonder l’âme tortueuse du plus tristement célèbre détenu de Belgique. Pas à pas, ils en viennent au cœur du sujet.
En fait, quelles sont les inculpations ?, coupe l’un d’eux alors que Dutroux continue à se lamenter sur son régime carcéral.
On quitte déjà le premier sujet, s’irrite- t-il. Et il continue, obsessionnellement, à débiter ses tracasseries quotidiennes : Il y a des surveillants emmerdeurs et il y en a d’autres qui sont sympas, mais tous sont incapables. On tue les gens en prison, vous savez ça. C’est la crapulerie de la société qui me maintient, sinon je serais déjà mort. Je suis totalement démoli. Je tremble et j’ai des angoisses. Je ne parviens pas à dormir une heure d’affilée puisqu’on s’arrange pour me réveiller toutes les 7 minutes. Je mange déjà peu, mais on s’amuse à me retirer ce que j’aime le mieux : le lait et le fromage .
Et soudain, il ose. Je vais vous dire, entre la cache que j’ai construite et ma cellule, j’aime mieux ma cache. Enfin, avant car on a enlevé tout ce qu’elle contenait. Ma détention est pire que celle des gamines.
Cette cache, Dutroux en est fier : On m’a tellement dit durant ma jeunesse que j’étais incapable de faire quoi que ce soit que je me suis prouvé que j’étais capable de tout faire. Ça a été dur, mais mon travail, c’est une œuvre d’art.
A ce moment de l’entrevue, Marc Dutroux n’a pas encore consenti à s’exprimer sur ce qui lui est reproché. Les psychiatres, fins professionnels, saisissent l’évocation de la cache dont il est si fier, pour l’acculer à parler des enfants enlevés : Qu’y avait-il dans votre cache ?
Dutroux explique : Une porte en béton, une demi-porte 3/4–1/4 mais les portes n’ont jamais été fermées. Une TV couleur et une Sega. Vous prenez en sténo, s’interrompt-il, je ne vais pas trop vite ? Un percolateur, une table repliable, deux banquettes, un extracteur de fumée, un sol comme matelassé, un chauffage céramique adapté et un triple éclairage réglable de l’intérieur avec trois intensités. Julie et Melissa pouvaient tout gérer de l’intérieur. Et puis, je leur avais expliqué avant de partir (NDLR, son arrestation de décembre 1995), la différence entre un régime normal et un régime de survie.
Ce dernier mot résonne comme un aveu : les fillettes étaient bien promises à un régime de survie. Dutroux devait savoir que le sort qu’il réservait aux fillettes ne pouvait que déboucher sur une issue fatale. Les psychiatres ne relèvent pas, ils continuent à questionner Dutroux : Mais pour quelles raisons mettre ces gamines là ?
– Ma cache était là, répond Dutroux. Pour cacher des choses en cas de perquisition. Et je l’ai aménagée.
– Que faisaient ces filles-là chez vous ?
– Weinstein, un ami connaissant mon casier judiciaire, avait une attirance spéciale pour des gosses de cet âge-là. Moi pas, évidemment. On discutait de la vie, de la mort et de Dieu ; de la philosophie, quoi, et on se disait que la vie pourrait être meilleure. Weinstein était chez moi et avait une clé. Il les a amenées, mais je ne lui ai pas demandé pourquoi, non. Dans son idée, il voulait séquestrer ces filles. Il savait que je l’avais déjà fait avant, il savait aussi que je ne parlerais évidemment pas. Je ne pose pas trop de questions, vous savez, moins on en sait
– Et qu’a-t-il fait de ces filles, ce Weinstein ?
– Il voulait qu’elles restent là et qu’on vive dans une sorte d’autre monde.
– Une idée pareille, ce n’est pas un peu schizophrénique, vous ne pensez pas ?, insistent les psychiatres.
– Oui On les monte à l’étage où elles sont restées quinze jours. Elles jouaient. Je me suis retrouvé coincé. Je ne pouvais pas dénoncer ça, ni mon copain. Moi, des gamines de cet âge, ça ne me dit rien. On a continué la cache, on y a mis les gamines. Mais, avant qu’on les y mette, on leur donnait des calmants.
Dutroux vient de lâcher un deuxième aveu qui éclaire ce que fut la vie de Julie et Melissa dans la maison de Marcinelle. Il prétendait qu’elles circulaient librement dans la maison, qu’elles rejoignaient volontairement la cache lorsque quelqu’un sonnait à la porte. Dutroux, face aux psychiatres, avoue que, au moins quinze jours après leur arrivée, soit lorsque la cache fut complètement aménagée, elles étaient toujours contraintes d’absorber des calmants. Les psychiatres ne s’y sont pas trompés. Ils insistent.
– Pourquoi des calmants ?
– Au début, il fallait bien. Des Rohypnol. Elles se sont adaptées à leur environnement et n’essayaient plus de partir. J’ai réalisé une manipulation.
– Une robotisation ?
– Non ! Elles croyaient ce que je leur disais. On les a descendues à la cache quand je partais, sinon elles étaient avec moi dans la maison. Je leur parlais de la « bande » qui leur faisait peur. Je leur faisais croire toute une histoire et elles pensaient que j’allais m’occuper d’elles.
– Et ensuite ?
– Ça s’est bien passé. Au début, elles pleuraient leurs parents, mais, au bout d’un mois, elles se sont adaptées, comme dans un home, quoi. Elles se sentaient chez elles à la maison.
– Et ?
– Je me suis retrouvé en prison.
– Et Weinstein s’occupait d’elles ?
– Il payait une part. Il a perdu tout intérêt et a voulu les liquider.
– Et il l’a fait ?
– Non, je l’ai liquidé.
– Pourquoi ?
– Il volait et il y avait une histoire de camions (« Le Soir » du 28 janvier). Et puis, il voulait liquider les gamines.
– Et alors ? Vous auriez pu les libérer puisque Weinstein était mort ?
– Vous êtes naïfs ! Les libérer, et me faire inculper ? Non, je vais en prison, et ma femme leur porte à manger. Mais, quand je suis sorti (NDLR, le 20 mars 1996, trois mois et demi après son arrestation), j’ai vu qu’elles étaient en piteux état. Elles avaient respecté mes consignes, mais il y a Lelièvre et mon épouse qui ne l’ont pas fait. Ma femme a fait tomber la porte de la cache et elle a disjoncté. Avant d’être mis en prison, je n’aurais jamais été capable de tuer Weinstein. La prison, c’est l’usine du crime.
– Quels sentiments vous inspire le drame de ces filles ?
– J’assume mes devoirs. Ma famille leur assurer un avenir. Mais il n’y a que des barrières et de l’hypocrisie. Vivre, c’est une lutte perpétuelle. Il n’y a que des rapports de force.
– Vous voulez dire que vous êtes une victime ?
– Oui, d’un système qui donne un pouvoir total à certains, et ceux-ci en profitent pour jeter les autres au fossé. Je n’ai jamais fait pire que ce que la société fait. On dit que j’ai séquestré des enfants, mais mes enfants vont être placés, c’est aussi de la séquestration.
– Que pensez-vous du fait qu’on parle de vous comme d’un pédophile ?
– C’est ridicule, on dit n’importe quoi.
– Vous avez quand même entretenu des relations sexuelles avec Sabine ? Ce n’est pas un peu pédophile, ça ?
– Oui, enfin, ce n’est pas bien terrible, lâche Dutroux. Mais je regrette, car c’est une agression.
Et maintenir des enfants sans défense dans une cache ?, insistent les psychiatres. Ce n’est pas une cache, c’est dans une maison qu’elles étaient, réplique Dutroux.
– Les enfermer, sans leur donner la possibilité de partir en usant de votre supériorité, n’est-ce pas de la lâcheté ?
– Ce n’est pas la même chose. Je parle de la lâcheté de la société, moi. Si la société n’existait pas, je n’aurais pas été obligé de garder les filles à la maison.
– Donc, ce n’est pas de la lâcheté ?
– Non, un abus de pouvoir, oui, mais pas de la lâcheté.
– Vous avez manqué de courage ?
– Je n’ai jamais eu peur de me mouiller. J’ai toujours défendu qui je voyais en détresse, mais, quand on a un casier, on est foutu. Ça, c’est un pivot dans ma vie !
Au terme de cette série d’entretiens éprouvants, les psychiatres et la psychologue, qui a vu Dutroux par ailleurs, écrivent leur rapport de synthèse. Ils y notent : Peu à peu se dégagent et se confirment les grandes lignes de sa pensée particulière : les lois humaines n’ont pas d’importance. Elles ne sont qu’une contrainte, une contrariété qui vient s’interposer entre lui et la réalisation de ses désirs. La culpabilité n’existe dès lors pas dans son chef. Ce qu’il fait est guidé par la nécessité d’éviter la punition, le coupable n’étant pas à ses yeux celui qui enfreint la loi pour obtenir la réalisation de ses désirs mais bien celui qui édicte une loi ou tente de la faire respecter et contrarie ainsi son désir, l’obligeant même à se cacher.
Dutroux se définit définitivement ainsi : Je ne suis pas inadapté à la société, c’est la société qui ne me fait pas de place.
Le rapport poursuit : Il existe un fonctionnement pervers majeur dans la manière dont Marc Dutroux cherche à prendre la direction de l’entretien, suscitant la réaction, soit par la provocation, soit par la recherche pour le moins inattendue d’empathie chez l’expert.
Pour eux, la manipulation est le maître mot de son comportement et appartient, elle aussi, au contexte de sa personnalité antisociale perverse. Il manipule sa femme, il manipule ses victimes, il manipule les enquêteurs, il nous manipule, il manipule ses gardiens et en retire un sombre plaisir qu’il ne cherche même pas à dissimuler. Mais, à aucun moment, il ne se montre prêt à manifester la moindre commisération pour autrui. Manipulation encore quand on observe que le verbe n’a pas de consistance, peu importent les mots : il peut, dans une même phrase, exprimer une idée et son contraire, l’ensemble de son discours étant fonction de la personne qu’il a en face de lui et de la réaction qu’il cherche à susciter. Il peut sans doute donner autant de versions différentes qu’il a d’interlocuteurs différents. Ses versions varient en fonction de ce qu’il est conscient que son interlocuteur sait de la situation. Il maîtrise cela avec plus ou moins de bonheur mais toujours avec suffisamment d’aplomb pour provoquer un malaise qui nous ferait presque craindre de le contrarier.


Comment Dutroux a construit la cache de Marcinelle

LE DOSSIER (17/30)
Le 19 février 1986, Marc Dutroux, incarcéré à la prison de Jamioulx pour sa première série de rapts et de viols d’enfants et de jeunes filles, se retrouve pour dix-sept jours dans la même cellule que Patrice Charbonnier, un braqueur qui sera condamné en 2003 pour sa participation à un hold-up sanglant commis contre un fourgon Securitas à Villers-la-Ville.
En prison, les deux hommes se parlent beaucoup. Charbonnier révèle à Dutroux l’existence à son domicile de Trazegnies d’une cache secrète destinée à accueillir le produit de ses larcins. Elle sera découverte en septembre 1996 par les enquêteurs de Neufchâteau : La cache aménagée dans la cave (de Charbonnier) s’avère être d’un genre similaire à celle découverte au domicile de Marc Dutroux, 128, route de Philippeville. Cette cache fait environ 4 mètres sur 1,5 m et auparavant servait de citerne recueillant l’eau de pluie, notent-ils dans leur procès-verbal.
Un autre codétenu de Charbonnier explique : En 1986, j’ai fait un séjour en prison avec le nommé Charbonnier Patrice. Avant notre incarcération, nous avions monté une cache en forme d’armoire qui se dérobait suite à la manipulation d’un système électrique et à air comprimé. Par la suite, Patrice Charbonnier a été placé dans la même cellule que Marc Dutroux, et Charbonnier a expliqué ce système au nommé Dutroux. Dutroux lui-même confirme ces conversations avec Charbonnier : La question était de se demander quelle serait la porte la plus secrète possible.
A sa sortie de prison, en 1992, Marc Dutroux retrouve Patrice Charbonnier. Celui-ci le fait visiter sa cache. Le système de fermeture de la porte impressionne le Carolo. A son tour, Charbonnier se rend chez Dutroux qui lui fait visiter ses caves et lui explique qu’il veut, lui aussi, aménager une pièce pour y dissimuler des affaires volées. Dutroux entreprend d’abord des travaux dans les caves de sa maison de Marchienne-au-Pont. Il prétend qu’il s’agit de travaux d’égouttage. Il envisage en fait de percer sa citerne d’eau de pluie, tout comme le fit Charbonnier, et de réaliser là sa pièce secrète. Pour y dissimuler des objets dérobés ? Marc Dutroux, à cette époque, parle déjà à des complices potentiels de son projet de séquestrer des enfants. Cette information revient aux oreilles de la BSR qui, le 8 décembre 1993, mène des perquisitions dans ses maisons.
Dutroux décide d’arrêter les aménagements à Marchienne-au-Pont pour se replier vers Marcinelle. Il nous semble vraisemblable, notent les enquêteurs de Neufchâteau, que les perquisitions de 1993 ont déterminé Dutroux à interrompre ses travaux à Marchienne-au-Pont : les gendarmes s’étaient rendu compte de l’existence de l’excavation, du tunnel et éventuellement du percement de la citerne. A Marcinelle, ils n’avaient rien constaté de particulier à ce sujet.
Des objets volés sont toutefois retrouvés. Michelle Martin se souvient de la réaction de son mari : Marc Dutroux a été inquiété pour cette affaire-là et, lorsqu’il est revenu de la gendarmerie, il m’a dit qu’il n’allait plus se faire prendre et qu’il allait aménager une porte pour dissimuler l’entrée de la citerne, comme chez Charbonnier .
De cette porte, Dutroux parle avec fierté.
– Quand avez-vous commencé la construction de la porte ? lui demande un enquêteur le 20 juin 1997.
– Après la perquisition de Pettens (un gendarme) du 8 novembre 1993.
– Combien de temps a duré la construction de cette porte ?
– Trois semaines environ. Je l’ai effectuée seul.
– Comment avez-vous procédé pour la construction de la porte de la cache ? reprend l’enquêteur.
– J’ai assemblé le cadre métallique composé de huit morceaux auxquels j’ai ajouté par la suite une poutrelle sur le tranchant supérieur parce que j’avais oublié de tenir compte de la hauteur des charnières. Je me suis rendu compte de cela après l’avoir attachée à ses gonds. Lorsque je l’ai présentée la première fois, elle était 10 centimètres trop bas et j’ai donc dû casser 10 cm en bas et ajouter une cornière en haut. Après l’ajustage de ce cadre métallique, j’ai coulé du béton dedans. Par la suite, comme la porte était trop épaisse, j’ai buriné 4 centimètres de béton sur toute sa surface intérieure afin de l’alléger. Par la suite, j’ai ajouté quatre supports de tablettes formant l’étagère.
– Qui a procédé à la réalisation des soudures ?
– C’est moi seul qui les ai réalisées. J’ai tout soudé sur place. J’ai tout assemblé et soudé sur un panneau marin posé à même le sol. Ce panneau a servi de coffrage de bas pour couler le béton.
Dutroux est intarissable sur la réalisation de ce qu’il appelle son chef-d’œuvre. Il explique longuement aux enquêteurs le système de fermeture de la porte, l’apposition des roulettes, les réglages subtils effectués pour en permettre l’ouverture de l’extérieur.
Le commerçant qui lui a vendu les roulettes confirme l’attention minutieuse que Dutroux portait à la réalisation de ce travail : J’ai personnellement donné à Marc Dutroux des renseignements concernant la résistance des roulettes. Il voulait savoir quel type de roulettes utiliser pour des poids importants.
Dutroux fut-il le seul exécutant des travaux de construction de la cache, comme il l’affirme ? Cette revendication est mise en doute par l’expert en soudure M. Gendarme : Toutes les qualifications nécessaires pour réaliser les travaux examinés pourraient en théorie être réunies en une seule personne. Mais on note trop de contradictions entre l’aspect soigné de certains travaux d’assemblage ou de soudures et la grossièreté d’autres travaux. Il est permis de penser qu’au moins deux exécutants différents ont réalisé les travaux de soudure dans la cave. Certains travaux, tels que par exemple la construction de la porte en béton, nécessitaient aussi le concours de plusieurs personnes. Des soudures sont nettes. D’autres sont de mauvaise qualité. Selon Michelle Martin, Bernard Weinstein, qui était expert en soudures, aida son époux, avant l’enlèvement de Julie et Melissa, à réaliser la porte secrète.
– Quand j’ai aménagé la porte, affirme Dutroux aux enquêteurs, c’était pour y mettre des objets matériels. Il n’y avait aucune intention d’y mettre autre chose, à savoir des êtres humains. Ce n’est que lorsque Julie et Melissa sont arrivées qu’avec Weinstein nous l’avons viabilisée. Selon Marc Dutroux donc, dont les affirmations sont confirmées par Michelle Martin, la « viabilisation de la cache » aurait débuté après l’enlèvement des deux fillettes.
– Weinstein, explique Martin aux enquêteurs, n’a travaillé que jusque la mi-juillet au plus tard (NDLR : Julie et Melissa ont été enlevées le 24 juin). Tout cela me donne à penser que l’aménagement de la cache a été fait compte tenu de la présence à la maison des petites Julie et Melissa, ce qui me donne à penser que leur enlèvement n’avait pas été préparé, mais était tout à fait fortuit.
Fortuit ? Dutroux qui prétend avoir « trouvé » les fillettes chez lui et qui nie leur enlèvement a intérêt à soutenir que l’aménagement de la cache résulta de l’arrivée « inattendue » de Julie et Melissa.
– Au sujet de la transformation en vue de la viabiliser, à partir de l’arrivée de Julie et Melissa, insiste Dutroux. Le but était bien sûr de pouvoir cacher Julie et Melissa à la vue de qui que ce soit en vue d’une éventuelle perquisition ou de vols.
– Après combien de temps Julie et Melissa ont-elles été placées dans la cache ? continuent les enquêteurs.
– Il a d’abord fallu aménager l’espace de la cache, reprend Dutroux. Il n’y avait rien de commencé si ce n’est la porte qui était fonctionnelle. J’y ai installé des poutrelles de bois pour servir d’armature à un lit. J’y ai installé deux banquettes et une table rabattable, une étagère sur laquelle j’ai installé une TV couleur et une Sega Megadrive avec des cassettes. J’ai isolé l’arrivée du courant par une plaque fixée au plafond. J’ai installé un système d’aération. J’ai également peint tout en jaune. Il s’agit d’une couleur qui égaie. Je l’ai choisie pour cela, d’ailleurs
Martin participe à ces travaux de peinture : Il m’a donné un pinceau, et, pendant plus de deux heures, j’ai accompli ce travail.
Pendant ce temps, selon Michelle Martin, Julie et Melissa séjournent donc dans la chambre du premier étage. Elles sont sous l’effet de tranquillisants, admet Dutroux.
Michelle Martin prétend que, pendant ces travaux, elle n’a jamais vu Julie et Melissa. L’espace habitable de la maison de Marcinelle rend-elle ces affirmations plausibles ? Dans cette minuscule demeure, la présence de deux fillettes a-t-elle pu réellement échapper à l’attention d’une adulte, par ailleurs au courant de leur présence ? Et les enfants de Michelle Martin, qui l’accompagnaient régulièrement en visite chez leur père à Marcinelle, se seraient-ils vraiment abstenus de courir dans toutes les pièces de ce minuscule immeuble, découvrant fatalement la présence des deux fillettes ?
L’aîné a admis devant les enquêteurs qu’il lui était arrivé de descendre dans la cave. J’y allais juste pour boire un coup de Pisang, admet le garçon à l’époque âgé de 12 ans et qui avait repéré l’endroit où Dutroux cachait le seul alcool sucré qu’il consommait occasionnellement. Mais jamais, affirme le gamin, il ne vit ni n’entendit rien de suspect.
La cache, dans le « système Dutroux », demeure un mystère. On le lira demain : la vie y était probablement impossible.
Près de deux ans après son arrestation, l’épouse de Dutroux a soudain une étonnante illumination. Le 11 mars 1998, à 14 heures, elle interpelle les enquêteurs : Il me revient maintenant en mémoire que Dutroux m’avait demandé de le cacher dans la cache à Marcinelle au cas où il aurait été recherché par la police. J’aurais dû lui porter à manger et pourvoir à tous ses besoins. Je situe cette demande avant l’enlèvement de Julie et Melissa. Il comptait y installer son ordinateur, sa télévision. Il m’a parlé plusieurs fois de cela . Il a dit même qu’en cas de guerre mondiale il pourrait se cacher là, mais pour ce qui est de sa famille, il n’envisageait aucune protection. Il parlait de rester seul dans cette cache, en disant qu’il avait l’habitude de vivre seul dans des grottes. Il est vrai qu’étant plus jeune, Dutroux était attiré par la visite des grottes. Il en connaît une à Spy et à Onoz.
Dutroux confirme devant les enquêteurs son intention de se cacher en décembre 1995 dans sa citerne aménagée : Ces propos-là ont été tenus, déclare-t-il. Ceci faisait partie des pistes que j’ai envisagées avec elle (NDLR : Martin) lorsque je me suis retrouvé en possession d’une convocation pour la police (NDLR : le 6 décembre 1995). Cette solution impliquait que je renonçais à une vie légale pour des années. Cette hypothèse de me voir vivre dans l’ombre a été abandonnée.
Dutroux qui envisage d’occuper lui-même la cache en décembre 1995 ? En livrant aux enquêteurs cette réflexion à l’apparence anodine, Marc Dutroux induit que Julie et Melissa n’y étaient peut-être déjà plus ; qu’elles étaient ailleurs ou peut-être déjà mortes. Il est le seul, avec Martin, à pouvoir répondre à cette lourde question.



La cache de Marcinelle, un réduit noir et humide

LE DOSSIER (18/30)
Pour imaginer les conditions de survie des enfants emprisonnés par Marc Dutroux dans sa sordide cache de Marcinelle, les jurés luxembourgeois pourraient se contenter (s’ils ne désirent pas se rendre dans la cave de Marcinelle) de faire deux grands pas en avant, un petit pas sur le côté, et – s’ils sont d’une taille moyenne – constater que le plafond de la cellule touche le sommet de leur crâne. La cache dans laquelle Julie et Melissa sont censées avoir séjourné 134 jours, c’est cela : un parallélépipède rectangle de 2,34 m de long, de 99 cm de largeur et de 1,64 mètre de haut, une « boîte « humide et hermétique qu’aucune lumière naturelle ne vient éclairer.
Revisiter la cache en détail, c’est mettre fatalement en doute la version de Marc Dutroux et de Michelle Martin qui soutiennent que les fillettes ont pu être enfermées là du 6 décembre 1995 au 20 mars 1996 (la période durant laquelle Dutroux fut détenu préventivement), avec l’espoir raisonnable qu’elles survivent plus de trois mois dans cet immonde mitard.
L’expertise architecturale réalisée par l’ingénieur Monique Novis permet de percevoir la rudesse du lieu, aménagé dans l’ancienne citerne d’eau de pluie de cette maison ouvrière traditionnelle construite au début du siècle.
Il faisait froid dans la cache, explique l’expert dans son rapport : Vu le contact des murs avec les terres sur trois des surfaces, c’est-à-dire sur 50 % de la surface et au vu de la température constante des terres à 5 ou 6 º C, il se fait que ces trois parois, sol, mur du fond et mur latéral droit, sont constamment assez froides. Si le taux d’humidité de l’air est relativement haut, ceci génère facilement de la condensation et donc des risques de moisissures et de développement de certaines bactéries, microbes Le seul moyen d’y remédier est d’extraire suffisamment d’air et de chauffer le local pour que les températures des murs s’élèvent légèrement et qu’on n’arrive pas trop vite au point de rosée pour éviter les condensations. Il faut savoir, ajoute-t-elle, que pour pouvoir vivre dans un volume aussi petit pendant une période plus ou moins prolongée, il est nécessaire de provoquer un renouvellement d’air, celui-ci n’étant pas possible naturellement : pas de fenêtre d’aération, pas de larges ouvertures, pas de porosité des parois.
La circulation d’air, selon l’experte, est donc essentielle pour assurer la survie dans cette geôle. La cache était raccordée à la cuisine de l’habitation de Dutroux par un tuyau en PVC qui s’arrêtait à 10 cm du plafond de la cuisine. Michelle Martin raconte aux enquêteurs : Alors que la cache était enfin aménagée, soit environ quinze jours après leur enlèvement, Dutroux m’a informée de la présence des enfants dans la cache. Je suis alors venue à Marcinelle. Je suis rentrée dans la seconde pièce du rez-de-chaussée. Dutroux était présent. J’ai entendu des voix d’enfants et plus précisément des rires. Je me suis bien doutée que c’était Julie et Melissa. Ces voix provenaient donc de la cache et étaient perceptibles via le tuyau d’aération qui était dans un des coins de la deuxième pièce. C’était un tuyau en PVC. Il passait du sol et s’arrêtait à la base du plafond. Dutroux a pris une échelle qui se trouvait dans la pièce et l’a placée à côté de ce tuyau. Il est monté sur l’échelle pour me montrer comment il fallait faire pour entendre les enfants. J’ai refusé de monter sur cette échelle.
Elle se ravise dans une déposition ultérieure : Pour ce qui est du bruit provoqué par les filles, on l’entendait par le tuyau aménagé de la cache au rez-de-chaussée de la maison. J’ai personnellement déjà entendu ces bruits via ce tuyau. Je précise que Dutroux a rebouché ce tuyau durant la séquestration de Julie et Melissa parce qu’on entendait trop fort le bruit des enfants.
En bouchant ce tuyau (NDLR : à l’aide de papier journal), Marc Dutroux, estime l’experte Monique Novis, a réduit les possibilités de passage d’air mais, dans le concept, ce devait être compensé par l’extraction au moyen d’un ventilateur (s’il est assez puissant). En effet cette extraction met ce local en légère dépression et la différence de pression ainsi obtenue entre la pression atmosphérique des pièces du rez-de-chaussée et la dépression dans la citerne génère un appel d’air dans la cache.
Cette extraction d’air, indispensable à la survie de Julie et Melissa (si elles étaient effectivement dans la cache), était-elle suffisante pour compenser l’obturation du tuyau d’arrivée d’air ? Le ventilateur, de marque VAC Fan (18 watts) était de petit format, 8 centimètres de côté sur une hauteur de 3,9 cm. Il était branché, selon les rapports techniques, sur la cheminée du 128, route de Philippeville et son fonctionnement efficient impliquait qu’aucun poêle au gaz ou à charbon ne soit branché dans la pièce du premier étage faisant office de salle de séjour. En décembre 1995, les températures descendaient à -5º C.
Marc Dutroux explique : Le ventilateur avait plusieurs fonctions dont celle d’éviter des retours de fumées, celle d’assurer un renouvellement d’air plus important notamment à cause des éventuelles odeurs. Il était constitué d’un ventilateur récupéré sur une carcasse d’ordinateur fournie par Weinstein.
Selon Michelle Martin, ce ventilateur « faisait beaucoup de bruit » et le témoignage incontestable de Sabine Dardenne rappelle qu’il était impossible de l’arrêter depuis l’intérieur de la cache.
Ce détail est capital : lors des perquisitions menées le 13 décembre 1995, après l’arrestation de Dutroux pour la séquestration des trois jeunes gens dans le chalet de Weinstein, le gendarme Michaux n’a pas entendu le ronronnement produit par le ventilateur. Marc Dutroux ne l’avait-il donc pas branché ? Et si non, pourquoi ? Parce que Julie et Melissa ne se trouvaient plus dans la cache ? Ou parce que le ventilateur n’avait tout simplement pas encore été placé par Dutroux ? Dans les deux cas, la vie dans la cache pendant une longue période était impensable, le tuyau d’aération ayant été, comme on l’a lu plus haut, bouché par du papier journal.
L’experte désignée par le juge d’instruction fonde en tout cas son analyse, qui prend en compte l’existence d’un ventilateur permettant la circulation d’air, sur la situation de la cache au mois d’août 1996. Mais au moment de l’enlèvement de Julie et Melissa, la cache, aménagée à la hâte, ne disposait vraisemblablement pas de ce ventilateur, essentiel à la survie des petites prisonnières. Dans l’une de ses déclarations, Michelle Martin situe l’époque à laquelle fut placé le ventilateur : Après les vacances de Pâques 1996. C’est Dutroux qui a eu l’idée d’installer un ventilateur entre la cache et la cheminée. Je pense que c’est lui également qui l’a placé.
Marc Dutroux, lui-même, avoue le 15 août 1996, peu après son arrestation et avant donc qu’il n’ait construit son système de défense : En avril 1996, dit-il aux enquêteurs, dès ma sortie de prison (NDLR : le 20 mars) lorsqu’a germé en moi l’idée d’avoir une fille à ma disposition (NDLR : il évoque Sabine), j’ai aménagé l’intérieur de ce petit réduit avec la construction de l’étagère, d’un lit, d’une table basculante et d’un système d’aération avec aspirateur d’air. J’ai également mis dans le réduit une TV et un jeu Sega.
Marc Dutroux confirme ainsi la datation livrée par son épouse et dont il n’a pas connaissance. Il l’admet : le ventilateur fut placé bien après la séquestration de Julie et Melissa dans ce qu’il appelle un réduit qui n’offrait donc pas aux deux fillettes le confort que Marc Dutroux prétend leur avoir réservé.
Trois mois et demi dans cette « boîte » et en plein hiver. Le chauffage était aussi vital que l’air. L’experte l’a dit : les murs de ciment, enserrés dans des masses de terre, renvoyaient le froid vers l’intérieur de la cache. Dutroux prétend qu’il y faisait en permanence 14º C. Le chauffage développant 1.500 W de type céramique à air pulsé, il dit l’avoir installé en dessous du lit (dix planches d’1 m 84 simplement jetées à terre) réservées à ses prisonnières. Pour éviter l’humidité, justifie-t-il, reconnaissant ainsi que son réduit était un espace de grand inconfort.
Dans ce trou noir, la vie aussi était impensable sans l’apport permanent d’un éclairage. Dutroux explique : J’ai installé des prises et l’éclairage composé d’un tube néon, une lampe de 60 à 100 W et une lampe de 25 W. Ces lampes, les fillettes de 8 ans devaient les dévisser pour les éteindre car l’interrupteur ne leur était pas accessible. Le néon, d’une puissance de 85 W, était de type fluorescent, recouvert par une coiffe translucide pour atténuer l’éblouissement qu’il provoquait. A nouveau, la seule certitude que l’enquête a pu apporter est que ces équipements électriques se trouvaient dans la cache en août 1996, mais personne, à part Dutroux et Martin (qui n’ont pas été confrontés sur ce point essentiel), ne peut décrire l’état exact du réduit lorsque Julie et Melissa y furent enfermées, entre le 6 décembre 1995 et le 20 mars 1996.
L’enquête n’a pas pu déterminer si la consommation électrique de la maison de Marcinelle prenait en compte cette surconsommation obligée, du fait du branchement permanent du ventilateur, du chauffage et de l’éclairage. Dutroux, jamais en reste d’un petit profit, avait en effet truqué son compteur électrique. L’électricité en tout cas n’avait pas été coupée, comme c’est l’usage, lors des perquisitions menées après son arrestation du 6 décembre 1995. Le gendarme Michaux avait en effet signalé au juge d’instruction qu’un congélateur et un frigidaire contenaient toujours des vivres périssables et la décision avait donc été prise de maintenir l’alimentation électrique de la maison.
Au fil de l’enquête, Dutroux se rend compte que les investigations menées sur l’alimentation en électricité de la cache intéressent les enquêteurs. Le 2 octobre 1997, plus d’un an après son arrestation, il conforte sa ligne de défense.
J’avais effectivement demandé à Martin qu’elle vérifie que l’électricité n’était pas coupée. Je n’ai pas dit que la lumière était importante, j’ai dit que c’était capital. Dutroux ajoute : Sans que Michelle Martin soit au courant, j’avais mis des bougies (2 boîtes de 50 achetées au Cora). Ces bougies se trouvaient dans la cache avec Julie et Melissa, ainsi qu’une lampe de poche à dynamo. Concernant ces bougies, je crois qu’elles doivent avoir été retrouvées dans une chambre à l’étage.
En invoquant tardivement l’existence de ces bougies, Dutroux se prépare à la démonstration, par les enquêteurs (elle ne viendra pas), que la cache demeura un trou noir. La lampe à dynamo, elle, a bien été retrouvée lors des perquisitions. Le 1er mai 1998, un enquêteur s’intéresse à cet objet de marque UR Design.
Il s’agit d’une lampe de poche à impulsions, c’est-à-dire que l’énergie est fournie en actionnant une poignée à rappel automatique, de type dynamo. Chaque fois que l’on actionne la poignée, la lampe s’allume un court instant. Cet objet servait probablement aux victimes à s’éclairer tant bien que mal lorsque l’électricité était coupée à partir de la cage d’escalier. L’enquêteur qui rédige ce procès-verbal relève que le pourtour de cette lampe est incrusté de matière brune .
– Terre, chocolat ? , s’interroge-t-il. Cet objet, note-t-il en lettres capitales dans son rapport, n’a pas été analysé par l’Institut national de criminalistique


Julie et Melissa : Dutroux nie, Michelle Martin l’accuse

LE DOSSIER (19/30)
Le 24 juin 1995, Julie Lejeune et Melissa Russo empruntent, peu avant 17 heures, le chemin de Fexhe, à Grâce-Hollogne, pour se rendre sur le pont surplombant l’autoroute de Wallonie. Le 17 août 1996, Marc Dutroux indique aux enquêteurs l’endroit précis où il a enterré le corps des deux fillettes, au fond de sa propriété de Sars-la-Buissière. Entre ces deux dates, personne ne sait exactement, à part Marc Dutroux, le sort qui leur fut réservé.
Ce sera l’une des missions les plus essentielles déléguées aux jurés d’Arlon : faire le tri entre les déclarations contradictoires, confuses – et souvent incroyables – de Dutroux et de son épouse qui, depuis près de huit ans, soutiennent que l’enlèvement et la séquestration des deux fillettes s’imposèrent à eux, soutenant avec obstination que leur séjour à Marcinelle s’assimila à une période de félicité.
La statistique n’a sans doute rien à voir avec la justice Mais est-il possible que Dutroux – qui enlève, séquestre et viole avant le 24 juin 1995, qui enlève, séquestre et viole après le 24 juin 1995 – ait été absent des événements dramatiques qui se sont produits ce jour-là sur ce pont d’autoroute, à Grâce-Hollogne ?
En juin 1995, Marc Dutroux, ainsi qu’on l’aura lu dans de précédentes éditions, veut absolument s’emparer de « filles toutes jeunes ». Il bat la campagne avec différents toxicomanes de Marcinelle, repérant des jeunes filles à Nivelles – ou encore à Hofstade, près de Malines, où il enjoint le drogué qui l’accompagne d’enlever deux fillettes de 8 ans, ce que ce complice ne fera pas. En ce mois de juin, Marc Dutroux vient d’apprendre que la chambre du conseil de Charleroi recommande son renvoi devant le tribunal correctionnel pour une misérable affaire de vol de matériel de chantier. Lui qui est toujours sous l’emprise des conditions mises à sa libération trois ans plus tôt sait qu’une nouvelle condamnation le renverra derrière les barreaux pour purger le reste de la peine de treize ans et demi prononcée en 1989 à son encontre par la cour d’appel de Mons, soit six années de prison.
Le 2 juin, la police de Charleroi a encore enregistré une plainte déposée par l’un de ses voisins. Quelques jours plus tôt, Marc Dutroux, soupçonnant quelqu’un d’avoir cambriolé son domicile et d’y avoir volé une bague en or appartenant à Michelle Martin, l’avait séquestré durant plus de deux heures à Sars-la-Buissière.
Le 24 juin, date de l’enlèvement de Julie et Melissa, lui rappelle aussi sans doute qu’à cette même date, en 1988, la 6e chambre du tribunal correctionnel de Charleroi s’était déclarée incompétente pour connaître des faits de viols, tortures et séquestrations d’enfants et de jeunes filles commis entre 1983 et 1985, car ces faits, finalement sanctionnés par la cour d’appel, étaient passibles d’une peine de réclusion criminelle à perpétuité.
En ce mois de juin 95 qui lui fait redouter un retour en cellule, Marc Dutroux est donc mal
Il a confié à Michelle Martin qu’il voulait recommencer ses enlèvements. Elle l’a traité de fou, l’a frappé, affirme-t-elle, pour faire revenir celui qu’elle appelle « le démon » sur les voies de la raison. Dutroux demeure déterminé. Il admet lui-même, devant les enquêteurs de Neufchâteau, qu’il voulait une fille.
Comme Michel Lelièvre s’était vanté de pouvoir tout avoir, explique-t-il, je l’ai mis au défi de m’amener une fille. Il me demandait 50.000 F pour pouvoir me la livrer. Ma surprise a été énorme lorsqu’un jour je suis rentré chez moi. Deux gamines étaient à la maison. Elles étaient réveillées. Je saurai par la suite qu’il s’agissait de Julie et Melissa. Michel Lelièvre, qui était seul avec les filles, m’a dit qu’il avait fait le coup avec Weinstein. Au départ, je ne voulais pas les filles, parce que c’était des gamines. Ce n’était pas ce que j’avais demandé.
– A la lumière de ce que vous venez de déclarer, reprennent les enquêteurs, il nous paraît que vous apparaissez comme le commanditaire de l’enlèvement des deux fillettes.
– Ce n’est pas exact, réplique Dutroux. De plus, elles ne répondaient pas à mon attente.
– Quelle était votre attente ?
– A ce moment, je n’étais pas décidé et je n’avais rien prévu pour.
– Weinstein, connaissant votre « envie », a-t-il voulu vous faire un cadeau ?
– Je pense que ces filles auraient dû aller ailleurs.
– Où situez-vous cet ailleurs ?
– Je n’en sais rien.
– Et Lelièvre, dans tout cela, qu’est-il devenu ?
– Je n’ai pas la preuve qu’il a participé à cet enlèvement.
Les enquêteurs ont effectivement établi qu’il est vraisemblable que le toxicomane n’a fait la connaissance de Marc Dutroux que dans le courant du mois de juillet suivant. Qu’en outre, il se trouvait vraisemblablement en Slovaquie au moment de l’enlèvement de Julie et Melissa, ainsi que tend à le prouver un cachet des douanes slovaques retrouvé sur son passeport.
– Qui a procédé à l’enlèvement ? insistent les enquêteurs.
– Probablement Weinstein, rétorque Dutroux, manifestement en repli par rapport à ses premières certitudes. J’ai conclu des propos de Weinstein que Lelièvre devait être impliqué dans cet enlèvement, mais il ne s’agit que de conclusions de ma part et je ne suis pas en mesure d’étayer mes affirmations par d’autres éléments objectifs. Il en va de même pour Weinstein. Il est exact qu’un jour – mais je n’ai jamais dit que c’était le jour de l’enlèvement –, j’ai retrouvé Weinstein avec les deux enfants à Marcinelle, à mon domicile. Je l’ai engueulé d’être avec les filles chez moi.
– Pourquoi avez-vous toléré cette situation et avez-vous gardé les gamines chez vous ?
– Parce que j’étais piégé avec le casier judiciaire que j’ai, je ne pouvais donc m’adresser à un service d’ordre car on voulait me faire aller en prison. Lâcher ces enfants quelque part conduisait tout droit à ma perte. Je n’ai rien trouvé de mieux que de m’occuper de ces enfants et de les prendre sous ma protection.
Bernard Weinstein, assassiné par Dutroux, ne pourra jamais répliquer aux accusations à géométrie variable de Dutroux, qui utilise le mort pour consolider la ligne de défense qu’il construit brique par brique depuis son arrestation : réfuter toute responsabilité dans l’enlèvement et la mort de Julie et Melissa, comme dans celle d’An et Eefje.
Dutroux, qui affirme pourtant, en d’autres circonstances, bénéficier d’une mémoire phénoménale, d’un véritable disque dur à la place du cerveau, se révèle incapable de dater avec précision l’arrivée de Julie et Melissa à Marcinelle. Selon lui, c’était au moment des vacances scolaires Comme celles-ci débutent fin juin, je peux formellement dire que Julie et Melissa ne sont pas arrivées à mon domicile le 24 juin 1995.
Michelle Martin a des souvenirs plus précis que son mari : Lorsque j’ai appris l’enlèvement de Julie et Melissa par les médias le dimanche 25 juin 1995, j’ai bien repensé aux intentions de Dutroux. Je n’ai cependant jamais imaginé que Dutroux était impliqué dans cet enlèvement, en fonction, principalement, du jeune âge des victimes. Cependant, sachant que Dutroux m’avait dit ce jour-là qu’il se rendait dans la région liégeoise avec Weinstein, cela m’a confortée dans cette éventualité que ce soient eux les auteurs des faits.
Michelle Martin, réinterrogée, se fait plus précise. Elle raconte sa rencontre avec Marc Dutroux le lundi 26 juin, une date dont elle dit être certaine car elle avait assisté trois jours plus tôt à la remise du bulletin de son aîné.
C’est le lundi 26 juin 1995 au matin que Dutroux est venu à Sars-la-Buissière. C’est à ce moment-là qu’il m’a informée qu’il avait enlevé Julie et Melissa avec Weinstein. Je n’ai pas cru aux révélations de Marc. Il m’a invitée à l’accompagner à Marcinelle « pour me rendre compte ». Il était fier de son acte. Nous sommes partis ensemble. Weinstein se trouvait en bas. Dutroux m’a invitée à monter à l’étage pour éviter de parler devant Weinstein. Arrivée sur le palier, j’ai alors aperçu deux paires de chaussures au pied de la porte de la chambre arrière. Je crois que la porte était entrouverte. Je me souviens d’une paire de baskets de couleur claire et d’une autre paire de chaussures basses de teinte colorée. C’est seulement à ce moment-là que je me suis rendu compte de la vérité, soit de la présence de Julie et Melissa dans l’immeuble.
Marc Dutroux demande alors à Michelle Martin si elle veut voir les deux petites. Elle refuse. J’étais bouleversée, précise-t-elle. Il était calme. Il parlait à voix basse. Nous sommes entrés tous les deux dans la chambre devant. Marc a fermé la porte. A ce moment, je me suis vraiment énervée. J’ai frappé Marc à l’aide de mes poings, je l’ai engueulé. Je parlais à voix basse pour que Bernard ou les voisins ne nous entendent pas. J’ai pleuré. Je suis tombée. Dutroux m’a prise dans ses bras. Il m’a demandé pardon pour le mal qu’il me faisait. Il a essayé que j’accepte le fait.
Il fait plein jour lorsque Martin découvre Julie et Melissa. Elles somnolent dans la chambre, indice probable que Dutroux, recourant à sa technique habituelle, les a assoupies à l’aide de ce Rohypnol qu’il porte en permanence sur lui. C’est ce qui m’a fait penser, indique Michelle Martin, qu’après plusieurs jours, si elles dormaient encore, c’est qu’elles avaient dû avoir une bonne dose. J’en ai fait le reproche à Dutroux, en lui faisant comprendre le danger que représentait le fait de faire prendre de tels médicaments à de jeunes enfants. Il ne répondait pas à mes questions et se montrait même doucereux. Je lui ai également fait penser à l’état dans lequel devaient se trouver les parents de ces enfants. Je pouvais lui dire n’importe quoi, je voyais bien que rien ne pouvait le faire changer d’avis .
Martin livre encore d’autres confidences de son mari aux enquêteurs : Il a précisé qu’à proximité de l’endroit de l’enlèvement, il y avait des maisons mais que l’endroit précis où l’enlèvement a été commis n’était pas visible d’une habitation. C’est en roulant qu’ils ont remarqué les deux filles. Weinstein n’est pas sorti de la voiture, seul Dutroux l’a fait.
Dutroux est-il l’homme aperçu par une dame, qui est la seule personne qui a été témoin de l’enlèvement ? Celle-ci dit avoir vu un homme ouvrir la porte de sa voiture et avoir fait entrer dans l’habitacle les deux fillettes, sans violence Julie et Melissa seraient-elles montées sans méfiance dans la voiture d’un inconnu ? Et si Lelièvre ne connaissait pas Dutroux le 24 juin 1995, et si Weinstein n’était pas présent, qui accompagnait alors Dutroux ?
Tout au long de son parcours criminel, Marc Dutroux a toujours eu recours à un complice pour procéder à ses enlèvements. Un autre témoin dit avoir vu deux fillettes sur le pont de l’autoroute agitant la main alors qu’une femme blonde se trouvait à leurs côtés. Michelle Martin, la blonde qui fut la complice de Marc Dutroux lors des enlèvements commis en 1983 et 1985, peut-elle être cette inconnue ? Près de neuf ans après les faits, personne n’a pu apporter de réponses à ces questions.
Marc Dutroux, qui persiste à nier son implication dans l’enlèvement des deux fillettes, a refusé d’assister à la reconstitution organisée le 27 juin 2000 à Grâce-Hollogne sur injonction de la chambre des mises en accusation de Liège.


Les mystères de la détention de Julie et Melissa

LE DOSSIER (20/30)
Le 17 juin 1997, près d’un an après son arrestation, Michelle Martin lâche une « petite phrase » lourde d’interrogations lors d’une audition menée par un enquêteur de la police judiciaire.
Quelques jours avant sa convocation (NDLR : par la police) en décembre 1995, dit-elle, Dutroux, craignant une perquisition suite à l’affaire de séquestration Rochow-Divers (« Le Soir » du 27 janvier), et donc la découverte de Julie et Melissa à la cave, m’avait dit qu’en cas d’interception par la police, il dirait que Weinstein et Lelièvre étaient chargés de nourrir les petites durant son incarcération. J’ignore pourquoi il m’a parlé ainsi à propos de Weinstein, dans la mesure où ce dernier était déjà décédé. J’ai trouvé cela tout à fait bizarre. Je ne pense pas le lui avoir fait remarquer. A cette époque-là, j’étais complètement perdue. J’étais déconnectée de la société.
Michelle Martin avait effectivement appris dès le 25 novembre 1995, de la bouche même de Marc Dutroux, que ce dernier avait assassiné Bernard Weinstein après lui avoir volé près de 700.000 F. Weinstein et Lelièvre chargés de nourrir les petites ? En révélant ainsi un scénario convenu avant même que Julie et Melissa ne soient abandonnées sans nourriture dans la cache, Michelle Martin n’induit-elle pas que le drame, contrairement à ce qu’elle et son mari affirmeront par la suite, était déjà en train de se dérouler ?
N’est-il pas concevable que les explications ultérieures du couple relatives aux consignes de survie données aux deux fillettes, la peur de Martin de descendre à la cave pour les ravitailler, leur mort survenue juste au lendemain de la libération de Marc Dutroux le 20 mars 1996, ne sont que les chapitres d’une sordide fable destinée à s’absoudre l’un et l’autre d’avoir volontairement réservé aux deux petites une privation prolongée et mortelle de nourriture ? Et Dutroux, qui n’ignorait pas qu’en cas d’arrestation pour la séquestration des jeunes gens à Jumet, sa maison serait fatalement perquisitionnée, pouvait-il « parier » sur le fait que ces descentes de police n’aboutiraient pas à la découverte des deux enfants prisonniers de la cache. Dutroux, en décembre 1995, n’a jamais mis le caractère secret de sa cache à l’épreuve. Ce n’est qu’en août 1996 qu’il va savoir que sa geôle peut résister à une perquisition serrée, quand les enquêteurs ne trouvent pas le réduit dans lequel sont cachées Sabine et Laetitia.
Le 6 décembre 1995, Marc Dutroux se présente à l’hôtel de police de Charleroi. Il répond à une convocation de la brigade judiciaire de la police communale, chargée de l’enquête sur la séquestration des trois jeunes gens dans la maison de Bernard Weinstein à Jumet.
L’inspecteur Philippe De Windt prend Dutroux en charge à l’accueil. Devant les enquêteurs de Neufchâteau, il témoigne : Je pense qu’il était venu en voiture. Il était 15 heures lors de cette prise en charge. J’étais même étonné qu’il soit présent. Je l’avais convoqué le 4 décembre par un écrit déposé à son domicile à Marcinelle. Je m’étais rendu plusieurs fois sur place sans jamais pouvoir y contacter quelqu’un.
Deux jours plus tôt, Marc Dutroux s’était déjà présenté dans les locaux de la police judiciaire pour y être entendu à propos d’un viol commis à Obaix. Pressenti comme suspect en raison de ses antécédents, il avait consenti à ce que des cheveux lui soient prélevés aux fins de mener une analyse d’ADN.
Le 6 décembre, Dutroux, bien qu’il soutienne qu’il venait se livrer volontairement, ne sait probablement pas qu’il va être arrêté. Dans les jours qui précèdent, il a négocié leur silence avec les victimes de la séquestration d’octobre, Philippe Divers et Pierre Rochow. Il leur a restitué les deux voitures volées. Michelle Martin a même filmé cette scène, comme pour conserver une preuve de leur accord de ne pas dénoncer Dutroux. Mais Pierre Rochow et Philippe Divers n’ont pas retiré leur plainte et, quand bien même ils l’auraient fait, l’action publique qui porte sur des faits de séquestration, de menaces, de tentative d’empoisonnement, se poursuivrait.
Dutroux croit, en fait, qu’il va ressortir libre du commissariat. Il s’est d’ailleurs fait conduire jusqu’au poste par Michelle Martin qui attend longtemps sa sortie. Pendant près de dix heures, Marc Dutroux est interrogé. Il répond aux questions des policiers avec une logique implacable, comme le disent les enquêteurs qui l’ont placé sur la sellette, logique qui rend compte de sa volonté de s’en sortir par tous les moyens. Il ne veut pas retourner en prison. Il sait qu’une éventuelle arrestation, au terme de cet interrogatoire, signifie pour lui la fin de sa libération conditionnelle et l’obligation de purger les six ans de prison qui lui restent à effectuer suite à sa condamnation à 13 ans et demi pour les enlèvements de jeunes filles commis entre 1983 et 1985.
Au milieu de la nuit, il est confronté aux jeunes gens qu’il a séquestrés deux mois plus tôt. Ceux-ci l’identifient formellement au travers d’une vitre sans tain. Le lendemain, avant d’être présenté au juge d’instruction qui va le placer sous mandat d’arrêt, il reçoit au commissariat la visite de Michelle Martin accompagnée de ses enfants, dont sa fille née trois semaines plus tôt.
Martin peut s’entretenir avec Dutroux. Elle lui a apporté quelques sucreries et des effets personnels. Elle lui remet aussi la clé du hangar de Jumet, loué à Gerard Pinon. Dutroux confie le trousseau aux policiers qui doivent y perquisitionner. Il a préféré remettre ces clés plutôt que de devoir payer les frais qu’aurait entraînés le recours à un serrurier.
Plus tard, après son arrestation en août 1996, Marc Dutroux confie avec aplomb aux enquêteurs de Neufchâteau qu’il avait préparé, presque scientifiquement, les deux fillettes de 8 ans à subir une longue période de réclusion dans la cache de Marcinelle.
Quelles précautions aviez-vous prises pour les gamines avant de rentrer en prison ? demandent les enquêteurs à Dutroux.
Avant de rentrer en prison, réplique- t-il, j’avais mis des réserves, à boire et à manger pour deux mois, et j’avais expliqué la méthode à suivre en fonction des événements qui pouvaient survenir, notamment sur la quantité de nourriture à prendre et sur la manière de la manger. Pour l’eau, elles devaient d’abord consommer l’eau du robinet placé dans des bidons et dans des bouteilles, puis elles devaient en arriver à devoir consommer le contenu des bouteilles d’eau venant du commerce.
Dutroux confie aussi aux enquêteurs qu’il leur avait appris comment dévisser les lampes pour s’assurer de l’obscurité et qu’il leur avait confié une lampe de poche à dynamo susceptible de leur apporter quelques rais de lumière en cas de panne d’électricité.
Marc Dutroux, qui prétend donc avoir prévu la quantité de réserves nécessaires pour deux mois de survie (selon des critères qu’il ne précise pas), est cependant bien en peine de préciser les quantités d’eau et de nourriture abandonnées aux enfants, lui qui se targue d’avoir pour ce qui m’intéresse une mémoire phénoménale .
Le nutritionniste chargé par le juge d’instruction Langlois d’évaluer les besoins vitaux de Julie et Melissa dans pareilles conditions de détention le déplore : Malheureusement, aucune information précise n’existe quant à la réelle quantité de nourriture et d’eau mise à la disposition de Julie et Melissa.
Il relève que les deux fillettes avaient perdu 50 % de leur poids normal et qu’elles ont dû puiser dans leurs réserves corporelles pour prolonger leur survie. L’estimation faite à partir des déclarations des inculpés, note le médecin, même si l’on tient compte de l’interprétation la plus large possible des différentes déclarations, indique clairement que la quantité d’eau mise à disposition de Julie et Melissa était insuffisante et que la déshydratation fut, outre la dénutrition sévère, une cause essentielle de leur décès.
Pour survivre durant trois mois et demi, et donc être toujours vivantes le 20 mars comme le prétend Dutroux, Julie et Melissa auraient dû pouvoir consommer chacune au moins 150 litres d’eau, soit 300 litres pour elles deux. Une masse de bouteilles ou de bidons que la minuscule cache de Marcinelle n’était de toute façon pas capable de contenir
Evoquant la nourriture mise à la disposition des deux fillettes, le nutritionniste indique encore que la dénutrition objectivée par l’autopsie indique clairement que la quantité de nourriture déposée dans la cache de Julie et Melissa ne permettait de couvrir leurs besoins énergétiques que durant six semaines au maximum. Par ailleurs, Marc Dutroux déclare qu’une partie de la nourriture déposée par Michelle Martin (nos prochaines éditions) n’a pas été consommée par les fillettes. S’il faut croire Dutroux à ce sujet, conclut l’expert, cela indique que la déshydratation a constitué une cause définitive de la mort des victimes.
De la nourriture non consommée dans la cache ? A nouveau, ces affirmations de Dutroux apparaissent comme incroyables. Elles impliqueraient que les enfants, privés de nourriture, se seraient abstenues de se saisir de ces aliments qui pouvaient les sauver.
On lira demain comment Dutroux et Martin mettent en scène et racontent leurs préoccupations pour Julie et Melissa durant ces trois mois et demi d’abandon. Leur récit foisonne d’invraisemblances qui laissent une nouvelles fois ouvertes ces lourdes questions : Julie et Melissa étaient-elles vraiment dans la cache entre le 6 décembre et le 20 mars ? Si non, où étaient-elles ? Et surtout, Dutroux et Martin les ont-ils volontairement laissées mourir de faim ?
Marc Dutroux se refuse à admettre l’une ou l’autre hypothèse. Dans de prochaines éditions, on lira son récit de la découverte de Julie et Melissa dans la cache au lendemain de sa libération de la prison de Jamioulx, le 20 mars 1996. Interrogé le 18 décembre 1996, il se refuse à l’évidence malgré les conclusions formelles des autopsies pratiquées le 17 juillet 1996. Il indique ainsi : A mon avis, Melissa n’est pas morte de faim, elle est morte d’étouffement. Et il insiste auprès des enquêteurs pour accréditer l’idée que l’une et l’autre étaient encore bien portantes un mois avant sa sortie de prison.
Les petites avaient fait des dessins tous les jours, déclare-t-il. Il y en avait beaucoup. Les dessins étaient datés. Les derniers étaient datés de la mi-février 1996. Cela signifie donc qu’elles étaient en bonne santé jusqu’à cette date, tente-t-il de faire croire.
Il ajoute : J’ai aussi retrouvé deux listes d’objets qui manquaient aux gamines. Il s’agissait d’une liste reprenant ce que les gamines voulaient en nourriture ou autres choses consommées ou qu’elles souhaitaient obtenir, comme si, en situation de survie, elles étaient susceptibles de pouvoir espérer passer des « commandes » au monde extérieur
Marc Dutroux peut affirmer ce qu’il veut : Tout cela a été jeté. Je n’ai rien gardé. Ma femme a fait le tri avec moi et tout a été jeté. Tout ce qui pouvait être brûlé l’a été à Sars-la-Buissière dans mon brûle tout. Il ne reste plus rien.


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Samael 
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Des failles dans l’incroyable scénario de Michelle Martin

LE DOSSIER (21/30)
Michelle Martin l’a répété à de multiples reprises au cours de ses interrogatoires : Marc Dutroux est agacé par ses propres enfants. Il n’hésite pas à droguer au Haldol son aîné lorsqu’il s’apprête à violer une jeune Slovaque venue passer quelques jours de vacances en Belgique. Il se réserve le meilleur de la nourriture, contraignant sa progéniture à avaler des aliments de moindre qualité. Il a son pot de Nutella personnel et allonge d’huile le chocolat à tartiner acheté à vil prix pour ses gosses. Il leur fait manger du haché de cheval congelé, acheté par paquets de dix kilos pour ses chiens.
A l’annonce de sa sortie de prison, le 20 mars 1996, son fils de 12 ans doit être hospitalisé. Les médecins soupçonnent une tentative de suicide. Le gamin est apeuré : Papa est sorti, cela va recommencer. C’est cet homme colérique, égoïste, violent avec les plus faibles, déterminé à imposer l’inceste à sa fille, déjà condamné pour de sauvages viols d’enfants et d’adolescentes commis entre 1983 et 1985, qui entend convaincre les enquêteurs de Neufchâteau que Julie et Melissa furent, chez lui, des enfants choyés et protégés.
Marc Dutroux prétend que les deux fillettes de 8 ans s’étaient rapidement acclimatées chez lui ; qu’elles y circulaient librement et se réfugiaient volontairement dans la cache lorsqu’un inconnu sonnait à la porte ; qu’il était devenu leur substitut parental, vivant avec elles une expérience hors normes. Nous ne dirons pas plus de ce scénario. Marc Dutroux le décline sans pudeur pour éloigner de lui ce que fut la réalité de la séquestration de Julie et Melissa : un épouvantable calvaire imposé à deux fillettes apeurées.
L’autre scénario, décliné par Dutroux et Martin, pour expliquer pourquoi Julie et Melissa furent privées de nourriture est, lui aussi, entaché de nombreuses invraisemblances.
Lorsque Marc Dutroux a été arrêté du début de décembre 1995 au 20 mars 1996 (NDLR : pour la séquestration de trois jeunes gens), raconte Michelle Martin aux enquêteurs, je lui ai rendu visite à de nombreuses reprises en prison, à Jamioulx. Ce n’était pas uniquement pour le voir, mais surtout parce que j’étais obsédée par la situation des deux petites filles à Marcinelle et qu’il n’y avait qu’avec lui que je pouvais parler du problème. Je lui ai dit que je me sentais incapable d’aller les nourrir. Lors de mes premières visites, il me paraissait tranquille. Il n’insistait pas sur le fait que j’aille voir les enfants. Il pensait sans doute qu’il avait laissé suffisamment de réserves de nourriture. Plus le temps a passé, plus je perdais la carte, plus lui paniquait aussi.
Marc Dutroux s’aligne sur la version de son épouse et complice : Je ne me contentais pas de simplement demander à mon épouse de nourrir les petites. Dans les premières semaines de mon incarcération, mon épouse me rapportait tel jour n’avoir rien entendu, supposant qu’elles dormaient ; que, tel autre jour, elle les avait entendues rire ou parler. J’angoissais de plus en plus pour les petites, leur situation m’obsédait parce que mon épouse promettait chaque fois de faire le nécessaire et revenait sans l’avoir fait. J’avais finalement encore une fois supplié mon épouse de ne plus retarder son passage, car les filles n’avaient plus qu’une petite réserve de nourriture mais qu’en plus les seaux allaient déborder.
Ces seaux hygiéniques, Dutroux affirme qu’il en avait mis quatre à disposition des enfants, après avoir constaté qu’elles en remplissaient un par semaine. Ce détail, livré par Dutroux, indique en tout cas que, contrairement à ce qu’il affirme, Julie et Melissa ne circulaient pas librement dans la maison et qu’il leur était déjà arrivé de rester au moins une semaine dans la cache.
A la mi-janvier, Michelle Martin, selon sa version des faits, se décide enfin à descendre dans la cave. Elle apporte quatre sacs poubelles remplis de victuailles, un bidon et 12 bouteilles d’eau. Elle ouvre la porte de la cache, qui se déboîte de ses rails alors qu’elle est en train de passer les sacs derrière le muret, comme indiqué par Dutroux. Les deux ont convenu que Michelle Martin ne verrait jamais les petites. Cet accord excluait donc que Martin puisse vider les seaux hygiéniques, disposés au fond de la cache. Il affirme aussi que l’accord passé avec son épouse prévoyait qu’elle passerait tous les deux jours à Marcinelle pour nourrir les petites. Pourquoi dès lors affirme-t-il qu’il avait constitué un stock de deux mois de nourriture et avoir disposé quatre seaux dans la cache ?
A la fin du mois de janvier, déclare Martin aux enquêteurs, je suis retournée à la maison de Marcinelle avec des provisions. Je suis descendue à la cave. Je tremblais comme une feuille. Lorsque je suis arrivée devant la cache, un profond dilemme s’est posé à moi. En même temps, je voulais ouvrir cette cache et, d’un autre côté, je me refusais de l’ouvrir. Je ne voulais pas me rendre complice mais je voulais également venir en aide aux enfants. J’avais également peur de ces enfants, alors que cela n’aurait pas dû être le cas. Je me refusais toujours à croire que deux fillettes pouvaient se trouver là. Dans mon esprit, l’image de lions, de bêtes féroces qui auraient pu m’agresser avait pris place. Je sais que cela est difficile à concevoir, mais j’étais tout à fait déconnectée de la réalité.
La porte de la cache étant tombée, Martin n’introduit que deux des quatre sacs à l’intérieur de la geôle. Elle abandonne les autres dans la cave. Elle replace tant bien que mal la porte contre l’ouverture de la cache. Comme la porte de la cache était restée entrouverte, déclare-t-elle, je croyais que Julie et Melissa pourraient sortir et qu’elles remonteraient à l’étage.
Elle n’ignorait pourtant pas qu’une grille séparait le sas de la cache de l’endroit où les petites étaient enfermées. Si cette grille était fermée, Julie et Melissa n’auraient pas pu s’approprier le contenu des sacs apportés par Martin.
Michelle Martin dressera l’inventaire du contenu de ces sacs : J’ai placé les aliments suivants dans les sacs : plusieurs pains (800 grammes), plusieurs paquets de jambon et de fromage (gouda) emballés, du beurre (500 g), environ 1 litre de soupe congelée, du filet américain de bœuf (200- 300 g), une tablette de chocolat noir et blanc, une quinzaine de boîtes de conserve de fruits, légumes, saucisses, boulettes, riz, un ouvre-boîtes, quelques oranges, pommes, poires, bananes, plusieurs boîtes de biscuits de différentes sortes, une boîte de lait en poudre, un paquet de corn-flakes, du choco, des Cha-Cha.
Il y a donc dans ces sacs poubelles fermés par un ruban rose beaucoup de produits périssables, alors que ce ravitaillement est censé reconstituer un stock de survie, prévu selon les propres déclarations de Martin pour subvenir aux besoins de Julie et Melissa pendant deux mois. Dans une première déclaration, Michelle Martin prétend avoir acheté toutes ces victuailles « dans un magasin ». J’avais effectué ces provisions dans une grande surface, déclare-t-elle. Je ne saurais plus détailler le montant de ces marchandises car j’étais perturbée par ce que j’allais faire.
Lorsqu’elle s’aperçoit que les enquêteurs s’intéressent à ses cartes de fidélité de grandes surfaces, elle comprend qu’une trace possible de ces achats (s’ils ont existé) peut être détectée. Elle sait aussi que le fait de maintenir sa version d’un achat massif effectué dans une grande surface permettrait de retrouver une trace de paiement dans ses extraits de compte. J’utilisais mes cartes (NDLR : bancaires) pour mes paiements alimentaires, du moins dans les grandes surfaces, avait-elle déjà déclaré.
Elle modifie donc sa version, prétendant qu’elle a enfourné dans les sacs cette masse de victuailles en se servant dans les armoires et le frigo de sa mère, chez qui elle résidait à cette époque après avoir quitté Sars-la-Buissière à la fin du mois de décembre. A notre connaissance, la mère de Michelle Martin n’a jamais été interrogée sur la disparition de ses armoires de cet imposant stock de nourriture.
Dutroux et Martin seront encore pris en état de contradiction à propos de l’argent. Il prétend avoir remis à son épouse – avant mon incarcération, précise-t-il –, 230.000 F destinés à assurer l’entretien de Julie et Melissa.
Cet argent atterrira sur le compte de Martin le 8 décembre, soit deux jours après l’arrestation de Dutroux.
Martin conteste que Dutroux lui ait remis cet argent en mains propres. Elle avance au contraire qu’une fois arrêté, son mari lui aurait dit de récupérer cette somme abandonnée dans la poche d’un de ses pantalons, histoire sans doute de les préserver d’une inévitable perquisition. Et alors qu’elle prétend ne s’être rendue à Marcinelle pour la première fois que le 23 décembre, les enquêteurs s’aperçoivent, grâce à des relevés téléphoniques, qu’elle y est venue le 8 décembre, le jour précisément où elle dépose l’argent sur son compte.
Un inspecteur de la brigade judiciaire de Charleroi s’étonne d’ailleurs qu’au lendemain de l’arrestation de Marc Dutroux, Michelle Martin veuille à tout prix pénétrer dans la maison de la route de Philippeville. Une insistance qui lui paraît suspecte : Elle faisait tout pour diriger notre attention sur cette maison.
L’argent de Dutroux à récupérer, plus que les soins à prodiguer aux fillettes qui n’étaient peut-être plus là ou déjà mortes : n’est-ce pas là le secret que préserve encore aujourd’hui Michelle Martin ?
L’argent pose d’autres questions. Dutroux affirme aussi avoir remis à Michel Lelièvre (qui nie) une somme de 50.000 F pour s’occuper du ravitaillement de Julie et Melissa. Jamais Martin, confrontée à ce qu’elle prétend être des réticences « psychologiques » à se rendre dans la cave, ne tentera de contacter ce toxicomane, qui aurait pu se substituer à elle et sauver les enfants. Dutroux, qui aurait pu aisément le joindre depuis sa prison, ne tentera pas de le retrouver. Et Michelle Martin, qui le rencontre courant janvier chez l’un des locataires de Dutroux en retard de paiement, s’abstient de lui parler du problème qu’elle rencontre. Une femme déboussolée, consciente du drame qui est en train de se nouer, désireuse – comme elle l’affirme – de sauver les enfants prisonniers de la cache sordide se serait-elle vraiment abstenue d’appeler à l’aide Lelièvre, désigné par Dutroux comme son complice ?
Le 18 janvier, Michelle Martin qui se rend à Marcinelle en compagnie de son fils aîné, qui souhaite jouer sur l’ordinateur de son père, se rend compte que le PC a été dérobé, ainsi que du matériel hi-fi. Dutroux l’enjoint de placer dans la maison ses deux chiens bergers allemands, Sultan et Sheera, deux molosses que la SPA sera contrainte d’euthanasier après l’arrestation de Dutroux en août 1996, en raison de leur agressivité. Ces chiens, Michelle Martin va les nourrir tous les deux ou trois jours. Laissés seuls dans la maison de Marcinelle, ils aboient plus souvent qu’à leur tour, suscitant du désagrément dans le voisinage et exposant ainsi l’antre de Dutroux à une intervention de la police.
Les voleurs du PC, identifiés par les enquêteurs, affirment n’avoir rien entendu dans la maison. Ils ont pourtant visité les lieux, à la recherche de tout ce qui pouvait avoir de la valeur. Ces trois-là prétendent ne pas avoir été dans la cave. Ils y auraient sans nul doute – si la version de Michelle Martin est conforme à la vérité – aperçu la porte béante de la cache, sorte d’immense coffre-fort qui, dans leur logique de cambrioleurs récidivistes, aurait immédiatement mobilisé leurs convoitises. Il n’en fut rien


Sorti de prison, Dutroux néglige Julie et Melissa

LE DOSSIER (22/30)
Projetons-nous dans la journée du 20 mars 1996. Marc Dutroux, ce matin-là, se présente devant la chambre du conseil de Charleroi qui doit statuer sur son maintien en prison. Voilà trois mois et demi qu’il est en détention préventive. Dans les jours précédents, il a adressé une lettre larmoyante au juge d’instruction Lorent dans laquelle il le supplie de le libérer dans l’intérêt de sa famille. Il évoque la naissance, en décembre 1995, d’une petite fille. Il parle en abondance de cette chaudière à remplacer à Sars-la-Buissière pour que son épouse, Michelle Martin, et ses enfants puissent enfin bénéficier d’un logement décent. Il accable de tous les maux Bernard Weinstein qui fut, selon lui, l’instigateur et l’exécutant principal de la séquestration des trois jeunes, à l’origine de son arrestation le 6 décembre. Il promet de revenir dans le droit chemin qu’il prétend d’ailleurs n’avoir jamais quitté. Bernard Weinstein, une nouvelle fois, a bon dos. Marc Dutroux accable le Français qu’il a enterré vivant fin novembre 1995.
Vers 16 h 30, donc, ce 20 mars 1996, Marc Dutroux est convoqué chez le directeur de la prison de Jamioulx qui lui signifie la décision de la chambre du conseil. Une libération. Le parquet ne s’y est pas opposé. Dutroux rassemble ses affaires. Il procède aux formalités administratives de levée d’écrou et se retrouve à l’air libre. A 18 h 09 très précisément, il appelle Michelle Martin depuis la cabine Belgacom du quai no 1 de la gare de Charleroi-Sud. Il lui dit : Je suis sorti. Viens à Marcinelle me remettre les clés de la maison.
La serrure du 128, route de Philippeville, a en effet été changée suite aux perquisitions menées dans la foulée de son arrestation. Marc Dutroux arrive devant sa porte peu après. Sur le pas d’une maison voisine, il salue un homme qui lui propose de ne pas perdre de temps en attendant Michelle Martin qui doit venir de Waterloo. Elle, elle est sous le choc. Cette libération inattendue lui impose une vive inquiétude. Son fils aîné, lui-même, explose : Papa est sorti. Ça va encore être pire qu’avant, lâche-t-il avec ses mots d’enfant.
Marc Dutroux et son voisin serviable se rendent à la prison de Jamioulx. Ils y récupèrent les caisses contenant les effets personnels de Dutroux. Quarante minutes plus tard, ils sont de retour à Marcinelle. Michelle Martin et les clés sont là. Marc Dutroux prend congé du voisin. Il lui donne 100 F pour ses frais d’essence. Il est désormais seul avec Michelle.
Le couple partage, en principe, l’horrible secret qu’abrite la cache de la petite cave : Julie et Melissa, enfermées là depuis trois mois et demi et que Michelle Martin s’est, dit-elle, refusée à nourrir, par crainte d’être mise en leur présence.
Ce 20 mars, son cauchemar peut pourtant s’achever. Ce soir-là, elle peut savoir si son refus de descendre dans la cave a débouché sur une issue fatale aux deux fillettes. Elle s’est rendue plus de 40 fois au parloir de la prison. Ce n’était pas uniquement pour voir Marc Dutroux, dit-elle aux enquêteurs. C’était surtout parce que j’étais obsédée par la situation des deux petites filles à Marcinelle et il n’y avait qu’avec lui que je pouvais parler du problème.
Et pourtant, ce soir-là, Michelle Martin, pas plus que Dutroux, ne prononce le nom des deux petites prisonnières.
Marc Dutroux entre le premier dans la petite maison du 128, route de Philippeville. Il n’avait pas l’air inquiet, il semblait dominer la situation, témoigne Michelle Martin. Il était froid, et je pense qu’il m’a laissée décompresser mais pas longtemps car la maison sentait mauvais à cause des crottes de chien et c’est comme cela qu’il s’est alors fâché sur moi.
La petite maison, en chantier permanent et encombrée d’un invraisemblable fourbi, est effectivement dans un état lamentable. Sultan, le mâle, et Sheera, la femelle, bergers allemands laissés là depuis janvier (NDLR : après le cambriolage de la maison) par Michelle Martin, ont déféqué et uriné partout. Dutroux est furieux. Il enjoint Martin de dégager les excréments. J’ai nettoyé avec une ramassette, une petite brosse et un torchon humide, raconte-t-elle.
Juste de quoi dégager un passage pour accéder aux escaliers et aux autres pièces de la maison. Pendant ce temps, Dutroux converse avec sa femme, comme si de rien n’était. Comme s’il n’y avait pas d’urgence à connaître l’état dans lequel se trouvaient, en bas, Julie et Melissa.
Nous discutions de tout et de rien, déclare Michelle Martin aux enquêteurs. Je sais que Dutroux est aussi monté à l’étage où il a constaté la présence d’excréments de chiens sur le tapis-plain de la chambre de notre fils aîné. Il est aussi allé voir par où les voleurs (NDLR : les cambrioleurs de janvier) s’étaient introduits au grenier. Dans le fond de la maison, soit sur la terrasse à côté de la salle de bain, il y avait aussi un gros rat crevé. D’un côté, cette mémoire précise. De l’autre : Je ne sais pas si Dutroux a été à la cave, prétend-elle.
Ce soir-là, il est effectivement probable que Dutroux ne s’inquiète pas de Julie et Melissa. Michelle Martin reste en effet près d’une heure et demie dans la maison de Marcinelle. Je ne le quittais pas car je n’osais rester seule, confie-t-elle. Quand son travail de nettoyage a été terminé, ils ont une relation sexuelle. Un viol, affirme Martin. Nous avons ensuite un peu parlé. Il était calme, comme si de rien n’était, comme s’il était redevenu le maître des lieux et comme si rien ne pouvait plus arriver.
Vers 21 h 30, toujours selon Michelle Martin, le couple quitte la maison de Marcinelle. Dutroux la raccompagne chez sa mère à Waterloo. Et c’est pendant le trajet, bien loin de la cache où il sait qu’il a abandonné les fillettes, que, pour la première fois de la soirée, il parle de Julie et Melissa. Pour reprocher à son épouse de ne pas avoir été les nourrir, se rappelant enfin ce qu’il prétendait avoir été son obsession constante au cours de ses trois mois et demi d’incarcération : J’avais laissé deux fillettes confiantes et en excellente santé morale et physique. Moi-même, j’étais confiant dans le fait que le nécessaire leur serait donné. Sans quoi, je ne me serais pas rendu aux autorités ! Au retour, j’ai trouvé l’horreur, j’ai dû assumer .
Assumer ? Marc Dutroux, s’il dit vrai, le fera bien tardivement. Au plus tôt plusieurs heures après avoir ramené Michelle Martin chez sa mère. Sa descente dans la cave, selon son récit à lui, doit avoir eu lieu au milieu de la nuit du 20 au 21 septembre. C’était catastrophique, raconte-t-il. J’ai découvert les deux enfants dans un état cadavérique. Elles étaient en état de malnutrition avancé.
Marc Dutroux prétend que Melissa était toujours consciente et assise. Je l’ai interrogée pour savoir depuis quand elles avaient mangé et bu. Elle m’a répondu : « Mangé je ne sais pas, mais bu cela fait quatre jours ». Julie comprenait ce que je disais et elle savait bouger ses bras mais ne savait pas se relever ou se déplacer.
A ce moment de son récit, Marc Dutroux semble reconsidérer l’urgence qu’il avait repoussée quelques heures plus tôt, à son arrivée dans la maison, préférant les ébats avec son épouse que le secours à apporter aux enfants. Je me suis précipité pour aller chercher de l’eau et une pipette, affirme-t-il. Il raconte aux enquêteurs qu’il a donné à boire en goutte à goutte, à Julie puis à Melissa. Qu’il a fait couler un bain d’eau chaude et qu’il y a assis les deux filles. Qu’il les a frictionnées. Pour Julie, dit-il, c’était la fin. Il explique aux enquêteurs qu’il a retiré Julie du bain et qu’il a essayé de lui faire du bouche à bouche. Rien n’y a fait, elle est morte.
Dutroux affirme encore qu’il a d’abord déposé le corps de Julie dans le salon, avant de l’enfermer dans le congélateur après lui avoir lié les membres. Je suis retourné près de Melissa qui m’a demandé comment allait sa copine et je lui ai dit qu’elle était partie à l’hôpital .
Le scénario proposé par Michelle Martin ne confirme pas les propos de Marc Dutroux. Il m’a téléphoné (NDLR : le 21 mars), raconte-t-elle, et m’a dit que les deux petites se trouvaient couchées sur son lit dans la chambre à l’étage. Il avait allumé les néons infrarouges chauffants qui se trouvent à la tête du lit afin d’apporter de la chaleur aux deux petites. Il m’a aussi dit leur avoir donné à boire, du jus d’orange, et que, du fait de leur position couchée, il pensait avoir mal fait, ayant réfléchi au fait qu’il est très difficile voire impossible de boire dans cette position. Marc était très paniqué, il me demandait ce qu’il fallait faire. J’ai alors pensé qu’il serait possible de nourrir les deux petites au biberon. Sachant que Marc n’en disposait pas, je lui ai dit que j’en amenais. Il m’était tout à fait impossible de monter à l’étage. Je me souviens avoir entendu Marc hurler d’impuissance. Je me souviens que Marc m’a dit avoir parlé aux deux petites et que l’une lui répondit .
Jamais Michelle Martin n’a vu ni entendu Julie et Melissa. Seul, affirme-t-elle, lui parvenait dans la pièce du bas le son de la voix de Marc Dutroux.
Celui-ci raconte ainsi la fin de Melissa, quelques jours après la mort de Julie : Je l’ai veillée en permanence, affirme-t-il. Il soutient qu’à un moment, Melissa a eu des difficultés pour respirer. Qu’il a pratiqué plusieurs fois le bouche à bouche. Toutes les trois heures, précise-t-il. Melissa avait l’air de s’éteindre. Il prétend qu’il a injecté de l’eau bouillie entre la peau et ses muscles à l’aide d’une seringue. Melissa allait mieux, elle avait retrouvé sa pleine conscience, dit Dutroux aux enquêteurs. Îl raconte s’être ensuite endormi. A mon réveil, douze heures plus tard, elle était décédée.
Marc Dutroux appelle alors Michelle Martin pour l’accompagner jusqu’à Sars-la-Buissière pour y enterrer les corps. Son souci est de trouver une « voiture d’escorte », car, comme à son habitude, il a rempli le réservoir de sa camionnette de carburant de chauffage. Lorsque Michelle Martin arrive à Marcinelle, Marc Dutroux lui assigne de faire le guet devant la maison.
Quelques minutes plus tard, Marc Dutroux sort, porteur de deux sacs de plastique noir qu’il soutient aisément, selon Michelle Martin, qui prétend n’en avoir jamais vu le contenu. Les deux voitures du couple prennent la route de Sars-la-Buissière. Dutroux prend la clé de sa pelleteuse et enfouit les corps de Julie et Melissa à l’endroit précis où, quatre mois plus tôt, il a enterré vivant Bernard Weinstein. A ce moment-là, Michelle Martin est déjà partie.
On le lira demain : le scénario du couple pour justifier la mort par famine de Julie et Melissa est entaché de beaucoup trop de contradictions.


Les mensonges de Dutroux : il ne veillait pas les fillettes

LE DOSSIER (23/30)
C’était catastrophique, j’étais anéanti. Face aux enquêteurs de Neufchâteau, Marc Dutroux expose longuement sa version de la découverte, dans la nuit du 20 au 21 mars 1996, de Julie et Melissa, affamées et déshydratées dans la cache où il les a enfermées trois mois et demi plus tôt avant de rentrer en prison.
La voix cassée, il raconte les efforts qu’il dit avoir déployés pour éviter l’irréparable, d’abord à Julie, ensuite à Melissa qu’il jure n’avoir pas quittée durant au moins trois jours. Les policiers l’interrompent sèchement dans son récit : L’enquête démontre qu’en date du 21 mars il a été fait usage de votre carte Makro à Lodelinsart. A quoi correspond cette visite ?, lui demandent-ils. Passé le moment de surprise, Marc Dutroux explique : J’ai effectivement dû faire quelques courses. Je sais que pour replacer la porte de la cache (NDLR : que Michelle Martin avait fait sortir de ses gonds en janvier), j’ai acheté un cric hydraulique au Makro. En date du 21 mars, poursuit-il, Julie était déjà décédée et la vie de Melissa n’était pas en danger !
Pas en danger ? Dutroux s’adapte rapidement à ce que ses contradicteurs viennent de lui assener. Quelques minutes plus tôt, il leur avait livré une description apocalyptique de l’état des petites retrouvées à l’état cadavérique dans la cache. Dutroux se pâme : Une des conséquences de l’éducation que j’ai reçue est que j’ai dû, dès mon plus jeune âge, apprendre à séparer l’émotif du cognitif. C’est ce qui me permet aujourd’hui de gérer apparemment froidement les situations extrêmes avec efficacité.
Cet achat du cric hydraulique (un modèle 1,5 tonne sur roulettes) est enregistré le 21 mars aux caisses du Makro à 13 h 16. Auparavant, Marc Dutroux s’est déjà absenté du chevet des fillettes. A 9 h 23, révèle l’enquête, il se rend à pied à une cabine téléphonique située à l’angle de l’avenue Marius Meurée et de la rue du Lavoir, à 500 mètres de son domicile. Il appelle Michelle Martin, qui réside chez sa mère à Waterloo. Il l’informe, selon Martin, que les petites sont dans sa chambre, à l’étage, qu’il les a placées sous le néon à infrarouge pour les réchauffer, qu’il leur a donné à boire et à manger mais qu’elles ont difficile à respirer.
Elles sont, contrairement à ce que vient de soutenir Dutroux devant les enquêteurs, réellement en danger. Au cours de ce même entretien téléphonique, Michelle Martin lui apprend que leur fils Frédéric, 12 ans, a tenté de fuguer de son école de l’hôpital de Braine-l’Alleud et qu’une réunion doit s’y tenir à 14 heures. La libération de Marc Dutroux a fortement ébranlé le gamin. Selon sa grand-mère, Frédéric passe une mauvaise nuit : Il était très mal dans sa peau.
A 13 h 24, Dutroux retéléphone à Michelle Martin et confirme qu’il assistera bien à la réunion convoquée par l’école. A 14 heures, le couple est reçu par le psychiatre, le pédiatre et l’institutrice de Frédéric. La conversation est houleuse. Marc Dutroux refuse de reprendre Frédéric à Marcinelle parce que les chiens y ont fait beaucoup de dégâts. Ni à Sars-la-Buissière parce qu’il n’y a pas de chauffage. Les médecins et assistants sociaux le mettent en garde : Lorsqu’un parent ne peut pas s’occuper de son enfant, il doit être placé dans un service d’aide à la jeunesse.
Dutroux s’emporte : S’il faut recourir à un service judiciaire, je préfère encore aller dormir avec Frédéric à l’hôtel. Finalement, l’assistante sociale consent à héberger Frédéric jusqu’au 3 avril, le temps qu’une nouvelle chaudière soit installée à Sars-la-Buissière.
A l’issue de cette réunion, Marc Dutroux ne rentre pas à Marcinelle pour s’occuper de Melissa. Vers 17 heures, il se retrouve à l’agence bancaire Argenta de Charleroi en compagnie de Michelle Martin. Il entend récupérer une partie de l’argent liquide (230.000 francs déposés le 8 décembre sur le compte de son épouse) qu’il a confié à Michelle Martin avant d’être arrêté le 6 décembre 1995. Au guichet, Michelle Martin donne instruction à l’employée de virer une somme de 175.000 francs de son compte 979-7773311-27 sur le compte de Marc Dutroux 979-3848463-90. La transaction est enregistrée à 17 h 14. Elle signe ensuite son chèque numéroté 120322 associé au même compte et retire 100.000 francs en liquide. Marc Dutroux en profite pour virer depuis son compte une somme de 8.400 francs pour renouveler son abonnement au journal financier « L’Echo de la Bourse ».
Michelle Martin affirme qu’elle fut obligée par Marc Dutroux de l’accompagner à l’agence Argenta, car il n’avait pas procuration sur mon compte. Elle relève devant les enquêteurs : En fait, Marc Dutroux avait encore sa tête assez froide pour penser qu’il avait de l’argent sur mon compte. Je constate qu’en fait, alors qu’il vient de sortir de prison et qu’il a parfaitement connaissance de l’état de santé de Julie et Melissa, que Marc Dutroux pensait encore à récupérer son argent .
Au terme de cet après-midi passé au Makro, à l’école de Frédéric et enfin à l’agence Argenta, Dutroux rentre à Marcinelle où, selon sa version, agonise Melissa. Il appelle une nouvelle fois Martin qui lui apporte des biberons, des petits pots d’Olvarit, des vitamines Protovit et des biscuits Beterfood pour préparer des panades. Martin est tétanisée. J’étais figée comme une image et j’entendais Marc hurler d’impuissance, raconte Michelle Martin.
A un moment, Dutroux descend et dit à son épouse : Viens m’aider. Il l’empoigne. Elle résiste. J’ai imploré mon épouse de venir maintenir la tête de Melissa car je n’y parvenais pas, explique de son côté Dutroux. Elle était complètement bloquée. Il n’y avait rien à obtenir d’elle. Elle a refusé de voir l’enfant, comme elle avait toujours refusé de le faire. Elle restait plantée comme un piquet, sans bouger. Dutroux redescend encore de la chambre : Elle n’avale rien.
Le drame épouvantable qui se noue dans la maison de Marcinelle va refaire place, dès le lendemain, aux préoccupations plus terre-à-terre de Marc Dutroux. L’argent interrompt une nouvelle fois le prétendu sauvetage de Melissa.
Le 22 mars, donc, il se présente chez un agent de change à Charleroi, où il a commandé 500 actions de la société Recticel dont il a fait l’analyse en prison. Le montant de la transaction s’élève à 171.894 francs. Les enquêteurs s’étonnent encore : Comment pouvez-vous laisser Melissa seule alors que son état nécessite les plus grands soins, et vous rendre chez l’agent de change pour y passer un ordre de Bourse ? Encore une fois, Marc Dutroux retombe sur ses pattes et minimise l’état de la petite, malgré le fait que Julie est déjà décédée et que, la veille au soir, ses cris d’impuissance, entendus par Michelle Martin, ont témoigné de la gravité de la situation. Melissa n’était pas mourante, avance Dutroux. Elle avait besoin de manger et de boire. Je ne m’absentais que très peu de temps. Il est exact que la situation était catastrophique, mais l’état de santé de Melissa était en courbe ascendante.
Lorsque Marc Dutroux se présente chez l’agent de change, il déclare à la gérante : Je sors d’une période de dépression, mais je vais beaucoup mieux. Je n’allais pas lui dire que je sortais de taule, justifie-t-il, cela aurait entamé mon crédit.
Le soir même, à 18 heures, Michelle Martin et Marc Dutroux se retrouvent encore pour aller déposer des vêtements propres et un vélo neuf chez l’assistante sociale qui a accepté d’héberger temporairement leur fils Frédéric. Le couple reste là plus d’une heure. Dutroux tenait le crachoir. On parlait de tout et de rien, témoigne l’assistante sociale. Marc Dutroux, en tout cas, ne semble pas pressé de rentrer pour s’occuper de Melissa.
Selon Marc Dutroux, le 23 mars, l’état de Melissa, qu’il qualifiait pour la journée du 22 mars comme étant en courbe ascendante, va se dégrader. Il explique que du jus d’orange est entré dans ses poumons. Pour Julie, déjà, il invoquait une même introduction d’eau dans les poumons pour expliquer son décès. Il pratique le bouche-à-bouche. Il injecte sous la peau de l’eau oxygénée pour assurer l’hydratation du système lymphatique (« Le Soir » d’hier). Il affirme masser les poumons pour assurer à la fillette une respiration correcte durant trois heures, s’appliquant ainsi à éliminer le mucus qui se serait formé dans la trachée. Vers 16 heures, il se rend dans une pharmacie de garde pour y retirer des seringues et du Néogneyl, un fortifiant très courant qu’il injecte à la fillette. Il s’endort ensuite, oubliant, affirme-t-il, de se réveiller. Au matin du 24 mars, Melissa est morte. Dutroux en rejette la responsabilité sur son réveille-matin.
Le professeur Kolanowski, expert nutritionniste, juge que le récit de Dutroux est incohérent. Il apparaît que les « tentatives malheureuses » de Marc Dutroux de réanimer et de réhydrater Melissa ont probablement précipité son décès.
Le 25 mars, Marc Dutroux se rend dans une entreprise d’outillage pour y acquérir une brouette. On ne sait si elle servit pour amener les corps de Julie et Melissa jusqu’à la fosse creusée au fond du terrain de Sars-la-Buissière. Au lendemain de cette sinistre besogne, accomplie sans témoin, Dutroux exprime à Michelle Martin le désir de recommencer à creuser car il estime ne pas avoir enterré les corps de ses deux petites victimes à profondeur suffisante, à deux mètres du corps déjà enfoui en novembre 1995 de Bernard Weinstein.
Les fillettes étaient-elles réellement vivantes et toujours enfermées dans la cache lorsque Marc Dutroux fut libéré de prison le 20 mars ? Les enquêteurs n’en sont pas sûrs. Ils ont posé cette question à Michelle Martin. Elle leur a répondu que ce n’était pas possible autrement. En mentant sur son emploi du temps pendant la prétendue « veille » de Julie et Melissa, en veillant à enterrer les corps hors de la présence de tout témoin, Marc Dutroux, décrit par les psychiatres comme un manipulateur hors pair, peut avoir monté, avec Michelle Martin, un scénario permettant d’apporter une autre explication que l’acte volontaire à la mort de Julie et Melissa.
La date précise, même approximative, du décès de Julie et Melissa, n’a jamais pu être établie par les expertises. Aucun élément de datation certain n’était à disposition des légistes. Les corps, enserrés dans des sacs en plastique, ont été conservés dans de l’argile. Aucun insecte ne les a détériorés. L’analyse d’insectes aurait pu permettre de fixer au moins l’époque de la mort des deux enfants.
Leurs corps ont été retrouvés à deux mètres de celui de Bernard Weinstein. L’examen de la végétation recouvrant la fosse remblayée aurait peut-être permis de déterminer si Dutroux creusa deux fois à cet endroit ou si les trois corps furent précipités là au même moment.
Une chose est sûre. Julie et Melissa ne pesaient plus qu’une quinzaine de kilos au moment de leur décès. Marc Dutroux, qui cherche par tous les moyens à enjoliver l’histoire de l’enlèvement (Ce n’est pas moi), de la séquestration (Elles étaient heureuses chez moi) et de la mort des deux fillettes (C’est la faute à Martin), est le seul à pouvoir prouver que cette privation de nourriture ne fut pas délibérée et que Julie et Melissa étaient toujours dans la cache le jour de sa libération. Mais il se tait.


Comment Dutroux et Lelièvre ont enlevé An et Eefje

LE DOSSIER (24/30)
Quelques jours après son arrestation, en août 1996, Marc Dutroux livre aux enquêteurs le scénario qu’il a composé pour tenter de se disculper de l’enlèvement d’An et Eefje dont les corps ne seront retrouvés, sur ses indications, que le 3 septembre. La trame de cet alibi est le décalque de celui qu’il a déjà présenté pour s’exonérer du rapt de Julie et Melissa : les deux fillettes liégeoises, a-t-il avancé, ont été amenées chez lui sans son consentement ; il ne pouvait pas les remettre à la police en raison de ses antécédents judiciaires.
Le 20 août 1996, face aux gendarmes de la BSR de Marche-en-Famenne, Dutroux ressert son plat réchauffé de l’innocent abusé, contraint une nouvelle fois d’accueillir chez lui des enfants enlevés.
Une nuit de fin août 1995, se lance-t-il, alors que j’étais à Marcinelle, j’ai reçu un appel téléphonique de Michel Lelièvre. L’intéressé me téléphonait parce qu’il venait de tomber en panne avec une camionnette modèle C25 ou J5. Michel m’a dit que dans la camionnette se trouvait de la marchandise. J’ai pensé de suite qu’il s’agissait d’une marchandise tombée d’un camion, marchandise comme il s’en trafique tant qu’on veut du côté d’Anvers. Michel m’a dit qu’il y avait 100.000 francs à gagner et que j’aurais ma part.
Marc Dutroux poursuit son récit rocambolesque. Il part à bord de sa CX grise dans laquelle il a chargé une corde et du mazout. Il rejoint l’endroit indiqué par Lelièvre, une bretelle de l’autoroute Ostende-Bruxelles. Il tente de tracter la camionnette, mais la corde se casse. Il embarque finalement tout le monde dans sa CX.
Il y avait Weinstein, Lelièvre et un troisième homme avec une arme que je n’ai rencontré que ce jour-là, ainsi qu’An et Eefje. Nous avons donc repris la route pour revenir chez moi. La destination de mon domicile m’avait été imposée parce qu’après un court palabre entre eux, ils ont dit ne plus pouvoir aller à leur rendez-vous pour la livraison. Ils ne m’ont pas laissé le choix. Ils ont dit qu’ils me balanceraient si ça ne marchait pas. Ils disaient que s’il y avait un problème, vu mes antécédents, ils me feraient tomber.
Dutroux affirme qu’à son tour sa CX tombe en panne, en raison d’une « rupture de la courroie de la pompe à injection ». Ils se sont tous cachés dans un petit bosquet voisin de l’autoroute, raconte-t-il. J’ai été chargé d’aller chercher du secours et de faire le nécessaire pour que nous puissions quitter les lieux.
Selon cette version rocambolesque, Dutroux s’en va à Marcinelle chercher une autre voiture, sa Ford Sierra. Il ramène tout le monde chez lui. Arrivé chez moi, raconte-t-il, le type que je ne connaissais pas n’est pas resté. Il est parti directement à pied. Jamais plus je ne reverrai ce type. Les autres ne me diront jamais qui il était. Ils m’ont dit qu’il valait mieux pour moi que j’en sache le moins possible.
Ce récit ne va pas résister longtemps aux enquêteurs. Contrairement à l’enlèvement de Julie et Melissa, celui d’An et Eefje a eu des témoins, toujours vivants. Lelièvre d’abord, qui avoue. Des touristes irlandais ensuite. Dutroux est contraint d’admettre que cette première version n’est que le pur produit de son imagination. Quand j’en ai marre, dit-il un jour aux gendarmes, il m’arrive de dire n’importe quoi, je joue avec les pieds des enquêteurs.
Revenons à An Marchal et Eefje Lambreks. Les deux jeunes Limbourgeoises, âgées de 17 et 18 ans en ce mois d’août 1995, accompagnent leurs amis de la troupe de théâtre L’Arlequin, de Hasselt, pour un séjour d’une semaine au bungalow 31 du Marinapark de Westende. Pour An, ce sont les premières vacances passées hors de la sphère familiale. Le 21 août, l’une et l’autre refusent de se rendre au casino de Blankenberge où se donne un spectacle du magicien hypnotiseur Rasti Rostelli. Elles estiment que les places sont trop chères. Leurs amis Robby, Michael, Liesbet, Karolien et Siegried s’y rendent. Ils montent sur scène pour participer à la séance d’hypnotisme, clou du spectacle de l’artiste. En échange de leur participation, ils reçoivent des places gratuites. Le lendemain, 22 août, An et Eefje profitent de l’aubaine. Elles se présentent, porteuses des places gratuites, à l’entrée du casino de Blankenberge. Elles aussi montent sur scène et se laissent « endormir » par Rasti Rostelli sous les applaudissements du public. Des vidéos tournées ce soir-là les montrent quelque peu étourdies par cette expérience. Elles semblent néanmoins heureuses de leur soirée. Elles se décident à se rendre à l’un des stands, à l’entrée du casino, pour y commander des vidéos du spectacle. Il est passé 23 h 30. An et Eefje, emportées par leur soirée, n’ont pas tenu compte des recommandations de leurs amis, venus la veille. Ils leur avaient indiqué que le dernier tram à quitter Blankenberge ne poursuivait pas sa route jusqu’à Westende mais s’arrêtait à Ostende.
Ce dernier tram quitte Blankenberge à 0 h 44. A 1 h 18, il stoppe ses machines à la gare d’Ostende. Un employé de la société De Lijn est interpellé par les deux jeunes filles qui s’étonnent que le tram ne poursuive pas sa route. Il leur indique la station de taxi voisine. Elles préfèrent rentrer en stop jusqu’à Westende, malgré l’heure tardive.
Revenons quelques heures en arrière. Le même jour, à Tamines, Marc Dutroux déboule chez la mère de Michel Lelièvre, où se trouve le toxicomane. Dutroux exige le remboursement d’une somme de 20.000 F. Il n’en dispose pas. Dutroux l’invite à monter dans sa voiture pour aller à la mer, car là-bas il y avait sûrement plus de filles.
A plusieurs reprises, précise Lelièvre aux enquêteurs, il m’avait fait part de ses intentions d’enlever des filles. Il m’a fait part de ses intentions sur l’autoroute. Ma réaction a été de penser que c’était soit faux, soit qu’il se faisait mousser, comme c’est l’habitude dans le milieu ; ou il était sérieux et j’étais embarqué dans un truc relativement grave.
Malgré ses doutes, Lelièvre poursuit le périple. Les deux hommes écument les routes du littoral, à la recherche de proies. Ils aperçoivent le tram de nuit dans lequel An et Eefje ont pris place. Lelièvre : Marc Dutroux m’a dit : « Tu as vu à l’arrière du tram, il y en a deux ». Il a fait demi-tour sur la route à quatre bandes. Il a rattrapé le tram et l’a suivi au même rythme que lui. A ce moment-là, il a demandé comment je les trouvais et si elles étaient jolies.
Ils les rejoignent sur la grand-route qui mène d’Ostende à Westende. Elles se sont résignées à faire du stop. Lelièvre, déclare Dutroux au juge d’instruction Langlois, après les avoir identifiées comme étant les filles repérées dans le tram m’a dit qu’on allait les charger.
Le toxicomane, confronté à son mentor, le contredit : C’est Dutroux qui a pris l’initiative de les prendre en stop. A ce moment je n’ai eu aucune réaction car j’étais sous l’effet de la prise d’héroïne, de la faim et de la fatigue.
Lelièvre, malgré cet état de semi-inconscience qu’il invoque, est au volant de la Citroën CX. Marc, témoigne-t-il, n’a eu aucune difficulté pour passer entre les deux sièges avant de la voiture.
Dutroux s’installe à l’arrière entre An et Eefje. Les deux filles ont essayé d’ouvrir les portières mais elles avaient été verrouillées par Marc de l’intérieur, poursuit Lelièvre. Il les a prises toutes les deux par la gorge et m’a dit de lui passer la boîte de médicaments. De la manière dont elles étaient tenues, elles ne pouvaient pas crier. J’ai mis les médicaments dans les mains des filles et Marc leur a ordonné de les mettre en bouche, ce qu’elles ont fait. Il a relâché quelque peu la prise pour leur permettre d’avaler tout en leur massant la gorge. Après la prise des médicaments, il leur a dit qu’il allait relâcher l’étreinte mais que cela ne servirait à rien de crier sinon il leur serrerait de nouveau la gorge. Il leur a fait boire un liquide. Il m’avait dit que c’étaient des médicaments prescrits par son psychiatre. Il se faisait passer pour fou devant le médecin mais il ne l’était pas.
Au bout de dix minutes, An et Eefje s’endorment. La CX grise conduite par Lelièvre s’engage sur l’autoroute E40 en direction de Bruxelles. Ils empruntent la E19 en direction de Charleroi. A proximité de l’aire de parcage de Wauthier-Braine, la voiture commence à toussoter. Ils sont contraints de s’arrêter. An et Eefje, somnolentes, sont débarquées et cachées dans les fourrés. Les deux hommes paniquent. Dutroux avise une camionnette Toyota Corolla blanche, pourvue d’une plaque irlandaise et porteuse du sigle ATA, celui d’une société de sécurité de Dublin. A son bord, deux jeunes Irlandais, en route vers un rassemblement de motards en Allemagne, dorment, le coffre ouvert.
Il est à ce moment-là 3 h 30 du matin. Dave, qui dort dans l’espace de chargement de la camionnette, est soudain réveillé par un homme qui lui secoue les pieds. Il se redresse, s’extirpe prestement de son sac de couchage et se retrouve face à un homme manifestement agité et qu’il ne sait pas encore être Marc Dutroux. David, l’ami de Dave, raconte : Dave m’a dit qu’il ne pouvait pas comprendre un mot de ce que l’homme lui racontait. J’ai essayé de lui parler à l’aide des mains et de certains mots en mauvais anglais. Il me disait : « woman baby gone » (femme bébé parti), « car broken » (voiture cassée). Il m’a donné l’impression que sa femme était en train d’accoucher et qu’il devait la rejoindre et que sa voiture était tombée en panne. Je me rappelle que l’homme sentait le fumier et j’ai pensé en moi-même qu’il revenait du travail.
Marc Dutroux s’installe d’autorité sur le siège avant de la voiture des deux Irlandais. Ils consentent à prendre le chemin qu’il leur indique. David raconte : J’ai commencé à rouler en direction de Bruxelles et après environ dix ou quinze minutes sur l’autoroute, l’homme m’a fait des gestes pour sortir de l’autoroute en agrippant le volant et en le tournant. Nous avons roulé sur une grand-route puis l’homme m’a indiqué à nouveau de sortir en agrippant le volant. A ce moment-là, cela m’ennuyait qu’il agrippe le volant et je lui ai dit de me diriger en anglais en me disant s’il fallait tourner à gauche, à droite ou aller droit devant.
Vers 4 h 20, cette nuit-là, l’équipage pénètre dans la cour pavée de la maison de Sars-la-Buissière. Marc Dutroux les fait entrer. Il réveille Michelle Martin qui descend rapidement, vêtue d’un peignoir jaune pâle noué à la ceinture.
– This is my wife (c ’est ma femme), leur signifie Dutroux.
Dave, interrogé en Irlande par les enquêteurs de Neufchâteau, précise : Il lui a parlé deux minutes en français. Il est devenu calme et a cessé d’être excité. Il a quitté la maison et je ne l’ai plus revu après cela.
Dutroux est déjà reparti à bord de la Ford Sierra et se précipite vers le parking où il a abandonné Lelièvre, An et Eefje. A Sars-la-Buissière, Michelle Martin, qui maîtrise mieux l’anglais que Dutroux, se fait hôtesse. Elle offre du café, des tartines et du fromage aux deux Irlandais.
Tous deux dorment dans une chambre à l’étage. Le lendemain, vers 11 heures, ils prennent le café en compagnie de Michelle Martin qui les guide jusqu’à l’autoroute. Ils ne sauront que deux ans plus tard, en 1997, qu’ils ont bien involontairement aidé Marc Dutroux à achever l’acheminement d’An et Eefje vers Marcinelle. Car Martin a cette idée étonnante : noter le numéro d’immatriculation des Irlandais en griffonnant les chiffres sur un bout de papier. Cette annotation sera retrouvée lors des perquisitions menées en août 1996.


An et Eefje ont vainement tenté d’échapper à Dutroux

LE DOSSIER (25/30)
A leur arrivée à Marcinelle, le matin du 24 août 1995, An et Eefje, assommées par l’absorption massive de Haldol et de Rohypnol, sont sorties de la Ford Sierra noire par Marc Dutroux et Michel Lelièvre. Les deux hommes sont énervés par cette panne survenue sur l’autoroute E19 (nos éditions d’hier) qui a failli précipiter leur perte. Dutroux ouvre la porte de son immeuble. Il s’empare prestement d’Eefje Lambrecks. Il la dépose, inerte, dans la pièce du rez-de-chaussée. Il ressort de sa maison. Le jour commence à poindre. Les voisins ne sont pas encore levés. Il extrait maladroitement de l’habitacle An Marchal qui est assise sur le siège passager. Elle aussi, droguée, ne réagit pas. Dutroux trébuche sur le trottoir. Il choit. An tombe à terre. Dutroux appelle Lelièvre à la rescousse. Le toxicomane s’exécute.
Les deux jeunes filles sont transportées à l’étage et étendues sur les matelas du lit superposé habituellement occupés, lors de leurs visites à leur père, par les enfants de Dutroux. Celui-ci prend soin de les enchaîner. Il les déshabille aussi pour réduire tout risque de fuite.
Pour Dutroux, le temps presse. Il s’agit prioritairement de récupérer sa CX grise abandonnée sur le parking de Wauthier-Braine et qui risque d’attirer l’attention. Il reprend le volant de la Ford Fiesta noire, accompagné de Michel Lelièvre. Les deux comparses sont de retour quelques heures plus tard à Marcinelle.
A Westende, les amis d’An et Eefje ne sont pas encore levés. Ce n’est que vers 17 heures qu’ils donneront l’alerte.
A Marcinelle, les deux jeunes filles, enchaînées, dorment toujours. Selon Lelièvre, Marc Dutroux les viole dès le premier jour de leur arrivée, alors qu’elles sont encore sous l’effet des calmants.
Face aux enquêteurs, Marc Dutroux se plaint : J’avais de gros problèmes d’organisation. J’avais les petites (NDLR : Julie et Melissa) en bas et les grandes en haut. Elles ne devaient jamais se rencontrer. Je disais aux petites que le chef dormait en haut et qu’elles ne devaient pas faire de bruit. Je continuais à les amener au rez-de-chaussée pour prendre les repas avec moi, aller à la toilette. Quand elles étaient avec moi, elles faisaient ce qu’elles avaient à faire. Cette organisation ne me laissait pratiquement aucun temps libre. C’était vraiment de l’équilibrisme.
Il brosse, comme à son habitude, un tableau idyllique de cette nouvelle séquestration. Il se présente sous les traits d’un « protecteur », veillant scrupuleusement au bonheur de ses otages. A partir du moment où les filles ont pu descendre les escaliers sans risque, explique-t-il aux enquêteurs, les repas ont été pris au rez-de-chaussée. Elles avaient droit à trois repas par jour, dont un chaud. Elles avaient les repas à la demande. Régulièrement je montais pour savoir si elles avaient besoin de quelque chose.
Dutroux, « aubergiste » attentif prêt à répondre aux moindres besoins de ses otages ? L’autopsie a révélé que l’une et l’autre avaient subi une très longue période de privation de nourriture, faisant chuter leur poids jusqu’à 30 kilos. Dutroux concède : Je ne voulais pas qu’elles m’importunent. Je ne voulais pas qu’elles crient et qu’on les entende.
Il continue d’accuser Bernard Weinstein, celui qu’il a assassiné, d’être l’instigateur de l’enlèvement et le tourmenteur des jeunes filles. Face aux enquêteurs, il se positionne sans vergogne dans le rôle de l’ami, du protecteur, de l’amant d’Eefje. Il livre aux gendarmes cette scène dont nous n’évoquerons pas les détails, tant ce ne dut être qu’une insupportable souffrance.
Au soir, j’avais décidé de me coucher et nous nous sommes engagés dans la cage d’escalier. Je lui (NDLR : à Eefje) ai dit : « Qu’est ce que tu préfères, dormir avec An ou dormir dans ma chambre ? » Je lui ai dit : « Tu montes et tu choisis. » J’ai été assez étonné quand elle a tourné à droite (NDLR : vers la chambre de Dutroux). Marc Dutroux poursuit son ignoble récit. Il décrit cette nuit comme celle savourée par deux amants juvéniles : Elle m’avait demandé de lui apprendre, se vante-t-il.
Il se vautre dans le souvenir rapiécé de ce qui ne fut qu’un calvaire. Il se met en scène aux côtés d’Eefje, percevant depuis la pièce voisine les échos des vaines tentatives de viol sur An qu’il attribue à Bernard Weinstein, affublé de sordides fantasmes.
Dutroux ment : Weinstein, a établi l’enquête, se trouvait à cette époque chez sa sœur, à Versailles, en France. Avec sa belle-famille, il s’est notamment rendu au parc Eurodisney. Il ne pouvait pas être en Belgique lors de l’enlèvement et pendant les premiers jours de la séquestration d’An et Eefje.
Il ment encore en présentant Eefje comme « consentante » : Quand elle dormait avec moi, admet-il, elle avait une chaîne passant de sa cheville à la mienne.
Dutroux exploite ses deux otages : J’ai proposé à l’une d’elles de me tenir compagnie en bas et de m’aider à certaines tâches ménagères. An s’est proposée la première. Elle ne savait pas de quoi il allait s’agir. On est descendu An et moi. Je suis allé vers la salle de bains et je lui ai demandé si elle voulait bien la nettoyer. Elle m’a dit : « Non, ça ne m’intéresse pas » en flamand. J’en ai déduit que c’était ça qu’elle disait à ses mimiques. On est donc remonté près d’Eefje et je l’ai remise au lit. Remettre au lit : dans le langage de Dutroux, cela veut dire l’enchaîner et la droguer à nouveau au Rohypnol pour qu’elle se tienne tranquille.
J’ai demandé à Eefje si cela l’intéressait, poursuit Dutroux. Nous sommes donc redescendus et elle s’est occupée de la salle de bains pendant que j’achevais une rangée de carrelages. Eefje préférait s’occuper ainsi plutôt que de rester couchée. On a travaillé toute la journée à cela cette fois-là en plus du cirque de faire remonter les petites (NDLR : Julie et Melissa) pour prendre les repas et tout le reste pour qu’aucune fille ne se rencontre.
Pourquoi ne pouvaient-elles pas se rencontrer ? Dutroux, depuis son arrestation, affirme que ses enlèvements en série ne lui auraient servi qu’à recréer un monde à lui, dont il serait le roi et les filles enlevées ses compagnes « jusqu’à la fin de ses jours ».
An et Eefje, c’est une certitude, ont résisté à leurs agresseurs. Droguées, menacées, déjà violées, elles ont, elles aussi, subi la rengaine de la « rançon » que leurs parents « refusaient de payer », une fable infligée plus tard à Sabine et Lætitia.
Deux jours après l’enlèvement, Eefje tente avec détermination de s’échapper de la maison de l’horreur. Elle retrouve les vêtements dont Dutroux l’a privée. Elle ouvre les battants vermoulus de la fenêtre de la chambre du premier étage. Elle tente de partir, de trouver de l’aide.
Au rez-de-chaussée, Marc Dutroux aperçoit la silhouette d’Eefje au travers de la bulle de plexiglas qui surplombe la cuisine du 128, route de Philippeville, en cours de rénovation. Dutroux se précipite. Il la rattrape avant qu’elle ne saute dans la rue, révélant ainsi sa situation d’otage et signant par sa fuite la fin du parcours criminel de Dutroux, peut-être aussi le sauvetage de Julie et Melissa, si elles sont toujours vivantes.
Eefje ne renonce pas. Michel Lelièvre est le témoin d’une seconde tentative de fuite de la jeune fille. Dans les jours qui suivent le double enlèvement, Eefje demande à Dutroux de se rendre aux toilettes. Elle est nue, à nouveau pour restreindre les risques de fuite. Marc Dutroux accompagne la jeune Limbourgeoise. Michel Lelièvre entend une porte claquer.
Eefje, nue, vient de gagner la liberté. Marc Dutroux la rattrape sur la rue. Personne, dans le voisinage, n’est le témoin de cette dernière tentative de fuite. A partir de ce moment-là, Marc Dutroux n’entend plus prendre « aucun risque ». Les deux jeunes filles, qui se refusent à se soumettre à ses caprices et à ses scénarios diaboliques, sont alors maintenues enchaînées. Elles sont rebelles. Elles représentent un danger. Il faut s’en débarrasser.
Michel Lelièvre, qui assume sporadiquement la garde des deux otages, quitte Marcinelle au bout de quelques jours. Dans les jours qui ont suivi l’enlèvement, déclare-t-il aux enquêteurs, je suis parti pour la Slovaquie. A mon retour, je suis revenu chez Dutroux pour m’informer du suivi de l’enlèvement. A ce moment-là, Dutroux m’a dit qu’elles avaient été livrées. Il m’a ajouté : « Maintenant, c’est comme si tu étais complice de meurtres. » A mon retour de Slovaquie début septembre, ajoute-t-il, Dutroux m’a dit que des personnes étaient venues prendre livraison des filles et que plus aucune preuve de leur passage ne subsistait dans sa maison de Marcinelle.
Dutroux accuse à nouveau Bernard Weinstein d’avoir « évacué » les deux jeunes filles dix jours après leur arrivée à Marcinelle et se pose en témoin de leur départ : Elles sont montées dans une camionnette avec Weinstein. A ce moment-là, quelqu’un faisait le guet. Pour moi, c’est Lelièvre (NDLR : non, il était en Slovaquie), mais je n’en ai pas la preuve. Pour ma part, j’ai dit aux deux jeunes filles qu’on avait touché la rançon et qu’elles pouvaient partir et rentrer chez elles. C’était pour leur faire accepter de prendre plus facilement du Rohypnol.
Par cette déclaration, Marc Dutroux avoue avoir joué un rôle dans « l’élimination » d’An et Eefje, devenues de trop encombrants et indociles fardeaux.
Michelle Martin confirme lors d’un interrogatoire mené le 25 juin 1997. En ce qui concerne An et Eefje, je me suis encore souvenue d’éléments que Dutroux m’a donnés à l’époque. Lorsqu’il m’a annoncé les avoir tuées avec Weinstein, il m’a dit qu’il ne m’en parlerait plus. Il est encore revenu l’une ou l’autre fois avec des éléments complémentaires. Ainsi, quand il m’a encore parlé, je me souviens qu’il a notamment expliqué que c’étaient les filles elles-mêmes qui avaient pris les médicaments (NDLR : 10 comprimés de Rohypnol) sans qu’il ne les y oblige. Pour ce qui est de Jumet, rue d’Aubresse (NDLR : où les corps d’An et Eefje furent retrouvés), Dutroux m’a raconté qu’au bord du trou qu’ils avaient fait, une des deux filles s’était rendu compte qu’elle allait mourir parce qu’elle n’était pas tout à fait endormie. Elle aurait même dit, selon les dires de Dutroux : « Mais on va mourir. »
Dutroux, cynique, avant le départ d’An et Eefje de Marcinelle, leur avait remis une peluche, les assurant qu’elles rentraient chez leurs parents.
Après son arrestation en août 1996, il fera semblant de ne pas savoir où leurs corps étaient enterrés dans le hangar sous-loué par Michelle Martin à Bernard Weinstein. Il indiquera finalement avec précision aux enquêteurs la fosse où les deux jeunes Limbourgeoises furent enterrées au milieu d’un magma de scories et de déchets de construction.
An et Eefje étaient bâillonnées. Leur tête était recouverte d’une cagoule. Dans la gorge d’An, les médecins légistes retrouvèrent un fragment d’emballage de Rohypnol. L’une et l’autre, a révélé l’autopsie, ont été exposées à un sévère régime de famine prolongé et à des sévices sexuels. La famine. Comme celle subie par Julie et Melissa. Comme celle imposée à Bernard Weinstein. Ce n’est plus un hasard ou un accident lorsque pareille répétition se constate : la mort par privation de nourriture est l’une des constantes du sordide système Dutroux.


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Michel Lelièvre : « Dutroux a fait de moi un mort-vivant »

LE DOSSIER (26/30)
Le 5 décembre 1996, à 9 h 10, Michel Lelièvre est introduit dans le cabinet du juge d’instruction Langlois, qui lui a signifié deux jours plus tôt une nouvelle série d’inculpations : sa participation à une association de malfaiteurs impliqués dans les enlèvements et des séquestrations de six personnes, dont cinq mineures d’âge, avec la circonstance aggravante que ces faits ont entraîné la mort de quatre d’entre elles ; son implication directe dans les enlèvements de Sabine et Lætitia, d’An et Eefje, avec la circonstance que ces faits ont entraîné la mort de deux de ces personnes. Ce matin-là, Lelièvre ramasse en une courte explication comment il est devenu le complice du « monstre ».
J’ai agi de la sorte car je devais de l’argent à Dutroux, et celui-ci me le réclamait régulièrement, raconte-t-il. Il m’a alors dit qu’il avait une solution pour que je puisse avoir de l’argent rapidement et c’est ainsi qu’il m’a proposé d’effectuer des enlèvements avec lui. Par la suite, il m’a fait comprendre après le premier enlèvement que j’étais son complice et que j’étais dans le bain avec lui. Lorsque nous avons procédé à l’enlèvement d’An et Eefje, Dutroux m’a dit qu’il avait procédé à cet enlèvement parce qu’il avait reçu une commande de filles. Après ce premier enlèvement, et au fur et à mesure de mes conversations avec Dutroux, il m’est apparu que c’était surtout pour lui qu’il voulait enlever les filles. Je ne sais rien des conditions de séquestration des jeunes filles, et, chaque fois que je lui en parlais, il me faisait comprendre que cela ne me regardait pas.
La position de Michel Lelièvre n’a plus varié depuis. Lui, c’est le larbin, le toxicomane sous influence, le faible que Dutroux tient pour un jouet qu’il articule selon ses caprices.
Dans son « système », Dutroux a toujours recouru à des « esclaves ». Lors de sa première razzia, entre 1983 et 1985, il a assujetti Jean Van Peteghem pour enlever, torturer et violer des jeunes filles, ainsi qu’une femme plus âgée.
Depuis 1981, il tient sous son joug Michelle Martin qui se plie bien volontiers à sa perversité, y trouvant des raisons de ne pas le quitter.
Bernard Weinstein, lui, il le loge dans ses traficotages de voitures.
D’autres toxicomanes de Marcinelle sont emmenés en maraude pour trouver des filles. Ils n’osent s’opposer à Dutroux, qui roule des mécaniques et exhibe à l’occasion sous son aisselle un pistolet de caïd.
A partir de juillet 1995, c’est Lelièvre, l’héroïnomane à la dérive, qu’il choisit.
Les analystes de Neufchâteau ont effectivement relevé cette constante chez Dutroux : il s’érige en « chef » en veillant à s’entourer de faibles. Pour ce qui est du choix de complices, notent-ils, nous relevons une certaine continuité, qui le conduit à choisir des profils bien déterminés : un individu influençable en situation d’isolement, affecté par une situation précaire ou pénible, sujet à une dépendance (alcool ou stupéfiants) ou sur lequel il peut exercer une pression ou laisser entrevoir des avantages.
Lelièvre se coule dans ce profil. Mais, comme Van Peteghem, il a la faiblesse des avantages que Dutroux croit avoir décelés en lui. Le 15 août 1996, Michel Lelièvre, en manque de drogue, va livrer son « maître » aux enquêteurs de Neufchâteau en échange de méthadone. Comme Van Peteghem dix ans plus tôt, il dénonce Dutroux et avoue l’enlèvement de Lætitia – que des dizaines de policiers cherchent vainement depuis le 13 août dans la maison de Marcinelle. Dutroux, par la suite, lui en fera le reproche en prison : C’est à moi que tu aurais dû te confier, pas aux policiers.
Depuis son arrestation, Michel Lelièvre a choisi de se fondre dans la discrétion. Des trois accusés du procès d’Arlon, il est le moins connu.
La psychologue qui l’a longuement examiné le décrit comme un individu immature, enclin à inventer n’importe quoi, pourvu que cela le rende plus intéressant, plus séduisant, plus prestigieux ou plus pitoyable selon les besoins du moment.
Michel Lelièvre naît le 11 mai 1971 à Namur. A sa naissance, il ne porte pas encore le patronyme de « Lelièvre ». Sa maman, qui se reconnaît devant les enquêteurs comme très libertine, et portée sur la boisson, est elle-même une enfant naturelle, ballottée de foyer en foyer – d’où elle fugue jusqu’à dix-neuf fois. Elle est placée dans un home d’Alleur et la garde de son bébé de 11 mois lui est retirée en 1972. Michel est placé dans une famille d’accueil, à Arsimont. Il y retrouve les quatre enfants légitimes de ce couple, décrit comme empreint d’une rigueur morale extrême – soumis à une vision stricte et omniprésente, notent les enquêteurs, de la religion catholique. Lelièvre reconnaît n’avoir jamais manqué de rien sur le plan matériel.
Mais il se plaint d’un abandon affectif : Personne ne m’a jamais souhaité un bon anniversaire. Cette mère d’accueil refuse de se laisser embrasser par Michel lorsqu’il revient d’une journée passée chez sa mère naturelle. Elle lui impose, avant de lui accorder un baiser, de prendre un bain parce qu’il sent le tabac.
Alors que Michel poursuit un cursus primaire, qualifié de « normal », à l’école Saint-François, à Arsimont, sa mère naturelle se marie avec un certain Lelièvre – qui légitime le petit. Celui-ci, alors âgé de 7 ans, hérite donc du patronyme de ce nouveau beau-père. Un changement de nom qui suscite à l’école l’étonnement et les quolibets de ses condisciples qui ont tôt fait de jouer sur la thématique des lièvres et des lapins. Dutroux aussi, face aux psychiatres, s’est plaint de ces méchancetés proférées à la récré sur son patronyme..
En fin de cycle primaire, Lelièvre se signale par de petits larcins – qu’il motivera par un manque chronique d’argent de poche que lui refuse sa mère d’accueil.
En septembre 1983, il entre à l’institut Sainte-Catherine, à Tamines, où il est inscrit dans la filière latine. Il s’inscrit au patro d’Arsimont et passe ses congés scolaires dans les camps de vacances organisés par la Mutualité chrétienne de Namur. Un abbé qui régente la spiritualité dans ces organisations dit de lui : Il me semblait faire partie de l’élite de la jeunesse.
L’adolescent qu’il est alors se retrouve progressivement en décrochage scolaire. Le manque d’affection qu’il reproche à sa mère d’accueil le rapproche de sa mère naturelle, qui est quant à elle en perpétuel décrochage social. Il tente ce retour aux sources : retrouver son père naturel. Il découvrira, grâce à l’enquête menée par Neufchâteau, sa véritable identité : son père est un jeune homme d’origine italienne, décédé dans un accident de voiture.
A cette époque, son beau-père se sépare de sa mère. Il sera impliqué en 1992 dans une affaire d’assassinat commis dans la région de Namur. Le beau-père est placé sous mandat d’arrêt et, le jour où les policiers l’arrêtent, Michel et son jeune frère sont témoins de sa privation de liberté, de l’impressionnant cérémonial judiciaire qui l’accompagne. Michel Lelièvre reçoit cet événement comme un profond traumatisme.
L’un de ses condisciples, toxicomane connu de la justice, l’initie aux substances interdites. Dans la foulée, le grand adolescent rompt les ponts avec sa famille d’accueil. Celle-ci, selon Michel Lelièvre, lui a signifié qu’à 18 ans, il devait rester soumis, sous peine d’être exclu de la maison.
Il prend son indépendance. Il échappe au service militaire en raison de ses problèmes d’asthme. Il passe par un foyer. Il devient moniteur de plaines de jeux pour le compte de la Mutualité chrétienne et pour les plaines communales d’Auvelais. Selon les éducateurs qui le supervisent, il fait montre, à cette époque, d’une attention sans faille pour les enfants placés sous sa responsabilité, qui l’apprécient, selon l’enquête de moralité menée par Neufchâteau.
Installé dans un meublé à Tamines, Michel Lelièvre est victime d’un accident de la circulation qui l’éloigne du premier boulot qu’il est parvenu à décrocher. Cette période d’oisiveté le replonge dans le milieu de la toxicomanie. Il retrouve de mauvais amis. Il perd ses places dans les plaines de jeux. Son amie de cœur, qui l’a tant aidé, finit par s’éloigner de lui.
Il tombe dans une sévère dépression. Le 7 novembre 1993, il est contrôlé par la police sur un parking d’un dancing d’Affligem. Il transporte de la drogue. Il est arrêté et placé en détention préventive durant cinq mois. En prison, il rencontre Casper F., qui le mettra ultérieurement en relation avec Michel Nihoul (lire nos prochaines éditions).
En novembre 1994, il retourne en prison pour 21 jours : il est soupçonné d’être l’auteur de vols commis à Sambreville. En mai 1995, il fait la connaissance de Michel D., qui lui propose de l’aider dans son commerce de pneus usagés destinés aux pays de l’Est. Les deux hommes se rendent en Slovaquie. Ils s’y adonnent à la « drague » et recourent aux « services » de prostituées.
En juillet 1995, selon toute vraisemblance, il fait la connaissance de Marc Dutroux par l’intermédiaire de cet ami, Michel D.
A cette époque, il doit trouver un logement pour régulariser son dossier de chômage. Dutroux lui offre de l’héberger dans sa maison de Jemeppe. Pour le paiement des loyers, il lui propose de vendre de la drogue. Il m’a dit qu’en fait le trafic de drogue n’était pas le plus important pour lui, mais qu’il s’intéressait spécialement aux jeunes filles, explique Lelièvre aux enquêteurs. Il me disait aussi que ce qui l’intéressait n’était pas les filles en elles-mêmes mais l’argent que ces filles pouvaient lui rapporter.
Il tombe ainsi dans l’inféodation servile à Marc Dutroux : Avant de le connaître, j’étais un bon vivant. Après, je suis devenu un mort-vivant.
Il a la certitude de mourir s’il n’obtempère pas à son mentor, qui exige de lui une disponibilité totale – au point que, souvent, la mère de Lelièvre prétend que son fils n’est pas à son domicile alors qu’il se dissimule piteusement dans son grenier.
Lelièvre a peur. Quant à Sabine et Lætitia, explique-t-il, je ne les ai vues qu’au lendemain de leur enlèvement et ne les ai plus revues par la suite. Dutroux m’a chaque fois dit qu’avec lui cela allait très vite et que tout avait été nettoyé. Il me disait qu’on pouvait venir voir, que l’on ne retrouverait plus de trace du passage des filles. Il me montrait également les articles de presse ayant trait à ces enlèvements et il se moquait des recherches qui étaient effectuées. Il me disait qu’il pratiquait ces enlèvements pour rendre service à certaines personnes, en échange de services que ces personnes pourraient lui rendre s’il en avait besoin. Mon rôle à moi était seulement de l’aider à les enlever. C’est d’ailleurs pour cette raison que Dutroux m’avait dit que je ne devais pas en savoir davantage, que je n’étais qu’au bas de l’échelle.
Lelièvre n’a d’autre issue, à la veille du procès, que d’adopter ce profil bas de victime subjuguée et menacée par le « monstre Dutroux », d’endosser les habits d’une pure victime
Mais, malgré le contexte qu’il décline, malgré sa toxicomanie et malgré sa dépendance financière à l’égard de Dutroux, il fut malgré tout l’instrument efficace, à trois reprises au moins, de la détermination criminelle de son « maître ». Il assura aussi la garde d’An et Eefje durant quelques jours. Il se prêta, au lendemain de l’enlèvement de Sabine, à la petite scène imaginée par Dutroux pour faire croire à la fillette apeurée que ses parents refusaient de payer la rançon au « Grand Chef ».
Deux aveux qui mettent en doute son rôle de simple « exécutant » servile d’un Dutroux qui lui prétendait que les fillettes étaient directement livrées à un réseau.


Michel Nihoul, escroc et failli en série

LE DOSSIER (27/30)
Le 17 août 1996, sur les marches du palais de justice de Neufchâteau, apparaît, entre deux policiers, un petit homme rondouillard, aux traits creusés par des heures d’interrogatoires. La Belgique découvre alors le visage de celui qui pourrait jouer le rôle du chaînon manquant entre la bande de Dutroux et des puissants du royaume et d’ailleurs que cette bande alimente en enfants enlevés. Michel Nihoul nie. La justice l’a libéré. Puis l’a renvoyé aux assises. Le procès pourrait préciser son rôle exact.
Michel Nihoul, en cet été 1996, c’est cela : l’homme « au bras long comme le Danube », à l’agenda fourni en industriels et en hommes politiques, au passé d’escroc notoire, a la « gueule de l’emploi ».
Le no 4 de la liste du juge Jean-Marc Connerotte a été cité dans ses premiers interrogatoires par Marc Dutroux comme étant l’homme chez qui il s’est rendu au lendemain de l’enlèvement de Lætitia Delhez pour y embarquer une voiture à réparer – curieuse préoccupation en ces moments où Dutroux avait d’autres soucis à Marcinelle. Lætitia elle-même a rendu compte aux enquêteurs d’une mystérieuse conversation téléphonique passée par Dutroux à un certain Michel, ou Jean-Michel, auquel il a dit avec satisfaction : Ça a marché.
Nihoul, en août 1996, accumule les suspicions les plus lourdes. La chambre du conseil de Neufchâteau les lèvera, sept ans plus tard, en prononçant un non-lieu à son égard. La chambre des mises en accusations de Liège, en appel, s’alignera au contraire quelques mois plus tard sur les certitudes des avocats de Lætitia Delhez et des éléments troublants du dossier et renverra Michel Nihoul devant les assises du Luxembourg pour sa participation à une association de malfaiteurs et son implication présumée dans l’enlèvement de la jeune Bertrigeoise.
Avant de découvrir, dans de prochaines éditions, les charges qui pèsent sur cet « homme d’affaires » bruxellois, plongeons-nous dans son parcours.
Michel Nihoul n’a d’un Bruxellois que ses attaches d’adulte : Michel Marie André Nihoul naît le 23 avril 1941 dans la cité lainière de Verviers où son père est employé dans l’industrie textile. La crise de ce secteur historique le déporte vers Spa où il trouve un emploi, comme croupier, au casino ; un métier qu’il exerce ensuite devant les tables de jeu à Middelkerke. Avant de revenir à Spa, tenir l’« Hôtel des Etoiles ».
Ma vie en famille a été formidable, déclare Nihoul aux enquêteurs de Neufchâteau. Nous n’avons jamais manqué de rien. Si mon père nous a élevés à la spartiate, il nous a surtout inculqué la différence entre le bien et le mal, entre la justice et l’injustice. Mon père ne savait pas refuser un service. Je pense que c’est de lui que je tiens ce côté altruiste que j’exprime parfois de manière irréfléchie ou inconsciente.
Irréfléchi, inconscient ? Son frère Daniel a une autre vision de l’altruisme que Michel Nihoul s’attribue : Depuis sa prime jeunesse, il a été toujours une source permanente d’ennuis, pour mes parents, ma sœur et moi, dit-il. Mon frère est un escroc, il roule les gens.
En 1959, Michel Nihoul effectue son service militaire à Ossendorf, en Allemagne. Il y est nommé responsable du service des divertissements au sein du « QMT » (« Quartier Maître et Transport »). Les divertissements, il ne va plus les quitter.
Rendu à la vie civile, et fort d’un diplôme d’architecte d’intérieur obtenu à l’Académie de Verviers, il s’installe comme décorateur. En 1964, il reprend à Spa l’hôtel de ses parents. L’année suivante, il reprend la droguerie voisine, où il crée le « Truc », une boîte sympa où les jeunes pouvaient venir se défouler dans un endroit bien tenu et honorable, explique-t-il aux enquêteurs. Ce fut un raz de marée. Notre succès était basé sur deux critères : l’accueil et la détente. Tout le monde venait au « Truc », toutes les vedettes qui se produisaient au casino passaient chez nous. Le « Truc » marche bien, mais l’« Hôtel des Etoiles » périclite. La faillite des deux établissements, placés sous le même registre de commerce, tombe en 1968.
Michel Nihoul devient chauffeur routier au sein de la société Transport Routier. Il en est fier : Cette société s’occupait du transport de véhicules neufs de l’usine chez les concessionnaires. Lorsque j’ai débuté, s’attribue-t-il, il y avait 30 camions ; à ma sortie, plus de 140. J’ai commencé comme chauffeur pour gravir ensuite tous les échelons, et terminer directeur et même fondé de pouvoir.
En 1972, la société ferme. Nihoul retrouve son métier de décorateur. La société de son épouse Adrienne tombe en faillite. Il détourne des objets saisis – La chambre à coucher et les objets de mes enfants, affirme-t-il. Adrienne est emprisonnée. Elle était, affirme-t-elle, la femme de paille de Nihoul au sein de cette société, que son époux ne pouvait plus gérer en raison de la faillite du « Truc » et de l’« Hôtel des Etoiles ». Le couple rompt.
Nihoul rencontre l’avocate Annie B., alors stagiaire. Il l’aide en 1975 à installer son cabinet, qu’il décore. Il s’installe avec elle. Avec les dons de relations publiques que je possédais, explique-t-il, je lui ai fait gagner une grosse clientèle en y ajoutant un nouveau département qui, par la suite, s’avéra des plus fructueux, à savoir le droit des étrangers. Il ne se prive pas d’escroquer des candidats réfugiés, les faisant travailler gratuitement contre de la nourriture.
Une nouvelle fois, la société de décoration d’intérieur fondée par Michel Nihoul, la DSR, tombe en faillite. Il se reconvertit dans l’expertise immobilière tout en assurant le secrétariat du cabinet d’Annie B. En cette qualité, il réalise la vente d’un grand hôtel de Verviers et d’un château à Lillois.
En 1982, il fait la connaissance de son actuelle compagne, Marleen, lors d’une sortie au club des Atrébates, à Etterbeek, un club privé où s’organisent des soirées échangistes. Dans la liste des membres des Atrébates figurent, à cette époque, quelques personnalités politiques en devenir.
En 1983, l’argent gagné dans ses transactions immobilières lui permet d’acheter un établissement de nuit, le « Clin d’œil », situé rue Sainte-Anne, près du Sablon, à Bruxelles. Deux ans plus tard, le bilan, une nouvelle fois, est déposé.
Au cours de la même période, Michel Nihoul s’investit dans la radio libre. Il anime une émission hebdomadaire sur Radio Activités, baptisée « Soixante minutes pour vous convaincre ». Je recevais des personnalités de toutes professions et de tous bords, raconte-t-il aux enquêteurs, allant de la péripatéticienne au ministre, en passant par l’avocat ou le truand. Le but de cette émission était de mieux faire connaître les gens, leurs sentiments et leurs émotions et de savoir pourquoi ils avaient choisi ou non de faire ce chemin dans la vie.
Cette émission le dope. Lors d’une émission consacrée au Burkina Faso, il rencontre le président de l’association SOS Sahel, avec qui il sympathise. Il s’investit dans ses projets, monte des spectacles, récolte des fonds. La plupart aboutiront dans ses poches : plus de 22 millions détournés, estimait le parquet. Pour cette escroquerie à la charité, Nihoul écopera de 3 ans ferme en décembre 1996.
Nihoul quitte Radio Activités pour fonder sa propre radio libre, Radio JMB. Elle s’installe au 26e étage de la tour Rogier. Septante-quatre jeunes y collaboraient, affirme Nihoul. C’était la plus grande station libre du pays. On émettait jour et nuit. La station ne vivait que de publicité et de son club-house.
En 1987, Radio JMB périclite. Nihoul reprend ses expertises. Il s’introduit dans des confréries de buveurs et de producteurs de bière, dont la Confrérie des brasseurs et distillateurs de Wallonie . Il crée lui-même la « Laekenoise », une bière dont il entend s’assurer de l’exclusivité de la distribution. En 1987, il crée sous le nom de son fils une société baptisée « J.M. Nihoul et associés S.A. » vouée à la création et la réalisation d’événements commerciaux. C’est encore la banqueroute. En 1989, il est condamné. Aux curateurs abasourdis, il confie : Je n’ai pas fait de prison grâce à une intervention ministérielle.
Il contribue, à l’époque, à la campagne électorale de deux mandataires communaux bruxellois.
Au début des années 1990, il se replie sur Zeebrugge, où il se lance dans le commerce en gros de poisson : J’avais rencontré, explique-t-il, un pêcheur qui rêvait de trouver quelqu’un pour vendre les récoltes de sa pêche dans les restaurants. Après avoir avalé dans les bouquins un maximum d’informations sur l’aquiculture, la mytiliculture, l’ostréiculture et la pisciculture, je me suis donc lancé, comme un vieux loup de mer, pour contacter mes premiers clients.
Nihoul fait la navette entre Zeebrugge et Bruxelles pour livrer ses clients. Il crée une société, la DCN SC, qui deviendra plus tard la DCN Benelux – grâce à l’apport, selon Nihoul, de capitaux panaméens. Selon Nihoul, cette microscopique société devient ensuite irlandaise sous le nom d’Eurodiversified. Elle conserve une enseigne belge, la « Maison des chefs ». Le tout s’écrase sur des embrouilles : des affaires de chèques volés, du personnel employé au noir. Nihoul confond la caisse de la société avec sa cassette personnelle. Il est poursuivi, encore une fois, pour banqueroute frauduleuse.
Nihoul travaille ensuite pour une société hennuyère de location de voitures, établie à Onnezies (Mons), qui s’occupe aussi de ventes de pièces détachées destinées à l’exportation. C’est dans le cadre de cette activité qu’il se rend, en voyage de prospection, en 1994, à Saint-Domingue.
Nihoul, escroc, piètre gestionnaire La justice le lui a à plusieurs reprises reproché. Mais, dans le cadre de l’affaire Dutroux, c’est bien évidemment sur son passé de partouzard que les regards se sont focalisés.
Je peux vous assurer que je n’ai jamais vu une personne mineure aux Atrébates, affirme-t-il aux enquêteurs de Neufchâteau auxquels il décline son parcours d’échangiste. Nous n’y allions pas tous les jours. Il n’y avait aucune obligation de partouzer. Il est arrivé que nous y allions pour jouer au poker. Nous n’allions pas toujours pour « faire » des échanges, seulement lorsque l’ambiance nous convenait.
Il parle de même du café « Le Dolo ». A part cet établissement, décline-t-il, j’ai également fréquenté « La Piscine », à Etterbeek. J’y suis passé une douzaine de fois. Je suis allé quatre fois dans un club qui se nommait « Le Trône », à l’endroit où se situe actuellement « Le Parnasse » (NDLR : à Ixelles). Je suis également allé une fois dans un club d’Aix-la-Chapelle, une fois à « L’Aquarium », rue du Trône, mais, là, c’est une arnaque, car ce ne sont que des professionnelles. J’ai fréquenté également un club situé près de l’hôpital militaire de Neder-over-Heembeek. A six reprises, je pense, je suis allé chez un privé. Et il y a bien sûr le château de Faulx-les-Tombes (NDLR : alors propriété de la commune d’Etterbeek). Contrairement à ce que l’on pense, ce n’est pas moi qui organisais les soirées. Il y a eu deux soirées. Mais je n’ai participé qu’à une. Il y avait, ce soir-là, plus de deux cents personnes. En ce qui me concerne, je suis resté au bar. Dans les partouzes, je n’étais pas du genre à m’exhiber. Je préférais m’isoler.
Nihoul, escroc, partouzard récurrent, bon vivant, affabulateur, moulin à blagues et gai luron, et souvent sous l’emprise de l’alcool, comme le décrivent ses connaissances
Jusque-là, son chemin n’a pas encore croisé celui de Dutroux et de Lelièvre. On le lira demain.


Le rocambolesque dépannage de la voiture de Nihoul

LE DOSSIER (28/30)
Lorsqu’il est présenté, le 16 août 1996, au juge d’instruction Jean-Marc Connerotte, Michel Nihoul fait étalage de sa qualité d’informateur de police. Je collabore avec la BSR de Dinant, à savoir M. V. Je monte en quelque sorte des dossiers parallèles pour des faits de drogue et de vols de voiture. – Faites-vous cela gratuitement ? l’interrompt, curieux, le juge d’instruction. – Non, je suis rétribué par le ministère de la Justice. De fait, je suis payé sur base de mes prestations auprès de M. V. de la BSR de Dinant. Je suis également payé par les compagnies d’assurances, à titre de commission, en cas de retrouvailles de voitures volées. J’ai ainsi découvert tout un réseau partant de la Hollande vers le Maroc. La veille, Michel Nihoul, qui a répondu à une convocation de la PJ de Bruxelles, a déjà appris les faits qui sont reprochés à Michel Lelièvre et à Marc Dutroux. Il subodore le guêpier où ses relations avec les deux suspects risquent de le mener. Avant d’être emmené à Neufchâteau, il a lancé à l’inspecteur qui l’interroge : Vous venez de m’expliquer le contexte exact de mon interpellation. J’ignore tout des faits pour lesquels Lelièvre et Dutroux sont arrêtés ce jour. Je suis scandalisé des faits reprochés aux intéressés. Face au juge Connerotte, il lance : Si vous me libérez, je m’engage à vous aider pour identifier les relations suspectes de M. Lelièvre et ceux qui se sont occupés de cette affaire. Je ferai le maximum. Si j’avais eu le moindre soupçon, Lætitia n’aurait jamais été enlevée, croyez-le bien. Quant à moi, aucun élément, à ma connaissance, concernant le comportement et la personnalité de Lelièvre et Dutroux, ne pouvait me faire penser qu’ils pouvaient être impliqués dans une affaire de cette sorte. Ces deux-là, Michel Nihoul a pourtant appris à les connaître, depuis leur première rencontre en 1995, probablement en septembre… Michel Lelièvre lui a présenté Dutroux. Nihoul n’ignore rien de ses antécédents judiciaires, ainsi qu’il le confirme au juge Connerotte lors de son interrogatoire du 16 août. La version de Dutroux, qui raconte aux enquêteurs : J’ai rencontré (Nihoul) par l’intermédiaire de Michel Lelièvre qui avait de multiples problèmes. Il avait des problèmes judiciaires et avait besoin d’un coup de fil bien placé. Je sais qu’il comptait beaucoup sur cette personne pour régler des choses. Cet homme m’a donné l’impression d’avoir le bras long. Il savait tout faire. Plus tard, je ne sais plus comment cela est venu, mais Jean-Michel (c’est ainsi qu’il le prénomme) Nihoul m’a dit en présence de Lelièvre qu’il était porté sur le sadomasochisme. Il ne m’a jamais parlé de ses expériences. Par la suite, il m’a proposé de ramener des filles des pays de l’Est. J’avais eu son assurance que les filles qui viendraient ne resteraient pas plus de trois mois et qu’elles pourraient retourner quand elles voudraient et que je pourrais les rencontrer si je le voulais. Pour mon service, Nihoul devait me donner 30.000 FB par fille, pour mes frais. La version de Nihoul, qui n’a pas le même souvenir. Ces filles, déclare-t-il aux enquêteurs, devaient venir ici pour se prostituer. Nous n’avions jamais discuté en détail des tarifs, si ce n’est que Dutroux escomptait gagner entre 2 et 300.000 F par mois et par fille. Dutroux préférait qu’elles puissent exercer en vase clos de façon à éviter les contacts et à éviter qu’elles ne communiquent entre elles les tarifs et avantages découlant de leur prostitution. Ces filles ne devaient pas rester plus de trois mois sur le sol belge et il était donc prévu une sorte de tournante. Dutroux devait être le « mac ». Mon rôle consistait à trouver un patron de bar qui pouvait les engager et qui était intéressé par une tournante. C’est fort de ce projet que Michel Nihoul se rend à Sars-la-Buissière pour y effectuer une expertise de la maison de Dutroux. La toute première fois que je suis allé chez lui, raconte-t-il, il m’a fait visiter la maison qu’il voulait transformer pour en faire un club pour couples, c’est-à-dire un club à partouzes. Je lui ai déconseillé de réaliser ce projet, pour deux raisons. La première, c’était que c’était illégal et, la seconde, que cela allait coûter beaucoup d’argent. Selon Dutroux, Nihoul lui aurait recommandé d’exécuter des aménagements pour accueillir jusqu’à cinquante personnes en même temps. Il m’avait dit que cela ne rapportait pas assez car il fallait donner un certain confort. Il m’a dit que c’était mieux d’organiser des parties de sadomasochisme. Michelle Martin se souvient de la visite de Nihoul à Sars-la-Buissière : Marc était arrivé avec Nihoul et il voulait lui faire expertiser la maison de Sars. Je peux vous dire aussi que Marc se rendait chez Nihoul, à Bruxelles, en compagnie de Michel Lelièvre. Marc m’a dit que Lelièvre allait se procurer de la drogue chez lui. Il m’a également dit que Nihoul était impliqué dans un trafic de drogues et de médicaments. Dutroux m’a également dit au sujet de Nihoul qu’il aimait les femmes et que c’était un « gros cochon ». Elle décrit les coups de fils passés entre Nihoul et Dutroux, affirmant que son mari prenait soin de parler à voix basse ou de s’éloigner d’elle lorsqu’il conversait avec « l’homme d’affaires ». Martin ajoute : J’ai eu la conviction que Dutroux et Nihoul se livraient à des activités inavouables. D’ailleurs, il me disait qu’il allait de plus en plus à Bruxelles et y rencontrait des gens dans le cadre de ses activités avec Michel Nihoul. Pour moi, il y a une relation entre l’enlèvement de Sabine et Lætitia et les relations de plus en plus fréquentes avec Nihoul. Dans les jours qui entourent l’enlèvement de Lætitia, le 9 août 1996, les échanges téléphoniques se multiplient entre Nihoul, Lelièvre, Dutroux et Martin. Nihoul est appelé à cinq reprises par Dutroux. Les conversations des deux hommes dureront, au total, une quarantaine de minutes. Pour parler « voiture », comme l’avance Nihoul ? Cette frénésie téléphonique se justifie, selon lui, par les retards apportés à la réparation de sa voiture, une Audi 80, confiée par Lelièvre à Damien R., un « garagiste » de Fleurus. La chronologie des faits est la suivante, explique ce dernier aux enquêteurs : Michel Lelièvre m’a demandé ce samedi (NDLR : le 10 août 1996) de réparer le véhicule d’un ami. C’est Marc qui m’a amené le véhicule sur une remorque-plateau ce dimanche après-midi (le 11 août). Cette remorque était tractée par son véhicule CX. Il est venu seul. Le même Michel devait m’apporter les pièces pour la réparer. Comme il n’était pas venu hier soir m’apporter les pièces, j’ai téléphoné à Marc de chez des voisins. Je n’ai obtenu que son fils (NDLR : Frédéric). Cette conversation est enregistrée par les enquêteurs de Neufchâteau le 13 août à 22 h 21 (Dutroux a été arrêté le 12, et son poste est mis sur écoute). En voici la retranscription. Damien. : Allô, je suis bien chez Marc ? Frédéric : Qui est à l’appareil ? – C’est Damien, bonjour, c’est parce que je voulais le joindre, et Michel (NDLR : Lelièvre) n’est pas passé de toute la journée et ne m’a pas apporté de l’argent pour les pièces. – Je n’ai pas très bien compris. Je ne suis pas sa femme. Moi, je suis son enfant. – Je voulais dire que le petit Michel devait venir à la maison m’apporter de l’argent pour les pièces pour réparer l’Audi de Jean-Michel de Bruxelles. Ni ton père ni ta mère ne sont là ? – Non, répond Frédéric, qui sait que ses parents ont été arrêtés la veille. – Tu dis à ton papa qu’il vienne chez Damien à Fleurus pour prendre l’Audi, que Michel n’est pas passé et que je n’ai pas su la réparer. Au revoir. Dix jours plus tôt, le 31 juillet, le garagiste s’est déjà rendu chez Nihoul, en compagnie de Michel Lelièvre, pour emmener l’Audi 80. Celle-ci tombe en panne, boulevard de Waterloo, à Bruxelles. Des agents de la police de Bruxelles interviennent. Ils témoignent : La plaque d’immatriculation était radiée depuis le 14 mai. Nihoul a été contrôlé sur place avec le dénommé Michel Lelièvre. Ce dernier faisait l’objet du BCS 333029/95. Quand nous avons voulu ramener Lelièvre en nos services afin de l’entendre, expliquent encore les agents, Nihoul nous a déclaré être expert judiciaire et connaître différents membres de notre corps ainsi que de la BSR. Il s’est opposé au dépannage de son véhicule, arguant qu’il avait des affaires à traiter à Charleroi. Les policiers bruxellois ne s’en laissent pas conter. La CX de Nihoul est mise en fourrière. La semaine qui suit, Nihoul obtient les papiers nécessaires à la levée de la saisie. Cette réparation de voiture devient rocambolesque. Les enquêteurs s’en étonnent : pourquoi donc fallait-il faire parvenir cette voiture à Charleroi pour une réparation aussi bénigne ? Lelièvre, rétorque en substance Nihoul, me devait de l’argent, et nous avions trouvé un arrangement, pour la réparation de la voiture. Cet arrangement, il porte sur de la drogue, que Nihoul remet à Lelièvre le samedi 10 août. Le même jour, Nihoul appelle Dutroux à deux reprises pour qu’il vienne charger son Audi sur un plateau. C’était un service que je devais lui rendre gratuitement pour m’assurer ses bonnes grâces, assure Dutroux qui embarque la voiture le dimanche 11. Le mardi 13, à 19 h 30, Nihoul appelle à nouveau chez Dutroux, arrêté la veille. – C’est Jean-Michel, Marc est là ? – Non, mais c’est qui Jean-Michel ? interroge Frédéric, le fils aîné de Dutroux. – Jean-Michel, je suis son copain de Bruxelles. Le lendemain, 14 août, Michel Nihoul appelle au domicile de Michèle Martin à Sars-la-Buissière. Il est 14 h 47. C’est à nouveau Frédéric qui décroche. Nihoul : C’est Jean-Michel. Est-ce que Marc est là ? – Non. – Il sera là tantôt, ce soir ? – Ben, peut-être bien tantôt. – Si tu le vois, dis-lui que Jean-Michel a téléphoné. Nihoul rappelle encore à 19 heures. C’est la maman de Michelle Martin cette fois qui est son interlocutrice. – Marc n’est pas là, lui signifie-t-elle. – Vous ne voulez pas lui demander qu’il m’appelle ? Mettez-lui un petit mot près du téléphone pour qu’il appelle Jean-Michel à Bruxelles. C’est pas grave, c’est parce que je voulais avoir des nouvelles de ma voiture.C Cette voiture Audi 80 est effectivement retrouvée lors de perquisitions chez le garagiste R. – lequel devait partir en vacances en Italie le 15 août, ce qui inquiétait Nihoul. Il ressort manifestement du dossier que Nihoul voulait avoir des nouvelles de la voiture mise en réparation chez R., cet élément étant de nature à pouvoir justifier le nombre et le contenu des diverses communications émanant de Nihoul et de R. enregistrées sur la ligne de Sars-la-Buissière, concluent provisoirement les enquêteurs de Neufchâteau. Au stade actuel de nos investigations, et sous réserve d’un nouvel élément d’enquête, rien ne nous permet d’établir que ces communications puissent être mises en relation avec un fait d’enlèvement. Mais, derrière l’abracadabrante réparation de cette voiture, les policiers vont découvrir de bien étranges échanges de drogues, ce 10 août, entre Nihoul et Lelièvre. Des centaines de pilules d’ecstasy sont en jeu… « En paiement de Lætitia », comme le croient les avocats de la jeune fille ? On lira demain l’histoire de ce traffic.


Nihoul livre de l’ecstasy à Lelièvre. Pour Lætitia ?

LE DOSSIER (29/30)
Les psychiatres ne viendront pas décrire aux jurés d’Arlon les tréfonds de l’âme de celui qui n’arrête pas de proclamer depuis l’été 1996 « Escroc oui, ravisseur d’enfants non ». Michel Nihoul s’est refusé – sous prétexte de manque d’argent –, de se rendre aux convocations adressées à son domicile de Zeebrugge par les médecins et psychologues. Les policiers ont décelé chez lui un inquiétant trait de personnalité : Il joue sur tous les tableaux. Avec en point de mire une maximalisation de ses profits.
Ses activités de trafiquant de voitures rendent bien compte de sa rapacité. Nihoul, notent les enquêteurs, participe aux trafics et avertit les autorités compétentes d’une partie de ces activités, tant la gendarmerie que les compagnies d’assurances, pour obtenir à nouveau des primes. Il espérait donc un triple gain : au niveau des faits (NDLR : une prime des commanditaires du trafic), une prime de la gendarmerie, une prime des compagnies d’assurances.
Lelièvre, explique lui-même Nihoul, m’a dit qu’il pouvait voler des voitures et qu’il connaissait un garagiste de sa région qui pouvait racheter ces véhicules. Le garagiste donnait 25.000 ou 30.000 F par voiture. J’ai parlé de cela à V. (NDLR : à la BSR de Dinant) qui m’a dit qu’il allait voir ce qu’il pouvait faire avec ses supérieurs. J’escomptais bien aussi jouer avec les assurances pour essayer d’obtenir une prime.
C’est dans cet état d’esprit qu’il participe à la fin du mois d’avril 1995 à une expédition vers le Maroc. A cette époque, un Britannique, trafiquant de voitures et de drogue, David Walsh, demande à Michel Lelièvre de convoyer jusqu’à Tanger une Mercedes 500 SEL volée six mois plus tôt à Bruxelles. Cette voiture de luxe est dissimulée à Alkmaar, aux Pays-Bas, chez le chef du réseau, « Eric le Hollandais ». Walsh, qui trouve que Lelièvre a l’air bien trop jeune pour apparaître comme le propriétaire légitime de la grosse Mercedes, demande donc à Nihoul d’assurer le transfert. Le trio aboutit à Algésiras, port du sud de l’Espagne, où l’on peut embarquer vers le Maroc. Là, raconte Lelièvre, j’ai compris que des problèmes se posaient. En fait, j’ai appris à ce moment que l’accord passé entre Nihoul et Walsh s’arrêtait à Algésiras – et qu’il n’était pas question pour Nihoul de continuer. Seulement, notre contact marocain ne voulait pas que je passe seul le véhicule. Nihoul et Walsh ont alors discuté argent, et Nihoul a été d’accord de passer, mais pas d’aller au Maroc. C’est la raison pour laquelle la voiture a été livrée à Ceuta, colonie espagnole sur le continent africain.
Cette livraison effectuée, Nihoul attend son argent. Il ne viendra pas.
Nihoul était furieux, témoigne Michel Lelièvre. Cela ne m’a pas étonné, car Nihoul n’a pas arrêté de faire chanter Walsh ainsi que le contact marocain, durant l’acheminement de la voiture. Il les menaçait de tout révéler s’il n’avait pas d’argent. Finalement, il n’a rien eu. Nihoul ira trouver la BSR de Dinant.
Face au juge Connerotte qui l’interroge le 16 août 1996, il récupère à son profit sa déconvenue d’« escroc escroqué » : J’ai permis le démantèlement d’un trafic de voitures de luxe entre les Pays-Bas et le Maroc, s’exclame-t-il.
Walsh, qui l’a roulé dans la farine, Nihoul le retrouve un an après l’affaire du Maroc, le 19 avril 1996, à Bruxelles. L’Anglais est de retour. Il travaille toujours pour le compte d’« Eric le Hollandais ». Il déboule chez Nihoul à qui il révèle que sa voiture recèle dix kilos d’amphétamines et 5.000 pilules d’ecstasy dissimulées dans un pneu de rechange. Walsh doit livrer cette drogue en Suède. Il a décidé de se l’approprier et de la vendre à son propre compte. Il veut d’abord négocier en solo les amphétamines qu’il conserve dans le coffre de sa voiture. Le pneu recelant les pilules d’ecstasy est emporté dans l’appartement de Nihoul. Le Bruxellois propose à l’Anglais de lui trouver des acheteurs pour cette marchandise qui représente, au prix de vente au détail de l’époque, 2.500.000 FB. Il le loge chez lui, moyennant le payement d’un loyer de 10.000 francs pour trois nuitées.
Alors que Nihoul fait les yeux doux à David Walsh qui vient de consentir à cacher chez lui les 5.000 pilules d’ecstasy, il téléphone à son officier traitant de la BSR de Dinant, Gérard V., auquel il signale la présence dans le coffre de Walsh des seules amphétamines. Une souricière est montée, près du pont Van Praet à Laeken, en collaboration avec la BSR de Bruxelles. Walsh est arrêté. Il ne sait pas encore qu’il a été trahi par Nihoul et il ne dénonce pas la présence chez « l’homme d’affaires » des 5.000 pilules. Pour Nihoul, c’est le jackpot. Il garde les milliers de pilules. Il empoche sa prime d’indicateur. Il se voit accorder un bon point par la BSR.
Nihoul met rapidement son butin en circulation. Lelièvre se voit remettre des paquets de 100 à 200 unités qu’il se charge de revendre dans un parc de Jumet et dans un dancing.
La première remise de 105 pilules a lieu le 29 juin 1996 dans l’appartement de Nihoul. Lelièvre reçoit ce stock de pilules en présence de Dutroux, qui paie à Nihoul une somme de 10.000 F en garantie du remboursement par Lelièvre des bénéfices escomptés de la vente de ce stock. Pour les enquêteurs de Neufchâteau, c’est la seule implication établie de Dutroux dans le cadre de ce trafic de stupéfiants. Ils relèvent quand même que cet échange a lieu un mois après l’enlèvement de Sabine Dardenne. Quarante de ces pilules seront d’ailleurs retrouvées au domicile de Marc Dutroux. Et Dutroux reconnaît avoir fait la tournée des acheteurs avec Lelièvre : J’ai accompagné Lelièvre jusqu’à un parc de Jumet que je ne connais pas. J’y ai stationné, et Lelièvre m’a dit de rester là et d’attendre qu’il ait fini sa transaction avec un client.
Michel Lelièvre, l’intermédiaire de Nihoul dans l’écoulement de l’ecstasy, est soumis à un interrogatoire serré.
– Qui vous a remis, et pourquoi, en 1996, des pilules d’ecstasy ? lui demandent les enquêteurs.
– Michel Nihoul, pour que je les revende pour lui. Entre fin juin 1996 et jusqu’au 10 août 1996, j’ai reçu plusieurs fois des pilules, soit environ 1.500 pilules.
Notons au passage que les 3.500 autres n’ont jamais été retrouvées.
– Pourquoi vous a-t-il remis ces pilules ?
– Michel Nihoul m’a demandé si je traînais encore avec des gens qui prenaient ce type de pilules. Quand il a constaté que je m’y connaissais, il m’a parlé des pilules qu’il avait à vendre. Nous avons alors fait affaire.
– D’où viennent les pilules de Nihoul ?
– Michel Nihoul m’avait dit qu’elles provenaient des saisies effectuées par la BSR de Bruxelles.
Nihoul est repris en main par les enquêteurs.
– A la lecture du dossier, lui exposent-ils, il est plus que manifeste que ce stock de 5.000 pilules d’XTC provient bel et bien de Walsh et non d’un service de police.
– Il ne s’agissait pas de me faire un cadeau, réplique Nihoul. En supposant que ce soit le cas, je n’aurais pas accepté parce que j’étais incapable de vendre cette drogue. Je ne connaissais pas ce milieu. En outre, la drogue me dégoûte.
Dutroux, selon les déclarations de Lelièvre, a lui aussi flairé la bonne affaire. Il contraint le toxicomane à revendre ses pilules, récupérant les sommes qu’il avance en faisant semblant d’ignorer le bénéfice que réalise Lelièvre. Une pilule achetée 100 F, par exemple, est revendue 500 F : Dutroux considère qu’il récupère 100 F par unité vendue 500 F alors qu’il encaisse cinq fois plus
La plus grosse livraison d’ecstasy à Lelièvre (1.000 pilules) a lieu le samedi 10 août 1996, le lendemain de l’enlèvement de Lætitia. Nihoul soutient qu’il s’agissait de financer le paiement au garagiste Damien R. des réparations de sa voiture (« Le Soir » d’hier).
– Quelle quantité de pilules d’XTC était réservée au payement des réparations de la voiture de Michel Nihoul ?, demandent les enquêteurs à Michel Lelièvre.
– Deux cents pilules du stock de 1.000 pilules que Nihoul me remet le 10 août en me précisant que 16.000 F du produit de la vente doivent aller à R. (NDLR : le garagiste) pour la réparation de la voiture.
Les enquêteurs s’étonnent auprès de Nihoul de cette « générosité » à l’égard de Lelièvre alors qu’à cette époque, lui-même en difficulté financière, Nihoul doit même emprunter quelques centaines de francs pour ses besoins courants.
– L’affectation du produit éventuel de la vente de 200 XTC pour le payement des réparations de votre voiture correspond dans la réalité à un rapport théorique suivant : 100.000 F pour la vente (alors que) le montant maximum des réparations (s’élève) à 16.000 F. Peut-on dès lors justifier cette remise des 200 XTC ?
– Cette justification ne tient pas, concède Nihoul.
Et le prix de revente des 800 autres pilules pourrait, selon les avocats de Lætitia, correspondre au prix consenti par Nihoul (qui le nie farouchement) pour l’enlèvement de la jeune fille.
Quelques semaines plus tôt, Michelle Martin avait entendu Dutroux s’adresser à Lelièvre, lui signifiant, avant un voyage en Slovaquie, qu’il fallait ramener une fille pour Jean-Michel. Nihoul soutient qu’il recueillait des renseignements pour la BSR de Dinant et suggère que, si « on l’avait laissé faire », il serait peut-être arrivé à confondre Dutroux, devenant ainsi un héros national plutôt que l’ennemi public nº 1.
Le 15 août 1996, lorsque les enquêteurs de la brigade nationale de police judiciaire perquisitionnent chez Nihoul (absent), ils ne saisissent pas deux enveloppes contenant le reliquat des pilules d’XTC.
Nihoul, pendant ces perquisitions, est en contact téléphonique avec son ex-compagne Annie B. qui assiste à la descente de police. Lors de ces échanges téléphoniques entre Nihoul et moi, raconte-t-elle, j’ai expliqué à Nihoul que la perquisition ne portait pas sur une histoire de stupéfiants mais bien sur l’enlèvement de Lætitia Delhez. Il en rigolait, et sa seule préoccupation à ce moment-là était de contacter V. – son contact à la BSR de Dinant.
Le même soir, alors qu’il n’est pas censé avoir appris l’arrestation de Marc Dutroux et de Michel Lelièvre, il annule un rendez-vous avec Maximilienne N., sa maîtresse africaine, à laquelle il déclare : Un ami a été arrêté à Charleroi, je vais aller le libérer.
Durant six longues années, Michel Nihoul, accusé des pires crimes, va garder secret l’alibi qui aurait pu le disculper dès le premier jour de sa mise en cause dans les faits les plus graves. Cette attitude apparaît pour le moins étrange. Ce n’est en effet que devant la chambre du conseil de Neufchâteau, en septembre 2002, qu’il livre son ultime justification, résumée par le procureur du Roi Michel Bourlet dans l’acte d’accusation qui sera lu aux jurés d’Arlon : En fin de procédure (), il dira qu’il a reçu ces pilules d’ecstasy de la BSR de Bruxelles et qu’en qualité d’informateur de celle-ci, il en a distribué à Michel Lelièvre. Il devait, dit-il, renseigner les gendarmes sur les allées et venues du tandem Dutroux – Lelièvre (), soi-disant remonter la filière drogue à laquelle participait Michel Lelièvre et surveiller Marc Dutroux qui voulait développer un réseau de prostitution et pratiquait un trafic de véhicules. Michel Nihoul invoquera même le terme de provocation pour qualifier les faits et gestes des gendarmes.
Quinze jours après l’arrestation de Nihoul en août 1996, l’ordinateur de la gendarmerie qui met à jour les registres d’« informateurs enregistrés » livre ses nouvelles listes. Le nom de Michel Nihoul y apparaît.


Dutroux libéré en 1992 : une grenade dégoupillée

Chaque année, entre 1989 et 1991, Marc Dutroux bénéficie de six mois de grâce royale. En 1991, les mises en garde et la dénonciation de la mère de Marc Dutroux sont ignorées par la Justice. En 1992, il finit par obtenir sa libération conditionnelle, sous suivi de son psychiatre.

LE DOSSIER 30/30
Le 8 avril 1992, après avoir purgé la moitié de la peine de 13,5 années de détention infligée en 1989 par la cour d’appel de Mons pour une série de viols d’enfants et de jeunes filles, Marc Dutroux se retrouve dans la nature, prêt à fondre sur des nouvelles proies.
Sa sortie, il l’a méticuleusement préparée. Il s’est rangé des autres détenus des prisons de Jamioulx et de Mons qui le considèrent comme un « pointeur » (un violeur d’enfants) et le menacent de mauvais coups. Il se réfugie dans l’étude : des cours à distance de langue et d’informatique. Il fréquente avec assiduité l’aumônerie. Pas pour y trouver des emplâtres à apposer sur les failles béantes de son âme. Mais bien pour abuser de la ligne téléphonique que le prêtre lui permet d’employer depuis son bureau. Il maintient ainsi sous sa coupe Michelle Martin, sa complice, qu’il a épousée en prison en 1989. Avant qu’elle ne soit elle-même incarcérée à la prison pour femmes de Bruges, elle lui rend 744 fois visite en prison. Un record.
Dutroux veut faire passer de lui l’image d’un détenu repentant. Il se rend même aux réunions des Alcooliques anonymes détenus, lui qui n’a aucun penchant pour la boisson. Il fait les yeux doux aux membres des commissions habilitées à lui accorder la libération conditionnelle qu’il espère et qu’il va obtenir.
En prévision de celle-ci, il bénéficie de 7 sorties accompagnées. Il les passe à visiter sa grand-mère, impotente, atteinte de troubles mentaux. Elle, dans son état de démence, ne reconnaît en Marc que le petit garçon sage qu’elle aimait cajoler. Elle ne sait rien de son parcours criminel. Elle ignore que le gardien qui accompagne son petit-fils est un surveillant et non « l’ami » que Dutroux lui présente. Lors de ces visites, il fait montre d’empressement, de pitié pour la vieille femme de 82 ans. Il impressionne son accompagnateur (il siège au sein de la conférence du personnel qui doit approuver sa libération conditionnelle) par sa dévotion, sa générosité, son humanisme. Ce surveillant ne sait pas qu’à l’occasion, Michelle Martin (elle a été libérée en 1991), cachée à l’étage de la maison grand-maternelle, attend son Marc pour entretenir de fugaces relations sexuelles.
Ces « sorties accompagnées » sont considérées comme un succès par l’administration pénitentiaire. Les huit jours de congé qui lui sont accordés aussi. Même si en décembre 1991, il ne réintègre la prison qu’avec deux jours de retard, prétextant d’une subite grippe intestinale. À l’occasion de ces congés, Dutroux, dorénavant livré à lui-même, retourne chez sa grand-mère. Avec Michelle Martin.
Il ne s’agit plus, cette foi, d’être aimable, compatissant, aidant avec cette aînée malade et faible. Dutroux et Martin veulent obtenir d’elle des procurations (ils videront ses comptes de pension plus tard), un bail pour sa maison de Jemeppe (Dutroux la lui louera 2.000 FB/mois pour la sous-louer aussitôt 12.000 FB) et inventorient tout ce qui a de la valeur.
La maman de Marc Dutroux s’inquiète de ces razzias menées par le détenu en congé pénitentiaire. Elle écrit en mai 1991 à plusieurs reprises au directeur de la prison de Mons :
– A deux reprises déjà, mon fils Marc, détenu chez vous, a pu rendre visite à sa grand-mère. Je viens vous avertir que ces visites perturbent énormément maman, atteinte d’hystérie à un niveau grave.Il a profité de cette visite pour inventorier la maison de la cave au grenier. Je connais de longue date et pour cause le tempérament de mon aîné. Je sais son obstination à réaliser envers et contre tout ce qu’il a décidé. Ce que je ne sais pas et que toutes les personnes qui le connaissent craignent, c’est ce qu’il a dans la tête pour le futur.
Cette dernière phrase se relit aujourd’hui comme une prophétie.
Un mois plus tard, elle écrit à nouveau au directeur de la prison qui n’a pas répondu à sa précédente lettre.
– Ce mardi, Marc Dutroux s’est de nouveau présenté chez sa grand-mère accompagné cette fois de sa complice Michelle Martin. Ils sont arrivés seuls dans une voiture de location à Jemeppe-sur-Sambre où ils ont repris les pressions sur maman. Je trouve cette situation inadmissible et croyez bien que dès à présent, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour faire cesser ce chantage. N’ayant pas reçu de réponse à ma première lettre, je suppose que vous ne répondrez pas davantage à la seconde. Je compte dorénavant m’adresser à toute personne susceptible de m’apporter de l’aide.

Ce cri maternel est rangé, sans plus, dans le dossier pénitentiaire de Dutroux qui poursuit sa marche triomphante vers la libération conditionnelle. Il s’est trouvé un neuropsychiatre, le docteur D., pour s’assurer l’indispensable suivi thérapeutique qui lui sera imposé. Personne n’y trouve rien à redire : il s’agit du médecin requis à son profit comme contre-expert par ses avocats lors du procès devant la cour d’appel de Mons. Un allié. On lira plus loin ce que fut son rôle.
Il faut indemniser les victimes : Dutroux consent à payer 1.000 francs par mois. Une aumône et une insulte pour ces enfants et jeunes filles séquestrées et violées. Le revenu qu’il cumule avec Michelle Martin à sa sortie de prison est supérieur à 80.000 FB.
Il faut faire preuve d’amendement. Mais là, Dutroux cale, sans que cela ne lui porte préjudice. Le rapport anthropologique de l’UOT (Unité d’observation et de traitement, dont l’avis sera négatif) relève :
– En ce qui concerne ses délits d’enlèvements et viols, Dutroux parle d’emblée d’erreur judiciaire quant à la matérialité des faits, erreur induite par une machination créée par Van Peteghem (son complice en 1983-1985). Ce dernier aurait impliqué Dutroux dans cette affaire plutôt que ses vrais complices, trop dangereux pour ce dernier, avec, habileté suprême, implication de la concubine de Dutroux (NDLR : Michelle Martin) pour empêcher celle-ci de lui servir d’éventuel témoin à décharge. Cette machination connaîtrait des prolongements jusqu’à présent au niveau de sa détention : l’assertion selon laquelle Dutroux se dit menacé par ses codétenus et mal vu par certains membres du personnel.
Dutroux n’a pas varié. A la veille du procès d’Arlon, il tient le même langage qu’en 1991 : sa détention ne serait que le fruit d’une machination, il est menacé par une bande (celle de Courcelles, cette fois-ci) et ne peut parler par crainte pour sa sécurité
Le 6 avril 1992, le ministre de la Justice Melchior Wathelet signe l’arrêté de libération conditionnelle de Marc Dutroux avec obligation de collaborer loyalement à l’action d’une guidance sociale stricte, de poursuivre de façon régulière le suivi médico-psychologique entrepris.
On apprend, à la lecture de ce document, que Dutroux avait déjà antérieurement bénéficié des « soldes pénitentiaires » qu’étaient, à cette époque, les grâces royales et collectives : 6 mois le 7 décembre 1989, 6 mois le 7 septembre 1990, 6 mois le 19 juin 1991. A ce rythme-là (6 mois par an, chaque année après sa condamnation en 1989), Dutroux n’aurait quasiment pas eu besoin de l’arrêté Wathelet pour sortir rapidement.
La date du 8 avril 1992, jour de sortie de Dutroux, Michelle Martin l’annote en grand dans son agenda de 1992 saisi par les enquêteurs de Neufchâteau : Libéré ! Les deux se précipitent chez ce bon docteur D., recommandé par leurs avocats, qui dresse, sans surprise, un rapport à l’intention de l’Inami (Institut national d’assurance maladie invalidité) établissant un état asthénique relatif à une incarcération prolongée. Marc Dutroux et Michelle Martin décrochent la timbale : près de 80.000 FB d’indemnités mensuelles d’invalidité en raison de leur incarcération légitime. Dutroux reçoit cette compensation financière (elle va perdurer jusqu’en juin 1996 avant qu’il ne soit convaincu de travail au noir) comme la certitude – qu’il cultive névrotiquement – qu’il fut effectivement condamné à tort et que l’Etat se trouve obligé de l’indemniser
Le docteur D. était censé assurer le suivi psychiatrique du pédophile, dont il n’ignore rien des antécédents et de la dangerosité. Les médecins légistes qui interrogent, à la demande du juge Langlois, ce médecin font ce constat assourdissant : Dutroux racontait sa vie, sauf sa vie secrète, ne parlant jamais de ses amis, vacances, fantasmes, sexualité ou éléments personnels. En bref : tout ce qui aurait dû intéresser un psychiatre diligent.
Le docteur D. décrit ainsi les visites d’une demi-heure du couple, payées 1.350 FB à charge de la mutuelle : Cinq minutes pour entrer, cinq minutes pour les « mondanités », cinq minutes pour se débarrasser, cinq minutes pour se vêtir, quelques minutes pour établir les documents remis aux intéressés. Ces documents ? Une simple attestation de passage en son cabinet.
– Je croyais qu’il devait prouver qu’il se faisait suivre, déclare le psychiatre qui prescrit à Martin et Dutroux, et quasiment à la demande, du Haldol et du Rohypnol, les « armes » qui serviront aux enlèvements de 1995 et 1996. Dutroux ne les consomme pas : il les stocke en prévision de ses expéditions.
Le docteur D. semble subjugué par le manipulateur.
– A mesure que les consultations se répètent, notent les légistes, ce praticien démontre avoir ajouté du crédit à ce que Marc Dutroux lui déclare. Il n’est pas loin de partager la conviction de son malade du caractère injuste de la condamnation subie et du lien existant entre cette injustice et l’état dépressif, phobique, rempli d’appréhensions que Marc Dutroux lui dit vivre.
La crédulité du docteur D. à l’égard de Dutroux apparaît comme consternante. La légèreté de l’administration pénitentiaire et, in fine, du ministre de la Justice de l’époque, qui décident de libérer précocement Dutroux et de l’astreindre à un suivi psychiatrique, l’est tout autant. Aucun rapport n’était rédigé à destination de la Justice, relèvent les légistes. Aucune évaluation n’était prescrite. Marc Dutroux est relâché dans la société comme une grenade dégoupillée, prête à exploser à tout moment.
En août 1995, lorsque l’opération « Othello » est lancée par la gendarmerie, il s’agit de vérifier si cette grenade n’a pas déjà explosé. Les gendarmes préfèrent – par vanité, incompétence ou volonté de jouer cavalier seul – ne pas en référer à la juge d’instruction Doutrèwe, s’empêchant ainsi de perquisitionner ou de soumettre Marc Dutroux et Michelle Martin à des interrogatoires serrés. Ils auraient pu trouver un prétexte légitime, dès septembre 1995, pour « serrer » leur suspect nº 1.
Le 4 septembre 1995, la mère de Marc Dutroux, encore elle, lance une nouvelle alarme. Dans une lettre adressée au juge d’instruction Lorent, de Charleroi. Elle évoque la maison de Jemeppe-sur-Sambre louée, sans qu’il ne l’occupe, par Marc Dutroux : Les voisins se plaignent de nombreux va-et-vient nocturnes concernant le trafic de pneus et de carcasses de voitures mais aussi du passage de jeunes filles entre 16 et 18 ans (NDLR : An et Eefje ?) qui n’ont fait que transiter par cette maison inhabitée dont les chambres sont occultées par du plastique noir. Étant donné ce qui se passe actuellement, soit la disparition de jeunes filles, je pense qu’il est de mon devoir de signaler le passage de ces deux inconnues. De plus je connais les antécédents du nommé Dutroux Marc...
Un policier municipal interrogera un couple de voisins. La maison ne sera pas perquisitionnée. Marc Dutroux ne sera pas interrogé. Le dossier sera classé sans suite. Les gendarmes de l’opération Othello ne seront pas informés. Julie et Melissa, An et Eefje étaient encore vivantes. La maman de Dutroux, une fois de plus, ne fut pas écoutée.


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Samael 
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MessagePosté le : 01 Mar 2004 10:19
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Voila, je vous tiendrai également au courrant de l'evolution du procès qui devrait duré au minimum 2 mois,

Inutil de vous dire, que vu la gravité du cas présent, je compte sur vous pour respecter ce topic en respectant les règles du forum, pas de flood, respect des vitcimes,...

Merci à vous.
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MessagePosté le : 01 Mar 2004 11:24
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Voici une présentation des principaux acteurs qui se retrouveront face à face devant la cour d'assises d'Arlon (sud-est):


LES ACCUSES .


Marc Dutroux: le criminel le plus célèbre de Belgique est principalement accusé de l'enlèvement (en 1995-96) et du viol de six fillettes et adolescentes dont quatre, Julie Lejeune, Melissa Russo, An Marchal et Eefje Lambrecks, ont été retrouvées mortes dans ses propriétés en août 1996. Dutroux, 47 ans, est décrit par les psychiatres comme un manipulateur pervers. Il avait déjà été condamné en 1989 à 10 ans de prison pour plusieurs séquestrations et viols de mineures, mais avait bénéficié d'une libération anticipée en 1992. Il encourt cette fois la réclusion à vie.


Michelle Martin: âgée de 44 ans, l'ex-épouse de Marc Dutroux est une ancienne institutrice au caractère effacé. Poursuivie pour complicité dans les séquestrations des enfants enlevés par son mari, elle fait aussi face à l'accusation d'avoir laissé mourir de faim les petites Julie et Melissa.


Michel Lelièvre: ce marginal toxicomane de 32 ans, à l'enfance difficile et au casier judiciaire chargé de condamnations mineures, est le moins connu des accusés. Selon ses aveux, il aurait été contraint de prendre part aux rapts d'enfants par Dutroux, qui le fournissait en héroïne.


Michel Nihoul: A 62 ans, cet escroc multi-récidiviste est le personnage clé du procès. Il comparaît pour trafic de drogue mais aussi participation aux enlèvements d'enfants, une accusation qu'il a toujours niée. Son sort déterminera la validité ou non de la thèse du réseau pédophile, dont il est soupçonné d'avoir été l'homme lige, pour le compte duquel Dutroux aurait agi.


LEURS AVOCATS


Après plusieurs changements de défenseurs, Marc Dutroux sera assisté par un trio d'avocats composé de Me Xavier Magnée, ténor des prétoires belges et ancien bâtonnier du barreau de Bruxelles, Me Ronny Baudewijn et Me Martine Van Praet, une pénaliste aussi connue comme... une ancienne Miss Belgique.


La défense de Michel Nihoul sera principalement conduite par un jeune avocat bruxellois de 37 ans, Me Frédéric Clément de Cléty, l'un des seuls à avoir suivi l'affaire Dutroux depuis août 1996.


L'avocat de Michel Lelièvre, Me Olivier Slusny, 57 ans, est un ancien juriste d'affaires, longtemps au service du groupe américain Pepsi, avant de se convertir au droit pénal.


Michèle Martin sera pour sa part défendue par un quatuor d'avocats peu connus des barreaux d'Arlon et de Nivelles (centre).


LE MINISTERE PUBLIC


Le substitut du procureur général de la cour d'appel de Liège (est) Jean-Baptiste Andries, 42 ans, sera le premier avocat général au procès Dutroux. Mais la vedette de l'accusation sera le procureur de Neufchâteau Michel Bourlet, 55 ans, popularisé par une affaire qu'il suit depuis le début.


M. Bourlet s'était rendu célèbre en affichant en août 1996 sa détermination à faire toute la lumière sur les crimes de Marc Dutroux «si on me laisse faire!» La petite phrase avait attisé les spéculations sur l'existence d'un vaste réseau pédophile.


LES PARTIES CIVILES


Tous les parents des jeunes victimes de Marc Dutroux sont parties civiles au procès, mais plusieurs, comme les parents de Julie Lejeune et Melissa Russo, ont affiché l'intention de ne pas assister aux débats.


Les intérêts des familles seront défendus par plusieurs avocats renommés, notamment Me Georges-Henri Beauthier, ancien président de la Ligue des droits de l'homme belge et conseil de Laetitia Delhez, une des deux adolescentes rescapées des geôles de Dutroux.


LA COUR


Le procès Dutroux sera dirigé par le président de la cour d'assises d'Arlon, Stéphane Goux, un magistrat de 60 ans peu connu du grand public, assisté de deux assesseurs et de deux juges assistants.


Plus de 450 témoins devraient déposer au long du procès. La venue des anciens ministres de la Justice Melchior Wathelet, qui avait signé en 1992 la mise en liberté de Marc Dutroux, et Stefaan De Clerck, en poste au déclenchement de l'affaire et qui avait démissionné après la brève évasion de Dutroux en 1998, réclamée par la défense de Marc Dutroux, a été refusée par le parquet général.



Citation :
Voici les principaux faits qui sont reprochés aux accusé dans l'acte d'accusation:


MARC DUTROUX Est accusé:


- d'être le chef d'une bande impliquée dans l'enlèvement et la séquestration de six jeunes filles, dont cinq mineures, en les soumettant à des tortures ayant causé la mort de certaines d'entre elles


- de l'assassinat de deux jeunes filles (An Marchal et Eefje Lambrecks) et d'un complice présumé, Bernard Weinstein


- de l'enlèvement de Julie Lejeune, Melissa Russo, An Marchal, Eefje Lambrecks, Laetitia Delhez et Sabine Dardenne


- d'être membre d'une association de malfaiteurs actifs dans le trafic de drogue ou dans celui de faux documents, de voitures ou dans la traite d'êtres humains


- du viol de neuf fillettes ou jeunes filles (Julie, Melissa, An, Eefje, Laetitia, Sabine ainsi que trois jeunes Slovaques)


- du vol avec violences de deux véhicules - d'avoir participé à un trafic de drogue


MICHEL NIHOUL Est accusé:


- d'être membre d'une bande active dans l'enlèvement et la séquestration de six jeunes filles, dont cinq mineures en les soumettant à des tortures ayant causé la mort de certaines d'entre elles


- d'avoir été le chef d'une bande impliquée notamment dans le trafic de drogue, de faux documents, de voitures ou dans la traite d'êtres humains


- d'avoir enlevé ou fait enlever et séquestré Laetitia Delhez


- d'avoir dirigé un trafic d'ecstasy


MICHELLE MARTIN Est accusée:


- d'être membre d'une bande impliquée dans l'enlèvement et la séquestration de six jeunes filles, dont cinq mineures en les soumettant à des tortures ayant causé la mort de certaines d'entre elles


- d'avoir séquestré deux jeunes filles (Laetitia et Sabine), retrouvées vivantes


- d'avoir séquestré quatre jeunes filles (An, Eefje, Mélissa et Julie) ayant été soumises à des tortures ayant entraîné la mort


- du viol d'une jeune Slovaque


MICHEL LELIEVRE Est accusé:


- d'avoir fait partie d'une bande active dans l'enlèvement et la séquestration de six jeunes filles, dont cinq mineures en les soumettant à des tortures ayant causé la mort de certaines d'entre elles


- d'être membre d'une association de malfaiteurs actifs dans le trafic de drogue ou dans celui de faux documents, de voitures ou dans la traite d'êtres humains


- d'avoir enlevé An, Eefje, Sabine et Laetitia


- d'avoir détenu, avec menaces de mort, Laetitia et Sabine, et avec menaces de mort et tortures ayant entraîné la mort, An et Eefje


- d'avoir participé à un trafic de drogue

Citation :
Voici une présentation des principaux acteurs qui se retrouveront face à face devant la cour d'assises d'Arlon (sud-est):


LES ACCUSES .


Marc Dutroux: le criminel le plus célèbre de Belgique est principalement accusé de l'enlèvement (en 1995-96) et du viol de six fillettes et adolescentes dont quatre, Julie Lejeune, Melissa Russo, An Marchal et Eefje Lambrecks, ont été retrouvées mortes dans ses propriétés en août 1996. Dutroux, 47 ans, est décrit par les psychiatres comme un manipulateur pervers. Il avait déjà été condamné en 1989 à 10 ans de prison pour plusieurs séquestrations et viols de mineures, mais avait bénéficié d'une libération anticipée en 1992. Il encourt cette fois la réclusion à vie.


Michelle Martin: âgée de 44 ans, l'ex-épouse de Marc Dutroux est une ancienne institutrice au caractère effacé. Poursuivie pour complicité dans les séquestrations des enfants enlevés par son mari, elle fait aussi face à l'accusation d'avoir laissé mourir de faim les petites Julie et Melissa.


Michel Lelièvre: ce marginal toxicomane de 32 ans, à l'enfance difficile et au casier judiciaire chargé de condamnations mineures, est le moins connu des accusés. Selon ses aveux, il aurait été contraint de prendre part aux rapts d'enfants par Dutroux, qui le fournissait en héroïne.


Michel Nihoul: A 62 ans, cet escroc multi-récidiviste est le personnage clé du procès. Il comparaît pour trafic de drogue mais aussi participation aux enlèvements d'enfants, une accusation qu'il a toujours niée. Son sort déterminera la validité ou non de la thèse du réseau pédophile, dont il est soupçonné d'avoir été l'homme lige, pour le compte duquel Dutroux aurait agi.


LEURS AVOCATS


Après plusieurs changements de défenseurs, Marc Dutroux sera assisté par un trio d'avocats composé de Me Xavier Magnée, ténor des prétoires belges et ancien bâtonnier du barreau de Bruxelles, Me Ronny Baudewijn et Me Martine Van Praet, une pénaliste aussi connue comme... une ancienne Miss Belgique.


La défense de Michel Nihoul sera principalement conduite par un jeune avocat bruxellois de 37 ans, Me Frédéric Clément de Cléty, l'un des seuls à avoir suivi l'affaire Dutroux depuis août 1996.


L'avocat de Michel Lelièvre, Me Olivier Slusny, 57 ans, est un ancien juriste d'affaires, longtemps au service du groupe américain Pepsi, avant de se convertir au droit pénal.


Michèle Martin sera pour sa part défendue par un quatuor d'avocats peu connus des barreaux d'Arlon et de Nivelles (centre).


LE MINISTERE PUBLIC


Le substitut du procureur général de la cour d'appel de Liège (est) Jean-Baptiste Andries, 42 ans, sera le premier avocat général au procès Dutroux. Mais la vedette de l'accusation sera le procureur de Neufchâteau Michel Bourlet, 55 ans, popularisé par une affaire qu'il suit depuis le début.


M. Bourlet s'était rendu célèbre en affichant en août 1996 sa détermination à faire toute la lumière sur les crimes de Marc Dutroux «si on me laisse faire!» La petite phrase avait attisé les spéculations sur l'existence d'un vaste réseau pédophile.


LES PARTIES CIVILES


Tous les parents des jeunes victimes de Marc Dutroux sont parties civiles au procès, mais plusieurs, comme les parents de Julie Lejeune et Melissa Russo, ont affiché l'intention de ne pas assister aux débats.


Les intérêts des familles seront défendus par plusieurs avocats renommés, notamment Me Georges-Henri Beauthier, ancien président de la Ligue des droits de l'homme belge et conseil de Laetitia Delhez, une des deux adolescentes rescapées des geôles de Dutroux.


LA COUR


Le procès Dutroux sera dirigé par le président de la cour d'assises d'Arlon, Stéphane Goux, un magistrat de 60 ans peu connu du grand public, assisté de deux assesseurs et de deux juges assistants.


Plus de 450 témoins devraient déposer au long du procès. La venue des anciens ministres de la Justice Melchior Wathelet, qui avait signé en 1992 la mise en liberté de Marc Dutroux, et Stefaan De Clerck, en poste au déclenchement de l'affaire et qui avait démissionné après la brève évasion de Dutroux en 1998, réclamée par la défense de Marc Dutroux, a été refusée par le parquet général.

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Samael 
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MessagePosté le : 01 Mar 2004 11:26
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Citation :
La cour d'assises d'Arlon a fixé un premier planning théorique pour le procès de Marc Dutroux, Michelle Martin, Michel Lelièvre et Michel Nihoul.


La formation du jury est prévue pour le lundi 1er mars, date à laquelle les défenses pourront aussi, si le temps est suffisant, soulever les questions de procédure. La lecture de l'acte d'accusation - éventuellement suivie d'actes de défense - est prévue pour mardi. Les accusés devraient être interrogés mercredi. Les premiers témoins devraient être entendus à partir de jeudi.


Quelque 480 témoins sont attendus. Le juge d'instruction Jean-Marc Connerotte et trois enquêteurs seront les premiers à être entendus le jeudi 4 mars et le lundi 8 mars. Le juge d'instruction Jacques Langlois sera entendu du 8 au 15 mars. Suivront des enquêteurs (16 et 17 mars) et des médecins légistes (18 mars).


Dès le 22 mars, les différents faits seront examinés via l'audition de témoins: Julie et Mélissa (22 au 25 mars), An et Eefje (25 au 29 mars), séquestration de trois jeunes adultes et assassinat de Bernard Weinstein (29 au 30 mars), Sabine Dardenne et viol de trois Slovaques (1er avril), Laetitia Delhez (5 et 6 avril), stupéfiants (7 avril), association de malfaiteurs (8, 14 et 15 avril), témoins de moralité des quatre accusés (19 au 27 avril).


Le planning établi prévoit que les audiences se dérouleront quatre jours par semaine. Le vendredi a en effet été réservé comme journée pouvant accueillir des événements imprévus, tels que report d'auditions de témoins, devoirs particuliers, etc.


Le représentant du ministère public prononcera alors son réquisitoire, suivi par les parties civiles et la défense. Plusieurs semaines pourraient être consacrées à ces réquisitoire et plaidoiries.


La défense de Marc Dutroux pourrait elle seule prendre la parole pendant une semaine. Ces trois parties pourront ensuite répliquer aux arguments des uns et des autres. Le président remettra alors la liste des questions sur la culpabilité des quatre accusés. Si le jury les déclare coupables, ministère public et défense prendront la parole dans le cadre des débats sur la peine qui sera fixée par le cour et le jury. Selon ce calendrier, le procès pourrait se terminer, au plus tôt, le 20 mai.

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MessagePosté le : 01 Mar 2004 21:57
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Citation :
L’affaire Dutroux, c’est ça, c’est cette réalité-là, dont il ne faut pas se détourner. Ni par décence, ni même par respect. Car le seul respect dû aux victimes, c’est de dire de quoi elles ont été victimes. Et de révéler de quelles aberrations humaines sont capables leurs tortionnaires. Sans complaisance. Mais également sans curiosité malsaine, sans voyeurisme ni exhibitionnisme.


C'est certainement un sujet très difficile a aborder.
Y a t'il quelque chose de pire que de s'en prendre à des enfants? Ce qu'elles ont subi est intolérable.

Aujourd'hui, il a été difficile de constituer un jury. Nombre des personnes convoquées ne se sentaient pas capables d'impartialité et on ne peut que les comprendre.

Je n'ai pas encore lu tout le dossier mais je crois que c'est important de le faire.

Bon courage Samael, tu n'auras pas la tâche facile.
_________________

:bisou: alias :bisou:
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Samael 
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MessagePosté le : 03 Mar 2004 16:52
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La parole aux accusés:

Citation :
Pendant environ trois heures, mercredi matin, Marc Dutroux a donné aux jurés sa version des faits, portant toute la responsabilité sur Michel Nihoul, qu'il accuse d'être le commanditaire des enlèvements.Calmement, il a reconnu avoir enlevé Sabine, Laetitia, An et Eefje pour Michel Nihoul qui devait les mettre dans un réseau. Il a également reconnu avoir violé Eefje -"une fille très sympa" avec qui il aimait discuter-, deux Slovaques, Sabine -sur qui il avait "reporté son affection"- et Laetitia.


D'une voix calme, avec un accent carolo prononcé, Marc Dutroux a choisi de jouer la carte du "j'accuse". Il pointedonc Michel Nihoul,mais aussideux policiers.Si Marc Dutroux a gardé Julie et Mélissa chez lui, c'était pour rendre service à Michel Nihoul, à qui il avait demandé "à charge de revanche" d'arranger quelques affaires judiciaires.


Marc Dutroux s'est excusé. "Les actes? Ah Monsieur le Président, c'est n'importe quoi. Les conséquences sont regrettables. Quatre personnes ne pourront jamais revenir. J'ai ma part de responsabilité et je veux l'assumer", a-t-il conclu.


Mais avant cela, Marc Dutroux s'était posé en victime. Victime de parents qui ne l'ont pas aimé et qui lui ont donné une "éducation de dingue". Victime de ses mauvaises fréquentations, comme Pinon ou Patrice C.; victime de son bon coeur aussi. Car si Marc Dutroux a fait certaines déclarations dans le dossier, c'est pour protéger Michelle Martin. Il voulait lui éviter des sanctions judiciaires trop importantes."Mais maintenant, je ne considère plus qu'il est encore de mon devoir de la protéger", a-t-il remarqué.


Il clame avoir vouluprotéger les enfants enlevés du "réseau Nihoul". Julie et Mélissa sont arrivées chez lui en juillet 1995. Il les a découvertes "assises sagement dans un divan" en compagnie de Lelièvre, Martin, Weinstein et Nihoul. Il les a gardées car il devait rendre un service à Michel Nihoul mais quand il a appris, après que Weinstein eut abusé de Mélissa, qu'elles risquaient de subir d'autres choses, il a décidé de les protéger, de les soustraire au réseau "Nihoul et compagnie". Il leur a alors aménagé la cache initialement prévue pour dissimuler ses outils. "Je leur ai expliqué qu'elles devaient partir chez quelqu'un de méchant. Elles avaient le choix. Soit partir dans le réseau Nihoul, soit rester chez moi tranquilles et bien traitées", a-t-il expliqué. Il a gardé les fillettes et a fait croire à Michel Nihoul qu'elles avaient été emmenées dans un autre réseau.


Marc Dutroux a également donné une nouvelle versionde la mort de Julie et Mélissa, rejetant la responsabilité sur d'autres.Il a expliqué qu'en prévision de son arrestation le 6 décembre 1995, il avait préparé de la nourriture pour les deux jeunes Liégeoises et avait donné 230.000 francs à Martin pour qu'elles s'en occupe.Il a dit qu'il s'attendait à les retrouver vivantes lors de sa libération en mars 1996. Le président lui a fait remarquer que dans des déclarations antérieures, il avait dit qu'il avait tenté de ranimer les deux fillettes mourantes.


Il a encore précisé que, pendant sa détention, Julie et Mélissa, auraient été extraites de la cache de Marcinelle avant d'y être ramenées peu avant sa libération. Il a découvert les cadavres de Julie et de Mélissa quand il est sorti de prison en mars 1996, après une incarcération de 4 mois."J'ai mis les dépouilles dans le congélateur car j'avais des choses à faire", a-t-il commenté, expliquant que Martin et Weinstein étaient responsables du décès. Et s'il a toujours déclaré que les fillettes étaient en vie et qu'il avait tout fait pour les réanimer, il s'en excuse. "J'ai menti pour protéger mon épouse. C'est des foutaises ce que j'ai dit", a-t-il expliqué.


"Nihoul, commanditaire et complice de deux policiers"


Quand il a appris que Julie et Mélissa avaient éte "emmenées" dans un réseau parallèle, Michel Nihoul aurait demandé à Marc Dutroux de les "remplacer" par d'autres filles. Ce dernier a alors enlevé An et Eefje la nuit du 22 au 23 août 1995 "pour payer sa dette"."Je suis parti à la Côte avec Lelièvre et deux personnes, proches de Nihoul, qui étaient des membres des forces de l'ordre. Les jeunes filles ont été enlevées puis conduites chez moi. J'avais la consigne d'attendre qu'on vienne les chercher. Je les ai gardées une quinzaine de jours", a-t-il précisé.Julie et Mélissa étaient à ce moment-là toujours dans la cache.


Les deux adolescentes ont donc été enfermées, nues, dans la chambre de Dutroux. "Elles ne pouvaient pas rencontrer les petites puisqu'elles n'étaient pas censées être là", a-t-il ajouté. Il a reconnu avoir abusé de Eefje, qu'il a qualifiée de "très sympa". "C'est dommage que cette fille-là soit décédée; c'est une catastrophe", a-t-il remarqué.


Interrogé par le président, Marc Dutroux a en outre désigné Michel Nihoul comme le commanditaire de l'enlèvement d'An Marchal et Eefje Lambreckx. Il a reconnu avoir kidnappé An (17 ans) et Eefje (19 ans), lors d'une équipée près d'Ostende avec Lelièvre et deux inconnus, présentés par Nihoul.«J'ai appris par la suite que c'était des membres des forces de l'ordre», a-t-il déclaré.Il n'a pas livré le nom de ces policiers mais a affirmé que l'un d'eux, avec Lelièvre, avait violé une des jeunes filles. Les deux Limbourgeoises devaient être emmenées à Bruxelles mais, en raison d'une panne sur l'autoroute la nuit de leur enlèvement, elles sont venues à Charleroi, a dit Marc Dutroux. Il a ajouté les avoir gardées une quizaine de jours et avoir sympathisé avec elles avant que Weinstein et Lelièvre ne viennent les chercher.


Pour rappel, Michel Nihoul n'a jamais été inquiété pour l'enlèvement d'An et Eefje.


"Sabine et Laetitia, unecommande de Nihoul"


Marc Dutroux a reconnu avoir enlevé Sabine et Laetitia. La première, à Kain le 28 mai 1996 en compagnie de Lelièvre, pour honorer une "commande de Nihoul". Il a avoué avoir entretenu des relations sexuelles avec elle. Dépressif, il a finalement reporté un peu d'affection sur elle et a alors décidé de ne plus la livrer à Michel Nihoul. Il a alors fourni les mêmes explications pour Julie et Mélissa. Et a été contraint d'enlever Laetitia, à Bertrix le 9 août 1996, toujours en compagnie de Lelièvre. Trois jours plus tard, il a de nouveau décidé de ne pas la livrer au réseau de Michel Nihoul. Les deux jeunes filles ont été libérées le 15 août 1996.


Marc Dutroux a reconnu la séquestration de Philippe Divers, de Bénédicte Jadot et de Pierre Rochow, soupçonnés par Bernard Weinstein de l'avoir "doublé" dans une histoire de camion volé. Pour leur éviter les foudres de Weinstein, il a proposé de les droguer afin d'aller "perquisitionner" chez eux.Par contre, Marc Dutroux a nié avoir tué Bernard Weinstein. Selon lui, cet acte est l'oeuvre de son épouse et de Gérard Pinon. Il a découvert le décès lors de sa libération en mars 1996., a-t-il dit.


Source: ~lien~
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MessagePosté le : 04 Mar 2004 15:27
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Citation :
Il a reconnu avoir abusé de Eefje, qu'il a qualifiée de "très sympa". "C'est dommage que cette fille-là soit décédée; c'est une catastrophe", a-t-il remarqué.


C'est à croire que cet homme n'a pas de conscience!!! :boude:
ce qu'il a fait à ces jeunes filles y a pas de mots!! :-(
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MessagePosté le : 04 Mar 2004 21:45
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C'est au dessus des mots. Quel monstre.
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MessagePosté le : 05 Mar 2004 16:14
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Petit retour en arrière, 8 ans déjà

Citation :
Comment ils l'ont pris au piège (05/03/2004)

Prise au sérieux dès le départ, la disparition de Laetitia va conduireà la découverte de tout

ARLON La cour d'assises a entendu les trois premiers officiers de police qui ont enquêté sur la disparition de Laetitia Delhez à Bertrix. Une enquête qui va mener, très rapidement, à l'arrestation de Marc Dutroux, de ses complices présumés et à la découverte de toute l'horreur de cette affaire.


Les commissaires Claude Baulard (ex-gendarmerie), Marcel Guissard (ex-gendarmerie) et Yves Zimmer (ex-PJ) ont très longuement expliqué les pistes suivies, dont celle qui les mène à Dutroux. Les trois officiers de police sont les premiers à être intervenus sur le terrain, coordonnant l'enquête, et qui y resteront jusqu'au bout.


Tout commence le 9 août 1996, vers 20 h 45. Laetitia quitte la piscine de Bertrix et disparaît. Vers 22h, la famille entame ses premières recherches. Peu avant minuit, la police est alertée. A 2 h 30 du matin, l'officier Baulard est prévenu: la disparition est vraiment inquiétante. Dès le matin, il est fait appel aux chiens, à un hélicoptère, au labo de la PJ, le procureur du Roi Bourlet est prévenu et il descend tout de suite sur place. La mobilisation est conséquente. Même 120 bénévoles sont mobilisés. L'asbl Marc et Corine s'occupe des affiches et aide la police.


Le commissaire Guissard explique que toute une série de pistes sont évoquées, analysées, remontées. L'ex-major Guissard explique ainsi que Laetitia a été signalée par des témoins à treize endroits du pays, aussi éloignés que la Baraque de Fraiture et Bruges.


La bonne piste est à Bertrix. Le 11 août, la BSR de Neufchâteau réentend le papa de Laetitia, qui met les gendarmes en contact avec un homme qui a entendu dire qu'une religieuse a vu quelque chose. C'est la providentielle soeur Etienne. «En insistant, elle a accepté de faire une brève déposition», se souvient Guissard. La nonne a repéré une camionnette suspecte blanche, au pot d'échappement troué, avec des écussons sur une vitre latérale. D'autres gendarmes interrogent des jeunes de Bertrix. Et ils retrouvent Benoît T. qui a vu, lui aussi, une camionnette blanche. Il se souvient d'une Renault Trafic blanche, dont la plaque commence par FRR. Pour les chiffres, il est moins sûr, peut-être 69 et 2 ou 7. Les chiffres sont erronés, mais les policiers en ont assez. En début d'après-midi, les recherches informatiques donnent leur verdict: la seule Renault Trafic immatriculée avec FRR est celle de Marc Dutroux. C'est fini. Et toute l'affaire commence.



Source: ~lien~
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MessagePosté le : 05 Mar 2004 16:19
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Un autre moment très attendu du procès a eu lieu ce jeudi 04 - 03 -2004

Citation :
ARLON Le premier témoin du procès appelé hier à la barre n'était autre que celui qui a fait éclater l'affaire au grand jour, le juge d'instruction de Neufchâteau, Jean-Marc Connerotte.

Celui que toute la Belgique considère comme une espèce de chevalier blanc qui a permis de retrouver saines et sauves Sabine Dardenne et Laetitia Delhez dans la cache de Marcinelle avait été dessaisi par la Cour de cassation, le 14 octobre 1996, pour avoir assisté à un souper spaghettis de soutien aux victimes de Marc Dutroux.

Jean-Marc Connerotte est venu raconter ses trois mois de travail acharné. Visiblement très tendu, la voix peu assurée et monocorde, le juge d'instruction chestrolais a expliqué au moyen de slides diffusés sur un écran les investigations, les auditions, les découvertes, les fausses pistes, les faits reprochés aux uns et aux autres.

De cette explication pour le moins décousue et confuse, il est ressorti quelques éléments intéressants. Le juge a ainsi expliqué que, pour lui, Michel Nihoul était impliqué dans l'enlèvement de Laetitia. Par ailleurs, il a également expliqué «avec la plus grande fermeté» que Michel Lelièvre n'a jamais violé aucune des victimes. Enfin, le juge Connerotte a eu des mots très durs pour Marc Dutroux et surtout de ses méthodes de manipulation psychologique des victimes.

Mais au-delà de ce témoignage portant sur le dossier, la fin de la matinée a été marquée par un incident quelque peu surprenant. En effet, les avocats des accusés ont posé des questions à Jean-Marc Connerotte. Me Olivier Slusny, conseil de Michel Lelièvre, a voulu savoir pourquoi le juge et le procureur du Roi avaient été mis sous protection rapprochée. Disant que «c'était là une excellente question», le juge a expliqué que «c'était, à ma connaissance, une première en Belgique. Jamais un tel climat et une telle situation n'ont été infligés à un juge d'instruction et à un procureur du Roi en même temps. La gendarmerie nous avait appris qu'il y avait un projet de contrat contre un magistrat de Neufchâteau. Comme le danger augmentait, des mesures de protection exceptionnelles ont été mises en place, tant dans le domaine professionnel que dans le domaine privé...»

C'est à cet instant précis que le magistrat instructeur a stoppé net son explication. Un soupir dans le micro. «Excusez-moi...», balbutie-t-il. Il semble que l'émotion ait été trop forte. Plus aucun son ne sortira de sa bouche. Le président suspendra la séance immédiatement pour la reprendre à 14 h sur un nouvel incident opposant cette fois Mes Attout et Beauthier. L'avocat de Nihoul a relevé que lorsque le juge Connerotte a été mis en cause notamment pour des fuites dans le dossier Cools, c'est Me George-Henri Beuthier qui avait défendu ses intérêts.

Me Attout a tenté d'expliquer qu'il y avait peut-être là un problème, mais son confrère l'a interrompu avec virulence, disant qu'il ne pouvait l'accepter et demandant au président d'arrêter cela. Stéphane Goux n'a eu d'autre choix que de suspendre à nouveau la séance une bonne heure durant.


Source: ~lien~

Autres déclarations qui font froid dans le dos, Dutroux et complices sont ils protégés, et par qui ?

Citation :

Le rôle de la gendarmerie

ARLON Peu avant l'incident qui a mené le juge Connerotte au bord des larmes, c'est Xavier Magnée qui avait ouvert le feu des questions. Son credo, tout le monde le sait, ce sont les réseaux, les protections et les dysfonctionnements. Me Magnée a donc demandé au juge: «Si Martine Doutrewe avait bénéficié des informations de la gendarmerie, aurait-elle pu faire le même travail que vous?» Me Magnée faisait référence à un document de juillet 1995 dans lequel Dutroux est cité comme suspect dans l'enlèvement de Julie et Mélissa.

Connerotte reste un instant en arrêt avant de répondre: «Oui, j'ai été impressionné par la richesse de ses documents et un juge d'instruction qui aurait eu cela aurait procédé de la même manière que moi.» Et le juge a alors poursuivi dans cette voie en lisant un courrier que la juge Doutrèwe a adressé au major Decraene, le patron du BCR. Elle s'étonne qu'un gendarme de Grâce-Hollogne ait reçu l'ordre de ne pas quitter Liège pour Charleroi le 15 août 1996 car sa présence n'était pas désirée. «Mais ce gendarme devait me rencontrer à Charleroi et cela à la demande de la juge Doutrèwe», a expliqué Connerotte qui a conclu: «Je ne savais pas qu'un major de gendarmerie avait le pouvoir d'entraver le travail d'un juge d'instruction.»

Le major Decraene avait longuement été entendu par la commission Dutroux. Il fait toujours aujourd'hui partie de l'état-major de la police fédérale.

Cette révélation jette un sérieux pavé dans la mare. D'autant plus que le juge Connerotte est convaincu que les mesures de protection rapprochée que lui a infligées la gendarmerie avaient pour but de contrôler le moindre de ses faits et gestes dans une enquête qu'elle savait forcément lui être négative. La meilleure preuve de cela est que le soir même où l'arrêt spaghettis a été prononcé, ces mesures de protection ont été immédiatement levées.

Le juge a encore pointé un élément en indiquant qu'il avait voulu perquisitionner la BSR de Bruxelles pour enquêter sur Nihoul. Il a expliqué qu'il s'est heurté à certaines réticences.


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Samael 
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MessagePosté le : 16 Avr 2004 14:29
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L'intégral du dossier au format WORD

Après 1 mois et demi de procès qui tourne parfois au ridicule (automutilation de Dutroux, version des fait toujours différentes - Dutroux change ses versions des faits - Malaise cardiaque de Nioul,...) Nous n'en savons toujpurs pas plus.

Il faut dire que les sujets traité par le tribunal jusqu'à présent etait lié à la partie Ann, Efje, Melyssa, Julie et Weinstein, tous mort aujourd'hui, donc pas la pour accuser les présumés coupables.

A présent, le tribunal commence la partie Sabine et Laeticia, et elles sont encore bien vivante, des témoignage poignant que Dutroux ne poura pas renier.

ATTENTION, ce qui va suivre peut choquer, mais il ne fait pas fermer les yeux, de tel monstr existe et il faut les empecher de nuire:

DHNet.be a écrit :

La lecture des lettres de la petite captive: un des moments les plus forts du procès

ARLON C'est une véritable chape de plomb qui s'est abattue sur le prétoire, hier après-midi.

Michel Demoulin, le chef d'enquête a demandé s'il était opportun d'aborder le volet des quatre lettres que Sabine a écrites à ses parents durant ses 80 jours de séquestration. Ces lettres, qui n'arriveront jamais à leur destinataire, on les retrouvera dans la maison de Marcinelle, dissimulées sous un tapis.

Jean-Philippe Rivière, le conseil de Sabine, a donné son feu vert. Demoulin a alors passé le relais à son collègue Lucien Masson. Et celui-ci s'est lancé. «Cher papa, chère maman, je suis très triste de ne pas vous souhaiter un bon anniversaire. Etre parmi vous, c'est mon voeu le plus cher. Mais, malheureusement, ce n'est pas possible.»

Dans la salle d'audience, pas un bruit, pas le moindre toussotement, pas la moindre faute d'inattention. On écoutait, comme jamais sans doute depuis le début du procès. Presque religieusement. «Je pense que je ne vous reverrai jamais, écrit Sabine. Je me demande si vous avez une pensée pour moi. Ce que j'espère, c'est que vous vous amusez bien, que vous mangez bien. Ici, la nourriture est quelques fois bonne, mais le plus souvent, c'est dégueulasse.»

Sabine parle de Dutroux, de «celui qui le garde», de celui qui lui a fait croire qu'il la protégeait, contre «le chef». «Si je l'énerve, il pourrait me donner à quelqu'un de la bande qui me tuerait après m'avoir fait beaucoup souffrir.»

Sabine s'intéresse au temps qu'il fait dehors, «car ici, toutes les fenêtres sont fermées. Allez-vous mettre la piscine à l'extérieur quand il fait beau? J'aimerais tant aller dedans avec vous.»

Complètement manipulée par Dutroux, Sabine promet d'être plus gentille, moins égoïste, plus studieuse. «Pardonnez-moi de ne pas vous avoir écouté pour mes études, pour le mal que je vous ai fait. Et si je ne reviens jamais, partagez mes affaires. Ne les jetez pas...»

Et puis, surtout, il y a les sévices sexuels qu'elle subit dans la chambre calvaire.

«Pour y échapper, je lui ai dit que j'avais mal, écrit-elle. Mais il n'arrêtait pas. Il m'a mis de la crème, m'a entré son doigt. J'avais mal, je hurlais. Il s'enfonçait dans moi. Je suis obligée de faire ce qu'il veut. Je dois grimper sur lui. Il me dit que j'aurai moins mal quand on aura fait ça plus souvent. Je pissais du sang, je tremblais comme une feuille.»

Quand Sabine n'est pas l'objet de Dutroux, elle doit nettoyer la maison.

Et quand Dutroux n'a pas besoin d'elle dans la chambre calvaire, ou qu'elle ne doit pas prendre de bains avec «celui qui (la) garde », elle retourne dans la cache. «Le trou», comme elle dit.

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MessagePosté le : 16 Avr 2004 22:25
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Le problème fondamentale n'est pas Marc Dutroux lui n'est qu'une épingle dans une botte de foin le réseau lui reste libre et continu ces horrible massacres dans le monde entier tant que les Pédophiles ne seront pas TOUS exterminer ça ne changera pas grand chose pour ce qui est de Dutroux faste rigolade attendre temps d'années pour faire un procès complètement dérisoire car les vrais responsables magistrats juges etc.. Son "intouchable" ou "secret d'état" sa me fait bien rire leur procès!!! :evil:
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MessagePosté le : 17 Avr 2004 14:03
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Quel malheur mon dieu ce que ces enfants ont vécu.
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MessagePosté le : 19 Avr 2004 08:13
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+1 avec Ba, c'est vraiment trop horrible.
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Samael 
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MessagePosté le : 19 Avr 2004 12:12
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Lundi 19 avril



Citation :
Sabine a témoigné

Sabine Dardenne, lors de son témoignage, a demandé à Dutroux pourquoi il ne l'a pas tuée.

ARLON Sabine Dardenne a tenu à demander personnellement à Marc Dutroux à l'issue de son témoignage lundi matin pourquoi Marc Dutroux ne l'avait pas tuée. Elle n'a pas été convaincue par sa réponse. Sabine Dardenne n'a pas voulu accepter les regrets de Michelle Martin qui lui demandait pardon.

"Je voudrais demander une chose à Marc Dutroux. Même si je connais un peu la réponse, je voudrais savoir, venant de lui, qui se plaignait de mon caractère de cochon, pourquoi il ne m'a pas liquidée", a demandé Sabine Dardenne à Marc Dutroux. Celui-ci a répondu, d'une voix froide, qu'il n'a jamais été question de la liquider. "Avant qu'elle aille dans la cache, je ne l'ai jamais abusé.

Je reconnais l'avoir abusée et j'en porte la responsabilité", a ajouté Marc Dutroux.
"Ce n'est pas très convaincant", a dit Sabine Dardenne, précisant que c'était normal, avec des "personnes comme cela".

D'initiative, Michelle Martin a dit à Sabine Dardenne qu'elle voulait lui demander pardon. Ce que celle-ci n'a pas accepté. "Vous qui saviez où j'étais, avec qui, ce qu'il a fait. Votre pardon, je ne l'accepte pas", a répondu Sabine Dardenne.

Michelle Martin a alors répété qu'elle regrettait infiniment, qu'elle aurait dû dénoncer Marc Dutroux, qu'elle ne demandait pas de pardonner et qu'elle voulait "juste que vous entendiez mes regrets".

Le témoignage de Sabine Dardenne s'est terminé vers 10H00. Le juge d'instruction Tollebeek est entendu par la cour d'assises.

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