AiMa
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Mageprincesse
Inscrit le : 17 Mar 2003
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Localisation : in the tardis
Séries favorites : Dr Who for the moment
Mageprincesse
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Voici un petit récit écrit aujourd'hui à partir d'une idée qui m'a poursuivie dnas mon sommeil
Ce n'est pas très joyeux
Toute critique sera la bienvenue
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Ce n'est pas très joyeux
Toute critique sera la bienvenue
Citation :
Je me réveille, pleinement consciente pour la première fois depuis plusieurs jours. Les yeux toujours fermés, je reste sans bouger, essayant de reprendre contact avec mon corps. Quelque chose a changé.
La douleur. Elle a disparu, me laissant seule. Elle m’accompagnait pourtant depuis si longtemps que je me sens comme abandonnée. Elle était là, présente à chaque instant, lancinante, parfois si forte qu’elle me submergeait telle un raz de marée, obligeant tous mes sens à se concentrer sur elle, parfois apaisée comme assourdie par une augmentation des doses de morphine, injectées en continu. Elle était devenue ma compagne, toujours fidèle, la manifestation de ma vie qui continuait. Je lui parlais parfois, discutant longuement afin de lui arracher une trêve durant laquelle elle se retirait en partie, me laissant parler à mes proches. J’avais vite compris qu’il ne servait à rien de l’attaquer de front et qu’elle serait toujours la plus forte mais par de subtils discours intérieurs, je parvenais à la circonvenir, à la maîtriser partiellement.
Depuis mon réveil, elle n’est pas encore apparue et son absence, incompréhensible, me retient d’ouvrir les yeux. Je ne parviens cependant pas à rester immobile, je veux savoir si elle va revenir au moindre mouvement. Je prends appui sur mes mains et m’assois lentement sur le bord du lit. Je reste ainsi quelques instants le regard fixé sur la porte. Elle n’est toujours pas là. Je me prends à espérer qu’elle est partie à jamais et que je suis guérie. Soudain, la porte s’ouvre et Martine, une des aides soignantes qui s’est le plus occupé de moi, entre. Ses gestes sont lents et son regard est triste, fixé sur le lit. Elle ne me voit pas. Je me retourne lentement et je découvre mon corps étendu sur le lit, froid et inerte. Mes yeux sont fermés et ma tête est légèrement inclinée sur le côté. L’illusion que j’ai essayé de maintenir depuis mon « réveil » se dissipe enfin. La douleur est partie avec la vie. Je ne suis plus qu’un cadavre sur un lit d’hôpital. Je reste là, immobile, contre le mur, observant Martine. Elle retire doucement l’aiguille qui me reliait à la pompe à morphine et effleure d’une caresse mon visage... non, le visage de mon cadavre.
Je suis toujours dans mon ancienne chambre. Des brancardiers sont venus emporter le corps à la morgue et la chambre a été nettoyée, prête à accueillir un nouveau malade. Je ne sais pas combien de temps s’est écoulé depuis que je suis devenue... quoi ? Un fantôme ? Un spectre ? J’ai essayé de définir ce que je peux faire. Je vois, j’entends et je sens toujours, bien que plus faiblement, les odeurs de désinfectant si caractéristiques des hôpitaux. Par contre, je n’ai pas de corps. J’ai essayé de me regarder mais là où aurait du se trouver mes bras, mes jambes, mon torse, il n’y a que du vide. J’ai essayé de toucher un objet mais avec quoi ? Je n’ai pas de main pour saisir, pas de pieds pour marcher. Cependant, je peux me déplacer, il me suffit de penser « je marche vers cette porte » pour que je m’en rapproche. Mais même si je n’ai plus de corps, je ressens encore son existence, comme un amputé ressent des fourmillements dans son membre manquant.
La nuit est là et je ne discerne plus rien. Le manque de sensations me pousse à quitter la pièce, à la recherche d’une source de vie qui pourrait me donner l’impression que je vis encore. Je traverse sans y penser la porte et suis le couloir éclairé jusqu’à la salle de garde des infirmières. Je les connais toutes et écoute avec attention leurs récits toute la nuit. J’ai essayé de m’approcher le plus possible d’elles pour voir si elles ressentaient ma présence mais rien ne s’est produit.
Je suis là depuis plusieurs jours, arpentant le couloir du service d’oncologie. Je n’ai pas tenté de le quitter. Une seule question m’obsède depuis la première nuit que j’ai passée ici. Dois-je chercher à voir ma famille, mes amis ? Je sais qu’ils ne pourront pas me voir ou me sentir. Je suis morte et rien ne changera cette vérité. Cependant, je me languis de leur présence, de leurs rires, de ces petites histoires de famille qui n’ont de sens, racontées, que si on les a vécues. Je me décide enfin à quitter le service. Je suis les visiteurs qui se dirigent vers les ascenseurs. C’est étrange, j’ai gardé des habitudes de vivant. Je ne conçois pas de descendre au rez-de-chaussée en traversant le sol.
Je suis devant les portes d’entrée de l’hôpital. Automatiques, elles ne cessent de se fermer et de s’ouvrir dans un va et vient perpétuel et hypnotisant. Je prends une grande inspiration mentale et me dirige fermement vers la porte. Je me heurte à un mur qui me renvoit plusieurs mètres en arrière. J’essaye de le forcer, m’arc-boutant mentalement pour donner plus de force à mes tentatives. Rien n’y fait.
J’ai essayé de traverser tous les murs, toutes les fenêtres, tous les sols et plafonds de cet hôpital donnant sur l’extérieur mais toutes mes tentatives se sont soldées par des échecs. Je suis bloquée dans cet hôpital.
Je ne sais plus depuis combien de jours ou de semaines je suis ici. J’ai exploré mon environnement dans les moindres recoins, visitant toutes les chambres, les salles d’opération et même la morgue. Je suis restée une semaine dans la chambre d’un homme à l’agonie, espérant rencontrer son fantôme après sa mort. Rien. Si je ne suis l’unique spectre de cet hôpital, les autres me demeurent invisibles. Je me suis lassée des paroles des humains. Elles ont perdu tout sens pour moi. Que m’importe les succès des médecins, la peine des familles, la douleur des victimes ? Je perds progressivement l’odorat. Je me suis réfugié dans la bibliothèque, pensant trouver un intérêt dans les revus ou livres. Je reste parfois des heurs penchée sur une livre laissé ouvert ou un article de journal. Les mots qui me semblaient auparavant si plein de sens et de magie perdent peu à peu toute substance et couleur. Je n’y vois plus que des signes, quasi identiques ornant des feuilles blanches. Je reste cependant dans cette pièce. Les murs sont couverts de fresques de couleurs vives et je reste de longues heures à les contempler. Je me suis rendue compte que les sens de l’ouie et de l’odorat étaient passés à l’état de fantôme. Je n’entends plus les humains qui entrent chercher un ouvrage. Ma vue également devient moins précise. Je reste sensible aux couleurs mais les nuances de gris se confondent et les détails se fondent.
Je n’ai plus aucune notion du temps. Depuis des jours, des semaines, des mois ? je reste là, coupée du monde extérieur. Je me souviens de couleurs étincelantes. Je suis perdue dans une brume mouvante où mes pensées se perdent. Ma conscience s’effiloche comme une vieille tapisserie dont on s’amuse à tirer les fils un à un. Je ne suis plus qu’une trame usée qui se dissous lentement.
Je. Je. Je ? Jeu ? Il. Il. Elle ?
Rien.
Enfin.
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