Alors que Tram vérifiait leurs montures et examinait leurs sabots pour s’assurer qu’aucun fer n’avait été perdu, Vamp et Tawi visitèrent le village pour choisir leur futur domicile pour la nuit. Elles arrêtèrent leur choix sur la plus vaste et solide demeure du village, une bâtisse de pierre, disposant d’une grande salle centrale et d’un vaste grenier, susceptibles de tous les accueillir. Tawi contrôla avec soin chaque pièce, cherchant à détecter des sorts ou enchantements éventuels laissé par le sorcier qui avait vidé ce lieu. Au bout d’une longue demi-heure durant laquelle Vamp vérifia la solidité des portes et du toit, faisant déguerpir une colonie de rats qui s’était installée dans un recoin du grenier, Tawi déclara la demeure apte à les accueillir. Aussitôt, Vamp confia à Tram une nouvelle tâche tout aussi gratifiante que la première. Il devait apporter du foin, le plus frais qu’il puisse trouver, au grenier afin de leur fabriquer des couches pour la nuit. Ce dur labeur ne lui permit pas d’observer Com comme il en avait eu l’intention. De plus, l’archer s’était attribué une minuscule pièce située au rez-de-chaussée et qui donnait sur la grande salle. Elle avait du servir de réserve et disposait encore de crochets au plafond, malheureusement vides de jambons. Dès sa découverte, Com avait proposé de l’occuper avec Meryl. Il avait insisté auprès de Vamp sur le sommeil troublé du bébé qui se réveillait fréquemment la nuit. Il n’en n’avait pas fallu davantage à Vamp pour qu’elle accepte ces dispositions. La jeune femme ne savait toujours pas quoi faire de cette enfant et ne tenait pas à s’en occuper.
Com avait disposé un peu de foin sur le sol et l’avait recouvert d’une couverture. Dans ce nid douillet, il avait installé Meryl qui s’était aussitôt endormie. Il retrouva ses camarades dans la grande salle. Un grand feu avait été allumé et des bancs avaient été rassemblés près de la grande table de chêne. Seul Samaël et MissO était absents. Le démon avait pour mission de surveiller la panthère et de ne pas la laisser s’approcher de sa maîtresse. Vamp les avait exilés de la demeure au grand dam de Ma’non qui ne voyait pas d’un très bon œil son démon familier demeurer seul avec une panthère au poil luisant et aux yeux de jade.
Une fois leur repas frugal terminé, Vamp enferma Samael et MissO dans la grange attenante et confia le premier quart à Hunter. Elle allait désigner Com pour le second quand Tram se proposa avec enthousiasme. Il la regardait en souriant, l’air fier et la main posé sur son épée dans une attitude conquérante. Vamp échangea un regard amusé avec Com devant la faconde du jeune homme. Elle hésita quelques instants mais se décida à faire confiance à Tram.
-Tu peux prendre le second quart mais au moindre problème, tu réveilles Com, compris ?
-Pas de souci, M’dame, répondit en souriant Tram.
-Et pas d’aventures en solitaire, ou de fanfaronnades !
-Ne t’inquiètes pas, Vamp. Ce n’est pas la première fois que je prends un quart, protesta-t-il.
-Peut-être mais tu étais toujours en binôme, grommela la mercenaire.
-Com a besoin de sommeil, surtout avec le bébé, répliqua Tram. Je sais que Meryl se réveille souvent. Elle n’est pas toujours facile.
Com sourit et approuva de la tête.
-Merci Tram. Son sommeil est souvent troublé, ce qui est normal compte tenu de tout ce qui s’est passé. D’ailleurs, je vais vérifier qu’elle va bien.
Com les quitta pour rejoindre Meryl dans le petit cagibi qu’il avait aménagé.
Hunter sortit faire un dernier tour d’inspection pendant que le reste de la troupe s’installait dans le grenier. Avalon avait été placée tout au fond, séparée de la seule sortie par plusieurs couches. Cela ne l’empêcherait pas de tenter de s’évader mais ne lui faciliterait pas la tâche.
Quatre heures plus tard, Hunter réveilla Tram et le remplaça avec bonheur dans le grenier. Tram descendit et se passa de l’eau froide sur le visage pour sortir du sommeil. Il secoua la tête comme un chien fou sortant d’une mare, projetant de petites gouttelettes d’eau dans la salle principale. Il se redressa, la tête claire et les yeux bien ouverts, prêt à affronter ces quatre heures de garde. Tout était calme, les seuls sons audibles étaient ceux des doux ronflements de Com, du craquement des bûches dans l’âtre, du trottinement menu des rongeurs qui longeaient les murs ou le crissement des lattes de bois. Tram sortit quelques instants. La nuit était claire et la lune rousse présentait son premier quartier. La fraîcheur de l’air chassa définitivement les derniers lambeaux de sommeil et Tram respira à grandes bouffées l’air pur de la nuit. Il aimait ces heures sombres où l’obscurité est profonde et tentante, si pleine de vie cachée. L’heure n’était pas à la méditation ou au recueillement, se morigéna-t-il tout en se dirigeant vers la grange. Il entrebâilla la porte et vérifia que la panthère d’Avalon était toujours là. Elle était endormie, couchée sur le côté, ses flancs se soulevant lentement au rythme de sa respiration. Tram aperçu non loin Samaël qui avait levé la tête en entendant la porte grincer. Le jeune homme lui sourit et referma doucement la porte. Il revint vers la demeure où il demeura aux aguets. Une heure plus tard, il revint dans la salle et but un grand verre d’eau fraîche. Rien n’avait bougé mis à part la porte du cagibi de Com qui était désormais entrouverte. Tram s’approcha en silence, sa curiosité en éveil. Il avait peut être là l’occasion d’en savoir plus sur Com et Meryl. Il ouvrit doucement la porte, guettant le moindre changement dans le rythme régulier du souffle de Com. Passant la tête dans l’ouverture, il parcouru cet espace si petit qu’il était entièrement occupé par la couche sur laquelle reposait Com. Il était allongé sur le côté, un bras lui servant d’oreiller, l’autre entourant Meryl qui était calée contre son torse. Ils formaient un tableau paisible. Tram sourit devant ce spectacle, notant que le bébé avait refermé sa main droite sur la tunique de Com, s’accrochant à lui. Tram allait refermer la porte lorsqu’il nota, posé sur la couche, à moitié dissimulé par une couverture, un objet sphérique qui chatoyait faiblement. Il se mit à genoux et s’en approcha, prenant garde à ne pas faire de gestes brusques. Un gémissement de Com le fit instantanément se figer dans une position inconfortable, une main près l’objet et l’autre sur le sol. L’archer bougea légèrement dans son sommeil, remontant un peu la couverture et libérant la sphère ainsi dévoilée. Tram la prit délicatement et se releva lentement. Il avait déjà remarqué cet objet et l’attention jalouse que lui portait son propriétaire. S’éloignant de la porte, Tram s’assit sur le sol et tourna la sphère dans ses doigts, l’observant avec soin. Elle semblait tout à fait ordinaire, faite d’un verre bleuté aux multiples occlusions. Sa surface était lisse et reflétait en partie l’image de Tram. Elle ne correspondait pas à ses souvenirs. Elle lui avait semblé vivante, pleine de lumières et de couleurs lorsque Com la regardait sur le navire. Il eut beau la retourner dans tout les sens, essayer de la caresser pour déclencher une quelconque réponse, rien ne se passa. Déçu, Tram la replaça avec soin sur la couche de Com. Il commençait à se demander si son imagination débordante n’avait pas extrapoler à partir de gestes anodins et de reflets sur une sphère. Il abandonna l’idée d’en parler à Vamp, ne tenant pas à paraître une nouvelle fois ridicule à ses yeux.