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Chapitre 1 : Où débute l'histoire...

La licorne à la robe gris-bleu avançait paisiblement sur le petit sentier qui serpentait au coeur du Massif des Arbres Réduits, ainsi nommé pour la petite taille des arbres qui en parsèment les montagnes. Ce massif était plus connu des voyageurs – aventuriers, commerçants, marchands d'esclaves... – qui le parcouraient à leurs risques et périls – c'est du moins ce qu'on pouvait lire sur le panneau¹ en annonçant l'entrée, quelques dizaines de montagnes plus loin à l'est – sous l'acronyme de MAR. Le soleil de midi faisait scintiller sa corne, éblouissant sa jeune cavalière qui devait se protéger les yeux.
Lornette – puisque c'était son nom – était une jeune fille d'une quinzaine d'années. Dans ses yeux violets, un observateur attentif aurait pu lire une expression à mi-chemin entre l'émerveillement à la vue de la beauté du paysage montagnard, la perplexité face au chêne multi-centenaire trônant au bord du chemin, qui atteignait péniblement la taille – respectable dans le MAR – de près de soixante-quinze centimètres, l'impatience à l'idée de faire une pause et de manger un morceau et enfin l'ennui profond occasionné par le pas lent de la licorne et l'absence d'événement plus intéressant que le décollage précipité d'un pigeon quelques minutes plus tôt.
Ses cheveux blonds volant au vent lui arrivaient jusqu'aux épaules. Sur ces mêmes épaules – ou du moins sur la droite – Akki, sa webcam blonde ballottait négligemment du câble, son oeil de verre observant distraitement les alentours de son regard inexpressif. Lornette, dont l'épaule droite commençait à fatiguer, se dandina sur sa selle, incitant Akki à sauter sur l'épaule gauche.
Deux semaines plus tôt, Lornette et Akki avaient fui le village de Vacancenfête, dont les habitants se répartissaient en deux catégories, d'un côté les esclaves fraîchement capturés et attendant d'être conduits sur les marchés des grandes villes les plus proches et de l'autre, leurs nouveaux maîtres – Lornette ayant brièvement appartenu à la première catégorie -. Pour faciliter leur fuite, la jeune fille avait volé la licorne, dont la petite main stylisée, délicatement tatouée au fer rouge sur la cuisse gauche par son ancien maître, avait inspiré à Lornette le nom de Mimine. Nom auquel répondait maintenant la licorne, pour peu qu'elle daigne écouter...
Les premiers jours de fuite avaient été plutôt mouvementés, notamment à cause de la quinzaine d'esclavagistes en colère et armés jusqu'aux dents qui les poursuivaient à brides abattues. Par la suite, un glissement de terrain aussi soudain qu'opportun ensevelit leurs poursuivants sous une bonne quantité de boue et de terre parsemée de cailloux, leur permettant de prendre une allure plus calme. Depuis, le voyage se limitait à une succession de montagnes et de vallées couvertes d'arbres miniatures, de rochers moins miniatures et de ruisseaux clapotants... Pas grand chose de passionnant donc et Lornette commençait à s'ennuyer ferme.

***
Plusieurs heures plus tard, le ventre plein, Lornette somnolait sur le dos de sa monture, qui suivait toujours tranquillement le sentier sinueux, l'air plus motivé que jamais... Elles venaient de contourner un gros rocher de plusieurs mètres de diamètre et couvert de lichens, lorsque Mimine s'arrêta net, réveillant en sursaut la jeune fille, tandis qu'Akki, frappée d'horreur – pour autant qu'une webcam puisse l'être – enroulait et déroulait nerveusement son câble autour de la taille de la cavalière.
Durant plusieurs minutes, Lornette contempla la scène faisant tout son possible pour maintenir captif son déjeuner qui manifestait une soudaine envie de sortir se promener... Sur le sol, baignant dans leur sang, gisaient deux femmes, un homme, un cheval, un chien et un hamster... Leurs corps déchiquetés, leurs bras sauvagement arrachés et l'état de délabrement de leur charrette indiquaient qu'il avaient eu affaire à de féroces adversaires.
Lornette fut tirée de sa morbide contemplation par un concert de cris et de rires gras provenant de l'est. Ne pouvant plus rien pour les malheureux la jeune fille conduisit lentement et le plus discrètement possible sa monture en direction des cris... Enfin un peu d'action !

___________
Notes :
¹ Voir la photo ci-jointe :

~lien~

Chapitre 2 : Elle est partie avec mes bras !

Elles arrivèrent bientôt dans une petite vallée très encaissée. Les falaises verticales qui la délimitaient faisaient plusieurs dizaines de mètres de hauteur. Sur le sol, de nombreuses traces, grandes et profondes, traçaient un chemin manifestement très fréquenté par des créatures bipèdes particulièrement massives. Au bord du chemin, Lornette reconnu des ossements de chevaux, d'humains et de nombreuses autres créatures, pas toujours identifiables. À quelques mètres de là, le canyon bifurquait brusquement masquant le reste du chemin.
Les cris semblant très proches, Lornette descendit du dos de Mimine pour plus de discrétion, faisant bien attention à ne pas trahir sa présence en écrasant un os. Les mouvements frénétiques du câble d'Akki en direction de la sortie indiquaient clairement que, si sa condition de webcam l'empêchait malheureusement de le dire tout haut, elle était résolument pour une fuite immédiate.
Ignorant sa peureuse webcam, Lornette atteignit la bifurcation et risqua un regard de l'autre côté. Elle aperçut alors deux Ogresses aux cheveux hirsutes, assises autour d'un petit feu. À en juger par la couche de crasse, de sang séché et autres débris divers qui les recouvraient, leur dernier bain devait remonter facilement à la naissance de la jeune fille. Les observant attentivement, elle réalisa qu'elles étaient vêtues de pagnes en peaux de bêtes, difficilement discernables sous la saleté qui les recouvrait, mais tout de même bien présents.
- Dis Meryl, je pourrai manger les deux cuisses ? Demanda l'ogresse de gauche dont la chevelure aurait probablement été rouge si elle avait été bien visible.
- Nan. Chacune une, grogna l'autre.
- Mais j'aime bien les cuisses, moi, geignit la rouge.
- Vamp, si tu continues, je mange les deux, déclara Meryl, menaçante.
Tandis que Vamp boudait et que Meryl tournait lentement au dessus du feu le fémur de cheval sur lequel était embroché un bébé aux bras arrachés, Lornette observa les lieux. En face, une falaise abrupte, marquait la fin du canyon. Aux parois étaient suspendus beaucoup de ce que la jeune fille prit d'abord pour des branchages avant de reconnaître des bras séchés. Il y en avait des dizaines, de toutes les tailles, certains ayant appartenu à des humains et d'autres – dont une paire de verts, qui se terminaient par de longues griffes affûtées, suspendus non-loin de Meryl – ayant manifestement une autre origine. Sur la droite, Lornette crut même distinguer ceux du hamster dont elle avait croisé le reste un peu plus tôt. Dans un coin, trônait une pyramide de crânes qu'elle jugea avoir appartenu à des bébés.
Alors que Lornette commençait à se demander si tous comptes faits, Akki n'avait pas raison en suggérant la fuite, le hasard – qui, quoiqu'en dise le proverbe, ne fait pas toujours si bien les choses – voulut que Vamp tourne la tête dans sa direction.
- Des bras ! S'exclama-t-elle joyeusement, toute bouderie oubliée.
- Hein ? Grogna Meryl en tournant la tête à son tour, une lueur d'intérêt dans le regard.
- Je les ai vu la première ! S'exclama Vamp en sautant sur ses pieds.
- On partage, riposta Meryl.
- Nan, 'sont à moi ! Cria Vamp en expédiant son poing dans la figure de sa concurrente, avant de s'élancer en direction de Lornette.
Cette dernière, réalisant que son avenir serait quelque peu compromis si elle s'obstinait à les observer bêtement, fit demi-tour et courut en direction de Mimine, tandis qu'Akki fouettait leur poursuivante, d'un coup de câble bien senti.
- Hé ! S'exclama Vamp indignée en massant son visage endolori.
Beurk ! Pensa Akki, essuyant discrètement son câble sur la tunique de Lornette, tandis que la jeune fille sautait sur le dos de Mimine, qui s'élança, ventre à terre, vers la sortie.
Quelques secondes plus tard, jetant un coup d'oeil par dessus son épaule, Lornette constata que les deux ogresses avaient renoncé à les poursuivre, ne se sentant pas de taille à rattraper une licorne. Vamp, assise sur le sol du canyon, sanglotait telle un enfant auquel on vient de prendre son nouveau jouet.
- Mes bras... Elle est partie avec mes bras... Murmura-t-elle tristement.
- Bah, on en trouvera d'autres, la consola Meryl en haussant les épaules, feignant une indifférence que l'expression déçue inscrite sur son visage démentait catégoriquement.
- On l'a échappé belle, soupira Lornette.
J'te l'avais bien dit de pas y aller ! Comment peux-tu être aussi blonde ? Hurlait le regard plein de sous-entendus que lui jeta Akki, tandis que le hennissement ironique de Mimine soulignait fort à propos qu'elles étaient techniquement aussi blondes l'une que l'autre...

Chapitre 3 : Télépathie.

Après leur mésaventure avec les ogresses, nos trois amies passèrent une bonne nuit à la belle étoile, quoique troublées par les hurlements plaintifs d'un loup dépressif dans le lointain. Au matin, elles reprirent leur route vers une destination toujours inconnue, avançant au rythme régulier du pas de Mimine. Vers midi, elles firent une pause repas et se régalèrent des fruits d'un bosquet de pommiers dont les plus hauts culminaient à près de deux pieds.
Quelques heures plus tard, elles arrivèrent dans une vallée habitée. Un petit village entouré de champs en occupait le fond, tandis qu'une mine s'ouvrait sur le versant de la montagne nord. Des travailleurs – manifestement peu consentants, à en juger par les coups de fouet dont les gratifiaient leurs surveillants – semblaient extraire une roche bleu sombre que Lornette ne parvint pas à identifier à cause de la distance.
Elle allait indiquer à Mimine de contourner la vallée – peu désireuse qu'elle était de grossir les rangs des esclaves... – quand elle sentit une sensation étrange... C'était une sensation des plus bizarres comme elle n'en avait encore jamais ressenti, comme si quelqu'un lui chatouillait l'intérieur du crâne... Soudain, elle entendit un murmure.
Ne pars pas... Aide-moi...
- Qui a dit ça ?, demanda Lornette en se retournant brusquement.
Les regards sceptiques qu'échangèrent Akki et Mimine indiquaient clairement ce que la jeune fille parlant toute seule leur inspirait : elle était cuite. Sa blondeur avait pris le dessus, traversant la barrière naturelle – et ô combien nécessaire – que formait sa boîte crânienne. Sa chevelure avait manifestement envahi son cerveau, prenant les commandes...
Je suis prisonnière... libère-moi ! Poursuivit la voix que Lornette fini par identifier comme venant de son propre crâne.
Vous êtes qui ? Pensa-t-elle très fort, s'accrochant désespérément à l'idée – de moins en moins crédible à ses yeux – que la licorne et la webcam avaient tort.
Je suis une magicienne... De l'Ordre de Sarkange, les Mages des Cieux... Je ne pourrai plus maintenir ce lien très longtemps... Mes forces s'épuisent... Je t'en prie, libère-moi... Répondit la voix, toujours dans son crâne.
Vous savez, je ne tiens pas à travailler dans cette mine... J'ai déjà testé récemment la condition d'esclave et je n'ai pas trop aimé... Et c'est ce qui risque fort de m'arriver si je ne pars pas très vite d'ici...
Je t'en prie.. Si tu me libères de ma prison, je pourrai utiliser mes pouvoirs et libérer tous ces gens !
Lornette hésitait entre son sens du devoir et une furieuse envie de fuir au plus vite... Après un coup d'oeil rapide, elle abandonna tout espoir d'obtenir de l'aide de ses compagnes de route, qui manifestement s'étaient résignées à ce qu'elle ait définitivement perdu la raison...
Bon, je vais voir ce que je peux faire... Soupira Lornette en pensée.
Merci beaucoup ! Je suis prisonnière dans la grande bâtisse au centre du village... Mais faites attention à Avalon...
C'est qui ça ? L'interrogea Lornette, regrettant déjà sa décision.
Une démone mineure... Elle porte toujours un fouet clouté dont...
- Une démone ?! S'exclama Lornette, interrompant son interlocutrice à voix haute sous les regards compatissants de Mimine et Akki. Et vous voulez que j'aille dans ce village d'esclavagistes dirigé par une démone pour vous libérer ? Poursuivit-elle tandis que la webcam et la licorne – semblant tout à coup nettement plus horrifiées que compatissantes – enchaînaient les signes de dénégation à une vitesse ahurissante.
Je t'en prie ! Ne me laisse pas... Supplia à nouveau la voix.
- D'accord, d'accord... Soupira Lornette, souhaitant de tout coeur se débarrasser au plus vite de cette stupide conscience qui la forçait à entreprendre une action aussi suicidaire pour venir en aide à une parfaite inconnue.
Soupirant une dernière fois, Lornette fit avancer Mimine vers le village... Il ne lui restait plus qu'à trouver un plan...

Chapitre 4 : La clé.

Lornette examinait attentivement tous les plans possibles et imaginables. Tous, sans exception semblaient mener inéluctablement à sa capture et à une triste vie de travaux miniers... C'est alors qu'une grosse cloche sonna à côté d'un bâtiment carré. Nos trois amies, se croyant repérées, entreprirent résolument de paniquer au plus vite, avant de réaliser, soulagées, que c'était seulement l'heure du repas du soir pour les esclaves.
En effet, tous se dirigeaient vers le bâtiment d'où s'échappaient à présent divers bruits d'assiettes, de cuillères et de coup de fouets les incitant à manger plus vite pour laisser la place aux autres. Lornette remarqua alors une créature étrange, peut-être bien féminine et clairement démoniaque. Le fouet clouté pendant à sa ceinture la désignait comme étant probablement Avalon. Elle sortait du bâtiment censé contenir la magicienne et se dirigea vers le réfectoire, pour superviser le repas ou bien peut-être déguster un ou deux esclaves, Lornette n'aurait su le dire...
Réalisant qu'elle n'aurait probablement pas de meilleure occasion, la jeune fille dirigea discrètement Mimine vers leur destination. Arrivées à l'intérieur, elles parcoururent les couloirs au hasard jusqu'à arriver dans une vaste salle. Une femme flottait dans les airs au centre de la pièce, manifestement maintenue dans un état de stase. Sur le sol, un pentagramme de plusieurs mètres de diamètre, agrémenté de runes et autres symboles bizarres, pulsait d'une lueur rouge sang. Lornette ne put distinguer les traits de la captive, car le sortilège qui la maintenait prisonnière créait également une zone sphérique de flou au niveau de sa tête...
- Et je suis censée la libérer comment ? S'interrogea Lornette.
Il faut lever le sortilège... Répondit la voix dans sa tête.
- Heu... je veux bien, mais comment ?
Il te faut la clé... Poursuivit la voix tandis que Lornette remarquait devant le cercle un emplacement en forme de crâne stylisé, creusé dans une dalle.
- Et je la trouve où cette clé ?
Avalon l'a attachée au cou de sa furoque domestique, qui dort dans la pièce voisine... Attention à ne pas la réveiller quand tu la lui prendras !
Une fois face à la furoque, Lornette eut un temps d'arrêt, stupéfaite par l'étrange animal. Elle aurait pu passer pour un phoque au pelage blanc, n'était sa tête presque humaine. Sa peau grise, sa petite barbe, sa moustache et ses cheveux courts lui donnaient une allure plutôt masculine, quoiqu'en dise la magicienne... À son cou, pendait un petit médaillon que la jeune fille identifia comme étant la clé. Elle était allongée dans un grand panier remplis de coussins à côté duquel un petit écriteau indiquait : « Bibi. Attention, furoque agressive, ne pas approcher. »
Deux minutes de regards insistants et menaçants furent nécessaires à la jeune fille pour convaincre Akki d'utiliser son câble particulièrement maniable pour subtiliser la clé, deux de plus pour qu'elle se décide enfin à essayer et une dernière pour qu'elle y parvienne...
De retour dans la grande salle où les attendait Mimine, Lornette plaça la clé dans ce qui tenait lieu de serrure. Le pentagramme s'illumina brusquement avant de s'éteindre complètement, laissant la magicienne retomber lourdement sur le sol. Le sort enfin levé, Lornette put voir son visage. Elle avait les cheveux noirs attachés en queue de cheval et des yeux bridés. Elle devait avoir une vingtaine d'années, ce qui lui sembla peu pour détenir une puissance justifiant de tels moyens d'emprisonnement...
- Je ne sais pas comment vous remercier... Murmura la magicienne, d'une voix rendue rauque à force de silence imposé par la stase.
- Heu, faire en sorte que l'on ne se fasse pas tous tuer par cette bestiole serait un bon début, suggéra Lornette en désignant Bibi, qui entrait dans la pièce. Le visage de la créature avait viré au violet et une expression énervée s'y affichait, laissant peu de doutes sur ses intentions...
La magicienne psalmodia dans une langue inconnue et de petites comètes d'énergie sortirent de ses mains, tournoyèrent brièvement autour d'elle laissant d'aveuglantes traînées lumineuses, avant de fondre sur la furoque qui s'enfuit en glapissant, le poil fumant.
- On ferait peut-être mieux de partir, dit Lornette, aidant la magicienne à grimper derrière elle sur le dos de Mimine qui poussa un hennissement indigné face à ce poids supplémentaire, avant de partir au galop.

Chapitre 5 : Pleine lune.

Les deux cavalières – trois si l'on comptait Akki – et leur monture atteignirent rapidement l'entrée du bâtiment où les attendait un comité d'accueil composé d'une quinzaine de gardes, armés de fouets et d'épées, et d'Avalon, dont le visage démoniaque affichait assez clairement une exaspération des plus puissantes.
- Ainsi tu as trouvé quelqu'un pour te libérer, Sariane, grogna-t-elle, ses joues se gonflant sous l'effet de la contrariété.
- Il semblerait bien, lui répondit la magicienne d'une voix joyeuse qui eut l'effet d'augmenter encore l'énervement de la démone, ainsi que le volume de ses joues.
- Tu vas retourner dans ta prison, de gré ou de force ! Cria Avalon, faisant claquer son fouet clouté qui crépitait d'énergie.
Les joues de la démone avaient pris un tel volume que Lornette pensa fugitivement qu'on aurait dit une paire de fesses... À cette pensée, elle ne put retenir un gloussement d'hilarité, vite repris par Mimine qui en était manifestement arrivée à la même conclusion. Au même moment, Sariane acheva l'incantation qu'elle avait déjà utilisé avec succès contre Bibi peu de temps auparavant et des dizaines de comètes d'énergie fondirent sur son ex-geôlière.
Mais Avalon n'était pas née de la dernière pluie – à vrai dire, elle était née un siècle plus tôt, dans le laboratoire d'un sorcier dément, d'un croisement entre un démon Hostelor, un hippopotame des marécages du sud, une furoque (d'où son affection pour Bibi) et de quelques autres espèces, démoniaques ou non – démontra sa parfaite maîtrise du fouet clouté en les parant toutes sans exception, les envoyant s'écraser autour d'elle, tuant sur le coup trois gardes, une mouche géante des montagnes – de près de 3 centimètres de large – et une pauvre touffe d'herbe, qui avaient eu la malchance de se trouver trop près... Mimine quand à elle recula prudemment derrière Sariane, les naseaux roussis par une comète qui n'était vraiment pas passée loin.
- Hum... Constata la magicienne.
- Gniark ! Ricana Avalon, tandis que Sariane entamait une nouvelle incantation.
Cette fois, il ne s'agissait plus de comètes d'énergie... Le ciel rougi par le couché du soleil s'emplit de gros nuages noirs et le tonnerre se fit entendre.
- Crève démone ! Cria la magicienne en pointant son index sur Avalon, qu'un gigantesque éclair frappa de plein fouet.
Quand Lornette retrouva, quelques secondes plus tard, l'usage de ses yeux, elle constata qu'il ne restait plus que cinq gardes debout, les autres gisant carbonisés sur le sol noirci. Au centre de la zone dévastée par le sortilège, elle aperçut avec horreur qu'Avalon se relevait, bien que péniblement.
- Il en faudra plus pour me tuer, grogna la démone.
Sariane allait entamer une dernière incantation destinée à achever la démone quand elle leva brusquement la tête vers le ciel, les yeux écarquillés.
- Noooon ! Pas maintenant... Gémit-elle en constatant que les nuages, en se dissipant, révélaient une lune ronde et argentée en pleine ascension.
Son corps commença alors à rapetisser, ses bras et ses jambes prenant des proportions simiesques. Ses vêtements se fondirent dans sa chair, remplacés par un pelage brun. Son visage se transforma et ses cheveux rétrécirent... Une trentaine de secondes plus tard, il ne resta plus de la puissante magicienne qu'un petit ouistiti, sautillant hystériquement sous les regards ébahis de toutes les personnes présentes.
L'étonnement passé, Avalon éclata d'un rire de hyène dont elle avait le secret, vite rejointe dans son hilarité par les gardes survivants. Sentant le vent tourner, Mimine partit au galop, Akki saisissant au passage le petit singe terrifié.
- Attrapez-les ! Hurla la démone.
Mais aucun garde ne fut assez rapide pour rattraper Mimine qui galopait ventre à terre. Alors qu'elles passaient à côté d'un chariot contenant l'étrange roche bleue qu'elle avait vu les esclaves extraire de la mine un peu plus tôt, Lornette put constater qu'il s'agissait de petits galets en forme d'oeufs. Elle en attrapa une poignée au passage et les fourra dans sa poche.
Au bout de quelques minutes, tandis que nos amies – qui maintenant étaient quatre – disparaissaient derrière la montagne au nord, les derniers gardes abandonnèrent la poursuite, tristement conscients du sort peu enviable que leur réservait Avalon après cet échec cuisant et regrettant déjà de ne pas être morts avec leurs collègues carbonisés...

Nom : Lornette Race : Humaine Âge : 15 ans Taille : 1.71 mètre Notes : C'est l'héroïne de l'histoire, ce qui par définition, lui confère l'immortalité (du moins tant que l'histoire dure). Elle est blonde et possède une webcam domestique, blonde elle aussi. Elle aime quand il y a de l'action, mais que ce n'est pas trop dangereux. Elle n'aime pas être une esclave, sa récente expérience en la matière lui ayant largement suffit. Elle voyage à présent à travers le MAR, sur le dos de Mimine, sa fidèle licorne sans destination précise...

Nom : Mimine Race : Licorne Âge : Inconnu Taille : 1.3 mètre pour le dos, 2 mètres tête droite jusqu'au haut de la corne. Notes : Mimine est une licorne au poil gris-bleu. Elle accompagne Lornette dans ses voyages. Elle aime galoper, dormir et... manger.

Nom : Akki Race : Webcam Âge : Inconnu Taille : 15 centimètres environ pour le corps, plus 1 mètre de câble, extensible à 2 mètres. Notes : Akki est la webcam blonde domestique de Lornette. Son passe-temps favoris est de faire onduler son câble sur le sable.

Nom : Sariane Race : Humaine / Ouistiti-Garou Âge : 19.85 ans Taille : 1.63 mètre Notes : C'est une puissante magicienne de l'Ordre de Sarkange, les Mages des Cieux. Elle est télépathe et son sort favori envoie une pluie de comètes d'énergie sur ses ennemis. À la pleine lune, elle a une fâcheuse tendance à se changer en ouistiti, ce qui lui joue souvent des tours...

Nom : Bibi Race : Furoque Âge : Inconnu Taille : Peut s'élever jusqu'à 1.70 mètre. Notes : Bibi est la furoque domestique d'Avalon. Elle n'aime pas être dérangée pendant qu'elle dort, c'est à dire tout le temps. Lorsqu'elle est en colère, sa peau vire au violet.

Nom : Avalon Race : Démone hybride Âge : 1 siècle environ Taille : Près de 2 mètres. Notes : Avalon est une étrange démone, fruit du croisement de différentes espèces (démon Hostelor, hippopotame, furoque, hyène, etc), réalisé par un mage passablement fou. Elle aime la violence, les tortures (sur autrui), les écartèlements, les fouets et manger des navets...

Chapitre 6 : Conversation au coin du feu.

Le soleil brillait sur le MAR, faisant scintiller les gouttes de rosée qui restaient sur les arbres. À son réveil, Lornette fut étonnée de constater que Sariane n'avait toujours pas repris forme humaine. Elle n'avait jamais entendu parler de garou – quelle qu'en soit l'espèce – qui resterait sous sa forme animale durant la journée... D'un autre côté, elle n'avait pas non plus entendu parler de ouistiti-garou jusqu'à hier soir, alors elle n'en était plus à une bizarrerie près...
La journée s'écoula paisiblement au gré des chemins... Sauf pour Akki, dont les cheveux blonds passionnaient le ouistiti qui adorait manifestement tirer dessus.
Vers le milieu de l'après-midi, elles arrivèrent en vue d'une maison de pierres grises. Un petit bichon en sortit en trottinant, une laisse autour du cou. Une trentaine de mètres plus loin, il s'arrêta net, fronça les sourcils, tira un peu sur sa laisse d'un air dubitatif et se rendit finalement compte qu'il avait oublié son maître, qu'il rentra chercher au plus vite. Haussant les épaules – ou le câble dans le cas d'Akki –, elles continuèrent leur route sans autre événement majeur.
À la nuit tombée, alors qu'elles arrivaient dans une petite clairière où Lornette comptait passer la nuit, la brusque métamorphose de Sariane – jusque là perchée sur son épaule droite – les expédia au sol dans un entrelacs de bras, de jambes et de câble, sous le regard amusé de Mimine. Elles cherchèrent du bois et allumèrent un petit feu où elles firent griller un lapin, capturé par Lornette.
- Comment t'es devenue... Heu, tu sais... Un singe-garou ? Demanda Lornette quand elles eurent fini de manger.
- C'est une longue histoire... Répondit Sariane.
- Ça tombe bien, on a tout le temps, insista Lornette avec un grand sourire.
- Bon... Soupira la magicienne. Ça remonte à quand j'avais dix ans... J'étais à ma cinquième année d'études à l'école de l'Ordre de Sarkange. J'étais deux à l'époque en fait...
- Gné ? L'interrogea Lornette, exprimant l'incompréhension de l'auditoire.
- On était les meilleures amies du monde et on faisait à peu près toutes les bêtises possibles et imaginables... Un jour, suite à un pari idiot, on a tenté un sort d'invocation de ouistiti... Rien de bien méchant, sauf que ce n'était pas vraiment de notre niveau et qu'on n'a pas fait très attention... On a donc bien invoqué le singe, mais ensuite, le sort a déraillé et on s'est retrouvés tous les trois dans le même corps... Nos deux esprits – je veux dire ceux des deux apprenties – ont plus ou moins fusionné, mais le singe, lui, ressort un jour par mois, à la pleine lune...
- Triste histoire, commenta Lornette gravement.
- On a tout essayé pour au moins se débarrasser du singe, mais rien à faire... On a consulté des mages innombrables, des sorciers plus ou moins fous, des exorcistes de toutes confessions, des chamanes, des chirurgiens, des guérisseurs et même les moines aveugles de l'ordre sacré de Regarperdu... Toujours la même conclusion, associé à un haussement d'épaules compatissant : « Fallait faire attention... ».
- Tu sais, ma vie à moi n'a pas été géniale non plus... Ma mère a disparu quand j'avais dix ans, mon père a été tué il y a deux mois durant un raid d'esclavagistes sur notre village et mon petit frère doit être mort aussi, puisqu'il n'était pas avec les autres esclaves quand on a été conduits à Vacancenfête... J'ai réussi par chance à m'échapper mais je n'ai plus nulle part où aller...
- C'est vrai qu'on peut rêver mieux, convint Sariane. Et tu vas où en ce moment ?
- Par là, répondit Lornette, indiquant une direction au hasard.
- Et il y a quoi par là ?
- Aucune idée... On verra bien, répondit Lornette en haussant les épaules.
- Je viens aussi alors, enfin si ça ne te dérange pas...
- Pas de problèmes, acquiesça Lornette qui commençait à se lasser de la conversation plutôt limitée de Mimine et d'Akki et se disait qu'avec une magicienne à ses côtés, elle augmentait sûrement ses chances de survie. Mais il faudra te trouver une monture, ajouta-elle rapidement, en croisant le regard insistant de Mimine.
- Je vais invoquer un cheval alors.
- Heu... T'es sûre que c'est une bonne idée ?
- Ne t'inquiète pas, j'ai fait beaucoup de progrès en dix ans, la rassura Sariane.
Par précaution, Lornette, Mimine et Akki s'éloignèrent toutefois de quelques pas tandis que la magicienne commençait à psalmodier. Au bout de quelques secondes, il y eut une explosion de fumée blanche, qui en se dissipant, révéla une brebis de la taille d'un cheval, les regardant d'un air bête.
- Hum... Ça ne te dirait pas d'abandonner définitivement les invocations ? Demanda Lornette, doutant de plus en plus que la seconde raison de son acceptation de Sariane dans le groupe soit vraiment valide. Je crois que tu te débrouilles mieux avec les comètes et les éclairs... Sans vouloir t'offenser...
- C'est drôle, je me disais justement la même chose... Enfin, au moins, j'ai une monture maintenant... Tu t'appelleras Doly, conclut-elle en se tournant vers cette dernière.
- Pourquoi « Doly » ? Demanda Lornette.
- J'avais – enfin l'une de mes moitiés avait – une peluche qui s'appelait comme ça dans le temps... Elles ont le même regard...
- Ça devait pas être une lumière ta peluche, compatit Lornette.

Chapitre 7 : Mais qu'est-ce que j'ai fait ?

Le lendemain matin, les voyageuses atteignirent la grande cité de Nivu, au pied du mont Ninconu. Elle était entourée de hautes murailles de granit qui masquaient la plupart des bâtiments. Se sentant une âme de touriste – et n'ayant de toute façon rien d'autre à faire... – elles décidèrent d'aller y faire un tour. Arrivées à la grande porte de la ville – après deux bonnes heures de queue –, elles durent répondre aux questions d'un jeune fonctionnaire fraîchement formé et prenant son travail très au sérieux. Elles comprirent rapidement pourquoi elles avaient dû attendre aussi longtemps alors qu'elles n'étaient qu'en quatrième position dans la file...
En effet, le fonctionnaire ne tarissait pas de questions censées vérifier qu'elles ne représentaient pas une menace pour les habitants, telles que : « Pourquoi venez-vous à Nivu ? », « Avez-vous de la famille ici ? », « Cet animal est bien grand pour une brebis, vous ne trouvez pas ? », « Voulez-vous le forfait touristique tout compris comprenant une nuit à l'auberge de votre choix, les repas de la journée ainsi qu'une assurance contre le vol de monture et les rages de dents ? », « Voulez-vous engager un guide touristique ? », « Vous êtes sûres ? Ils ne sont pas chers vous savez... », « Garantissez-vous ne pas transporter de marchandises illicites, telles que cigares de Cancerbourg, absinthe, grenades magiques ou poulets à plumes noires ? » ou encore, pour Sariane : « Vous avez des projets pour ce soir ? Je finis mon service à quinze heures... ».
Une heure plus tard, elles pénétrèrent donc enfin dans la cité et purent admirer à loisir l'architecture des lieux, jusqu'à ce qu'une patrouille de dix gardes armés les interpellent et embarquent une Lornette menottée et aussi incrédule qu'indignée. Arrivés au palais de justice, ils la jetèrent dans un cachot déjà occupé par une famille de rats moyennement ravis de devoir partager leur domicile. Ignorant superbement les protestations véhémentes des rongeurs ils refermèrent la porte du cachot et abandonnèrent Lornette à ses interrogations métaphysiques dont la première était « Mais qu'est-ce que j'ai fait ? », suivie de près par « Quand est-ce qu'on mange ? ».
Au bout de deux heures d'intenses réflexions mêlées d'auto-apitoiement et de coups de pieds en direction des rats qui entendaient bien reprendre le coin couchette et alors que la seule réponse qu'elle ait pu trouver concernait la deuxième question et se résumait en substance à « Pas maintenant apparemment... », elle eut la visite de son avocate commise d'office. L'avocate en question était blonde elle aussi et ne devait pas encore avoir atteint la trentaine. Elle se présenta sous le nom de Rowan Hy'lard, nom que Lornette trouva fort approprié étant donné sa propension à éclater de rire au moindre prétexte...
Les présentations terminées, celle-ci lui demanda si elle comptait plaider coupable ou non-coupable, Lornette rétorquant qu'elle ne ferait son choix que quand elle saurait de quoi elle était accusée. L'avocate prit un air contrit en disant que ce n'était malheureusement pas de son ressort et qu'il faudrait donc improviser lors du procès...

***
De leur coté, Sariane, Mimine, Akki et Doly réfléchissaient activement à un moyen de libérer Lornette – quoique, Doly pensait plus à un pré d'herbe verte à brouter qu'à sauver la jeune fille... – et de fuir au plus vite cette ville peu hospitalière.
Au détour d'une ruelle sombre et malodorante, une silhouette discrète et masquée, tenta de voler Akki, qu'elle comptait bien revendre un bon prix vu que dans cette région cette espèce de webcam était très rare. Elle en fut quitte pour un bon coup de câble, suivi d'une ruade de Mimine dans la poitrine, d'un regard dédaigneux de Doly et d'un interrogatoire en règle de Sariane :
- Qui est-tu ?
- ...
- Tu vas parler oui ? Grogna Sariane, le regard menaçant.
- Non, répondit la voleuse.
- Tu as le choix, soit tu parles, soit je te transforme en brebis, menaça Sariane, désignant Doly d'un léger mouvement de la tête.
- Bon, bon... Je suis la Voleuse Masquée.
- Tu n'as pas de nom ?
- Si je donnais mon nom à n'importe qui, tu crois vraiment que je me fatiguerais à porter ce masque ?
- Mouais... Admettons... Bon, tu dois bien connaître les gardes étant donnée ta profession. Tu vas pouvoir me dire pourquoi ils ont arrêté ma compagne de route juste après notre arrivée.
- Heu, j'en sais rien moi, je les évite les gardes en général...
- Essaie encore... Je te vois bien avec des poils gris et frisés...
- Oui, bon, en ce moment le magistrat a quelques problèmes à remplir son quota d'exécutions... Si elle est blonde, il va probablement la condamner pour mes vols vu qu'il n'arrive pas à me coincer...
- Et elle risque quoi ?
- Bah, la pendaison, tout au plus... Répondit la voleuse dans un haussement d'épaules.

Chapitre 8 : Quand est-ce qu'on mange ?

Au petit matin, « Pas maintenant apparemment. » n'avait toujours pas été relevé et commençait à pester contre « Ah ! Voilà la bouffe ! » qui refusait de venir prendre son tour. Pourtant, son tour n'était pas long en prison, car il était en général suivit de près par « C'est quoi ce truc infâme ? » ... Il venait de prendre la ferme résolution d'exiger le paiement de ses heures supplémentaires double tarif quand Lornette entendit des pas dans le couloir, entre un couinement de rat et un gargouillis de son estomac.
La porte s'ouvrit et deux gardes entrèrent lui passer les menottes avant de la traîner jusqu'au tribunal. Là, on la fit asseoir sur le banc des accusés où elle fut rapidement rejointe par son avocate, qui eut l'air de trouver cela très drôle, même si Lornette ne comprit pas trop pourquoi...
- John le magistrat, annonça le portier quelques minutes plus tard.
Un homme à la barbe et aux cheveux bruns entra alors dans la pièce, un air sévère plaqué sur le visage. Il s'assit sur le fauteuil du juge et fit signe au greffier de commencer.
- Nous jugeons aujourd'hui la Voleuse Masquée, accusée de nombreux vols commis à Nivu.
Le magistrat se tourna vers Lornette.
- Qu'avez-vous à dire pour votre défense ?
- Heu... C'est qui cette voleuse masquée ? Je viens d'arriver en ville et je n'ai rien volé...
- Vous plaidez donc coupable, conclut le magistrat, apparemment satisfait.
- Mais non ! S'insurgea Lornette en jetant des regards affolés vers son avocate.
- Bien, je vous condamne donc à la pendaison. Vous serez pendue dem... C'est quoi ce bruit ? S'interrompit le magistrat tandis qu'un bruit de sabots se faisait entendre.
La porte s'ouvrit alors brusquement et Sariane entra, Akki sur l'épaule et tenant Doly par la bride. Derrière elles, suivait Mimine, portant une voleuse masquée et ligotée.
- Voilà votre voleuse, déclara la magicienne en désignant la prisonnière. Maintenant, relâchez Lornette !
Le magistrat fit signe à deux gardes qui firent descendre de licorne la Voleuse Masquée et la traînèrent jusqu'à lui avant de lui retirer son masque. Le magistrat eut alors un air stupéfait, puis, reprenant contenance, déclara :
- Il y a erreur, il s'agit d'Arkania, la soeur de Lord Dritharius, seigneur de Nivu. Elle ne peut être accusée de vol. En conséquence, je vous condamne à être pendue pour diffamation, conclut le magistrat sous les regards ébahis de Lornette et Sariane
S'ensuivit une bagarre mémorable. Tandis que les corps carbonisés des gardes s'accumulaient autour de la magicienne, Mimine enchaînait coups de corne et ruades avec une certaine efficacité. Quand Lornette les eut rejointes, elle et Sariane sautèrent sur le dos de leurs montures et partirent au galop. Elles parcoururent à toute vitesse le dédale de couloirs du palais de justice, puis les rues de Nivu et enfin – après avoir défoncé la porte de la ville grâce à un gigantesque éclair d'énergie – les chemins accidentés du MAR.

***
Quand le calme fut revenu dans la grande salle du tribunal, Maître Hy'lard déclara gravement n'avoir rien compris. Le magistrat, quant à lui, jetait des coups d'oeil effrayés en tous sens, tandis que les quelques gardes encore valides ramassaient les cadavres...
Deux heures plus tard, afin de ne pas finir lui-même pendu, le magistrat condamna l'avocate – qui avait le malheur d'être blonde elle aussi – à être pendue pour les vols qu'elle aurait commis sous l'identité de la Voleuse Masquée.
Sur sa tombe, on grava l'épitaphe suivante : « Ci-git Rowan Hy'lard, avocate. Elle riait beaucoup... ».

***
Lorsqu'elles se jugèrent assez loin de Nivu, nos amies s'arrêtèrent pour libérer Lornette de ses menottes.
- Ils sont fous dans cette ville ! S'exclama Sariane. Et leur justice laisse franchement à désirer...
- Quand est-ce qu'on mange ? Demanda Lornette.
Et « Pas maintenant apparemment. » eut enfin droit à un repos bien mérité...

Chapitre 9 : La clairière aux lapinous.

Quelques jours plus tard, nos amies bivoiquaient dans une grande clairière – enfin si l'on pouvait vraiment parler de clairière dans le MAR – où gambadaient de nombreux lapins. Au matin, alors que Lornette préparait celui qui leur servirait de petit déjeuner, Sariane se dirigea vers le ruisseau qui clapotait non-loin.
- Il me semble entendre une cascade par là... Je vais prendre une douche.
- Ne traîne pas trop, j'ai trop faim pour t'attendre... Je mange dès que c'est cuit, prévint Lornette.
La magicienne atteignit rapidement la cascade. Celle-ci tombait sur plusieurs mètres pour atterrir dans un grand bassin. Sariane se dévêtit et entra dans l'eau où elle pataugea un peu avant d'aller s'asseoir sous la chute d'eau. Elle y resta de longues minutes à savourer la caresse de l'eau presque tiède, se sentant presque revenue à l'école de l'Ordre de Sarkange où elle avait passé son – ou plutôt ses, puisqu'à l'époque elle était deux – enfance dans le confort, où elle pouvait prendre des douches chaudes, ce qu'elle n'avait plus fait depuis longtemps...
Puis elle ressortit du bassin et alla s'allonger sur une grande pierre plate, séchant à la chaleur du soleil. Somnolant paresseusement, elle n'entendit pas le jeune homme approcher, si bien qu'elle sursauta quand il engagea la conversation.
- Que fait donc une belle jeune femme telle que vous seule et nue dans la montagne ?
- J'ai pris une douche et maintenant, je sèche... Répondit Sariane. Ça vous pose un problème ?
- N'avez-vous pas peur des mauvaises rencontres ?
- Je sais me défendre, répondit-elle en haussant les épaules, tandis que l'homme s'asseyait à côté d'elle. Et vous ? Vous faites quoi, là ? Demanda-t-elle en commençant à se relever pour aller s'habiller.
L'homme la saisit doucement par le bras et lui caressa la joue.
- Qu'est-ce que vous... ? S'exclama Sariane, préparant déjà un sortilège.
Mais il fut plus rapide et l'embrassa avant qu'elle ait pu réagir... Sariane sentit ses forces la quitter et se maudit intérieurement pour son imprudence.
- Qui êtes-vous... ? Murmura-t-elle.
- Appelez-moi B... Sombrant dans l'inconscience, elle ne put entendre son nom, ne percevant que son ton moqueur...

***
- Bon, elle fait quoi ? Elle la fabrique sa cascade ? Pesta Lornette qui avait fini de manger depuis longtemps et attendait toujours le retour de la magicienne.
- ... Répondirent calmement Doly et Mimine, sans même cesser de brouter un instant la bonne herbe de la clairière.
- Bon, je vais la chercher, soupira-t-elle. Vous ne bougez pas d'ici !
Les trois autres l'ignorèrent superbement, poursuivant leurs activités respectives : goinfrage pour Mimine et Doly, glandouille au soleil pour Akki. Arrivée à la cascade, la jeune fille chercha en vain un signe de la présence de la magicienne.
- Mais où est-elle ? S'exclama-t-elle, perdant patience.
Elle allait retourner sur ses pas quand elle entendit des pleurs venant de derrière un gros rocher. Le contournant prudemment, elle découvrit une petite fille aux cheveux bruns emmêlés. Elle ne devait pas avoir plus de cinq ans et était vêtue d'une robe bleue et blanche, sale et usée. Adossée contre la pierre, elle sanglotait tristement.
- Qu'est-ce qui ne va pas ? Demanda gentiment Lornette.
- Je... Je suis perdue... Gémit la fillette entre deux sanglots, levant des yeux embués de larmes.
- Comment tu t'es perdue ?
- Je suis partie chercher des mûres ce matin... Et je n'arrive plus à retrouver le chemin de la maison...
- Ne pleure plus, je vais t'aider à retrouver ta maison, proposa Lornette en lui tendant la main.
- C'est vrai ? Murmura la fillette.
- Bien sûr que c'est vrai, répondit la jeune fille avec un sourire. Au fait, tu n'aurais pas vu une femme d'une vingtaine d'années aux cheveux noirs et aux yeux bridés passer par là ? Elle m'avait dit qu'elle allait se baigner dans le ruisseau, mais elle n'est pas revenue...
La fillette fit non de la tête, tandis que Lornette la prenait dans ses bras, lui déposant un baiser sur le front pour la rassurer. Elle ressentit alors une grande fatigue, comme si elle avait marché sans s'arrêter pendant des jours. Elle reposa la fillette et s'assit.
- Je me sens épuisée... Murmura-t-elle.
- C'est normal, ricana la fillette. C'est tout l'intérêt du somnifère !
Et Lornette perdit connaissance à son tour.

Chapitre 10 : Je l'aime bien ma peau moi...

Lornette flottait dans l'obscurité de cet état de demie-conscience qui sépare le sommeil du réveil... Elle entendait confusément de lointains éclats de voix... Se concentrant, elle les entendit de plus en plus distinctement, jusqu'à pouvoir en saisir le sens...
- Comment j'ai pu être aussi stupide ? Pestait Sariane. Ce type sort de nulle part et je le laisse m'approcher sans même lancer le plus petit sort de protection !
Lornette ouvrit les yeux, découvrant une sorte de caverne aménagée.
- Et il aurait pu au moins me rendre mes vêtements avant de m'attacher là !
En effet, la jeune fille réalisa qu'elle et la magicienne avaient les mains et les pieds solidement liés avec de cordes.
- Attachée comme ça, je ne peux même pas lancer de sort !
Aux murs, étaient suspendues ce que Lornette finit par identifier comme des peaux... Certaines étaient humaines, d'autres non et elles arboraient divers stades d'usure. À droite, se trouvait une lourde porte de bois, à côté de laquelle brûlait la seule torche éclairant la salle.
- Il fait froid en plus dans cette satanée caverne ! Il aurait pu au moins me donner une couverture...
- Il ? Demanda Lornette, réalisant soudain qu'elle n'avaient apparemment pas eu le même agresseur.
- Ouais Il ! Un homme de mon âge environ... Il est arrivé pendant que je séchais au soleil. Il parlait et sans que je fasse attention, il m'a embrassée et j'ai perdu connaissance...
- Ah, c'est pour ça que tu es nue... Hum... Moi, c'était une fillette qui pleurait en disant qu'elle était perdue...
- Bon, et comment on va sortir d'ici d'après toi ? Demanda Sariane.
La porte s'ouvrit alors en grinçant et une vieille femme aux cheveux gris et au visage ridé entra dans la pièce. Elle était vraiment hideuse, constata Lornette avec dégoût.
- Je vois que vous êtes réveillées, sourit-elle, dévoilant des dents sales et pourrissantes. Bienvenue dans votre dernière demeure... Mon nom est Malicia...
- Qu'est-ce que vous nous voulez ? S'écria Lornette.
- Notre peau... Répondit Sariane sombrement.
- Ma peau ? Heu... Vous savez madame, je l'aime bien ma peau, j'aimerais bien la garder... Mais pourquoi elle veut notre peau ? S'exclama-t-elle en se tournant vers sa compagne d'emprisonnement.
- C'est une volepeau... Les volepeaux sont un ancien groupe de sorcières... L'Ordre les croyaient disparues depuis longtemps...
- Nous sommes seulement plus discrètes, rétorqua Malicia en haussant les épaules.
- Et qu'est-ce que vous faites avec ces peaux ?
- Elles s'en servent pour changer d'apparence, expliqua Sariane. Elles peuvent ainsi déjouer la méfiance de gens en se faisant passer pour leurs proches ou pour des gens sans défense...
- Ou de beaux jeunes hommes attirants... Ricana Malicia. Brian ne te laissait apparemment pas indifférente, pour que tu te fasses avoir aussi facilement...
- C'est bien beau tout ça, les interrompit Lornette, mais pourquoi vous ne nous avez pas tuées alors ?
- Il faut une certaine préparation... Vous devez notamment boire une potion qui n'est pas encore prête... Sans cela, vos peaux ne tiendraient pas longtemps... Savourez bien vos dernières heures, après cela, vous rejoindrez ma collection, conclut-elle en désignant les peaux qui pendaient aux murs, avant de quitter la pièce et de refermer la porte.
- Je n'étais pas attirée pas lui, grogna Sariane. Elle m'a prise par surprise, c'est tout.
- Je n'en doute pas, rétorqua Lornette en levant les yeux au ciel. Mais on a plus important à faire pour l'instant que de débattre de tes goûts en matière d'hommes... Comme trouver un moyen de ne pas finir épluchées... C'est un exemple au hasard, bien sûr...
- Oui, bon... Mais je te l'ai dit, je ne peux pas jeter de sorts, attachée comme ça...
- Il y a d'autres moyen de fuir que de jeter des sorts... Quand j'ai fuit Vacancenfête, je n'ai lancé aucun sort... Bon, là, pour l'instant, j'ai pas trop d'idées... Mais on va trouver...
- Je n'aurais jamais pensé finir ma vie comme ça dans une caverne, épluchée par une volepeau, murmura Sariane tristement.
- On va trouver j'te dis, contra Lornette.
- Ouais, c'est ça et comment comptes-tu trouv... Dis, c'est normal cette Lornette réduite qui est en train de sortir de ta poche ? S'interrompit la magicienne, affichant un air de profonde perplexité.
- Hein ? S'étonna Lornette en baissant les yeux.

Chapitre 11 : Mini-elle.

La mini-Lornette s'extirpait difficilement de la poche de la grande, sans prêter la moindre attention aux regards ahuris qui l'assaillaient comme des mouches autour d'une pauvre bouse de vache...
- Tu crois qu'elle est dangereuse ? Demanda Lornette, incrédule.
- Comment veux-tu qu'je l'sache ? Je ne sais même pas d'où elle peut bien sortir...
- Ben de ma poche, semble-t-il...
Si un regard pouvait gifler, la jeune fille en aurait été quitte pour une bonne trace rouge sur la joue, mais heureusement pour elle, ce n'était pas le cas...
- Oui, bon... Y avait rien dans ma poche... Ah si, les petites pierres bleues en forme d'oeuf que j'ai ramassées quand on s'est enfuies de chez Avalon... Je les avais complètement oubliées...
- Des pierres bleues ? Tu veux dire des èmènèmçes bleues ?
- Heu, j'en sais rien moi, les pierres qu'ils extrayaient dans la mine, répondit Lornette en haussant les épaules. Tu sais ce que c'est ?
- Les èmènèmçes sont des pierres magiques et les bleues sont les plus puissantes. On les dit vestiges d'un très lointain passé... Certains érudits les tiennent pour des oeufs magiques fossilisés... Elles permettent de renforcer les sortilèges. Elles sont très rares et valent très cher ! C'est donc ça qu'Avalon recherchait dans cette mine !
- Hum, des oeufs fossilisés tu dis ? Tu crois que l'un d'eux pourrait ne pas avoir été assez fossilisé et avoir éclos dans ma poche ?
- Je ne vois pas d'autre explication... D'ailleurs, regarde ses cheveux, tu vois les petits éclats de coquille bleue ?
- Bon, on sait d'où elle sort... Et ensuite ? Tu crois que mini-moi va pouvoir nous détacher ? Parce qu'à priori, c'est quand même ma préoccupation principale dans l'immédiat...
J'en sais rien... Je n'avais jamais entendu parler d'éclosion de èmènèmçes jusqu'à présent, répondit Sariane.
- Le mieux, c'est d'essayer je crois... Heu, s'il vous plaît ? Demanda poliment Lornette en direction de mini-elle.
La petite créature blonde cessa de se contorsionner et regarda la jeune fille.
- Est-ce que tu sais parler ?
Mini-Lornette lui fit un grand sourire en agitant ses petits bras.
- Eh ben, c'est pas gagné, soupira Sariane.
- Au fait, c'est la nouvelle mode de se balader à poils ? Demanda Lornette alors que sa version réduite avait repris ses contorsions, achevant de dégager son ventre.
- Elle sort de l'oeuf, c'est normal... Rétorqua la magicienne. Et dès que je serai détachée, je compte bien m'habiller.
- Ça me semble une bonne idée, acquiesça Lornette. Ton côté puissante et impressionnante Mage des Cieux en prend un coup dans cette tenue...
Tandis que Sariane prenait la ferme résolution d'apprendre au plus tôt à se laver sans se déshabiller, mini-Lornette, qui avait enfin fini de se dégager, atterrit souplement sur ses petites jambes.
- Tu crois que tu arriverais à me détacher ? Lui demanda gentiment sa réplique homothétique de rapport dix, d'une voix pleine d'espoir, ne recevant en retour qu'un regard où brillait une incompréhension des plus totales. Défaire mes liens, insista Lornette en désignant ses poignets.
Le visage de sa petite interlocutrice s'illumina et elle se précipita sur les liens, tirant dessus, grognant, rongeant et pestant.
- Au moins, elle le fait avec enthousiasme, remarqua Sariane. Je ne sais pas si elle va y arriver, mais en tous cas, elle essaye, pas de doute...
Il lui fallut à peu près dix minutes pour dégager les mains de Lornette qui entreprit de se masser les poignets pour rétablir sa circulation sanguine.
- Finalement, on va peut-être s'en sortir, se réjouit la magicienne, alors que la jeune fille s'occupait de ses liens à elle.
Quand elle fut détachée, elle s'empressa d'aller enfiler ses vêtements qui traînaient en tas dans un coin de la pièce, savourant la chaleur qu'ils lui procuraient, tandis que Lornette déposait mini-elle sur son épaule.
- Bien, maintenant défonçons la porte, conclut Sariane avec un sourire radieux, en préparant joyeusement un sortilège.

Chapitre 12 : T'es sûre que c'était une bonne idée ?

Sariane acheva son sortilège et la lourde porte vola en éclat. Elle allait la franchir quand elle s'aperçut que quelque chose clochait.
- Normalement, il aurait dû y avoir une autre pièce ou bien un couloir, non ? L'interrogea Lornette.
- Heu, oui, c'était plus ou moins ce que je pensais aussi, répondit la magicienne en approchant prudemment de ce qui avait été la porte de leur prison.
Là où aurait dû se trouver la sortie, il y avait... rien. Pas comme une pièce vide ou comme s'il n'y avait pas de trou dans le mur, juste rien à perte de vue... Vue qui n'allait pas très loin d'ailleurs, puisqu'il n'y avait rien pour réfléchir la lumière. La magicienne prit la torche et tenta d'éclairer l'extérieur. Lorsqu'elle passa la limite de la pièce, celle-ci s'éteignit instantanément.
- Hum... Tu es sûre que détruire la porte était vraiment une bonne idée ? Demanda Lornette alors que toute lumière avait quitté la pièce.
- Heu, peut-être pas en fait...
- Est-ce que par hasard tu pourrais rallumer la torche ? C'est pas que j'ai peur du noir, mais je n'aimerais pas me retrouver là dehors en traversant la « porte » par erreur... D'ailleurs, j'aimerais bien savoir ce que c'est que ce « dehors »...
- Et bien... Commença Sariane en rallumant la torche. Je ne suis pas très sûre, mais a priori, on doit être dans une chambre dimensionnelle...
- Mouais, j'ai déjà vu plus confortable comme chambre...
- Les mages les plus puissants peuvent créer ce genre de lieux, poursuivit la magicienne ignorant l'interruption. Les chambres dimensionnelles n'appartiennent pas à notre univers, elles se trouvent en dehors... Au delà de cette porte, il n'y a rien, vraiment rien, même pas d'air, ce qui explique que la torche se soit éteinte...
- Ah... Si tu l'dis... Et tu as une idée de comment rentrer dans notre monde ?
- La porte que j'ai détruite constituait en réalité le lien entre cette chambre et notre univers... Et là, on a deux problèmes... D'une part, sans ce lien, je vois mal comment on pourrait rentrer... Il faudrait ouvrir un portail et même si je maîtrise plus ou moins la théorie, je suis à cent lieues d'avoir la puissance nécessaire... Le deuxième problème est plus gênant encore...
- T'es sûre ? On m'a l'air déjà sacrément mal barrées avec le premier, comment le deuxième pourrait être pire ? Interrogea Lornette, qui se voyait déjà mourir lentement de faim et de soif dans cette caverne perdue au milieu de rien.
- Ben le deuxième problème, c'est que sans ce lien vers notre monde, la pièce où nous nous trouvons va devenir rapidement instable et au final se désintégrer dans le néant...
- J'imagine que s'y trouver à ce moment ne doit pas être bon pour la santé...
- En effet... Et à priori, il nous reste environ une heure je pense... Donc en gros, tout est perdu, je ne vois pas comment en une heure, je pourrais trouver un moyen de rentrer...
- Cela dit, entre ça et mourir de faim... Fit remarquer Lornette avant de sursauter et de fouiller dans sa poche. Est-ce que par hasard ça pourrait t'aider ? Demanda-t-elle en lui tendant les cinq èmènèmçes bleues qu'il lui restait.
Le visage de Sariane s'éclaira à mesure qu'elle reprenait espoir.
- Si tu pouvais ne pas les utiliser tous, ce serait bien... Tu as dit que ça valait cher...
- Il va me falloir beaucoup d'énergie tu sais...
- Bon, tant pis, soupira Lornette oubliant tristement ses rêves de richesse.
Pendant un bon quart d'heure, Sariane se prépara à lancer le sort le plus puissant qu'elle ait jamais lancé, absorbant la magie des èmènèmçes, qui perdirent leur couleur avant de tomber progressivement en poussière, tandis que Lornette jouait avec mini-elle.
- Je crois que je vais y arriver, annonça la magicienne.
- Ce serait bien, approuva Lornette, et si possible j'aimerais bien qu'on arrive entières... Et qu'on soit toujours trois, ajouta-t-elle repensant au passé de la magicienne.
- Je vais essayer, répondit Sariane en commençant à incanter.
Elle traça d'étranges symboles scintillants dans les airs, marmonnant des paroles bizarres dans des langues inconnues. Les deux spectatrices purent ressentir la formidable puissance magique déployée dans la pièce. Peu à peu, un tourbillon bleuté apparut en face de la magicienne, d'abord minuscule, puis de plus en plus grand, jusqu'à atteindre la hauteur d'un homme.
- On peut y aller, annonça Sariane.
Nos trois amies traversèrent alors le portail. Durant la traversée, elles ressentirent une étrange sensation de flottement, comme si elles se retrouvaient en apesanteur, puis elles atteignirent l'autre côté et se retrouvèrent face à une Malicia aux yeux écarquillés d'étonnement et de terreur. Elles soupirèrent de soulagement en constatant qu'elles étaient toujours trois tandis que la volepeau bredouillait des suites de mots incohérentes...
- Si je vous reprends à voler une peau, je vous tue, lui dit calmement Sariane. Lentement... Précisa-t-elle, le regard lourd de menace avant de quitter la caverne en compagnie des deux Lornettes.

Chapitre 13 : Révélations.

Les trois rescapées retrouvèrent rapidement la clairière où Mimine, Doly et Akki avaient continué à vaquer à leurs occupations sans s'inquiéter le moins du monde de leur absence de plus d'une journée. Sariane et Lornette dégustèrent un lapin bien mérité tandis qu'Akki tentait vainement de se ré-approprier la 2e épaule de sa maîtresse, désormais occupée par sa réplique miniature. Elles passèrent le reste de la journée à profiter du beau temps pour glandouiller paresseusement, la magicienne récupérant du sortilège qu'elle avait lancé pour ouvrir le portail.
Peu avant la nuit, alors que Lornette s'était éloignée de la clairière pour chercher quelques myrtilles, elle aperçut un énorme loup. Se cachant précipitamment derrière un rocher, elle l'observa à la dérobée, priant pour qu'il ne la voie pas et pour que mini-elle ne trahisse pas sa position par un de ces gazouillis dont elle avait le secret. Le loup mesurait près d'un mètre et demi de haut, ce qui était d'autant plus impressionnant que les arbres du MAR – toujours aussi petits – lui arrivaient péniblement aux genoux... Il se déplaçait souplement et silencieusement dans la forêt, son poil noir le camouflant de plus en plus à mesure que la nuit tombait.
Peu après, il fut rejoint par une femme aux longs cheveux bruns... Elle avait forme humaine, mais la comparaison s'arrêtait là... Elle était entourée d'une légère brume scintillante et dégageait une aura de puissance qui démentait toute appartenance à l'humanité. Lorsqu'elle se tourna vers Lornette, celle-ci se cacha au plus vite derrière son rocher, tremblant de peur. Cette étrange femme ne semblait pas hostile, mais la jeune fille sentait que si cela avait été le cas, elle n'aurait eu aucune chance. Même mini-elle se tenait tranquille, ce qui n'était pas pour la rassurer...
Après ce qui lui sembla une éternité, Lornette décida que la femme et son gros loup devaient être partis et risqua un coup d'oeil de l'autre côté du rocher. Elle était toujours là, le loup couché à ses pieds baillant à s'en décrocher la mâchoire. Elle la regardait... Son regard reflétait une sagesse infinie due à une vie incroyablement longue... La femme lui sourit et s'approcha, tendant la main vers mini-Lornette, qui sauta dessus d'un bond.
- Il y a bien longtemps que je n'avais vu de membre de ton espèce, murmura-t-elle en caressant les cheveux de la petite créature qui se mit à gazouiller en agitant joyeusement ses petits bras...
- V... Vous... Vous savez ce qu'elle est ? Bredouilla Lornette.
- Oh oui, répondait la femme, c'est une faeryl, une créature magique...
- Mais pourquoi elle me ressemble comme ça ? Demanda la jeune fille, dont la curiosité prenait le pas sur le respect craintif que lui inspirait la femme.
- Tu as porté son oeuf et elle s'est nourrie de ton essence, de tes pensées et de tes émotions... Elle semble naïve et insouciante, ce qui prouve que tu as un coeur pur...
- Ah bon ? Ben heu... Tant mieux...
La femme laissa échapper un petit rire cristallin, presque irréel.
- Tant de responsabilités vont peser sur tes épaules et tu n'y es pas préparée...
- Hein ? De quoi vous parlez ? Qu'est-ce qui m'attend ? Et comment vous le savez ? Vous êtes voyante peut-être ? Demanda Lornette d'une traite, commençant légèrement à paniquer.
La femme rit à nouveau.
- Je peux voir l'avenir, ou du moins ce qu'il pourrait être... La direction que prend le monde, mais dont il peut changer à tout moment... Rien n'est écrit avant d'avoir été vécu... Le tien est incertain, mais la faeryl t'aidera. Elle est liée à toi et ne peut pas vivre sans toi...
- Heu, moi, je voudrais juste trouver un endroit où je pourrais vivre tranquillement hein... Je commence à en avoir marre des aventures où je manque de me faire arracher les bras, pendre ou éplucher à chaque instant...
- Ton amie magicienne aura besoin de toi pour la garder sur le droit chemin. Le sort qu'elle a lancé aujourd'hui l'a changé... plus encore peut-être que le sort qui l'a fusionné il y a dix ans... Même si ces modifications sont plus subtiles...
- Heu ouais, mais qu'est-ce que j'ai à voir là dedans moi ? Je n'y comprends rien à la magie, vous savez...
- Ce n'est pas l'important. La puissance ou la connaissance sont loin de lui faire défaut, mais tes qualités sont ailleurs... De plus, elle n'est pas la seule... Ton frère aussi aura besoin de toi bientôt...
- Mon frère ? Il est en vie ? Vous savez où il est ? Non, ne partez pas ! S'écria-t-elle alors que mini-elle regagnait son épaule et que la femme disparaissait dans la nuit... Hé ! Revenez !
Le loup lui jeta un dernier regard et disparut à son tour.
- Mais qu'est-ce qui se passe ? Geignit Lornette, alors que sa vie jusqu'alors simple, prenait un tour des plus compliqués et incertains. C'est malin ! Elle aurait pu parler autrement que par énigmes ! Pesta-t-elle en cherchant du regard l'approbation de mini-elle qui se contenta de hausser les épaules avant de sourire jusqu'aux oreilles en lui tapotant la joue...

Chapitre 14 : Dis, tu m'écoutes ?

Lorsque Lornette regagna la clairière, Sariane lui trouva un air passablement soucieux.
- Un problème ? Lui demanda-t-elle.
Lornette se contenta de s'asseoir près du feu, ruminant dans son esprit sa récente rencontre avec cette étrange femme et son loup.
- Un problème ? Répéta Sariane, au cas où la jeune fille ne l'aurait pas entendue.
« Mais qui pouvait bien être cette femme ? » S'interrogea Lornette.
- Hey ! Tu m'écoutes ? S'impatienta la magicienne.
« Et pourquoi je ne lui ai pas demandé qui elle était ? C'est malin ! » Se maudit intérieurement la jeune fille.
- Tu pourrais faire comme si tu faisais un peu attention à moi, non ? C'est assez désagréable là...
« Et ce que Nico est vraiment en vie ? »
- Dis-donc, tu te fous de moi ou quoi ?
« Et si elle m'avait menti sur toute la ligne ? »
- Si tu ne me réponds pas tout de suite, je tonds ta webcam ! Menaça Sariane en saisissant le câble d'Akki avant que celle-ci ne se mette hors de portée.
« Et si elle disait vrai ? Je ne suis pas près de vivre une vie tranquille moi... »
- Je suis sérieuse ! Poursuivit Sariane en tentant de saisir le corps d'Akki, qui se débattait furieusement comme une webcam à qui on veut raser le crâne – ce qui, justement, était le cas.
« Une petite maison tranquille, c'est trop demander apparemment... » Déprimait Lornette.
- Et toi, tu vas te calmer, oui ? Si tu continues, je te transforme en micro, déclara la magicienne avec un sourire diabolique en direction de la webcam qui se calma, préférant encore se faire raser le crâne...
« Ce monde est vraiment cruel... » Pensa Lornette en soupirant tristement avant de remarquer que Sariane tenait fermement Akki dans une main et un grand couteau dans l'autre.
- Hé ! Qu'est-ce que tu fais à ma webcam ? S'écria-telle.
- Ah, quand même, soupira la magicienne, il t'en a fallu du temps ! Bon, tu vas enfin me dire de quoi il retourne ? Demanda-t-elle en lâchant Akki, qui aurait volontiers soupiré profondément de soulagement si sa morphologie de webcam le lui avait permis.
- J'ai rencontré une femme...
- Et t'es lesbienne pour que ça te fasse un tel effet de rencontrer une femme ?
Si la magicienne avait espéré détendre un peu l'atmosphère, elle déchanta très vite, étant donné que Lornette ignora superbement sa question.
- En fait, j'ai dit une femme, mais je suis prête à retourner me faire arracher les bras par Vamp et Meryl si elle était humaine !
- C'est qui Vamp et Meryl ? Demanda Sariane qui n'en avait jamais entendu parler.
- Deux ogresses qui collectionnent les bras... On leur a échappé de justesse la veille de notre rencontre... Mais on n'arrivera jamais au bout si tu m'interromps tout le temps !
- Je m'tais, je m'tais, promit la magicienne.
- Bien, donc je disais qu'elle n'avait vraiment pas l'air humaine... Elle dégageait une sorte de lueur et ses yeux... Tu aurais dû voir ça ! Même une vieille elfe de cinq millénaires n'aurait pas de tels yeux... En plus, elle se baladait avec un énorme loup de la taille de Doly...
- Tu as parlé avec la Déesse Nine ?! S'écria Sariane. Rien que ça ?
- Tu la connais ? Une déesse tu dis ?
- Tu veux me faire croire que tu n'as jamais entendu parler d'elle ? C'est la gardienne du MAR, elle s'y promène en compagnie de son grand loup – Avec lequel elle entretiendrait des rapports assez louches... Mais bon, ce ne sont peut-être que des ragots... – D'ailleurs, il paraît que le Grand Mage-Administrateur, le Dieu des dieux, l'aurait chargée d'y limiter la taille des arbres à mille posts – soit un peu moins d'un mètre –, là encore, ce n'est peut-être qu'une légende, mais de nombreux livres sacrés en font mention...
- Hum... Et si on en revenait à ma rencontre avec elle et ce qu'elle m'a dit ?
- Je t'écoute, acquiesça Sariane.
- Bon, donc elle m'a dit que mini-moi était une faeryl. Qu'elle s'était nourrie de mes émotions et de mes pensées pendant qu'elle était dans son oeuf... Et qu'elle m'aiderait dans ma quête... Quête qui consiste à aller sauver mon petit frère, précisa Lornette, préférant passer sous silence le passage concernant Sariane. Mais bien sûr, elle n'a pas été jusqu'à me dire où le trouver, ça aurait rendu la tâche sûrement trop réalisable...
- Ben au moins comme ça on a un objectif, c'est déjà ça, sourit Sariane.

Chapitre 15 : Quoi ?!

Cette nuit là, Lornette revit en rêve le long film de sa vie... Elle revit son enfance, ses jeux avec les autres enfants du village, les ennuyeux cours à l'école, la disparition soudaine de sa mère, le jour de son douzième anniversaire où son père lui avait offert sa webcam blonde... Le tout était mis en scène de façon étrange et désordonnée, mais pourtant paraissait tout à fait normal, comme seul un rêve peut le sembler avec un tel scénario...
Soudain, alors qu'au détour d'une ruelle sale de Vacancenfête, elle s'était retrouvée le plus naturellement du monde en train de choisir un livre à la bibliothèque de son école, elle entendit un hennissement derrière elle... Faisant volte face, elle se retrouva nez à nez – ou plutôt nez à naseaux – avec Mimine, qui la regardait fixement d'un regard pénétrant.
- Lornette... Je suis ta mère... Annonça la licorne.
Ladite Lornette se réveilla en sursaut.
- Quoi ?! Hurla-t-elle, terrorisant tous les lapins de la clairière pour les cinquante prochaines générations au moins et réveillant par la même occasion ses compagnes de route.
- Qu'est-ce que t'as encore ? Grogna Sariane. Ça te dérange tant que ça que les gens dorment ?
- Je... J'ai... J'ai fait un rêve étrange...
- Ouais, ben ça attendra demain... Conclut la magicienne en se recouchant.
Lornette regarda Mimine. Avait-elle vraiment le même regard pénétrant que dans son rêve ? Ou bien n'était-ce que le fruit de son imagination ?
« Pourquoi plus rien ne veut plus rester simple ? Ce serait trop demander que d'avoir quelque chose de tangible et de sûr à quoi se raccrocher ? » Pensa tristement Lornette avant de tenter tant bien que mal de se rendormir.

***
Au matin, les voyageuses quittèrent la clairière aux lapinous. Ayant maintenant un objectif, mais toujours pas de destination, elles prirent la direction opposée à Nivu, au cas où des gardes les rechercheraient encore.
Le temps était toujours au beau fixe et la journée s'écoula lentement. Lornette se répétait inlassablement que ce n'était sûrement qu'un rêve, rien de plus, et que Mimine n'était qu'une licorne ordinaire, mais après toutes les choses étranges qu'elle avait vécues ces derniers temps, elle n'arrivait pas à s'en convaincre...
- Dis, Sariane ? Demanda-t-elle timidement.
- Quoi donc ?
- Je me demandais si... Quand on transforme quelqu'un en autre chose, c'est réversible ? Et y a moyen de savoir si c'était bien ce quelqu'un ?
- Heu... Ça dépend du sort... Et du magicien qui l'a lancé... Pourquoi ?
- Ben disons que c'est à cause de mon rêve de cette nuit...
- Ah oui, celui qui m'a valu de me réveiller en douceur en pleine nuit... Il était intéressant au moins ?
- En fait, dans ce rêve... Mimine m'a parlé...
- Tiens donc ? Et qu'est-ce qu'elle a bien pu te raconter ? Vu le hurlement que tu as poussé, elle ne devait pas te chanter une berceuse j'imagine...
- Non, en gros elle a dit... « Lornette, je suis ta mère »...
- Hum... C'est pas banal. Évite de me faire ce coup là, tu seras gentille... Ajouta-t-elle à l'attention de Doly, qui fit comme si de rien n'était...
- Donc... Est-ce que tu aurais moyen de vérifier ça ? Demanda Lornette, pleine d'espoir.
- Heu... Tu sais, ce n'était probablement qu'un rêve, rien de plus...
- Oui, je sais, mais je n'arrête pas de me dire qu'en fait, c'est peut-être vraiment elle... Tu sais, ma mère a disparu brusquement sans laisser de traces quand j'avais dix ans...
- Bon, soupira Sariane, j'essaierai ce soir avant de dormir... Mais j'te promets rien, c'est pas trop ma spécialité...
- Merci, répondit Lornette. Oh, un village là bas ! S'exclama-t-elle en désignant le fond de la vallée qui s'étendait devant elles.
- Elfique je dirais...
- Allons voir ! S'écria joyeusement la jeune fille. J'ai toujours voulu voir des elfes !
Elles descendirent donc prudemment la pente escarpée de la montagne, prenant garde à ne pas faire glisser leurs montures sur les cailloux.
- Au fait, ils parlent le commun les elfes d'habitude ? Demanda Lornette.
- Heu, ça dépend... Pas toujours... Mais j'ai appris quelques rudiments d'elfique, donc ça devrait aller..
- Parfait ! Conclut Lornette. J'ai hâte d'y être !

Chapitre 16 : Bassefeuille.

Le village elfique se situait au fond d'une petite vallée, près des rives d'un grand lac, que les elfes avaient baptisé le Lac Mouillé suite à la mésaventure qu'y avait vécu un nain de passage dans la région. Une fois repêché par les elfes, toussant et recrachant des litres d'eau avant d'essorer sa barbe, il avait en effet pesté : « C'est que c'est mouillé ce truc en plus ! ».
Les voyageuses arrivèrent bientôt en vue des premières habitations.
- D'habitude, les elfes construisent leurs cités en haut des arbres... Mais dans le MAR ils on dû renoncer à cette tradition... Expliqua Sariane.
- Oui, je vois à peu près pourquoi, acquiesça Lornette en observant les grands arbres de quelques dizaines de centimètres qui poussaient au bord du chemin. Bonjour monsieur, s'exclama-t-elle alors qu'un elfe armé d'un arc arrivait dans leur direction.
Le garde lui répondit dans une langue complètement incompréhensible et elle se tourna vers Sariane qui poursuivit dans ce même langage.
- Tout va bien, il va nous conduire devant le conseil du village, sourit Sariane quand leur conversation s'acheva.
- Il est pas du genre tribunal ce conseil n'est-ce pas ? Demanda Lornette qui avait vu assez de tribunaux pour quelques temps...
- Mais non, t'inquiète pas, la rassura Sariane, alors qu'elles arrivaient dans la salle du conseil.
Le conseil était composé de trois femmes elfes, assises sur des coussins, en face desquelles, Sariane et Lornette prirent place.
- Je vous souhaite la bienvenue à Bassefeuille, voyageuses. Je me nomme Ambrelune, annonça la plus âgée des trois conseillères, une vielle elfe à la peau ridée et aux cheveux bruns grisonnants, qui devait avoir plusieurs millénaires derrière elle. Je suis la Doyenne de ce village... Et voici Aiguemarine, notre Gardienne de la Connaissance, poursuivit la Doyenne avec un mouvement de tête vers l'elfe, plus jeune, qui se tenait à sa droite. Et enfin, Neptuna, Gardienne du Lac, conclut-elle en désignant l'elfe à la peau bleutée et aux cheveux blancs, assise à sa gauche, qui semblait bien plus jeune encore que la Gardienne des Connaissances et ne devait pas avoir beaucoup plus de cent ans.
- Je me nomme Sariane, magicienne de l'ordre de Sarkange, se présenta Sariane, et ma compagne de route se nomme Lornette.
- Nous avons entendu parler de vous... C'est bien vous qui avez blessé la démone Avalon il y a peu ? Plusieurs des nôtres meurent dans ses mines actuellement... Et c'est avec plaisir que nous avons appris sa mésaventure qui a, du reste, fourni une occasion de s'enfuir à de nombreux esclaves.
- En effet, elle me retenait prisonnière et Lornette m'a aidé à m'échapper... Je l'aurais volontiers éliminée si je n'avais pas eu un... Contretemps...
- La pleine lune.. Acquiesça la Doyenne. Nous avons également entendu parler de votre... Malédiction... Il se pourrait d'ailleurs que nous soyons en mesure de vous aider à ce propos, mais la Gardienne des Connaissances n'a pas encore achevé ses recherches... Aussi ne pouvons-nous encore rien vous promettre...
- La moindre piste serait un immense cadeau, dit Sariane dont la voix trahissait un espoir mêlé d'excitation que Lornette ne lui avait encore jamais entendu.
- Comme je l'ai dit, les recherches sont inachevées... Elles devraient prendre encore quelques jours... Vous pouvez rester à Bassefeuille durant ce temps.
- C'est très aimable à vous, nous vous en sommes infiniment reconnaissantes.
- Vous avez des choses à accomplir et si nous pouvons vous y aider, nous le ferons. Et votre jeune amie porte une faeryl, qui reflète la pureté de son coeur... Vous avez le potentiel d'accomplir de grandes choses...
- Vous êtes la deuxième à nous dire ça en deux jours seulement, intervint Lornette qui s'était tue jusqu'alors. Mais nous ne savons pas grand chose de ce que nous devons faire ni même où aller... Si ce n'est que cela concerne mon frère...
- Je ne peux vous en dire plus... Mes dons de prescience ne vont pas plus loin que ce que je vous ai déjà dit...
- Merci quand même, soupira Lornette, déçue.

***
Nos amies passèrent les jours qui suivirent à Bassefeuille, découvrant la culture elfique et savourant cette accalmie dans leur vie mouvementée, oubliant un temps la quête qu'elles tentaient d'accomplir sans savoir de quoi il s'agissait...
Lornette se découvrit des talents d'archère, acquérant rapidement une maîtrise tout à fait honorable de l'arc que les elfes lui avaient offert. Sariane, quant à elle, réalisa que le puissant sortilège qu'elle avait lancé pour fuir la chambre dimensionnelle avait renforcé sa magie et s'attela à en découvrir les nouvelles limites, en compagnie d'un vieux mage elfe qui lui rappelait son tuteur à l'école de magie.
Akki en profita pour se prélasser au soleil sur le sable de la rive du Lac Mouillé, tandis que Doly et Mimine broutaient paisiblement.
Les tentatives de Sariane et du mage elfe n'avaient pu déterminer si, oui ou non, Mimine était une humaine changée en licorne, mais ils ne perdaient pas espoir d'y parvenir bientôt...

Chapitre 17 : Tout est perdu !

Douze jours après leur arrivée à Bassefeuille, Sariane fut à nouveau convoquée par le Conseil.
- Les recherches sont achevées, annonça la Doyenne.
- Les livres font état d'un lieu sacré, commença la Gardienne des Connaissances. Un lieu de grande puissance... On dit que tout ce qui a été fait par magie peut y être défait.
- Et vous savez comment je pourrais m'y rendre ? Demanda Sariane d'une voix chargée d'espoir.
- Ce lieu est cité comme étant le Temple de la Magie Inverse... Il se trouv...
La gardienne fut interrompue par une grande secousse, suivie d'un fracas épouvantable et d'un ignoble hurlement. Les yeux des trois elfes s'écarquillèrent de terreur.
- Non... C'est impossible, murmura la Doyenne, les mains tremblantes.
- Qu'est-ce qui se passe ? Demanda Sariane qui n'en avait aucune idée.
- Il s'est libéré... Gémit la Gardienne des Connaissances, d'une voix où perçait une terreur irraisonnée.
- Qui ça ? Insista Sariane, que cela n'éclairait pas beaucoup.
- Il faut organiser nos défenses ! S'exclama la Gardienne du Lac.
- Dites, vous m'écoutez ?
- C'est inutile... Tout est perdu... Soupira le Doyenne.
- C'est pas pour dire, mais je n'y comprends rien... Précisa Sariane.
- Je ne baisserai pas les bras sans résister ! Cria la Gardienne du Lac.
- Pourquoi est-ce que dès que quelqu'un est un peu préoccupé, je deviens tout à coup complètement invisible ? S'interrogea la magicienne.
- Les mages qui l'avaient enfermé dans sa prison de roche sont tous morts depuis longtemps... Et leurs secrets ont disparu avec eux... Nous n'avons aucune chance... Dit la Gardienne des Connaissances, défaitiste.
- Peut-être qu'en réalité, je n'existe que dans leur esprit... Réfléchit Sariane, philosophe.
- On doit au moins tenter de le combattre ! Même si c'est la dernière chose que nous ferons ! Nous devons tenter de le détruire ! Contra la Gardienne du Lac.
- ... Donc s'ils sont trop préoccupés, ils ne prennent plus la peine de m'imaginer...
- Comment peux-tu espérer le détruire ? Grogna la Doyenne. Ta jeunesse t'aveugle et te fait perde le sens des réalités !
- ... Et par voie de conséquence, je n'existe plus...
- Je n'en sais rien, mais je ne compte pas rester ici les bras croisés à attendre qu'il vienne nous massacrer !
- ... Mais il reste un problème : si je n'existe pas, comment je fais pour penser ?
- Fais comme tu veux... Je suis trop vieille pour me battre pour des causes perdues, soupira la Doyenne.
- ... Et voilà... Tout mon beau raisonnement tombe à l'eau, conclut tristement Sariane.
- Je me battrai, avec ou sans vous, dit l'elfe à la peau bleutée en se levant. Et toi Sariane ? Vas-tu rester ici à attendre de te faire déchiqueter comme ces vieilles imbéciles, ou vas-tu te battre ?
- Hein ? S'exclama la magicienne en réalisant qu'on faisait à nouveau attention à elle. Heu... Je vais me battre, j'imagine... Mais quelqu'un aurait-il l'obligeance de me dire contre quoi ? Parce que ça peut servir éventuellement...
- Je t'expliquerai en chemin, il nous faut rassembler tous les combattants disponibles au plus vite.
Les deux femmes sortirent alors de la salle du Conseil, sous les regards résignés de la Doyenne et de la Gardienne des Connaissances.
- Vous deux ! Cria Neptuna aux deux gardes en faction devant la porte, qui tremblaient comme des feuilles. Rassemblez les guerriers et les mages au centre du village ! Exécution !
- Bon, tu vas me dire de quoi il retourne, d'accord ? Pressa la magicienne alors que les deux gardes détallaient en poussant des cris d'appel au rassemblement.
- Bassefeuille a été fondé il y a des millénaires, avec pour mission de maintenir une prison en état...
- Hum, j'imagine qu'elle devait contenir plus qu'un politique verreux cette prison, pour bénéficier d'autant d'attentions...
- En effet... Cette prison se trouve sous la montagne, dit-elle en désignant la haute montagne sur sa gauche. Elle renferme la plus effroyable créature que le Grand Mage Administrateur ait jamais lâché sur le monde... On raconte même qu'il existait déjà avant lui... Cette prison contient le 60sec...
- Le 60sec ?! S'exclama Sariane les yeux écarquillés. Mais ce n'est qu'un mythe !
- Non. C'est bien plus que cela... Et si nous ne trouvons pas le moyen de l'enfermer à nouveau ou de le détruire, ce sera la fin...

Chapitre 18 : À l'attaque !

Tous les elfes valides étaient regroupés sur la place centrale du village. Lornette était là également et Sariane venait de lui expliquer ce qu'elle savait quand Neptuna prit la parole.
- Comme vous vous en doutez, le 60sec est en train de se libérer. Dans ces conditions, nous n'avons qu'une alternative : soit nous abandonnons et attendons sagement qu'il vienne nous exterminer, comme le suggère la Doyenne et la Gardienne des Connaissances, soit nous tentons quelque chose...
Un murmure parcourut l'assistance. Certains étaient près de céder au désespoir, tandis que d'autres n'attendaient qu'un mot pour se ruer au combat.
- Ne nous leurrons pas, poursuivit Neptuna, nous n'avons que peu de chances de remporter ce combat. Le 60sec est puissant et ancien... Et même si nous l'emportons, peu d'entre nous survivrons... Mais il vaut toujours mieux mourir en combattant bravement que mourir en lâches sans rien tenter !
Elle fit une nouvelle pause, le temps que ses paroles fassent effet.
- Je suggère que nous attaquions les premiers, reprit-elle. Il doit être encore affaibli, tentons de le prendre par surprise !
Un murmure d'assentiment se fit entendre.
- Bien, finissez vos préparatifs, nous partons dans quinze minutes, conclut la Gardienne du Lac, qui s'était auto-promue à la tête du village.
Les elfes s'empressèrent de rassembler leurs armes et leurs armures.
- Je doute qu'une attaque frontale ait la moindre chance... Soupira le vieux mage qui avait travaillé avec Sariane pendant son séjour à Bassefeuille.
- Moi aussi, reconnut Neptuna, mais je n'ai rien de mieux à proposer...

***
Quinze minutes plus tard, la petite armée de Bassefeuille quitta le village en direction de la montagne qui emprisonnait le 60sec. Celle-ci n'avait cessé de trembler sous les assauts furieux du monstre qui se frayait un passage à travers la roche. De gigantesques rochers dévalaient régulièrement ses pentes dans un fracas épouvantable.
Ils n'étaient qu'à quelques minutes de l'entrée de la caverne quand ils atteignirent un campement.
- Des esclavagistes ! Cracha Neptuna. Que font-ils donc ici ?
- Se pourrait-il qu'ils aient aidé le monstre à s'échapper? Demanda Sariane.
- Volontairement, j'en doute, répondit le vieux mage. Ils n'ont aucun intérêt là dedans...
- Par contre, les objets magiques qui maintenaient la prison, ça, ça les intéressait sûrement... Ajouta Neptuna.
- Si c'est le cas, en les récupérant, et en supposant que le 60sec ne se soit pas encore entièrement libéré – ce qui semble être le cas – nous avons peut-être une chance de réparer ce qu'ils ont fait, suggéra Sariane.
- Ça vaut le coup d'essayer, reconnut le vieux mage.
- Pas de temps à perdre en négociations. Guerriers de Bassefeuille, à l'attaque ! Cria Neptuna.
Les elfes chargèrent, massacrant les esclavagistes sous des volées de flèches et de sortilèges ou les passant au fil de l'épée.
- Épargnez les esclaves ! Cria la Gardienne du Lac.
En quelques minutes seulement, tous les esclavagistes gisaient dans leur sang. Les elfes fouillèrent le campement à la recherche des objets magiques volés, pendant que Sariane et Lornette libéraient les esclaves. C'est alors que Lornette remarqua un jeune garçon blond parmi eux.
- Nico ? S'exclama-telle, n'osant y croire.
- Lornette ! Répondit-il avec un grand sourire joyeux, avant d'afficher une moue perplexe. Pourquoi t'as une mini-toi sur l'épaule ? Demanda-t-il alors que mini-Lornette agitait frénétiquement les bras pour le saluer.
- C'est une longue histoire, soupira la jeune fille enserrant son petit frère dans ses bras. Je suis si contente de t'avoir retrouvé !
- Ce n'est pas pour le plaisir d'interrompre ces touchantes retrouvailles, mais on est comme qui dirait un peu pressés, fit remarquer la magicienne en se tournant vers Neptuna qui marchait dans leur direction.
- Nous avons les objets, annonça-t-elle.
- Malheureusement, ils ne nous serviront plus à grand chose, soupira le vieux mage en désignant la montagne dont le 60sec achevait de s'extirper...