Note de Kally : quelques lignes proviennent de l’épisode Touched (saison7), mais il n’y a pas vraiment de spoiler si vous n’avez pas vu l’épisode…
CHAPITRE 14 – JUSTE UNE PETITE FLAMME
Nous ne parlons pas sur le chemin de l’hôpital. Elle ne proteste même pas contre le fait que je conduise au-delà de la vitesse autorisée ou contre le fait que je viole quelques autres règles du code de la route. Je ne suis pas sûr qu’elle soit toujours là.
Je sais qu’elle a peur, je le sais à cause de ce regard dans ses yeux et la façon dont ses mains sont serrées, si fort que ses ongles sont plantés dans ses paumes et l’odeur du sang frais s’ajoute à celle du sang séché.
Je sais qu’elle a peur, mais je ne sais pas quoi lui dire pour essayer de la réconforter. Je ne peux pas lui dire que tout ira bien, pas quand je ne sais rien de ce qui se passe, pas quand nous pourrions arriver là-bas et nous entendre dire que… non, il ne faut pas penser à ça.
Je sais qu’elle a peur, et c’est presque étrange d’une certaine manière, parce qu’elle n’avait pas peur tout à l’heure, quand elle était seule – ou presque – contre un bar plein de démons. Mais maintenant, la seule pensée que la Princesse ne va pas bien l’effraye plus que de raison. C’est la Tueuse. Incroyablement forte, mais en dépit de tout, toujours si humaine.
Je sais qu’elle a peur, et j’ai peur aussi. Et c’est stupide de ma part d’avoir peur pour cette gosse. Je l’ai à peine vue deux fois, ce n’est pas assez pour être autant attaché à quelqu’un. Et d’une certaine façon, une partie de moi se souvient d’autres enfants – je ne les aimais pas particulièrement moi-même, mais Dru les adorait. La mort d’un enfant ne m’a jamais posé de problème jusqu’à aujourd’hui. Alors, pourquoi maintenant ? C’est entièrement la faute de la Tueuse. Elle m’a rendu faible et doux, et trop humain.
Nous arrivons finalement, et Buffy se précipite hors de la voiture avant même que je ne coupe le moteur. Je l’attrape avant qu’elle n’entre, ma main agrippant son épaule pour l’arrêter. Les yeux affolés, elle me regarde, et regarde le manteau que je lui tends, ne comprenant visiblement pas, voulant clairement une seule chose, voir sa fille.
“Tu es prête à répondre aux questions que ça va entraîner ?”, je demande en faisant signe vers elle et sa silhouette.
Fronçant les sourcils, elle se regarde, et réalise dans quel état elle est. Du sang, le sien et de différents démons, tache sa veste et la chemise en dessous. Il y a aussi cette coupure sur son avant bras, qui ne saigne plus, mais qui a détrempée la manche de sa veste. Si elle entre là-dedans comme ça, les infirmières penseront qu’elle est là pour être aidée, pas pour voir sa gosse. Acquiesçant pour démontrer qu’elle a compris, elle accepte le manteau, et il semble l’engloutir quand elle glisse ses bras dans les manches. Elle attache quelques boutons sur le devant pour le garder fermé. Il est trop grand, mais ça ira.
A présent présentable, elle se précipite vers l’entrée des urgences de l’hôpital, et que puis-je faire d’autre à part aller avec elle ?
Elle essaie de parler à une infirmière, mais avant qu’elle n’ait fini d’épeler son nom, elle aperçoit Alex quelques mètres plus loin, et elle va simplement vers lui. Je la suis, restant assez près pour entendre ce qui se passe, mais pas trop quand même. La dernière chose dont j’ai besoin maintenant, c’est d’entendre les récriminations de l’autre truffe sur la présence d’un vampire dans un hôpital. La conversation est brève, Alex désigne une chambre de l’autre côté du couloir, et Buffy y court. J’hésite une seconde à la suivre, quand l’autre humain déclare :
« La famille seulement, Mort Vivant ».
Je lui jette un regard glacial, pour la seule raison qu’il m’a toujours agacé, et ce soir ne déroge pas à la règle.
“Qu’est-ce que tu fais là ?”, demande-t-il, pas trop fort, pas trop agressivement, presque mais pas tout à fait poliment. Juste une question, pas d’accusation. Ca, c’est nouveau.
“J’ai conduit la Tueuse”, je réponds sur le même ton.
Il acquiesce, et son regard glisse vers l’endroit où Buffy a disparu avant de revenir sur moi.
“Tu étais en train de patrouiller avec elle ?”
L’interrogatoire devient agaçant. « Ca te regarde? », je demande brusquement.
Il hausse les épaules et tourne la tête. Je jette un œil en direction de la chambre où je meurs envie d’aller. Il y a trop de bruit dans les alentours, trop de voix, et je ne peux pas capter ce qui s’y passe. Et puis, l’odeur de sang qui m’entoure est si forte qu’elle me rend presque fou. Je me suis déjà nourri ce soir, mais du sang frais contre du sang dans un emballage ? Ca n’a rien à voir. Mon Dieu, j’ai besoin d’une cigarette. Je n’en fumerai pas une cependant, parce que, même s’il n’y avait pas davantage de panneaux ‘Interdit de fumer’ que de blouses blanches dans les alentours, mes cigarettes sont dans mon manteau. Et mon manteau est sur Buffy, dans cette chambre où je ne peux pas entrer car je ne suis pas de la ‘famille’.
« Buffy a dit que tu ne… chasses plus ».
L’accent qu’il met sur le mot, autant que le léger ton interrogatif, ne laisse aucun doute sur le sujet de la conversation. Elle lui a dit – l’a dit à sa bande, je suppose- que je ne tue pas. Je croise son regard directement, mais je ne réponds pas à la question implicite. Est-ce que c’est vrai ? Qu’est-ce que ça peut bien lui faire que ce soit vrai ou non ?
“On a plutôt du mal à le croire”, il continue alors qu’il est clair que je ne vais pas répondre. « Je ne veux pas te froisser, mais tu as toujours dit que tu nous tuerais aussitôt que tu le pourrais ».
Je ne réponds toujours pas à ça. Ce n’est pas une surprise qu’ils ne me croient pas – ils ne m’ont jamais fait confiance, n’est-ce pas ? Même après avoir passé cent quarante sept satanées nuits à leurs côtés, combattant avec eux, ils ne m’ont pas fait assez confiance pour me dire qu’ils allaient ramener Buffy. Et une fois qu’elle était revenue, c’était comme si que nous nous étions jamais sauvés la vie mutuellement trop de fois pour les compter pendant cet été-là. Ils m’ont écarté. Et puis, elle m’a envoyé balader. J’ai beaucoup de mal à cette seconde à me souvenir pourquoi je suis revenu.
“La théorie de Will’ est que tu aurais récupéré une âme quelque part », il poursuit ramenant mon attention vers lui.
Je peux juste le regarder, incrédule. Et puis, je ne peux pas m’empêcher. Je ris. Moi, une âme ? C’est la chose la plus ridicule que je n’ai jamais entendue !
“Ouais, c’était ma réaction aussi”, dit-il avec un large sourire. « On peut cependant lui attribuer quelques points pour l’imagination, hein ? »
Me calmant un peu lorsqu’une infirmière qui passe me regarde, je jette au garçon un regard amusé.
“Et quelle est ta théorie, macaque ?”, je ne peux m’empêcher de demander.
Il ne relève pas l’injure provocante. Au lieu de ça, il ne fait que me regarder calmement.
“Ma théorie est que tu es sur le même chemin qu’avant de partir. »
« Ce qui serait ? »
“Traîner dans les jupons de Buffy”.
Et une fois de plus, je ris. Sauf que cette fois, ça ne paraît pas aussi sincère qu’avant, au moins pas à mes propres oreilles. Ce qui est presque drôle, c’est que nous avons déjà eu cette conversation auparavant, et elle s’est toujours terminée avec lui me menaçant – pas très original - de m’enfoncer un pieu dans le cœur. Mais à présent, il a l’air plus perplexe devant ma réaction que protecteur envers la Tueuse. Comme si elle avait besoin de protection de toute manière.
“Devine encore”, je lui dis, souriant un peu à son air à nouveau perplexe.
Mon attention retourne à la porte derrière laquelle Buffy se trouve, et il y a du mouvement à présent, Dawn sort, puis un docteur, puis Buffy, tenant la Princesse, tous venant vers nous. Avant qu’ils ne soient assez près pour entendre, Alex parle une fois de plus, sur un ton à la fois de mise en garde et suppliant.
“Je crois que tu n’es pas ici pour nous tuer, parce que tu l’aurais déjà fait. Mais quels que soient tes plans, si tu lui fais du mal, ou à un de nous, intentionnellement ou non, je te tuerai, sans puce et tout. Mise en garde équitable ».
Je veux presque rire à nouveau, parce que la menace est plutôt comique venant de lui. Mais alors que je le regarde, prêt à lui dire exactement où il peut se mettre sa mise en garde ‘équitable’, il ajoute en murmurant à présent :
“Elle a assez souffert Spike. N’en rajoute pas ».
Et le diable si je sais quoi répondre à ça.
***
La doctoresse dit que ce n’est rien, et je peux recommencer à respirer. Elle dit quelque chose à propos d’une dent prête à percer, elle dit que c’est inhabituellement tôt pour un bébé d’avoir une première dent mais pas exceptionnel, et les mots ne font que glisser sur moi. Maryan va bien. C’est la seule chose qui compte à présent. Elle va bien. Nous discutons un peu plus, et je sais que je réponds à des questions au sujet de ma fille, je sais que je pose des questions moi-même, j’écoute les instructions et les recommandations, mais ce n’est vraiment pas important maintenant. Maryan va bien. Dieu merci.
Dawn sort la première et s’avance directement vers l’endroit où Spike et Alex sont en train de discuter. Si je pouvais être capable de penser là maintenant, je serais probablement surprise du fait qu’ils sont tous les deux vivants et apparemment pas en train de se battre. J’entends Dawn leur dire que Maryan va bien – quels mots magnifiques- et ils partagent le même regard de soulagement. Et puis, j’entends la phrase la plus renversante venant de la doctoresse alors qu’elle voit Spike :
« Alors, voilà d’où viennent les yeux magnifiques de cette petite demoiselle ! »
Nous nous regardons tous, plutôt déconcertés par l’hypothèse de la femme qui voudrait que Spike soit le père de Maryan. Nous savons tous les quatre que d’une part, il ne peut pas avoir d’enfant, et d’autre part, il n’était même pas en ville quand elle a été conçue. Spike a le regard le plus bizarre, en partie content par le compliment, et en partie… je ne sais pas, triste peut-être. Aucun de nous ne relève –je ne sais pas ce que nous aurions pu dire- et nous quittons simplement l’hôpital. Et je me souviens que la première fois que j’ai vu Maryan, j’ai pensé exactement la même chose. Aussi ridicule que ça peut paraître, elle a les yeux de Spike.
Alors que nous quittons le parking, Dawn demande pourquoi je porte le manteau de Spike, la question qui la tiraillait depuis que je suis entrée dans la salle d’examen. Passant Maryan d’un bras à un autre, je m’efforce d’enlever le manteau pour le rendre à son propriétaire. Dawn et Alex font la grimace en voyant mes vêtements tâchés de sang, mais je les rassure en leur disant que ce n’est pas mon sang. Spike lève un sourcil à ça, mais heureusement il ne fait aucun commentaire. Ils n’ont pas besoin de savoir que j’ai été blessée et s’inquiéter pour moi. Ce n’était pas si grave de toute manière.
Puisque l’appartement d’Alex est dans la direction opposée à ma maison, je m’efforce de le convaincre de laisser Spike nous ramener. C’est plutôt surprenant qu’il ne proteste pas, mais il lance à Spike quelque chose qui ressemble à un regard de mise en garde. Je me demande ce qui s’est passé quand ils étaient seuls.
Quelques minutes plus tard, nous sommes à la maison. Comme on pouvait s’y attendre, Spike traîne dans les alentours, parlant à Dawn mais je m’en fiche. Je suis trop fatiguée pour m’en soucier ou être heureuse, ou penser. Je mets Maryan, qui s’est assoupie dans la voiture, dans son berceau, et je vais prendre une douche rapide. Quand je sors de la salle de bain, à présent débarrassée de sang et de différents fluides démoniaques, et portant mon pyjama, je trouve Spike penché sur le berceau, comme cette première nuit. Sauf que ce soir, je sais qu’il ne lui ferait aucun mal. Je ne peux m’empêcher de sourire en voyant ce regard pris sur le fait sur son visage. On dirait que regarder les bébés dormir n’est pas bon pour l’image du Big Bad, ou c’est ce qu’il pense.
“J’étais juste, euh, en train d’attendre pour dire au-revoir”, se sent-il nécessaire d’expliquer sa présence.
J’acquiesce, lui disant sans mot que c’est OK, et puis je remonte la manche de mon haut, mettant à nu mon avant bras et la coupure qui le traverse.
“Est-ce que ça t’embêterait de me faire un pansement ?”
En y regardant mieux, c’était plutôt profond. Pas assez profond pour nécessiter des soins médicaux, mais assez sérieux pour que je préfère avoir un pansement plutôt que de laisser la plaie se rouvrir et tâcher les draps durant la nuit. Il fronce les sourcils à la vue de la coupure, comme s’il ne s’était pas attendu non plus à ce qu’elle soit si profonde.
« La trousse à pharmacie ? », demande-t-il.
« Dans ma chambre. »
Avant de sortir, je prends doucement Maryan. Elle dormira avec moi ce soir, j’ai eu si peur, je ne la lâche plus à moins que j’y sois obligée. Je m’assois sur le bord du lit, tenant mon bébé avec le bon bras, et j’ouvre le tiroir qui contient le matériel. Spike s’agenouille devant moi et s’attèle à sa tâche, concentré alors qu’il désinfecte efficacement la coupure, la couvrant avec de la gaze, et la pansant.
“Si j’avais su que c’était si profond”, dit-il doucement alors qu’il travaille, “je serais intervenu pour aider”.
Je ne sais pas pourquoi, mais ses mots font tomber les dernières barrières de défense, et des larmes silencieuses commencent à couler sur mes joues. Il me regarde quand je renifle, et il semble surpris par ce qu’il voit. Ce n’est pourtant pas la première fois qu’il me voit pleurer.
“Qu’est-ce qui ne va pas ?”, demande-t-il pas plus fort qu’un murmure.
« J’ai eu si peur. »
Il sourit gentiment alors qu’il tente de sécher mes larmes. « Elle va bien, amour. Vous allez bien toutes les deux. Pas de raison de pleurer à présent. »
“Mais je n’étais pas là”, je tente d’expliquer, tenant Maryan un peu plus fort. « Elle avait mal et je n’étais… »
“Shh… ça n’aurait rien changé si tu avais été là, n’est-ce pas ?”
Tout ce que je peux faire, c’est secouer la tête. C’est vrai, je n’aurais eu aucune idée de la manière de l’aider si j’avais été là. Mais au moins, j’aurais été là, et pas à l’extérieur combattant des démons et risquant ma vie.
“Mais tu devais le faire”, proteste-t-il doucement quand je le lui dis. « Grâce a la manière dont tu t’es battue ce soir, tu seras en sécurité demain soir, et toutes les nuits qui suivront. Tu comprends ça, non ? »
Avalant mes sanglots, j’acquiesce. Oui, je sais ça, mais ça ne change rien au fait que j’ai eu si peur.
Il secoue légèrement sa tête, un sourire s’affichant sur ses lèvres.
« Tu es une sacrée femme tu sais ? »
Et je ne sais pas quoi répondre à ça.
Il retourne à mon bras et bientôt, il a fini de le bander. Quand ses yeux croisent les miens à nouveau, je ne peux m’empêcher de souhaiter que oui, Maryan ait hérité de lui ses yeux bleus. Je ne peux m’empêcher de souhaiter qu’il ne soit jamais parti. Je ne peux m’empêcher de souhaiter qu’il ne reparte jamais. Parce que, même s’il dit qu’il ne m’aime plus, il y a toujours cette flamme dans ses yeux. Je ne sais pas comment l’appeler. De la tendresse peut-être, si ce n’est pas de l’amour. Une foi. Ou de la confiance. Pas en lui, mais en moi. Une petite flamme qui dit, ‘Buffy peut le faire, je sais qu’elle le peut’. Et cette flamme peut si bien me réchauffer, elle fait que tout va bien à nouveau. Regardant cette flamme, j’ai le sentiment soudain que je vais aller bien, que je ne laisserai pas les démons me tendre une embuscade, ou penser que je suis faible à nouveau, que je prendrai soin de Maryan pour ne plus avoir peur comme ce soir, que je ne serai plus jamais seule. Tout ça grâce à cette petite flamme.
Et alors qu’il se lève et commence à s’éloigner de moi, disant déjà bonne nuit, je ne peux supporter de laisser la flamme s’en aller. Pas maintenant. Pas ce soir. Pas quand j’ai tant besoin – envie – d’être réchauffée et réconfortée, comme je réconforte Maryan. Au diable les conséquences. Au diable ce que peuvent penser les autres. Je suis fatiguée de prétendre que je n’ai besoin de l’aide de personne. Fatiguée de prétendre que je n’ai besoin de personne.
« Spike… est-ce que tu pourrais rester là ? »
Il se retourne et me regarde, clairement perplexe. Puis il hausse les épaules.
“Bien sûr. Je vais faire comme chez moi et prendre le canapé. Tu n’auras qu’à crier si…”
“Non”, je l’interromps doucement, et je peux sentir le rouge sur mes joues. « Je veux dire… ici. »
Je bouge un petit peu sur le lit, lui laissant suffisamment de place, et j’ajoute dans un murmure, soudain terrifiée par le fait qu’il pourrait rire et refuser :
« Est-ce que tu peux juste me tenir dans tes bras ? »