Journal d’Angus de Wilde
Amsterdam, 10 mai 1965
Bientôt cinq ans que j’ai rejoint le mal, abandonnant des cadavres derrière moi nuit après nuit. Quelle jouissance ! Lors de ma vie mortelle, je ne me doutais pas qu’un tel plaisir existe sur Terre.[…]
Mais depuis quelques nuits, je suis inquiet. Au bar, des vampires m’ont parlé d’un groupe d’hommes et de femmes qui nous chassait impitoyablement. Il semblerait que plusieurs d’entre nous aient disparu ces dernières nuits. Quelle misère, moi qui déteste me battre ! Et en plus, à quoi cela sert il lorsqu’on peut se nourrir tranquillement sur une délicieuse jeune fille sans défense ?
Non, je crois qu’il vaut mieux que je quitte cette ville. De toutes façons, je n’aimais plus trop son architecture, et les habitants n’ont pas si bon goût que ça. Tout de même, je me demande bien qui sont ces gens qui osent s’attaquer à nous ? Je laisse cette question à d’autres. Je n’en ai rien à faire après tout. La question la plus importante est : et maintenant, où vais-je bien pouvoir m’installer ?
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Rome, 25 septembre 1970
L’Immortel, l’Immortel, il n’y en a que pour lui ici. Cet espèce de vampire pluri-centenaire qui se prend pour le centre du monde et qui ne laisse pas les jeunes comme moi s’installer dans cette ville. Non mais pour qui se prend-il ? Et ça grimpe l’Everest ! Et ça écrit des livres ! Et ça séduit toutes les créatures humaines, vampires ou démones ! Pendant ce temps-là, je suis obligé de traîner dans des bars glauques avec des démons complètement ivres et je n’ai même pas le droit de rentrer dans les « blood-party » tout ça parce que je suis « trop jeune »!! Ca fait tout de même 10 ans que j’ai été engendré, j’en connais d’autres qui ne sont pas arrivés à ce stade, alors on me doit un minimum de respect !
C’est décidé, demain soit j’attaque l’Immortel, soit.. je quitte la ville. De toutes façons, je n’aime pas Rome. Tout le monde parle Italien et je ne comprends rien à cette langue. Et puis l’Immortel se garde les meilleures proies et ne laisse que les vieilles peaux aux autres. Décidément, je déteste cette ville !
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Londres, 5 janvier 1972
Depuis quelques jours, je m’interrogeais, la quasi-absence d’activité démoniaque dans cette ville me paraissait suspecte. Au bar dans lequel je vais tous les soirs, un vampire m’a donné un début de réponse. Il m’a expliqué que dans cette ville siégeait un étrange groupe. On l’appelle le « Conseil des Observateurs ».
« Mais ils observent quoi ? » lui ai-je demandé aussitôt. « Nos ennemies jurées » m’a t il répondu avec un air tellement effrayé qu’il m’en a fait froid dans le dos.
- Qui sont-ils ?
- Elles ! Me corrigea-t-il aussitôt. Ce sont des femmes. Ou plutôt Une femme !
Une femme, sur ce coup là, j’ai cru qu’il plaisantait. Je me suis mis à rire, en lui disant que ces idioties ne prenaient pas avec moi. Mais il gardait cette même tête d’abruti apeuré.
- Tu veux dire que tu ne connais pas l’existence de la Tueuse de vampires?
- C’est quoi ça encore ? Une légende pour faire peur aux vampires qui ne se brossent pas les dents après avoir dévoré un humain ? ai-je demandé, encore persuadé qu’il se moquait de moi.
- A chaque génération, une Tueuse s’éveille. Elle seule, grâce à une force surhumaine peut se dresser contre nous. Les observateurs sont là pour la guider et former les futures tueuses. De la graine de vermine, celles-là aussi. Même si elles n’ont pas la force de la Tueuse élue, elles sont quand même sacrément dégourdies. Et… je t’avouerais que les observateurs bien entraînés sont assez effrayants aussi.
Tout ce qu’il m’a révélé m’a fait beaucoup réfléchir cette nuit. A vrai dire, je ne me sens pas vraiment rassuré d’être dans la ville qui abrite des centaines d’observateurs et je ne sais combien de tueuses potentielles…
Finalement, je crois que je suis plutôt nomade. C’est ce qui me caractérise le plus. Je vais déménager une fois de plus, mais cette fois-ci, je vais éviter les capitales, c’est bien trop mal fréquenté !
[...]
Southampton, 19 août 1977
La nouvelle court partout en ce moment. Un vampire a réussi à tuer une Tueuse ! Et apparemment, ce ne serait pas sa première fois. Ce vampire s’appelle Spike. Les copains du bar m’en ont fait le portrait tout à l’heure. C’est tout à fait le genre de type à qui je voudrais ressembler ! Apparemment, il faisait parti de l’illustre gang d’Angelus. Ces deux types et leurs femmes, deux délicieuses créatures sanguinaires Darla et Drusilla, ont semé la terreur pendant quelques dizaines d’années… jusqu’au jour où ce malheureux Angelus (qui était pourtant un modèle pour beaucoup d’entre nous) a été maudit par des saloperies de Gypsies.
Heureusement, ça n’a pas empêché Spike de continuer les massacres et il s’est donné un défi plutôt intéressant : Celui d’assassiner les Tueuses. Il a réussi en 1900 en Chine et vient de réitérer l’exploit à New York. Quel démon, ça me laisse rêveur. Moi aussi, j’aimerais qu’on parle de moi dans le monde des ténèbres. J’aimerais faire quelque chose qui me distingue des autres. J’en ai marre de faire parti de ces trouillards qui se terrent dans les égouts en tremblant à l’évocation de la Tueuse. Au contraire, J’aimerais que les humains tremblent en entendant mon nom, que les démons et les vampires le prononcent avec admiration. Comme lorsqu’ils parlent de Spike, de Darla, de Drusilla… Ou même d’Angelus avant cette histoire de malédiction… C’est décidé à partir de demain, je m’entraîne à me battre… Et je me renseigne sur le tarif des mercenaires, on ne sait jamais…
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Bath, 8 février 1993
On m’avait dit que les Tueuses étaient fortes. Mais on avait omis de me dire qu’elles pouvaient être très jolies aussi. Après des mois de recherche pour savoir où elle se trouvait, après avoir monté un gang de vampires idiots, soumis, mais suffisamment forts pour se battre, je me suis offert le plaisir de l’espionner. Ma proie.
Quand je l’aurais tuée, tout le monde parlera de moi avec respect et admiration. Mais pour l’instant, l’épier est un vrai délice. D’ailleurs, je ne suis pas le seul à la trouver à mon goût. On dirait que son observateur pense la même chose que moi. Après les patrouilles de la jeune fille, ils se retrouvent chez lui et c’est parti pour la nuit. J’en serais presque choqué, si je n’étais pas un vampire bien entendu ! Dommage qu’elle soit une Tueuse. Si elle avait été une fille normale, j’en aurais bien fait mon quatre heures.
Pour en revenir à ma « mission », mes prochaines nuits seront consacrées à l’analyse de sa technique. Quand je me sentirai prêt, nous attaquerons.
Bath, 15 février 1993
Ce soir, nous avons affronté Trish. Quelle peste. Je retire tout ce que j’ai pu dire sur elle auparavant. Non seulement elle est insolente, mais en plus, elle s’est permis d’occire quatre de mes acolytes… Bon, ce ne sont que mes laquais, mais tout de même. Quel manque de correction ! La prochaine fois, elle ne s’en sortira pas aussi bien.
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Bath, 20 Mars 1993
… Nouvelle attaque… Nouvel échec. Cela commence à devenir agaçant. Tant pis, si je ne la tue pas de mes mains. Si mes attaques continuent à échouer, on va finir par se moquer de moi partout. Je dois trouver une solution très rapidement. Ce soir, un ami démon m’a parlé des mercenaires Morzheks. Pas cher et plutôt fidèle, ce démon est aussi très résistant… Il faut que j’y réfléchisse.
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Bath, 12 Avril 1993
C’est fait ! La Tueuse est morte. Bon, tout ne s’est pas passé tout à fait comme je l’ai prévu, étant donné que son observateur est arrivé et qu’il l’a aidé à tuer mes mercenaires. Heureusement, il n’a pas pu empêcher sa mort qui fût particulièrement sanglante pour mon plus grand bonheur. Et finalement, cela m’arrange bien que les mercenaires soient morts. Je n’aurai rien à payer !
Bon, par contre, l’amant de la Tueuse, son observateur est plutôt en colère. Ne sachant pas trop ce qu’il me prépare, je ferais mieux de quitter cette ville. Peut-être est-il capable d’appeler ses collègues, la nouvelle Tueuse et les potentielles pour se venger de moi ?
Malgré tout, mon rêve est réalisé, je suis le nouvel « Ennemi n°1 » des Tueuses, celui dont le nom éclipsera celui de Spike.
[…]
Vienne, 25 mai 1993
Quelle terrible déception ! Ici personne n’a entendu parler de mes exploits à Bath. Tout le monde sait que la Tueuse est morte, mais le monde des ténèbres s’accorde à en donner le mérite à ces saletés de démons Morzheks.
Pire, lorsque je leur dis que c’était moi son plus grand ennemi, personne ne me croit…
Il faut encore que je trouve quelque chose pour me distinguer…
[…]
Paris, 5 novembre 2002
Je sens le Mal Premier qui s’éveille. Je le sens qui m’appelle vers la Bouche de l’Enfer. Quelque chose d’énorme se prépare. Une véritable apocalypse approche et cette fois-ci, c’est lui qui en est l’auteur. Tous les démons et vampires sont invités à la fête. Cette fois-ci, je crois bien que c’est l’occasion ou jamais de me distinguer. Demain, je partirai pour les USA, j’y monterai peut-être un nouveau gang. Nous sèmerons le chaos sur notre chemin. Et je m’attaquerai en priorité aux ennemis principaux de mon Maître : les observateurs et les potentielles. J’espère me faire remarquer ! Peut-être même me donnera-t-il un rôle important dans cette nouvelle guerre ?
[…]
Huntsville, 5 février 2003
Ce soir, j’ai fait une rencontre plutôt intrigante. Alors que j’attendais tranquillement l’éveil de mon futur disciple, j’ai surpris une jeune potentielle qui « patrouillait » ! Et elle n’était même pas une Tueuse ! Quelle petite présomptueuse… Je me suis amusé avec elle un moment, mais rapidement quelque chose de très étrange s’est produit. Alors qu’elle me fixait méchamment, une chaleur terrible s’est dégagée de son corps, et j’ai presque senti grésiller mes cheveux. Fort heureusement, mon disciple a choisi ce moment délicat pour lui sauter dessus et la déconcentrer.
Quoi qu’il en soit, elle semble posséder un don encore incontrôlé de pyrokinésie. Aurait-elle des origines démones ? En tout cas, cela est très intéressant. Je vais la mettre sur ma liste de victime, cela fera sûrement plaisir au Mal Premier…
[…]
Huntsville, 8 février 2003
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Impossible de mordre le rejeton de la potentielle. Nous avons essayé Lucas et moi, mais chaque fois que nous nous approchons d’elle avec le désir de la mordre, elle se met à pousser des cris stridents et la même chaleur que celle de sa mère se dégage d’elle. Je pense même que le phénomène est plus fort que la dernière fois dans le cimetière. Les cheveux de Lucas se sont enflammés alors qu’il s’approchait d’elle. Je ne peux pas prendre le temps d’étudier ce cas. Dans moins d’une heure, nous tuons sa mère et l’observateur. Je m’occuperai du bébé plus tard. Mais malgré tout… Il y a quelque chose de louche dans leur héritage génétique. Cela m’étonnerait qu’elles soient entièrement humaines ces deux là.