Le format MP3 est-il légal ?
Accusé MP3, levez-vous.
Considérés par le grand public comme des « œuvres libres », les fichiers musicaux MP3 constituent pourtant des œuvres de l'esprit protégées par le droit de la propriété littéraire et artistique. Afin de faire toute la lumière sur les différentes rumeurs circulant sur le réseau concernant la légalité ou l'illégalité des MP3 et de leur utilisation, examinons ensemble les questions les plus fréquemment posées.
Fiche signalétique :
Nom & Prénom : Motion Picture Experts Group, Audio Layer 3
Surnom : MP3 pour les intimes
Caractéristiques : Format qui permet de compresser un fichier musical jusqu'à 12 fois sa taille initiale favorisant ainsi sa diffusion sur le réseau Internet.
Mœurs : Parfaitement adapté à son environnement numérique et immatériel, le MP3 a la fâcheuse tendance de se reproduire à l'identique sur Internet, au grand désespoir des auteurs, des éditeurs, des producteurs et des sociétés d'auteurs.
Les fichiers MP3, jusqu'ici encore peu connus du grand public, sont désormais devenus tristement célèbres depuis quelques semaines : Napster.com, MP3.com ainsi que plusieurs centaines d'autres sites font actuellement l'objet de poursuites judiciaires pour la diffusion d'œuvres musicales dans ce format. Conséquence de leur succès, l'industrie musicale, réunie en janvier dernier au MIDEM à Cannes, a, en effet, accusé, pour la première fois de son histoire, un recul significatif des ventes de disques.
Paradoxalement, le MIDEM créait en parallèle une nouvelle manifestation : MIDEM Net, entièrement consacrée à la musique en format numérique sur Internet.
Objet de mythe pour certains, de crainte pour d'autres ou encore de nouvel eldorado du Net, les MP3 ne laissent en tout état de cause pas indifférents. Considérés par le grand public comme des « œuvres libres », les fichiers musicaux MP3 constituent pourtant des œuvres de l'esprit protégées par le droit de la propriété littéraire et artistique.
Afin de faire toute la lumière sur les différentes rumeurs circulant sur le réseau concernant la légalité ou l'illégalité des MP3 et de leur utilisation, examinons ensemble les questions les plus fréquemment posées.
Le format MP3 est-il en lui même illégal ?
La question pourrait faire sourire certains d'entre vous, et pourtant, les rumeurs sur le Net vont encore bon train, car de nombreux sites sèment encore le doute : le MP3 serait illégalLe MP3 devient dès lors une sorte de fruit défendu par lequel tout internaute devient, pour le temps d'un téléchargement, membre de la grande communauté des « hackers » qui piratent les sites les plus sécurisés, accèdent à des fichiers confidentiels, détournent de l'argent, etc… Mais la vérité, une fois de plus, est ailleurs…
Est ce qu'un graveur de CD-Rom, une photocopieuse ou encore un lecteur de MP3 (par exemple le lecteur Rio de la société Diamond ayant donné lieu à des poursuites aux Etats-Unis) sont illégaux ? A défaut d'être interdits par la loi, seule l'utilisation de ces objets peut éventuellement être à des fins illégales
.Le MP3 n'est donc pas illégal en soi, mais simplement un moyen de commettre une infraction à la loi, notamment aux prérogatives des titulaires de droits.
Peut-on légalement télécharger un fichier musical MP3 si l'on possède l'original ?
80% des personnes ayant participé au sondage « Nul n'est censé ignorer la loi » au 8 février pensaient qu'il est possible de télécharger en toute légalité un fichier MP3 dont ils possèdent l'original. Sentiment a priori légitime et pourtant … Pour rappel, le simple fait de diffuser sur Internet une œuvre de l'esprit, notamment un fichier musical quelqu'en soit le format, sans l'autorisation de l'auteur est un acte de contrefaçon. La première affaire sur Internet avait d'ailleurs des circonstances similaires (Tribunal de Grande Instance de Paris, ordonnance de référé, 14 août 1996). Des étudiants ayant reproduit les paroles des chansons de Jacques Brel et Michel Sardou, dont ils devaient éventuellement posséder l'original, avaient été condamnés pour contrefaçon. Les titulaires de sites qui diffusent des MP3 sans autorisation des titulaires de droits sont donc des contrefacteurs. ||break||
Peut-on dès lors écarter le caractère contrefaisant d'un fichier MP3 en possédant l'original ?
Cet argument revient finalement à arguer de l'utilisation indirecte du fichier MP3 comme copie privée.
La copie privée est en effet une exception aux prérogatives de l'auteur à la double condition de détenir licitement un exemplaire de l'œuvre originale (par exemple le CD audio) et d'en réaliser soi-même une copie pour un usage personnel.
La loi du 11 mars 1957 relative au droit de la propriété littéraire et artistique (codifiée dans le Code de la propriété intellectuelle - CPI) justifiait aisément la copie privée par le fait que les actes de reproduction pour un usage personnel, compte tenu de la faible qualité des moyens de reproduction disponibles, ne portaient pas préjudice à l'auteur dès lors que le copiste avait acquis un exemplaire de l'œuvre.
La multiplication des moyens de reproduction numérique remet aujourd'hui en question cet équilibre.
La notion de copiste
Le débat actuel sur les fichiers MP3, s'il paraît remettre en cause notre bonne vieille loi de 1957 et créer un autre prétendu vide juridique (concept décidément toujours aussi tenace) n'est pourtant pas une nouveauté.
Déjà, la photocopie avait fait parler d'elle en son temps comme la coupable toute désignée de la mort prochaine, mais certaine, de l'industrie du livre. Une officine de photocopie avait même été poursuivie jusque devant la Cour de Cassation pour avoir fourni des moyens de reprographie à ses clients.
Le juge avait déclaré que le copiste ne pouvait être considéré comme celui qui réalise l'acte de reproduction (le client), mais celui qui dispose des moyens de reproduction (l'officine).
L'histoire n'étant qu'un éternel recommencement, plus récemment, une fameuse officine de « copie privée » moderne se targuait devant les caméras de l'émission Capital de la chaîne M6 de fournir à ses clients, « en toute légalité », des copies privées de CD audio, de logiciels et de jeux.
Quelques jours après le passage à l'écran de cette émission, le gérant faisait l'objet d'une perquisition suivie d'un procès retentissant le condamnant sévèrement à une peine d'un an d'emprisonnement avec sursis, 500.000 francs d'amende, la saisie du matériel, la fermeture définitive de l'établissement, ainsi que plus de 250.000 francs de dommages et intérêts au profit des différentes sociétés d'auteur s'étant constituées partie civile.
Laurent D. pensait, lui aussi, rentrer dans le cadre de l'exception de copie privée, avertissant même ses clients sur son site web que, dixit : « la loi m'autorise à vendre des compiles de MP3 sur CD-ROM que si vous possèdez les originaux, sinon faites comme vous voulez, moi je m'en cogne » jusqu'à ce que le Tribunal correctionnel de Montpellier, le 24 septembre dernier, lui rafraîchisse la mémoire sur les termes de la loi par un travail d'intérêt général de 200 heures …
Le téléchargement d'un fichier MP3 même en possédant l'original, vous l'aurez compris, ne peut donc être légal.
Peut-on légalement conserver 24 heures un fichier MP3 téléchargé sur Internet sans en posséder l'original ?
Conserver des fichiers MP3 pendant 24 heures pour rester dans la légalité : le fameux argument des sites pirates pour justifier leurs actes.
Argument tout aussi fallacieux que le téléchargement légal d'un MP3 si l'on possède l'original.
Pourtant 50% d'entre vous en sont persuadés
Fort des développements précédents concernant la copie privée, la loi ne distingue pas la durée de l'acte de reproduction ou de la conservation d'une œuvre contrefaisante.
La seule conséquence juridique de la conservation pendant 24 heures des fichiers MP3 en cause est uniquement probatoire : il sera difficile d'établir la preuve de l'acte illicite de téléchargement.
Mais ne vous méprenez pas, tout passage sur Internet laisse des traces, tout fichier enregistré sur un disque dur, même effacé par la suite, en laisse également… ||break||
Peut-on légalement mettre en ligne un extrait de 30 secondes de musique sur son site sans l'autorisation de l'auteur ?
Autrement dit, peut-on grâce à l'exception dite de « courte citation » mettre en ligne un extrait musical sans être légalement obligé de demander l'autorisation de l'auteur ?
L'article L 122-5 du Code de la propriété intellectuelle dispose en effet que « sous réserve que soient clairement indiqués le nom de l'auteur et la source, l'auteur ne peut interdire les analyses et courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, scientifique ou d'information de l'œuvre à laquelle elles sont incorporées ».
Sortie de nulle part, la rumeur d'avant l'ère Internet subsiste encore sur le réseau, la courte citation de 30 secondes, une portée, quelques notes selon les cas, serait légale !
Heureusement, la majorité d'entre vous (55 %) n'a pas succombé à ce mythe.
En matière d'œuvre musicale, tout comme en matière de photographie ou d'œuvre audiovisuelle, la courte citation n'est pas possible car il est pour le moins difficile de citer le nom de l'auteur et la source sans altérer l'expression de l'œuvre musicale.
On ne peut dans ce cas que rappeler les termes de l'ordonnance de référé dans l'affaire Brel-Sardou précitée : « toute reproduction par numérisation d'œuvres musicales protégées par le droit d'auteur susceptible d'être mise à la disposition de personnes connectées au réseau Internet doit être autorisée expressément par les titulaires ou cessionnaires de droits ».
Il ne vous reste donc plus qu'à requérir l'autorisation des titulaires de droits pour continuer à diffuser un extrait musical illustrant votre site Internet.
Et les liens hypertexte ?
Plutôt que de prendre le risque d'héberger ou de faire héberger des fichiers MP3 pirates, pourquoi ne pas tout simplement mettre en place des liens hypertexte vers des sites hébergeant des fichiers musicaux ?
La solution paraît exempte de risques et parfaitement légale.
D'ailleurs, beaucoup utilisent cette solution sous les vocables les plus divers : ma sélection de liens, mes MP3 préférés, etc.
Ce type de comportement n'a pas encore donné lieu à des poursuites judiciaires en France, mais un tribunal de La Haye a récemment jugé que le fait de pointer des liens hypertexte vers des œuvres contrefaisantes s'apparente à un acte de contrefaçon.
En droit français, cet acte pourrait être qualifié de complicité de contrefaçon par fourniture de moyens ou d'assistance. Rappelons à cette occasion que la complicité est traitée sur le plan pénal comme l'acte principal incriminé et que la contrefaçon est punissable en France de 2 ans d'emprisonnement et 1 million de francs d'amende.
Mais alors que peut-on faire avec les MP3 ?
Bien que légal, le format MP3 ne laisse finalement place qu'à peu d'utilisations.
Il vous est en effet possible d'en réaliser vous-même depuis un CD-ROM licitement acquis, pour une utilisation personnelle exempte de rediffusion au public, par exemple l'écoute sur votre lecteur portable MP3.
Il vous est également possible de créer votre musique sous ce format, et dans ce cas, la diffuser sur Internet. Pour toutes les autres utilisations, notamment l'illustration de votre site web, il vous faudra inexorablement demander une autorisation aux différents titulaires de droits
Déposé à l'IDDN :
IDDN.FR.010.0076039.000.R.P.2000.030.41100
Cyril FABREAvocat - ALEXEN
Avocatscyril.fabre@alexen.com