CINÉMA
Sortie en DVD d’Entretien avec un vampire.
L’éternel vampire tourmenté
Le film “presque” culte de Neil Jordan sort en DVD. Retour en arrière sur l’histoire d’un vampire pas comme les autres.
Qui n'a jamais rêvé d'être un immortel ? Cette faculté de vivre éternellement sur terre, sans jamais mourir. Cette vie, enviée par de nombreuses personnes n'a pourtant pas uniquement des avantages. Bien sur, pouvoir tout voir et tout vivre sur terre pourrait bien être une merveilleuse expérience. Vaincre ainsi la mort serait très appréciable. Mais la vie n'est elle pas plus excitante en sachant qu'elle se finira un jour ? Vivre sans jamais pouvoir savoir ce qu'il adviendra du futur qu'il soit encore long ou plutôt court !
Louis en a fait l'expérience, tout comme Claudia, Armand ou encore Lestat. Chacun de ces personnages, tout droit sortis de l'imagination sans limite de l'auteur britannique à succès, Anne Rice, ressentent chacun de leur manière la souffrance d'une vie dépourvu de finalité. L'excitation n'est plus au rendez-vous, la vie n'a plus aucun sens, la mort deviendrait la seule délivrance.
Le film débarque en 1994, juste après Dracula de Francis Ford Coppola qui remet à jour le genre vampirique au cinéma. Avantage ou handicap pour Entretien avec un vampire ? Peu importe, Neil Jordan met en scène assez sobrement l'histoire écrite par Anne Rice, mais le fait bien. On nous conte l'histoire comme un livre ouvert, comme l'autobiographie d'un vampire unique dont l'immortalité est un fardeau à l'instar de Vlad Tepes.
Louis de Pointe du Lac, le héros du film, ne s'imaginait pas devenir un jour un être de la nuit. Depuis la mort de sa femme en couche, la mort n'était plus que son unique souhait, son seul désir. Lestat lui ouvre alors les portes d'un nouveau monde, un monde sombre et cruel baignait par la nostalgie d'un passé irrécupérable.
La mise en scène est extrêmement sensuelle. Que se soit la morsure du vampire sur la chair dénudée de sa victime ou les nombreuses tensions sexuels entre les vampires, la sexualité est très présente. Lestat, le "professeur" et Louis, l'"élève", entameront d'ailleurs une relation des plus ambiguë. Éternellement lié par l'amour et la haine, cette relation homo-érotique se verra perturbé par la venue de la petite Claudia dans le monde perpétuel de la vie éternel. Engendrée à la fois par Lestat et Louis qui feront office de parents, elle débutera une relation incestueuse avec ce dernier. La passion dévorante mais éphémère entre deux être liés par la même souffrance : l'éternel solitude pour l'un, la continuelle prison corporel pour l'autre qui ne peut espérer voir un jour son corps de petite fille grandir.
Cette passion brûlante représentée dans ce monde par de nombreux effet lumineux opposés au monde général du vampire, le monde de la nuit. Philippe Rousselot (directeur photographique) a su recréer une atmosphère à la fois douce et oppressante, suintante et brûlante. Le feu est d'ailleurs tout à son honneur puisqu'il est interminablement représenté. Dévastateur, il ne permet pourtant pas d'estomper la réalité, de rayer symboliquement une part de sois-même comme le fait si bien notre héros à chaque coup dur. Le feu ne permet que d'effacer les preuves matérielles, malheureusement pour lui.
On peut notamment en voir un exemple dans une scène se situant à peu près au début du film. Son esclave étant sa première victime, dépendant de sang humain pour survivre, il la videra d'ailleurs de ce liquide vitale par le poignet et non par le cou, sans doute pour garder un ordre hiérarchique. Sa vie, tout comme son honneur dégringole tout comme le repas du soir symbolisant sa chute vers les abîmes. Il lui en faut peu alors pour mettre le feu dans sa demeure, pour effacer et oublier ce qu'il vient de faire, pour se débarrasser du démon en lui. Le feu a ainsi un effet libérateur sans pour autant nous faire oublier que le héros de l'histoire est en train de vivre un véritable enfer !
La musique, signée Elliot Goldenthal, ne nous aide qu'à ressentir la souffrance du personnage. Parfaite en tout point de vue : violente à la naissance d'un nouvel être de la nuit, lascive à chaque rapport entre humain et vampire, mélancolique à chaque affliction des personnages, elle nous immerge plus facilement dans le film.
Les acteurs jouent parfaitement leur rôle. On regrettera sans doute quelques failles face au roman original, Armand (joué par Antonio Banderas) étant normalement un adolescent; ou encore Lestat (joué par Tom Cruise) ayant une image bien plus terne et grave dans le livre, incitant ainsi Anne Rice a boycotté le film elle-même (chose qu'elle se ravisera de faire après avoir vu le film) !
En ayant vu ce film, peut on encore être tenté par l'immortalité ? Malgré quelques longueurs, le film nous offre la chance d'avoir le point de vue d'un immortel sans doute peu enviable. Force est de constater qu'Entretien avec un vampire ne laisse pas indifférent. "Demi chef-d'œuvre", le film est sans doute arrivé un peu trop tard pour être qualifié de culte, reprenant sans gêne la recette de Dracula, sortie deux ans plus tôt. Pourtant, cette entretien entre Louis et Daniel (son interviewer) restera à jamais dans les mémoires. La mort serait sans doute finalement un cadeau pour Louis, vidé par son éternel existence. Quoi qu'en pense Daniel, la vie éternel n'est sûrement pas un don
mais plutôt une malédiction.