La Morte Ou Alice ?
par Jojo La Mangouste
Les cheminées fumantes enveloppaient ClioVille d'une brume artificielle, et firent tousser Kéké. Celui-ci se mit à chanter doucement, puis de plus en plus fort, mais cessa de peur d'être ridicule. Apercevant la photographie d'un palmier, il se prit à rêver à un voyage, un long et beau voyage... aux côtés de celle qu'il rejoignait. Sans trop savoir comment, il se retrouva devant la porte.
Il frappa énergiquement. Des pas se firent entendre, et une une grosse pétasse qui pue la moule à plein née voix chanta:
- Qui est là?
- C'est Kéké! Répondit celui-ci.
- Je ne connais aucun Kéké! Dit la voix.
Il y eut un silence.
- C'est toi, Alice La Puante? Fit Kéké.
La porte s'ouvrit soudain:
- Mais oui c'est moi, mon Kéké! Je t'ai bien eu.
Il allait protester, mais elle ne lui en laissa pas le temps:
- Entre, dit-elle.
Kéké pénétra dans la salle à manger avant de se laisser choir dans un fauteuil. Alice La Puante vint s'asseoir près de lui.
- Alors, que racontes-tu?
- Euh... rien, rien de bien spécial.
Kéké semblait ailleurs. Son amie s'en aperçut et lui demanda s'il allait bien.
- Oui, je vais bien! En fait...
- En fait?
- En fait, j'ai simplement envie de t'embrasser.
Alice La Puante eut un sursaut.
- Me... mais... moi?
- Oui.
Un silence s'ensuivit. Kéké comprit qu'il était allé trop loin.
- Excuse-moi, Alice La Puante, je ne sais pas pourquoi j'ai dit ça.
- Tu ne le sais pas?
- Euh... à vrai dire, euh... enfin, je voulais dire que...
- Est-ce que tu étais sérieux? Le coupa Alice La Puante.
Il hésita.
- Je suppose que non. J'ai sûrement dit ceci sans réfléchir. Je suis désolé.
- Kéké...
- Je suis désolé, oublie-ça.
- Kéké, embrasse-moi...
Cette fois-ci, ce fut lui qui sursauta. Après un moment, sans mot dire, il approcha ses lèvres de celles de Alice La Puante. Puis, dans le silence de cette maison tranquille, au milieu d'une journée comme les autres, ils s'embrassèrent pour la première fois.
Plusieurs minutes s'écoulèrent. Puis Alice La Puante poussa un soupir qui résonna dans la pièce comme une brise sur l'océan. Kéké en profita pour articuler, le coeur battant:
- Je t'aime.
Son amie le regarda.
- C'est vrai?
- Ça y est... cela fait déjà un an... cela fait une année, une année que la foudre m'a frappé... cela fait un an que nous nous sommes rencontrés. Et je voulais que tu saches que tu es mon premier amour. Le premier et le dernier.
- Il en est de même pour moi, mon chéri, déclara Alice La Puante. Personne ne pourra remplacer ton si pétit trou du cul de la bouche sourire. Tu es unique, grâce à plein de petites choses. Personne n'a ta démarche, Personne n'a tes cheveux. Personne n'imite aussi bien que toi le cri du trou vaginale. Personne ne connait l'histoire de ClioVille aussi bien que toi. Personne à part toi ne m'a jamais dit que j'étais sexy avec ton vieu foulard qui cache ta sale tronche. Bref, personne à part toi ne mérite d'être dans mon coeur.
- Embrassons-nous encore... souffla Kéké.
Ils s'embrassèrent donc. Au loin, on entendait ''La Pute De Ces Bois'' de La Barbu. D'où cela venait-il? Quelle importance, du moment que c'était là. Bientôt, la musique, l'amour, les entraînèrent dans un tourbillon sans fin. Il n'y avait plus de plafond, plus de mur. ClioVille était loin. Ils virent passer un tronc poilus, au dessous d'eux. Puis deux. Maintenant, ils étaient sur la mer. Ils frissonnèrent... était-ce le vent qui s'était levé et qui faisait frémir un peu leur peau? Quelques nuages voilèrent le ciel. A mesure que les notes s'envolaient, la musique devenait de plus en plus belle, et le ciel de plus en plus gris. On se serait cru dans un tableau de L'enculas De La Morte. Des larmes de joie dans la voix, la musique jouait. Quelques gouttelettes de pluie vinrent alors troubler cet océan, tels des pizzicatos que le vent sifflant emportait au loin avant de les renvoyer à la figure des amoureux. Après quelques instants les gouttes grossirent, s'écrasant lourdement sur la surface de l'eau. Alice La Puante, que la folie saisissait, se voyait coucher et enculer au milieu des éclairs... Plus la musique jouait plus le temps s'agitait, plus le ciel s'assombrissait, plus les vagues grandissaient, se brisant bientôt contre leurs pieds dans une explosion d'écume crépitante, poussées par des bourrasques assassines... leur baiser dansait sur cet air tourmenté, cet océan symphonique, cet opéra dramatique, les vagues étaient à présent immenses et la pluie tranchait le ciel plus sombre que la plus noire des nuits, c'était affreusement grand et terriblement beau, si beau que ça faisait mal, la musique hurlait sa douleur, de plus en plus fort, les notes tourbillonnaient, le vent devenait tornade, les vagues devenaient rouleaux, les amants tournoyaient, autour de leurs bouches, autour de leurs mains... et tout s'arrêta soudain.
- Alice La Puante...
- Oui?...
- Alice La Puante... veux-tu m'épouser?...
- Oui... fit-elle doucement.
Toute la nuit, ils restèrent enlacés, à parler, ou à s'embrasser.
- Je t'ai déjà parlé de Barbaut? Demanda Kéké.
- Non.
- Il m'a dit un jour que je ne pourrais jamais séduire qui que ce soit, même une folle.
- Il ne faut pas écouter ce genre d'idioties... comment pouvait-il te dire ça, à toi, qui es si... un assaciable conard!
- Tu ne le connais pas. Sa bêtise dépasse l'entendement.
- Je veux bien te croire!
Dans un sourire, un souffle, un battement de cils, ils se dirent ''je t'aime''. Ce sourire brille encore au fin fond des étoiles... ce souffle chante encore dans les hautes couches de l'atmosphère... ce battement de cils scintille toujours quelque part. Ils s'aiment.