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Destinée

Il avance...
Solitaire et pourtant jamais seul un moment,
Prisonnier en son coeur un sourire innocent.
Il y pense...

Reverra-t-il un jour les doux traits de sa belle?
Sur lesquels une larme a tracé son chemin
Jusqu'à trouver refuge dans le creux de ses seins,
Rêvant à ces baisers qui effraient la pucelle.

Du royaume un coeur pur était le seul espoir...

"Ô! funeste destin que t'ont tissé les Moires.
Si glorieux tu reviens de la montagne noire
Tu seras de ceux là qui forgent les histoires
Et ton nom à jamais gravé dans les mémoires..."

Ainsi parlait le Roi à l'aube du départ.

-"Une longue quête t'attend
Noble guerrier aux cheveux blonds
Et ta lame abreuvée de sang
Sera le bourreau du démon.
A ton retour d'or et d'argent
Je couvrirai tes moindres pas,
Sur ma parole je consens
A t'offrir ce que tu voudras.
-La main de votre fille en seule récompense,
Je ne souhaite pas plus, elle m'aime et je l'aime"

Ainsi le jeune héros durant ses nuits d'errance,
Déchiré par le vent glacé des mornes plaines,
Rêve au riche donjon où l'attend sa princesse
Et brandit son épée vers le sombre relief
Qui déjà se dessine aux lueurs des étoiles...

Dans sa paume crasseuse, un clou rouillé s'abreuve
De ce soit disant vin qui tache les soutanes,
Bu en l'honneur d'un roi qui porta sur son crâne
Humilié et meurtri, une triste couronne.
Les épines plantées au dessus de ses yeux,
Le regard aveuglé se tournant vers les cieux ;
Puisqu'à chaque martyr il lui faut son épreuve...

Et la dépouille gît, attachée à sa croix ;
Gavé le sujet prie, attaché à sa foi
Et les péchés s'enfuient, puisque Dieu les pardonne...
Le chapelet s'égraine au son des notre père,
Un chemin qui se perd s'ouvre devant leurs pas,
Si long soit ce chemin guidé par les prières
Dont la fin leur miroite un si plaisant mirage,
Au terme de leur âge il n'y a que trépas.

Mais si peu de merveilles inondent mes messages...

Ils ne finiront pas au bout d'une longue errance
Cadavre pourrissant de retour à la terre.
C'est sûr! Puisque la vie fut trop souvent l'enfer,
Leur belle âme mérite une seconde chance!

Puisque Dieu est pardon, puisque Dieu est bonté,
Quand la faux tombera sur mon dernier soupir,
Sans doute ouvrira t-il à un pauvre hérétique
En me faisant entrer dans sa vaste boutique ;
Et je resterai là, droit, planté sur le seuil,
Fier de n'être qu'un homme osant ne pas mentir
Et là je tuerai Dieu! Puis je retournerai,
Masse inerte pourrir au fond de mon cercueil ;
Heureux de s'être éteint sans être trop déçu,
Car sans masque, à la mort, on a déjà vécu.

C'est ton occupation les soirs où t'es privé de net ?

La complainte du lycanthrope

Lune, lune répand
Sur mes pas hésitants
Cette froide lumière,
Compagne de misère
Mais compagne pourtant
En cette nuit d'hiver.

Seul, seul toujours,
Qu'est ce donc l'amour?
Une tendre douleur
Qui si vite se meurt...
Peut on y croire un jour
Lorsqu'on a plus de coeur?

Et je revois ce soir
Dans cette forêt noire,
Les deux yeux menaçants,
Une gueule et mon sang
Abreuver la mâchoire
Qui est mienne à présent !

J'ai tué sans remords,
J'ai dépecé les corps…
Ô si vite j’oublie
Ce qu’a été ma vie ;
Et seul j’attends la mort
En un lugubre cri.

Cruelle jeunesse

Ô ma tendre jeunesse qui si vite s'égraine,
Toi qui prends ton plaisir à n'être qu'éphémère,
Quand sur moi le remous de tes eaux se déchaîne
Plie mon dos sous le poids du vide qui m'enserre.

Passez frêles années ! Détestables témoins
Des efforts éperdus de mes doigts solitaires,
Pour laisser enfermer dans le creux de ma main
L'espoir, que lentement vous tentez d'y soustraire.

Il y a eu bien sûr les rayons de soleil
Qui transpercent la nuit de lumière et de feu ;
Offrant si peu, pourtant tellement de merveilles :
Je n'ai été entier que lorsque j'étais deux.

Et j'ai connu bientôt la douleur aiguisée,
Celle là qu'on connaît à l'instant de l'aurore,
Quand d'un rêve infini on se trouve arraché
Par cette autre lumière qui si froide vous mord.

Mais si la vive flamme, que j'ai senti s'étendre
Ta peau contre ma peau, ton corps contre mon cœur,
A délaissé sa danse au profit de la cendre,
En naîtra le phénix qui jamais ne se meurt !

Par ce despote ingrat qui déjà nous écrase
Je ne laisserai pas retourner jusqu'à l'urne,
Mon sablier empli de gravier et de vase
Sans tenter d'y mêler le grain fin de la dune…

Larmes

Si lourdes dans les yeux rougis de nos enfants,
Qui sous les flots salés au fond des draps suants,
Sanglotent vainement toute gorge nouée,
Tous nasaux renâclants et tout palais brûlé.
Tremblants et grelottants de remous spasmodiques,
Ils crachent à qui l'entend leur dégoût frénétique
Des sadiques bourreaux, ô terrible infamie!
Qui les ont envoyés dans le creux de leurs lit.
L'injuste châtiment qu'ils vengeront, promis !
Est bien vite effacé par une douce nuit.

Si bêtes sur les joues d'une gentille amante,
Regardant s'éloigner dans la brume mourante,
Le bellâtre rêvant de la prochaine fleur
Qu'au soir il s'en ira cueillir avec douceur.
Elles coulent échaudées de la passion fumante,
Dans le large corset d'une robe rampante ;
Reflet d'une vertu volée par l'opportun,
Par un prince charmant quelque peu libertin
Et sècheront bien vite au doux vent matinal,
Ainsi que la rosée sur le dos du pétale.

Mais voilà qu'aujourd'hui s'insinuent ces perverses !
Je contemple ce trou et mon coeur se perce
A la vue embuée du voile de ma mère ;
J'imagine au dessous, tel une fin d'hiver,
Le glacier fondant impuissant à l'été
Dont les eaux retenues crevassent les rochers.
Elles ne m'auront pas, j'ai déjà trop souffert,
Quelques gouttes crachées n'éteignent pas l'enfer…
Jamais ne coulera de mes joues à la terre
Le si précieux flux qui abreuve ma chair,
C'est tout ce qui me reste ! Une idiote fierté,
A quoi bon se répandre en afflictions mouillées,
En long gémissements, en plaintes déchirantes,
Partageant crânement des souffrances écœurantes.
Je suis fort et solide, il me la répété
De sa voix moribonde avant de nous quitter :
"Prend bien soin de ta mère et ne me pleurs pas."
Ce fut ces derniers mots, alors expliquez moi
Pourquoi tel l'enfant, ou telle la vestale,
Pourquoi je ne puis point contenir ce mal !
Au travers de mes doigts, les mains dessus mes yeux
Je sens déjà perler quelques larmes d'adieu...