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Chapitre 1 : Il pleut.

Le Grand Mage Administrateur ne devait pas être d'humeur très joyeuse, à en juger par la quantité d'eau de pluie qui imbibait le petit sentier. La grande brebis au regard vide, dont les sabots laissaient échapper un bruit spongieux à chaque pas ne semblait pourtant pas s'en soucier outre mesure. Elle avançait, imperturbable, sans se préoccuper le moins du monde du mauvais temps ou de l'humeur massacrante de sa cavalière.
Pourtant, la belle magicienne aux yeux bridés et aux cheveux noirs dégoulinant de pluie ne cessait de pester contre les caprices du temps et la pluie battante qui tombait sans discontinuer depuis maintenant plus d'une semaine, ralentissant considérablement leur périple.
- Il y a une auberge à quelques minutes d'ici, annonça Neptuna, l'elfe-vampire qui partageait avec la magicienne sa quête du Temple de la Magie Inverse et revenait d'une reconnaissance sous la forme d'un grand corbeau.
- Pas trop tôt ! Soupira Sariane. Ça fait des jours qu'on n'a plus dormi au sec !
- ... Répondit sa monture, qui semblait toujours aussi concernée par les événements tout en happant au passage une petite touffe d'herbe trempée dépassant du bourbier qu'était devenu le chemin, avant de la mâchonner négligemment.
Quelques minutes et des centaines de litres de pluie plus tard, les voyageuses atteignirent l'auberge repérée par la vampire. Mettant pied à terre, la magicienne conduisit Doly vers l'écurie avant de se diriger vers l'entrée de l'auberge où Neptuna – qui avait repris sa forme elfique – l'attendait déjà.
- « Au Soleil Ivre », lut la magicienne avec une moue dégouttée. J'aimerais bien le revoir le soleil, tiens... Feraient bien de changer de nom et d'arrêter de nous narguer comme ça...
Les deux femmes passèrent la porte, entrant dans une auberge presque déserte à cette heure avancée de la nuit... Près de l'âtre, un nain ronflait sur sa chaise, une chope de bière vide à la main, tandis que l'aubergiste nettoyait les tables avant d'aller se coucher.
- Bienvenues au Soleil Ivre, mesdames, les salua-t-il poliment. Vous êtes bien courageuses pour voyager si tard par ce temps...
- J'vous l'fais pas dire... Soupira Sariane. J'aurais bien besoin d'un petit remontant...
- Venez vous asseoir près du feu pour vous réchauffer un peu, dit l'aubergiste en conduisant les deux voyageuses dégoulinantes de pluie à la table voisine de celle du nain qui ronflait toujours. Que voulez-vous ? J'ai de la bière naine des Montagnes Bossues, du vin rouge de Nivu, de la zubrow d'Aubergeville, de la liqueur de bébé tout droit importée de Mangebébé... Quoique cette dernière soit plutôt appréciée par les ogres en général... J'ai également...
- Je prendrais une pinte de bière, le coupa Sariane qui n'avait plus le courage d'écouter l'aubergiste énumérer ses boissons.
- Je vais tenter une liqueur de bébé, annonça Neptuna, sous le regard étonné de l'aubergiste, qui haussa finalement les épaules avant de se diriger vers le comptoir.
- Enfin un peu au sec ! S'exclama Sariane en s'écroulant sur sa chaise avant de psalmodier un sort de séchage pour leurs vêtements. Quel bonheur de ne plus entendre les sabots de Doly faire « splach » à chaque pas...
À ces mots, le nain s'éveilla en sursaut, faisant basculer sa chaise et se retrouva par terre, à côté du feu. Le bout de sa longue barbe s'enflamma au contact des braises et il tenta frénétiquement de l'éteindre dans une débauche de mouvements désordonnés, ne parvenant dans sa précipitation qu'à attiser les flammes. Sariane prononça au plus vite une incantation qui éteignit sa précieuse barbe dans un petit nuage de fumée.
- Hum... Merci bien... Grommela le nain, en contemplant tristement les dégâts avant de se rasseoir sur sa chaise et de sortir une minuscule hache dorée avec laquelle il entreprit de donner à sa barbe une forme convenable en la débarrassant des poils calcinés.
Se désintéressant du petit personnage, qui du reste semblait fort occupé, Sariane se retourna vers l'aubergiste qui leur apportait leurs boissons. Une fois lesdites boissons payées, elles réservèrent chacune une chambre pour la journée, puis elles savourèrent tranquillement leur premier moment au sec et au chaud depuis plus d'une semaine, avant de monter dormir...

Nom : Sariane Race : Humaine / Ouistiti-Garou Âge : 19.95 ans Taille : 1.63 mètre Notes : Sariane est une belle et puissante magicienne au yeux bridés et aux cheveux noirs. Elle appartient à l'Ordre de Sarkange, dont les membres sont également connus sous le nom de Mages des Cieux. Elle est télépathe et son sort favori envoie une pluie de comètes d'énergie sur ses ennemis. À la pleine lune, elle a une fâcheuse tendance à se changer en ouistiti, ce qui lui joue souvent des tours... Elle est actuellement engagée dans une quête longue et périlleuse à la recherche du Temple de la Magie Inverse où, d'après certains écrits anciens, l'attend patiemment une solution à son problème de singe...

Nom : Neptuna Race : Elfe / Vampire Âge : 112 ans Taille : 1.72 mètre Notes : Neptuna est une jeune elfe originaire du village de Bassefeuille... Elle fut la Gardienne du Lac jusqu'à la libération du 60sec qui marqua la fin de Bassefeuille. Pour venger ses frères et soeurs morts dans la lutte contre le monstre, elle lui porta le coup de grâce alors qu'il n'était plus une menace... Éclaboussée par son sang magique, elle devint un vampire... Aujourd'hui, elle accompagne Sariane dans sa quête, dans l'espoir de se défaire de sa malédiction...

Nom : Splach Race : Nain Âge : 153 ans Taille : 1.35 mètre Notes : Splach est un nain aventurier qui parcours le monde à la recherche d'aventures enrichissantes (sur le plan pécuniaire, bien entendu). Il possède une minuscule hache en or dont il se sert entre autre pour tailler sa barbe, ouvrir les bouteilles récalcitrantes, se couper le doigt par inadvertance et sculpter de petites figurines en bois à son effigie. Il ronfle beaucoup en dormant, se considère comme le nain le plus parfait ayant jamais existé et aime la bière naine des Montagnes Bossues plus qu'il n'est nainement raisonnable...

Chapitre 2 : De la hache !

Sariane s'éveilla peu avant la tombée de la nuit, comme elle en avait pris l'habitude depuis qu'elle voyageait en compagnie de la vampire. Après une brève toilette, elle descendit dans la grande salle de l'auberge et décida d'attendre sa compagne de route en commandant un bon repas.
Tout en mangeant la spécialité de la maison : pommes de terres grillées assaisonnées de fines herbes et de champignons et accompagnées de saumon lunaire – un poisson rare, importé du Lac Mouillé, ayant une chair bleue au goût unique –, elle observa les clients. Le Soleil Ivre étant relativement isolé, il y avait là principalement des chasseurs, bûcherons et autres fermiers jouant au nainuno, un jeu de cartes local où le but est de se débarrasser au plus vite de tous les nains de sa main. Chacun son tour peut se débarasser d'un nain dont soit le clan, soit la profession correspond au nain précédemment jeté. Le jeu dispose aussi de cartes spéciales telles que le sort « appât du gain » qui simule un coffre d'or tombant du ciel chez le joueur suivant, lui faisant donc piocher quatre cartes supplémentaires ou encore « tournée générale » qui fait sauter un tour du joueur suivant, les nains de sa main étant trop occupés à se saouler.
Le nain de la veille était là également, se promenant de table en table où il semblait monnayer de petites images produites par une étrange pierre... En effet, lorsqu'il touchait certaines zone de la pierre, un flash de lumière s'en échappait, puis quelques secondes plus tard, la pierre expulsait une sorte de plaquette colorée...
- Bonsoir messire nain, le salua Sariane alors qu'il passait à proximité.
- Bonsoir, répondit le nain avec un grand sourire. L'elfe n'est pas avec vous ? Demanda-t-il, apparemment heureux de son absence, confirmant s'il en était besoin un proverbe bien connu des habitants MAR : « quand les elfes sont sortis, le bonheur des nains est garanti ».
- Elle n'arrivera pas avant la nuit tombée, répondit la magicienne. Mais dites-moi... Qu'est-ce donc que cette pierre que vous tenez à la main ?
- Oh, ça ? Fit le nain d'un air faussement modeste tout en montrant la pierre sculptée. C'est un artefact que j'ai trouvé lors de l'un de mes derniers voyages... Je l'ai pris à un gigantesque dragon noir qui n'en fut pas ravi, mais grâce à mon ingéniosité naturelle j'ai pu lui échapper sans encombres... Le mage chez qui je l'ai fait examiner l'a identifié comme un apa'reyfotau... Un ancien objet magique très rare qui permet de créer des images de ce qu'il voit. Par exemple, une image de vous... Pour seulement quelques pièces d'or...
- Mouais, je m'en passerai je pense, déclina Sariane qui ne comptait pas dilapider le peu d'or dont elle disposait pour une image d'elle en train de manger...
Le nain haussa les épaules et repartit donc faire le tour des tables à la recherche de clients...
Quelques minutes plus tard, la porte de l'auberge s'ouvrit brusquement sur une quinzaine de soldats en armures, armées d'épées. Au blason qui marquait leurs boucliers, la magicienne reconnut des membres de la garde seigneuriale de Nivu. Se souvenant des circonstances au cours desquelles elle avait quitté précipitamment cette ville quelques semaines plus tôt, elle décida de se faire discrète...
Le capitaine du groupe jeta un coup d'oeil circulaire à la salle et se dirigea résolument vers la table à laquelle Sariane finissait son repas, table qui se trouvait être la plus isolée.
- Son altesse a besoin de cette table, lui dit-il sans une once de respect ou de courtoisie, comme s'il était l'évidence même que la magicienne allait alors la libérer séance tenante.
- Elle a de la chance, il y a une deuxième chaise... Grommela la magicienne, oubliant instantanément ses projets de discrétion devant le ton condescendant du soldat.
- Pour qui vous prenez-vous ? S'indigna le garde en s'empourprant de colère.
- Pour celle qui était là la première, répondit-elle calmement en préparant mentalement un sortilège.
- Mettez-moi ça dehors, cria le capitaine à ses hommes qui encerclèrent Sariane.
Cette dernière prononça rapidement un sortilège qui en expédia trois à travers la salle, puis profita de l'effet de surprise pour en enchaîner un deuxième qui en transforma deux autres en poulets qui s'enfuirent en poussant des cris de terreur. Mais les gardes étaient trop nombreux et l'immobilisèrent avant qu'elle n'ait pu achever son troisième sort. Le capitaine, sûr de sa victoire, s'approcha de la prisonnière. Arborant un sourire cruel, il dégaina son épée avec la ferme intention de lui trancher lentement la gorge.
Mais avant qu'il n'ait pu achever son geste, il fut percuté par le nain et voltigea dans la salle en battant des bras, avant d'atterrir tête la première dans une assiette de purée verte peu ragoûtante, s'attirant l'inimité immédiate de son propriétaire – un demi-ogre passablement impulsif qui lui incrusta vivement son poing sans la figure, lui faisant exploser le nez et le propulsant contre le mur le plus proche.
Fier de son succès, le nain se saisit de l'objet le plus proche – en l'occurrence le balais de l'aubergiste, qui assistait horrifié à la scène, voyant déjà s'aligner les dépenses de réparations diverses – et chargea les gardes qui maintenaient Sariane prisonnière, tout en poussant des hurlement martiaux tels que « Pour ma richesse ! », « À l'assaut ! », « Vive la bière et les pièces d'or ! » ou encore un étrange « De la hache, crétins d'humains ! De la hache ! », qu'il fut apparemment seul à comprendre.
Malgré les efforts courageux du nain, nos amis ne durent leur survie qu'à deux événements aussi opportuns que le second était inattendu... D'une part, l'arrivée de Neptuna, dont les mains s'étaient changées en longues griffes aiguisées, ré-équilibra quelque peu les forces et d'autre part, le garde qui s'apprêtait à poignarder la magicienne fut assommé par une jeune femme blonde sortie de l'ombre.
Se précipitant dehors, les quatre compagnons volèrent autant de montures aux gardes et s'enfuirent au galop sous la pluie battante...

Chapitre 3 : Bon, puisqu'il le faut...

Les quatre fuyards s'arrêtèrent peu avant le levé du jour et montèrent un campement à l'abri tout relatif d'un petit bosquet.
- Bon, maintenant tu vas me dire ce que tu fous là, toi ! Et aussi pourquoi tu n'as pas rappelé les gardes, puisque c'est apparemment toi qu'ils escortaient ! Et enfin, pourquoi tu nous as finalement aidés, déclara Sariane à l'attention de la jeune femme blonde qu'elle avait rapidement reconnue comme étant Arkania, la Voleuse Masquée, soeur de Lord Dritharius, le seigneur de Nivu.
- Ben heu... Répondit l'intéressée. En fait, après votre fuite de Nivu, le magistrat s'est empressé de condamner l'avocate à la place de la fille que tu as sauvée... Pendant quelques temps, ça a marché, mais le bruit a rapidement couru que j'étais la Voleuse Masquée... Mon frère y a perdu en popularité, popularité qu'il avait déjà en quantité plutôt limitée, vu sa façon de gouverner, plutôt... heu... Aléatoire, dirons-nous... En plus les relations diplomatiques avec le royaume de Tuontoulmonde, à l'est, ne sont pas terribles... Il a donc décidé de faire d'une pierre deux coups et de me troquer contre un traité d'alliance... J'étais justement en chemin, escortée des gardes que vous avez combattus...
- Hum, ouais, ça explique que tu aies laissé les choses dégénérer... Convint Sariane.
- Vous vous doutez bien qu'être vendue au prince d'un royaume aussi barbare que Tuontoulmonde ne m'enchantait guère...
- Cela se conçoit, en effet, approuva Neptuna. Et que comptes-tu faire maintenant ?
- Aucune idée... Retourner à Nivu n'est pas vraiment une option envisageable... Vous n'auriez pas besoin d'une voleuse par hasard ? Demanda-t-elle innocemment.
- Besoin, c'est un grand mot... Mais bon, tant que tu ne nous ralentis pas et que tu te tiens tranquille... On sait jamais, tes talents pourraient nous servir un jour... Répondit Sariane dans un haussement d'épaules.
- Bon, déclara le nain, puisqu'il le faut, je vous accompagne...
- Personne n'a prétendu qu'il le fallait me semble-t-il, protesta Neptuna.
- Vous n'osiez pas le dire, je le sais bien... Répondit modestement le nain avec un petit signe de la main indiquant que c'était sans importance. Quand on est aussi parfait que moi, on prend vite l'habitude. Et puis je ne peux pas laisser trois jeunes femmes sans défenses affronter seules les périls de ce monde sauvage et hostile, peuplé de monstres terrifiants. Sans mon ingéniosité, ma force incomparable, mon...
- C'est bon, tu peux venir aussi, le coupa Sariane que les vantardises du nain commençaient à agacer. Bon, si on doit voyager ensemble, autant que vous sachiez où on va...
- L'important, c'est surtout combien d'or il y a à la clé, précisa le nain.
- Pas d'or, répondit la magicienne.
- Des joyaux alors ?
- Non plus.
- Un casque magique permettant de voir les cartes de son adversaire peut-être ? Ou bien une hache légendaire capable de tuer un dragon sans qu'on ait à la prendre en main ? Ou peut-être un puissant artefact magique produisant de la bière à volonté ?
- Rien de tout ça... Nous nous rendons au Temple de la Magie Inverse.
- Jamais entendu parler... Et il y a quoi là bas ? Demanda le nain qui ne voyait pas vraiment l'intérêt de se lancer dans une quête longue et périlleuse sans aucune richesse à la clé.
- Ce temple est un lieu de pouvoir très ancien et devrait me libérer de la malédiction qui me change en ouistiti à la pleine lune... Et Neptuna espère s'y débarasser de son vampirisme, expliqua Sariane.
- Ah... Fit le nain, pas très convaincu. Enfin, avec un peu de chance, on trouvera des trucs intéressants en chemin...
- On ferait bien de dormir maintenant... On lève le camp au crépuscule, conclut la magicienne, alors que le soleil se levait et que Neptuna s'était déjà éloignée pour s'enterrer à l'abri du soleil.
- En plus on voyage de nuit ? Se plaignit le nain. Mais pourquoi ai-je donc accepté de vous accompagner ?
- C'est toi qui a insisté, fit remarquer Arkania.
- Rgumbrbl... Répondit le nain en allant s'allonger pour la journée au pied d'un gros rocher.
Levant les yeux au ciel, Arkania s'enroula dans sa cape pour s'abriter de la pluie et tenta de s'endormir, tandis que Sariane réalisait tristement qu'elle avait perdu Doly à l'auberge. Certes, la brebis n'était pas très maligne, mais elle avait commencé à s'attacher... Haussant les épaules, elle entreprit à son tour de chercher le sommeil malgré la pluie... Sa chambre au Soleil Ivre lui manquait déjà...

Chapitre 4 : Splach, splach, splach...

Splach le nain marchait seul sous la pluie...
- Mais quand est-ce qu'il va enfin s'arrêter de pleuvoir ? Grogna-t-il.
- Splach, splach, splach... Répondirent ses lourdes bottes ferrées en s'enfonçant dans la boue.
- Je hais la flotte !
- Splach, splach, splach... Poursuivirent ses bottes comme pour se moquer de lui.
- D'où peut bien venir toute cette eau ? Ça fait une éternité qu'il pleut sans discontinuer !
- Splach, splach, splach, poursuivirent ses bottes, une légère teinte de dédain transparaissant clairement dans ce simple son.
- Oh, ça va vous !
- Splach, splach, splach, s'indignèrent-elles, manifestement outrées d'être traitées de la sorte.
- Raaah ! Hurla le nain. Si ma mère n'était pas déjà morte disséquée vive par son père biologiste, je m'en serais bien chargé moi-même pour lui faire regretter de m'avoir donné un nombreux aussi ridicule !
- Splach, splach, splach...
- Vos gueules ! Cria le nain. Je sais reconnaître un ton moqueur quand j'en entends un !
- Splach, splach, splach, répétèrent les bottes, comme pour dire : « De toutes façons, t'y peux rien ! Gniark ! ».
- Vous allez voir ! S'exclama leur propriétaire avec un regard mauvais avant d'entreprendre ce qu'un observateur non-averti aurait probablement considéré comme une obscure et complexe danse naine, mais qui n'était en réalité qu'une suite de mouvements violents et désordonnés destinés à écraser les impertinentes bottes.
Le pauvre nain s'activa tant et si bien qu'il s'étala de tout son long – enfin, pas si long que ça quand même, c'est un nain, ne l'oublions pas... – dans un... « SPLACH ! » tonitruant et une gerbe d'éclaboussures boueuses.
Se relevant péniblement, il leva les yeux et aperçut à quelques dizaines de mètres de là une petite maison sur le seuil de laquelle se tenait une jeune naine – qu'il trouva fort jolie avec son grain de beauté sur la joue gauche, près de l'oeil, rappelant une petite larme de sang. Il s'avança en direction de la maison, rêvant déjà d'un bon feu, de l'absence de pluie, d'une bonne bière... Et d'autres choses...
- Splach, splach, splach, reprirent calmement les bottes, comme si de rien n'était.
Poussant un grand soupir, le pauvre nain, trempé et couvert de boue se prit le pied dans une racine et s'étala à nouveau dans un « SPLACH ! » retentissant. Une fois debout – et couvert d'une nouvelle couche de boue – notre ami, qui n'avait décidément pas de chance, s'aperçut que la ravissante naine et sa petite maison avaient tout bonnement disparu...
- Hé ! J'ai pas bu plus de cinq pintes aujourd'hui, je ne peux pas avoir rêvé, y avait une maison là !
- Plic, ploc, répondit la pluie.
- Splach, enchaîna un arbre non loin de là en laissant tomber une branche morte.
- Ploc, plic ? S'étonna la pluie, intriguée par la conviction inébranlable qu'affichait l'arbre.
- Splach, répéta l'arbre en lâchant une autre branche morte.
- Plic, ploc, plic ? Insista la pluie, incrédule.
- Splach, plouf, splach ! Insista l'arbre en trois coups de racines.
Se désintéressant de cette discussion animée – qu'il soupçonnait particulièrement ennuyeuse – , le nain reprit son chemin sous la pluie battante.
- Splach, splach, splach ! Reprirent joyeusement les bottes, comme un chant d'encouragement.
- Oh, ça va ! Pesta le nain.
- Splach ! Hého ! Poursuivirent-elles, avec insistance...
- Hein ? S'exclama-t-il.
- Tu vas te réveiller oui ? On n'attend plus que toi !
Splach émergea péniblement de son sommeil. Il était toujours allongé sous la pluie au pied de son rocher...
- On y va, dit Arkania en lui tendant les rênes de son cheval... Neptuna était d'avis de t'abandonner ici...
- Rgnumbgnurggn d'elfes, grogna le nain en montant en selle...
Et nos quatre amis reprirent la route au son des « splach » incessants des sabots de leurs chevaux...

Chapitre 5 : Au Poulet Caquetant.

Les quatre voyageurs étaient attablés à l'auberge du Poulet Caquetant et dégustaient un repas à base de poulet et de carottes. C'était leur premier moment au sec depuis qu'ils avaient fuit les gardes de Nivu, trois nuits plus tôt.
- Il est encore loin ce temple ? Demanda Splach entre une bouchée de poulet et une gorgée de bière.
- Oui, assez, répondit Sariane évasivement.
- Et des obstacles sont à prévoir ? Demanda Arkania.
- À part la pluie, bien sûr, précisa Splach en commandant une nouvelle pinte de bière naine.
- Ben ça dépend de ce qu'on appelle « obstacle »... Répondit la magicienne. En théorie, le chemin est assez simple à suivre... Il nous reste encore une petite semaine de route jusqu'à la grotte de Trouperdu où nous attend un portail magique. Une fois le portail traversé, compter trois ou quatre jours de voyage dans les Plaines Sanglantes, jusqu'à un second portail qui devrait...
- Les Plaines Sanglantes ? L'interrompit Arkania. Joyeux comme nom... C'est où ?
- En Enfer, répondit Sariane. Donc, je disais que ce second portail...
- En Enf... QUOI ? S'exclama Splach en manquant de s'étrangler avec sa bière. Tu veux qu'on aille en Enfer ? Mais t'es complètement cinglée ou quoi ?
- On se fera discrets pour éviter les démons, répondit l'intéressée en haussant les épaules. Donc, le second portail nous mènera à la cité de...
- Mais qu'est-ce que je fous avec elles, moi ? Se lamenta Splach.
- C'est toi qui voulait venir, fit remarquer Neptuna, c'est pas comme si on avait vraiment besoin d'un nain...
- Enfin, l'Enfer, c'est pas très rassurant quand même, dit Arkania d'une petite voix.
- On fera attention, c'est tout, persista la magicienne. Bon, le second portail, disais-je...
- Non mais il est exclu que j'aille en Enfer ! Cria Splach. Avec ou sans faire attention !
- Alors reste ici ! Ou fais ce que tu veux, mais laisse-moi finir ! S'énerva Sariane. Le second portail, reprit-elle, son regard menaçant promettant mille morts à qui l'interromprait encore, devrait nous conduire à la grande cité de Necromancil, dans le Monde des Morts. Là, se trouve le Temple de la Magie Inverse... Enfin, si l'on en croit les écrits anciens dont dispose le conseil de Bassefeuille...
- Parce qu'en plus on fait tout ça sur la base de stupides écrits elfiques ? De mieux en mieux, soupira le nain. T'es sûre que ton cerveau n'est pas resté celui d'un singe après la dernière pleine lune ?
- Je te l'ai déjà dit, personne ne te retient, siffla Neptuna.
- On se calme, tempéra Arkania. On va déjà essayer de trouver cette grotte et on verra ensuite, non ? D'autant qu'avec ce nom, rien ne garantit qu'elle soit facile à trouver...
- Mouais, grommela Splach en commandant un verre d'alcool de champignons, tout droit importé des mines naines de Profonbourg – il avait besoin de quelque chose de plus fort que de la bière pour digérer tout ça...
- Bon, je vais faire un tour... J'imagine qu'on passera la journée ici, demanda Neptuna.
- Oui, répondit Sariane, dormir un peu au sec ne nous fera pas de mal...
- Ah, ces elfes ! S'exclama le nain quand elle fut sortie. On passe des jours entiers dehors sous la pluie et quand enfin on peut être au sec, elle sort faire un tour... Il lui manque vraiment une case à celle là, soupira-t-il d'un air faussement attristé avant d'avaler d'un trait le reste de son verre et d'en commander un autre.
- Tu préférerais qu'elle prélève son repas sur toi j'imagine, ironisa la magicienne.
Réalisant soudain que la vampire était partie chasser plutôt que se promener et l'imaginant le mordant au cou pour le vider de son sang, le nain déglutit péniblement et commanda deux autres verres.
- Comment les nains peuvent-ils absorber une telle quantité d'alcool ? Demanda Arkania à Sariane.
- Aucune idée... Même un ogre serait complètement ivre avec seulement la moitié de ce qu'il a avalé...
- Eh oui, les dieux on crée les nains en dernier... Les autres races n'étaient que des brouillons... Les nains sont parfaits... Surtout moi, précisa Splach joyeusement.
- C'est ça, ricana Sariane, et pourquoi sont-ils aussi petits les nains alors ?
- Pour pouvoir faire des galeries moins hautes, des maisons plus basses... C'est bien plus économique, répondit Splach distraitement, comme si c'était l'évidence même.
- Hum, économique ou pas, je n'aimerais pas être aussi petite, contra Sariane. Je suis bien plus jolie comme ça que si je faisais un mètre quarante...
- Pourtant, t'es pas si grande que ça, même moi je dois faire facilement un centimètre de plus que toi, fit remarquer Arkania d'un air détaché.
- Certainement pas ! Je suis clairement plus grande que toi, c'est évident.
- Pff... Votre esprit est apparemment trop étroit pour comprendre la perfection d'avoir une taille de nain, soupira Splach en vidant un autre verre et en imaginant la belle magicienne avec une taille raisonnable et une jolie barbe...

Chapitre 6 : Soif de sang.

La vampire était en chasse... Elle courait entre les arbres, sans faire le moindre bruit, à la recherche d'une proie... Mais avec la pluie incessante, les animaux se faisaient discrets et leurs pistes difficiles à suivre...
Soudain, elle entendit un cri, suivi de ce qu'elle reconnut instantanément comme des rires humains... S'approchant, elle découvrit un petit campement. Il y avait quatre hommes, sales et aux vêtements usés – probablement des bandits de grand chemin – et une jeune fille, attachée, qui manifestement était l'attraction de la soirée... Les bandits étaient en train de déterminer qui en profiterait le premier... Neptuna passa lentement sa langue sur ses canines surdéveloppées. Cette nuit, il n'y aurait pas de sang animal pour le dîner...
La vampire s'avança dans le campement, d'un pas décidé, saisit celui des quatre homme qui venait de se lever et se dirigeait vers la fille – avec un sourire laissant présager de ce qu'il projetait de faire d'elle – et planta ses crocs dans sa gorge, lui arrachant un cri. Les trois autres se levèrent précipitamment, cherchant leurs armes.
Neptuna lâcha le cadavre exsangue de sa première victime et se tourna vers eux. Son visage dégoulinait de sang mêlé d'eau de pluie et affichait un masque cruel... Ses yeux avaient pris une teinte écarlate et brillaient d'une soif de sang infinie. Avec un rugissement bestial, elle se jeta sur les trois bandits...

***
Neptuna était allongée dans la boue... La pluie lavait progressivement le sang qui la maculait... La soif était retombée, ainsi que sa furie sanguinaire, tandis que les cadavres désarticulés des bandits recouvraient le sol autour d'elle... C'était la première fois qu'elle buvait le sang d'une espèce humanoïde... Depuis sa transformation, elle s'était limitée à du sang animal et sans jamais tuer ses proies... Elle se sentait différente... Un instant, elle se demanda si redevenir une elfe à part entière était vraiment ce qu'il lui fallait...
À quelques pas, elle sentait la fille trembler, n'osant pas bouger ni faire le moindre bruit, de peur de partager le sort peu enviable de ses tortionnaires. Elle devait avoir dans les quinze ou seize ans, estima Neptuna en tournant la tête dans sa direction, la faisant sursauter.
- Ne t'inquiète pas, je ne vais pas te manger, dit-elle d'un ton qui se voulait rassurant, avant de glousser en prenant conscience de tout le sens que prenait cette expression courante dans son cas à elle... Je n'ai plus faim et je ne les ai tués que parce qu'ils étaient mauvais...
Mais si ces mots rassurèrent manifestement la fille, ils sonnaient étonnamment creux à ses propres oreilles... Elle s'était attaquée à eux parce qu'ils étaient mauvais, effectivement, et pour protéger la fille... Mais si elle avait eu encore soif, l'aurait-elle épargnée ? Pas certain...
Lasse de ces réflexions, elle se leva et alla détacher la fille avant de la guider sur le chemin de l'auberge du Poulet Caquetant...

***
Le soleil s'était levé depuis plus de deux heures et Sariane dormait dans la chambre qu'elle avait louée pour la journée... Mais son sommeil n'avait rien de paisible à en juger pas son visage – tantôt crispé, tantôt illuminé d'une joie mauvaise –, ses mouvement nerveux et la sueur froide et collante qui recouvrait sa peau. Elle rêvait...
Elle était pleine d'une puissance infinie... Une puissance à la fois extatique et inquiétante... Elle la sentait tenter de prendre peu à peu le contrôle de son esprit, de la changer en bête sanguinaire... Dans son dos, ses ailes d'énergie rouge-sang battaient violemment...
Elle était la seule source de lumière dans un monde d'obscurité... Une lumière rouge et malsaine... Chaotique et sauvage...
La magicienne peinait à garder l'esprit clair... À ne pas céder à la soif de carnage...
C'est alors qu'elle entendit un bruit... Des pleurs d'enfant... Se retournant elle aperçut une petite fille qui ne devait pas avoir plus de cinq ans... Ses cheveux blonds et ses yeux violets lui rappelèrent instantanément Lornette, avec qui elle avait voyagé durant plusieurs semaines... Mais une Lornette jeune et terrifiée...
La puissance qui l'habitait lui hurlait de la massacrer, de la torturer jusqu'à ce qu'elle lâche son dernier cri de douleur... De se baigner dans son sang avant de chercher une autre proie !
Mais Sariane refusait de se laisser emporter... Elle sentait confusément que si elle cédait à cette pulsion, elle ne pourrait plus revenir en arrière... Mais son esprit était embrouillé par le goût grisant de la puissance... La soif de torture se faisait de plus en plus forte... Elle entendait déjà les hurlements de la fillette, frissonnant d'impatience et d'excitation... Elle se sentait glisser... Glisser lentement dans la folie meurtrière... Elle s'avança vers la fillette, l'énergie chaotique crépitant le long de ses bras jusqu'à ses doigts, les nimbant d'une aura sanglante...
Soudain, comme un flash, elle revit le regard triste de la faeryl... Puis son explosion dans une gerbe d'étincelles...
- NON ! Hurla-t-elle en se réveillant en sursaut. Je ne deviendrais pas un monstre... Jamais... Jamais... Jamais... Répéta-t-elle inlassablement, recroquevillée sur elle-même, des larmes coulant le long de ses joues...

Chapitre 7 : Trouperdu.

Le soir venu, les quatre compagnons de route se retrouvèrent dans la grande salle de l'auberge pour un dernier repas au sec avant de repartir. La jeune fille que Neptuna avait sauvée la veille avait été engagée comme serveuse par l'aubergiste et ce fut elle qui leur apporta leurs assiettes de poulet aux carottes et aux champignons.
- Vous comptez partir bientôt ? Leur demanda-t-elle en posant la dernière assiette sur la table.
- Dès qu'on aura fini de manger, répondit Sariane. Il nous reste une semaine de trajet jusqu'à la grotte de Trouperdu, je préfère ne pas traîner...
- Vous allez à Trouperdu ? S'exclama la jeune fille.
- Oui, pourquoi ? Faut pas ? Demanda Sariane.
- Oh si, la gardienne est très gentille, ma famille et moi revenions justement de chez elle quand... Elle s'interrompit, les yeux humides au souvenir de son frère et de ses parents égorgés par les bandits. Mais vous ne la trouverez pas sans indications précises, reprit-elle après quelques secondes de silence...
Une demie-heure plus tard, nos amis sortaient de l'auberge du Poulet Caquetant avec de précieux renseignements sur la manière de trouver la caverne.
- Et merde ! Encore la pluie ! Pesta le nain.
- Ce n'est vraiment pas normal qu'il pleuve autant, remarqua Sariane. Je doute fort que ce soit très naturel...
- Naturel ou non, je suis trempé alors qu'on vient à peine de sortir ! Grogna Splach.
- De toutes façons, je vois mal ce qu'on pourrait bien y faire, remarqua Neptuna qui revenait de l'écurie avec leurs montures.
- En effet, soupira Sariane. Alors en route ! Conclut-elle en montant en selle.

***
Une semaine de route sous la pluie, une auberge miteuse, un groupe de gobelins belliqueux et un bon million de jurons nains – contre la pluie, les « splach » des sabots des chevaux, l'humidité, les quêtes sans trésor à la clé, les magiciennes cinglées voulant aller en Enfer et un certain nombre d'autres choses – plus tard, ils arrivèrent à la grotte de Trouperdu, qu'il trouvèrent relativement facilement, grâce aux précieuses indications de la jeune fille.
- Heureusement qu'elle nous a dit comment trouver la grotte, parce qu'elle est drôlement bien camouflée, remarqua Arkania alors qu'ils entraient dans la caverne.
- En effet, et ce n'est pas sans raison... Confirma une voix venant du fond de la grotte. Que venez-vous faire à Trouperdu, voyageurs ?
- Vous êtes la gardienne ? Demanda Arkania.
- Je suis Luny, gardienne du portail de Trouperdu, acquiesça la voix alors qu'une femme aux longs cheveux argentés et ressemblant à une elfe faisait son apparition.
- Nous voulons traverser le portail menant aux Plaines Sanglantes, annonça Sariane.
- Enfin, quand elle dit qu'on « veut », c'est un peu exagéré, tempéra le nain.
- C'est vrai que ça a l'air plutôt dangereux de l'autre côté, renchérit Arkania.
- L'Enfer n'est pas vraiment un lieu de tout repos, confirma la gardienne.
- Allez-vous nous laisser passer ? Demanda Sariane en ignorant les remarques de ses compagnons.
- Pourquoi tenez-vous tant à aller en Enfer ? Demanda la gardienne, intriguée.
- Ah, la bonne question ! On se demande vraiment pourquoi... Il n'y a même pas de trésor à la clé... Quel intérêt ? Soupira Splach.
- Imagine-toi partager ton corps avec un singe qui te le pique à chaque pleine lune et tu te feras une petite idée de l'intérêt, grogna Sariane.
- Vous cherchez le Temple... Constata la gardienne. Vous n'êtes pas au bout de vos peines...
- Nous y arriverons, déclara la magicienne. Pourrons-nous traverser le portail ?
- Cela risque d'être difficile... Répondit la Gardienne.
- Tant mieux ! S'exclama Splach.
- Vous comptez nous en empêcher ? Demanda la magicienne, sur la défensive.
- Certes non, je garde le portail pour éviter les invasions démoniaques, pas pour retenir les voyageurs qui voudraient le traverser... Même si peu d'entre eux en reviennent... Non, le problème, c'est que le portail n'est pas activable de ce côté sans la pierre magique qui l'alimente en énergie... Or cette pierre a été volée il y a quelques semaines...
- Volée ? S'étonnèrent en cœur Sariane, Splach et Neptuna.
- J'y suis pour rien, plaida immédiatement Arkania en levant les mains en signe d'innocence.
- Oui, volée... Par un sorcier de la confrérie de Mok qui a réussi à tromper ma vigilance par ses sortilèges... Je ne m'attendais pas à une attaque venant de ce côté-ci du portail... D'habitude, elles viennent des démons...
- C'est quoi cette confrérie ? Demanda Arkania.
- Un sorcier de Mok ? S'exclama Sariane. Mais ils ne viennent jamais de ce côté-ci du MAR !
- Oui, c'est quoi cette confrérie ? Renchérit Splach.
- Il faut croire que si, répondit Luny en haussant les épaules.
- Jamais entendu parler de ces sorciers, poursuivit Neptuna en haussant un sourcil.
- Saletés de sorciers ! Pesta Sariane. Toujours là quand on voudrait qu'ils soient ailleurs...
- Elles n'ont pas l'air de vouloir nous le dire, soupira Arkania.
- Il s'est établit à seulement quelques kilomètres au sud, dit la gardienne. Mais en dehors de mon rayon d'influence... Je suis cantonnée à une zone réduite autour du portail...
- Hey ! On vous a demandé qui étaient ces sorciers ! Cria Splach.
- Au sud, vous dites... Bien, nous allons la récupérer cette pierre, conclut Sariane.
- Tu sais, elle est occupée là, dit Neptuna au nain qui continuait de s'énerver... Inutile de crier... Attends qu'elle ait fini, elle ne t'écoutera pas avant de toutes façons...
- Je ne me laisserai pas ignorer comme ça par la première magicienne venue ! S'exclama Splach.
- C'est pas vraiment comme si t'avais le choix, rétorqua Neptuna.
- Bon, vous venez ? Cria Sariane qui était déjà sortie de la grotte.
Et les compagnons ressortirent sous la pluie et prirent la direction du sud...

Chapitre 8 : Le plan.

Le petit groupe chevauchait bravement vers le sud, sous les trombes d'eau que déversaient le ciel...
- Bon, tu vas finir par répondre ? Demanda Splach à Sariane.
- Répondre à quoi ? L'interrogea la magicienne.
- Je rêve... Soupira le nain. Tu n'as vraiment pas remarqué qu'on t'avait tous les trois demandé ce qu'était cette satanée confrérie ?
- Je te l'avais bien dit, remarqua Neptuna en haussant les épaules.
- La confrérie de Mok ? C'est un groupe de sorciers, expliqua Sariane. Ils sont motivés par l'ambition et la soif de pouvoir et de destruction... Des méchants typiques en somme... Mais assez dangereux, car leur magie est puissante...
- Et tu comptes récupérer la pierre comment ? Demanda Arkania.
- Heu... Je pensais à tuer le sorcier et prendre la pierre, répondit Sariane comme si c'était une évidence.
- J'aime ce plan ! S'exclama Splach. Comme on dit à la mine : « Un bon sorcier est un sorcier mort. »... Je ne dis pas ça pour toi, hein, s'empressa-t-il d'ajouter à l'attention de la magicienne.
- Heu, tu n'as pas dit qu'ils étaient puissants ces sorciers ? Insista Arkania.
- On est quatre, dont une vampire et une puissante magicienne, rétorqua Neptuna... Sans compter le nain le plus parfait que le monde ait connu, ajouta-t-elle ironiquement.
- C'est vrai que je suis parfait, acquiesça Splach, ignorant superbement le ton sarcastique de l'elfe. Je n'aime pas me vanter, mais c'est comme ça, je n'y peux rien...
- Vaut sûrement mieux entendre ça qu'être sourd, j'imagine, soupira Sariane en levant les yeux au ciel... Enfin, si tu as un meilleur plan, Arkania, je t'écoute...
- Ben en fait, je pensais à la pierre... Elle est sûrement puissante si elle peut ouvrir le portail...
- Et tu penses qu'il va s'en servir contre nous, poursuivit Sariane. J'y ai pensé aussi... Mais d'après toi, d'où sort cette pluie qui tombe sans discontinuer depuis des semaines ?
- Tu penses que c'est ce sorcier le responsable de tout ça ? S'exclama Splach en désignant la pluie qui tombait tout autour d'eux et la boue dans laquelle pataugeaient leurs chevaux.
- C'est fort probable, acquiesça la magicienne. Ce n'est clairement pas une pluie naturelle, pour durer aussi longtemps... Et un tel sortilège demande assurément un pouvoir gigantesque vue l'étendue de la zone touchée. Et comme par hasard, un sorcier de la confrérie de Mok vole une pierre magique, source d'un immense pouvoir... Franchement, y a pas à chercher bien loin...
- Il va payer ! Rugit le nain, une lueur assassine dans le regard. Je ne laisserai pas un sale sorcier me pourrir la vie pendant des semaines impunément !
- Ça me fait mal de dire ça, mais je suis d'accord avec lui, renchérit Neptuna.
- Bien, mais qu'est-ce qui l'empêchera d'interrompre le sortilège et de nous massacrer avec le pouvoir de la pierre ? Demanda Arkania.
- Ce genre de sorts durables ne peut être interrompu n'importe comment... Enfin, si celui qui l'interrompt tient à la vie, précisa Sariane. Il faut « défaire » le sortilège et cela prend un certain temps... Qui devrait nous suffire pour tuer le sorcier avant qu'il n'ait fini...
- Hum, donc on ne peut pas espérer voler la pierre en douce et le tuer ensuite, remarqua Arkania. Dommage...
- En effet, si tu ne veux pas finir carbonisée, dispersée aux quatre vents, projetée dans une dimension inconnue ou autre désagrément, il vaudrait mieux éviter, confirma la magicienne.
- Donc, on garde le plan d'origine : on se jette tous sur lui et on le découpe en rondelles, conclut joyeusement le nain.
- Oui et non... il doit avoir installé des protections magiques, des alarmes diverses et probablement des gardiens... Il vaudrait mieux ne pas foncer tête baissée je pense, contra Sariane.
- Ah... Soupira Splach, déçu.
- Mais j'y pense, réalisa Arkania, un sorcier puissant doit sûrement avoir quelques objets de valeur !
- C'est vrai ça ! S'écria le nain, retrouvant instantanément son enthousiasme.
- Tout ce qui m'intéresse, c'est la pierre, rétorqua Sariane, vous pourrez faire ce que vous voudrez du reste...
- Je vais être riche ! Riche ! Riche ! Chatonna Splach en imaginant déjà les pièces d'or s'accumuler.
- Si tu t'en sors vivant... Vivant... Vivant... Termina Neptuna sur le même air.
Le nain lui jeta un regard noir et fit accélérer sa monture.
- Ce que c'est susceptible un nain, ricana la vampire.
- Oui, bon... On ne devrait plus être très loin de l'antre du sorcier, conclut Sariane.

Chapitre 9 : L'antre du sorcier.

Ils n'auraient pas pu rater l'antre du sorcier, même en chevauchant les yeux fermés, tant le fortin où il avait élu domicile suintait de magie, de puissance et de malveillance. Le bâtiment était fait de pierres noires comme le charbon et des filaments d'énergie couleur d'ébène semblaient couler du moindre interstice, imprégnant le sol alentour où plus rien ne poussait.
Les arbres les plus proches pourrissaient sur pied, tandis que leurs voisins plus éloignés de la source de magie étaient devenus difformes et distordus. L'herbe avait depuis longtemps pourri sous les trombes d'eau qui se déversaient du ciel, cumulées aux effets de la magie, et une odeur de putréfaction marécageuse empuantissait l'air.
- Cet endroit est vraiment lugubre, remarqua Arkania en frémissant.
- Et cette odeur est vraiment infecte ! Grogna Splach.
- Je vous l'avais bien dit que ces sorciers étaient méprisables, répondit Sariane, dégoûtée par ce qu'elle voyait. Mais celui-ci semble particulièrement mauvais et puissant... Je me demande quelle sombre magie il peut pratiquer pour corrompre à ce point ce lieu...
- Plus vite on l'aura tué, mieux ce sera, affirma Splach en descendant de son cheval, avant d'avancer d'un pas décidé en direction du fortin.
- Mais qu'est-ce que tu fais ? Demanda Neptuna.
- Ça se voit non ? Je vais tuer ce sorcier, répondit le nain, sans même daigner se retourner.
- Et que comptes-tu faire contre les pièges magiques qui entourent l'entrée ? Demanda négligemment Sariane.
- Des pièges ? Je ne vois aucun piège, moi ! Je vais défoncer la porte et entrer, voilà tout, grogna-t-il.
- Heu, tu sais, le propre d'un piège, en général, c'est d'être caché, rappela Arkania...
- Mais oui, mais oui, s'entêta le nain.
Sariane descendant à son tour de son cheval, ramassa sur le sol détrempé une branche morte à moitié pourrie et la lança en direction de la grande porte de bois noir renforcée de fer. À deux mètres de la porte, la branche fut frappée par un éclair noir et explosa dans une gerbe d'échardes puissantes.
- Hum... Reconnut Splach en s'arrêtant. Tu peux passer devant, si tu veux...
La magicienne s'approcha et étudia attentivement les énergies magiques qu'elle percevait.
- Tu sauras les désarmer ? Demanda Neptuna.
- Je pense... répondit distraitement Sariane, absorbée par sa tâche, tout en passant la main à la limite de la zone piégée pour tenter d'identifier les sortilèges utilisés par le mage. Cette magie est puissante.. Mais je devrais y arriver...
Durant de longues minutes, ils regardèrent la magicienne murmurer des paroles incompréhensibles et tracer du bout des doigts des symboles étranges dans l'air... Par moment, ils entrapercevaient des ondes énergétiques se dissiper, signe qu'un sortilège de plus venait d'être défait...
- Voilà, on peut entrer, déclara finalement Sariane.
- Est-ce que ça va ? Demanda Arkania, remarquant la fatigue qui transparaissait sur le visage de la magicienne. Tu as besoin de repos ?
- Ça ira, répondit-elle. De toutes façons, nous n'avons pas le temps... Si l'on veut l'avoir éliminé avant qu'il n'annule le sortilège et récupère la pierre, il faut faire vite !
Ils entendirent alors un grincement sinistre, tandis que la grande porte s'ouvrait lentement.
- Il sait qu'on est là, remarqua Arkania, énonçant l'évidence.
- Et il nous a prévu un petit comité d'accueil, ajouta Neptuna voyant apparaître une dizaine de soldats morts-vivants derrière les lourds battants de la porte qui achevait de s'ouvrir.
- Enfin un peu d'action ! S'exclama joyeusement Splach en sortant sa minuscule hache dorée.
- Tu comptes vraiment te battre avec ça ? Demanda Neptuna, incrédule.
Avec un sourire suffisant en direction de l'elfe, Splach actionna la minuscule rune gravée sur la lame. La hache s'illumina d'un éclat doré, commença à s'étirer et, en quelques secondes seulement, fut remplacée par une splendide hache de guerre à double-tranchant.
- Pour l'or et la richesse ! Rugit le nain en chargeant les morts-vivants – sans doute les gardes du propriétaire du fortin avant que le sorcier n'en prenne le contrôle.
- Bon, d'accord, c'est une vraie arme... Concéda Neptuna avant de le rejoindre dans la mêlée.
- Tu crois qu'on doit aller les aider ? Demanda Arkania, que la perspective de s'engager dans ce combat au corps-à-corps n'enchantait guère.
- Je pense qu'ils vont y arriver, répondit Sariane tandis que Splach démembrait, avec un enthousiasme non dissimulé, deux morts-vivants d'un unique coup de taille.
Le combat ne dura que quelques minutes avant que le dernier soldat ne s'effondre dans un amas de chair pourrie.
- C'est déjà fini ? Demanda Splach, déçu.
- Oh, je pense qu'on aura d'autres adversaires à combattre, le rassura Sariane en se dirigeant vers l'entrée...

Chapitre 10 : Le sorcier.

Les compagnons pénétrèrent dans le fortin. L'intérieur était aussi sinistre que l'extérieur... Des courants d'énergie corrompue parcouraient les lieux, mettant leurs nerfs à rude épreuve. Les meubles et tapisseries qu'ils voyaient dans les pièces semblaient avoir subi les ravages du temps et de l'humidité pendant des décennies, alors que le sorcier n'occupait le château que depuis quelques semaines...
- L'énergie semble venir de cette direction, déclara Sariane en indiquant un escalier qui s'enfonçait sous terre.
- Des pièges cette fois ? Demanda Splach.
- Non, je n'en sens pas, tu peux y aller je pense, répondit la magicienne après un bref instant de concentration.
Ils descendirent prudemment les marches, s'enfonçant de plus en plus profondément dans les entrailles du château. L'atmosphère se faisait de plus en plus lourde et oppressante au fur et à mesure qu'ils descendaient. La hache du nain, luisant d'un éclat argenté, éclairait leurs pas, épargnant à la magicienne un sortilège de plus.
Ils arrivèrent enfin dans une vaste salle creusée dans la roche. Des colonnes de pierre noire, sculptées de créatures difformes et de symboles impies, soutenaient un plafond haut de plus de dix mètres. Les dalles de pierre qui composaient le sol étaient tachées de sang séché datant d'un autre âge et couvertes d'une fine pellicule de poussière, balayée par les courants magiques.
- Et moi qui trouvais l'extérieur sinistre, frissonna Arkania.
- Il ne s'est pas établi ici par hasard, remarqua Sariane. Cet endroit est ancien, très ancien...
- Bon, il est où ce sorcier ? S'impatienta Splach.
- Ici, répondit une voix grinçante, qui leur donna la chair de poule tant elle semblait inhumaine et maléfique.
C'est alors qu'ils découvrirent leur ennemi... C'était un homme de taille moyenne, vêtu d'une longue robe noire brodée de runes. Ses yeux couleur d'onyx et dépourvus de blanc étaient semblables à deux puits sans fond. Sa peau lisse était striée de nervures noirâtres qui pulsaient de puissance corrompue et son crâne chauve recouvert d'un pentagramme...
- Une dernière chose à dire avant de mourir ? Demanda Splach dans un sursaut de politesse.
- Tu penses réellement pouvoir m'atteindre, nabot ? Ricana le sorcier. Les nains sont-ils tous aussi présomptueux ou bien es-tu simplement stupide ?
- Nabot ? Non mais pour qui tu te prends ? S'indigna Splach en levant sa hache magique. Tu vas voir ce qu'il te dit le nabot !
Le nain chargea en hurlant un cri de guerre. Le sorcier l'observa d'un regard moqueur et, d'un léger mouvement de la main, le propulsa en arrière comme s'il n'avait été qu'une simple branche morte. Le pauvre nain s'écrasa contre une colonne à plus de trente mètres de là, dans un inquiétant craquement d'os.
- Tu disais ? Demanda le sorcier, méprisant.
Au même instant, Sariane acheva une incantation et bombarda leur ennemi d'une multitude de comètes d'énergie, illuminant la salle comme en plein jour. Mais toutes explosèrent à quelques centimètres de leur cible, sans lui causer le moindre mal.
- Il va falloir trouver mieux, désolé... Déclara le sorcier avec une grimace de feinte commisération. Et toi, tu aurais mieux fait de rester sagement en dehors de ça, ajouta-t-il en faisant un geste négligeant en direction d'Arkania qui tentait de l'approcher discrètement par derrière, sa dague à la main.
La voleuse sentit ses forces l'abandonner, tandis qu'une terreur surnaturelle l'envahissait. Les larmes aux yeux, elle poussa un long hurlement avant de s'écrouler, inconsciente. C'est alors qu'un éclair argenté traversa la salle et la hache du nain vint se planter dans la poitrine du sorcier, dans un bruit écoeurant d'os brisé et de chair déchirée.
- C'est qu'ils ont de la ressource, ricana le sorcier en retirant la hache de son torse avant de la jeter négligemment quelques mètres plus loin.
Sous les yeux ébahis du nain – dont le bras gauche pendait lamentablement le long de son torse, tordu selon un angle bizarre – et de la magicienne qui en perdit le fil d'un nouveau sortilège, des filaments noirâtres jaillirent des lèvres de la blessure béante laissée par la hache et la refermèrent en seulement quelques secondes.
D'un geste, le sorcier invoqua une nuée de chauves-souris qui assaillirent le nain, le couvrant rapidement de petites plaies sanglantes.
- On va tous mourir si je ne fais rien, murmura Sariane. Je dois absolument trouver quelque chose...

Chapitre 11 : Tentation.

- Bien, déclara Neptuna, restée en haut des marches, quand les compagnons eurent disparu dans les profondeurs. Qui êtes-vous et que voulez-vous ?
- Je me nomme Samael, répondit une voix semblant venir de partout à la fois. Je suis un messager du Sombre Seigneur... Quand à ta seconde question... C'est toi que nous voulons.
- Qui est donc ce Sombre Seigneur ? Et quel rapport avec moi ? Demanda la vampire, intriguée.
- L'un des grands Seigneurs Démons qui règnent sur l'Enfer, répondit la voix, sans que son interlocutrice ne puisse déterminer sa provenance. Nous avons remarqué chez toi un certain potentiel... Qui ne demande qu'à être exploité...
- Et qu'est-ce qui vous fait croire que je pourrais accepter quoi que ce soit venant d'un démon ? Vous devez savoir, j'imagine, que les elfes sont peu enclins à pactiser avec votre espèce maléfique... Alors qu'espérez-vous ?
- Oh, tu serais surprise de savoir combien les elfes sont nombreux à embrasser notre cause, fit remarquer la voix. Mais cela me semble hors-sujet, dans la mesure où nous savons tous deux que tu n'es plus une elfe...
- Ce n'est que temporaire, protesta Neptuna. Et au fond de moi, je reste une elfe malgré tout, ajouta-t-elle sans réelle conviction.
- Vraiment ? Interrogea la voix, moqueuse. Et quel genre d'elfe massacrerait ses victimes avec une telle sauvagerie ? Et ne me dis pas qu'ils étaient mauvais... Nous savons tous deux que ce n'était qu'un prétexte...
- Vous m'espionniez ? Demanda la vampire sur la défensive. Comment cela se fait-il que je n'ai pas senti votre présence ?
La voix éclata d'un rire démoniaque.
- Crois-tu que tu aurais senti ma présence aujourd'hui si je ne l'avais pas décidé ainsi ? Te crois-tu si puissante ? Tu as du potentiel, c'est un fait... Mais tu n'en exploites pour l'instant qu'une petite fraction... Nous pouvons t'aider à maîtriser tes pouvoirs, à te rendre forte et puissante...
- Je ne pactiserai pas avec les démons ! Répondit Neptuna.
- Au fond de toi, tu sais aussi bien que moi que tu n'es pas différente de nous... Cesse de te raccrocher au souvenir de ton ancienne nature elfique... Accepte ce que tu es... Et ce que tu vas devenir grâce à nous...
- Non ! Jamais ! Cria la vampire.
- Tu sais ce que tes instincts te disent...
- Partez ! Vous n'obtiendrez rien de moi !
- Soit... J'attendrai, répondit la voix.
La présence disparut alors instantanément, laissant Neptuna seule avec ses pensées... Son esprit était embrouillé... Elle se sentait changer, perdre peu à peu son cœur elfique... Bientôt, il ne resterait que la vampire, si elle ne combattait pas ses instincts plus fermement...
Mais le voulait-elle vraiment ? Les paroles du messager démoniaque éveillaient en elle une soif de puissance... de sauvagerie... de cruauté... Que restait-il de l'elfe qu'elle avait été ? Se débarasser du vampirisme lui permettrait-il de redevenir ce qu'elle était ou les marques resteraient-elles présentes malgré tout ? De plus en plus, elle penchait pour la seconde solution...
Quand elle était devenue vampire, transformée par le sang de la bête, elle avait d'abord pensé à mettre fin à ses jours, tant le vampirisme lui faisait horreur... Puis elle avait repensé à la quête de la magicienne et l'avait suivie, dans l'espoir de se défaire des conséquences de sa soif de vengeance...
Mais la vampire prenait de plus en plus le pas sur l'elfe... Devait-elle vraiment continuer à lutter contre sa nouvelle nature ?

***
- Le fruit n'est pas encore mûr... Murmura Samael en s'éloignant. Mais l'heure de la récolte approche, se réjouit-il avant de descendre au sous-sol pour assister à la mort des trois compagnons de voyage de la vampire.
Cela promettait d'être divertissant ! Le démon aimait bien ce sorcier... La noirceur de son âme était exemplaire... Il allait enfin faire payer cette satanée magicienne pour avoir été si proche de ruiner ses plans. Si elle n'était pas intervenue, le 60sec, qu'il avait pris le soin de faire libérer, aurait fini de massacrer les elfes et attisé encore la soif de vengeance de l'ancienne Gardienne du Lac... Elle aurait alors été vulnérable et facilement corruptible... Il aurait pu l'amener à tuer la bête en utilisant ses pouvoirs cachés... L'amener à trahir sa nature elfique...
Heureusement, sa soif de vengeance avait été suffisante pour qu'elle achève la bête, s'attirant la malédiction du vampirisme... Il l'avait échappée belle, car si son plan avait échoué... Le Sombre Seigneur n'était certes pas connu pour sa clémence...
Mais tout cela n'avait plus guère d'importance, puisque ce brave sorcier allait le débarasser des trois éléments gênants qui contribuaient à maintenir sa cible hors de sa portée... Ah, que ce serait bon de les voir mourir !
Le démon éclata d'un rire sauvage et accéléra l'allure pour ne pas manquer plus longtemps le spectacle.

Chapitre 12 : Instinct de survie.

- Inutile de chercher, petite magicienne, tu ne peux rien contre ma magie, ricana le sorcier en voyant Sariane réfléchir à toute vitesse.
- Est-ce vous qui avez déclenché la pluie incessante qui tombe depuis des semaines ? Demanda cette dernière, pour gagner du temps.
- Oui, en effet... Mais ce n'est qu'une étape d'un plan bien plus vaste... Mais tu ne seras pas là pour le voir s'accomplir, j'en ai peur, précisa-t-il.
- Le maintien d'un sortilège aussi puissant doit monopoliser tout le pouvoir de la pierre que vous avez volée... D'où sortez-vous donc votre force magique ? Le questionna Sariane.
- T'es-tu demandée où nous sommes, petite magicienne ? Lui demanda le sorcier.
- Un lieu de puissance très ancien et maléfique... D'après ce que je vois... Mais ça n'explique pas votre aisance à lancer des sorts tels que vous venez de le faire... Répondit-elle.
- Ceci est le tombeau d'un grand sorcier du passé... Il fut le fondateur de notre confrérie avant d'être vaincu et enfermé ici afin de l'empêcher d'agir par delà la mort... Il m'a fait don de son pouvoir et de ses connaissances en récompense du travail que j'ai accompli.
- Et quel est l'objectif de ce plan ? Insista la magicienne de plus en plus alarmée par ce qu'elle apprenait et tentant de glaner la moindre information qui lui permettrait de s'en sortir.
- Renverser les dieux et prendre leur place, annonça modestement le sorcier.
- Rien que ça ? Répondit Sariane, affectant un calme qu'elle était loin de ressentir.
- Bien, assez discuté... il serait temps de vous achever tous les trois et de me consacrer à nouveau à mes travaux. Quoique je pourrais peut-être te torturer un peu avant... Je ne sais pas... Tu as une préférence ?
Sariane ne prit pas la peine de répondre. Que pouvait-elle faire ? Sa magie était inefficace contre un tel adversaire... Elle se sentait complètement impuissante face à lui...
- Je crois que je vais opter pour la torture, déclara le sorcier avec un sourire cruel. Tu as une jolie voix... Sera-t-elle aussi jolie quand tu hurleras de douleur ? Il serait dommage de te tuer avant de savoir, tu ne trouves pas ?
Devant l'absence de réaction de sa victime, le sorcier traça quelques symboles dans l'air et des rayons d'énergie couleur d'ébène jaillirent de ses doigts en direction de la magicienne, s'enroulant autour d'elle avant de s'enfoncer dans sa chair.
- Ce sort est très intéressant, expliqua le sorcier à sa victime qui se tordait de douleur. Non seulement il inflige de terribles douleurs, mais en plus, il maintient sa victime en vie en guérissant ses plaies...
Sariane laissa échapper un gémissement de douleur.
- Tu peux faire mieux que ça voyons, un peu de nerf ! L'encouragea son tortionnaire.
La magicienne ne ressentait plus que la souffrance. Son corps n'était plus qu'une masse de douleur toujours croissante... Elle se sentait glisser progressivement dans l'inconscience. Elle devait réagir ! Songea-t-elle. Si elle sombrait, le sorcier l'achèverait puis tuerait ses compagnons... Mais elle ne pouvait rien contre la douleur... Elle accueillit finalement l'inconscience, s'y abandonnant avec soulagement.
- Déjà fini ? S'exclama le sorcier tandis que sa victime s'écroulait sur le sol dallé, cessant de bouger. Je pensais que tu tiendrais plus longtemps... Bon, toutes les bonnes choses ont une fin...
Un peu déçu, il s'approcha du nain qui gisait inanimé. Il s'apprêtait à lui porter le coup de grâce quand il sentit soudain un changement dans l'atmosphère de la pièce. Se retournant vers le corps de la magicienne, il vit qu'elle en était la source. Elle était auréolée d'une lueur rougeoyante de plus un plus intense. Elle semblait absorber l'énergie noire qui circulait dans la pièce et se l'approprier. Elle se releva lentement...
- Tu sembles plus endurante que je ne le pensais, la félicita le sorcier avant de se rendre compte qu'elle était toujours inconsciente.
En effet, son corps semblait ne réagir que par instinct de survie, refusant la défaite. Ses yeux s'ouvrirent, laissant échapper un flot de lumière d'un rouge aveuglant.
- Intéressant, murmura le sorcier. Vraiment intéressant...
Soudain, elle attaqua. Il eut à peine le temps de le remarquer qu'une vague de pouvoir percutait ses protections magiques dans un fracas épouvantable. Tout en se concentrant pour les maintenir en place malgré la violence de l'assaut, il riposta par une série de projectiles magiques. D'un enchaînement de mouvements mécaniques d'une rapidité et d'une précision surhumaines, la magicienne dévia leur trajectoire, les envoyant s'écraser dans toutes les directions.
Sentant le vent tourner, le sorcier incanta, s'apprêtant à lancer l'un des sorts les plus puissants de son répertoire, tandis que la magicienne se contentait de maintenir le flot d'énergie assaillant les protections magiques de son adversaire. Il prononça les derniers mots de son sortilège et traça devant lui un grand cercle d'énergie. À peine le tracé terminé, l'intérieur du cercle s'obscurcit, ouvrant un portail sur un autre monde, un monde vide et sombre, qui commença à aspirer tout ce qui se trouvait à portée. Les flots d'énergie corrompue ainsi que la poussière qui recouvrait les dalles s'engouffrèrent dans l'ouverture, bientôt suivis par les pierres les moins bien scellées.
Mais cela n'eut aucun effet sur la magicienne, ni sur ses compagnons inconscients qu'elle protégeait d'un bouclier d'énergie. Levant la main droite, Sariane envoya une formidable décharge d'énergie qui contourna le sorcier avant de le percuter par derrière, le propulsant dans le portail qu'il venait d'ouvrir. Poussant un hurlement, il disparut dans l'obscurité de ce monde vide et le portail se désintégra, faute de source d'énergie pour l'alimenter.
Le calme revint dans la salle souterraine... La menace écartée, Sariane s'effondra, sous les yeux médusés de Neptuna qui, venant d'arriver en bas des marches, avait assisté à la fin du combat...

Chapitre 13 : Repos bien mérité.

Neptuna s'approcha de ses compagnons inconscients. La voleuse n'avait aucune blessure apparente, aussi, la vampire lui secoua doucement l'épaule pour tenter de la réveiller. Arkania poussa un gémissement puis ouvrit les yeux.
- Que s'est-il passé ? Demanda-t-elle après quelques secondes passées à ré-ordonner son esprit embrouillé.
- Apparemment, elle a projeté le sorcier dans une autre dimension, répondit Neptuna en désignant la magicienne.
- Une bonne chose, si tu veux mon avis, soupira la voleuse en repensant au sort qu'il lui avait lancé et à la facilité avec laquelle il avait expédié le nain à l'autre bout de la pièce.
Elle chercha alors Splach du regard et l'aperçut qui semblait reprendre lentement ses esprits, quelques mètres plus loin.
- Saletés de bestioles, grogna-t-il en se redressant péniblement avant d'inspecter les innombrables plaies – heureusement peu profondes – qui couvraient son corps.
Rassurée sur le sort de ces deux-là, Neptuna se dirigea vers la magicienne et tenta de la réveiller à son tour... Sans succès...
- Est-ce qu'elle est... Demanda Splach, laissant transparaître une inquiétude que les deux femmes ne s'attendaient pas à constater chez un individu aussi prétentieux et égocentrique.
- Non, juste épuisée, le rassura la vampire. Rien de grave, je pense...
- Bien. Je ne sais pas pour vous, mais je ne tiens pas particulièrement à rester moisir ici... Trouvons la pierre et partons, déclara Splach en récupérant sa hache magique avant de désactiver la rune et de la ranger dans sa poche.
- Je pense l'avoir trouvée, dit Arkania en désignant une pierre scintillante posée sur un autel de pierre sculptée et entourée d'un cône lumineux s'élevant vers le plafond. Mais nous devons attendre que Sariane reprenne ses esprits pour défaire le sortilège...
- Bon, on remonte. On reviendra quand elle sera en état, conclut la vampire en prenant dans ses bras le corps inanimé de la magicienne avant de s'engager dans l'escalier remontant vers la surface.

***
Dans la salle souterraine, Samael fulminait. Non seulement le sorcier avait été vaincu, mais en plus, il ne l'avait débarrassé d'aucun des compagnons de la vampire... Maudissant cette dimension où il ne pouvait prendre de forme matérielle, le démon remonta l'escalier à son tour, son corps astral flottant au dessus des marches.
- Tu ne perds rien pour attendre, magicienne, j'aurai ma vengeance !

***
Revenus à la surface, les compagnons constatèrent avec plaisir que le château et ses environs perdaient peu à peu de leur corruption... L'odeur nauséabonde se dissipait progressivement, remplacée par une odeur de pluie et de terre détrempée. La pluie ne cesserait pas avant que la magicienne n'ait désactivé le sortilège, mais le moral des compagnons s'était déjà considérablement amélioré.
Ils passèrent la journée qui suivit à panser leurs blessures dans la salle la moins délabrée du fortin, reprenant des forces en attendant le réveil de Sariane.
Près de vingt-quatre heures après la fin de son combat contre le sorcier, la magicienne s'éveilla enfin. Elle était encore faible, aussi eut-elle besoin d'une deuxième journée de repos avant de s'occuper de la pierre et du sortilège.
Elle n'avait pas été consciente lors de la fin de son duel, mais des flashs lui revenaient de temps à autres, l'empêchant de se reposer autant qu'elle l'aurait dû... De ses compagnons, seule Neptuna avait vu ce qui s'était passé et la vampire était restée très évasive quand elle avait relaté les événements... Aussi le nain et la voleuse ne s'inquiétaient de rien, heureux que cette épreuve soit passée et qu'ils aient tous survécu.
Sariane, quant à elle, était terrifiée à l'idée de ce que cela impliquait... Ses rêves répétés l'avaient déjà convaincue que la puissance chaotique dérobée au 60sec avait laissé des traces, qu'elle pensait seulement mentales... Mais les événements récents prouvaient que cela allait bien plus loin... La puissance chaotique restait toujours en elle, ou du moins, accessible... Saurait-elle résister à l'attrait du pouvoir s'il lui revenait de façon consciente ? Elle n'en savait rien...
Le soir venu, les compagnons redescendirent dans les sous-terrains du château et la magicienne défit le complexe sortilège avec une facilité qui la déconcerta. Ses pouvoirs augmentaient à une telle vitesse ! Et cela datait déjà d'avant le 60sec... En effet, elle sentait ses pouvoirs s'amplifier depuis qu'elle avait utilisé les èmènèmçes bleus de Lornette pour échapper à la destruction de la chambre dimensionnelle... À chaque nouvelle épreuve, elle sentait sa magie augmenter bien au-delà de ce que l'expérience acquise n'aurait dû le permettre...
Quelques minutes après avoir récupéré la pierre, de retour à la surface, ils prirent la direction du nord, pour rejoindre le portail... Plus que jamais, Sariane était déterminée à achever sa quête... Plus que jamais, elle avait conscience qu'elle devait faire vite...

Chapitre 14 : Un nain obstiné.

Les compagnons chevauchaient en direction de Trouperdu. La pluie avait cessé de tomber depuis que la magicienne avait défait le sortilège et le temps s'était progressivement dégagé. Les lourds nuages s'étaient dissipés et ils voyageaient, pour la première fois depuis des semaines, sous la lumière argentée des étoiles.
- C'était bien la peine de risquer nos vies dans ce satané château, bougonnait Splach. Non seulement on n'a rien trouvé d'intéressant à part ce fameux caillou, mais en plus, on part pour l'Enfer avant même d'avoir pu profiter convenablement de l'amélioration du temps...
- Il me semblait que tu ne voulais pas venir, fit Neptuna avec un étonnement feint. Je croyais que l'Enfer te faisait peur...
- Un nain n'a jamais peur ! Protesta Splach, outré. Je suis juste prudent... Mais je ne peux pas vous laisser y aller seules, vous ne vous en sortiriez jamais ! Et je ne veux pas avoir vos morts sur la conscience...
- Enfin, ce n'est pas comme si c'était toi qui avait vaincu le sorcier, ironisa la vampire.
- Ce n'est pas toi non-plus que je sache, contra le nain. D'ailleurs, où étais-tu pendant que nous combattions ?
Le visage de la vampire s'assombrit.
- Je surveillais nos arrières... Il m'avait semblé sentir une menace venant d'une pièce du château et je suis allée vérifier, expliqua-t-elle, mal à l'aise et consciente que sa justification sonnait creux.
- Peu importe, déclara Sariane. Je vais traverser ce portail. Ceux qui veulent m'accompagner sont les bienvenus, les autres peuvent rester ici.
Peu de temps après, ils arrivèrent à Trouperdu où Luny les accueillit chaleureusement.
- Ainsi vous avez réussi et vous êtes tous sains et saufs, constata-t-elle en souriant.
Sariane haussa les épaules comme si c'était une évidence et lui remit la pierre magique.
- Il faudra quelques heures au portail pour se recharger, précisa la gardienne en allant replacer la pierre. Profitez-en pour vous reposer un peu... Vous n'en aurez pas beaucoup l'occasion là où vous allez...
Les compagnons s'installèrent de leur mieux, mais aucun ne parvint à trouver le sommeil, trop excités, inquiets et impatients pour accéder au calme nécessaire.

***
Quelques heures plus tard, ils étaient toujours là à se retourner dans leurs couvertures quand une sorte de grondement sourd se fit entendre.
- Ça y est, c'est enfin rechargé ? Demanda Splach qui s'ennuyait ferme.
- Pas tout à fait, le détrompa la gardienne. Ce bruit annonce plutôt qu'il est en train d'être ouvert depuis l'autre côté...
- Par qui ? Demanda Arkania, guère rassurée.
- Une petite armée de démons, j'imagine, répondit calmement la gardienne. Ça leur prend de temps en temps... C'est pour ça que je suis là...
- Vous saurez les repousser ? Demanda la voleuse, pour qui l'idée d'affronter une armée démoniaque avant même leur entrée en Enfer n'augurait rien de bon.
- Il ne devrait pas y avoir de problème... Ils sont toujours un peu désorientés par la traversée, ce qui me facilite les choses, précisa la gardienne.
- J'imagine qu'il en sera de même pour nous quand nous traverserons dans l'autre sens, remarqua Sariane. Nous avons donc eu de la chance... Si nous étions passés il y a quelques minutes, nous aurions eu droit à un sacré comité d'accueil !
- En effet, acquiesça la gardienne. Maintenant, reculez, il me faut de l'espace pour me battre.... Je ne voudrais pas vous blesser par inadvertance au cours du combat...
- Ne vous inquiétez pas pour nous, assura Splach en sortant sa hache magique.
- Je vous assure, maître nain que vous feriez mieux de reculer, insista la gardienne.
- Fais ce qu'elle te dit, imbécile, soupira Neptuna, une pointe d'amusement dans la voix.
- Je ne reculerai pas ! S'obstina Splach.
- Si vous y tenez... Je vous aurai prévenu, capitula la gardienne.
- Ça lui apprendra peut-être à écouter les conseils des autres, remarqua Sariane, dissimulant à grand peine son amusement.
- Pourquoi ? Que va-t-il se passer ? Demanda la voleuse.
- Tu vas voir, ça devrait être intéressant, répondit la magicienne avec un sourire ravi à l'idée de ce qui allait suivre.
- C'est là que je regrette de ne pas avoir moi aussi un apa'reyfotau comme le sien, soupira Neptuna... Dommage, j'aurais volontiers immortalisé l'instant, précisa-t-elle, sa déception ne parvenant pas à dissimuler une hilarité croissante.
- Mais de quoi vous parlez ? Insista la voleuse qui n'y comprenait décidément rien.
C'est alors que Luny commença à scintiller d'un éclat argenté, d'abord faiblement, puis de plus en plus fort, jusqu'à éclairer toute la caverne. Elle commença alors à se transformer. Son corps d'apparence elfique s'étira et se couvrit d'écailles d'argent. Ses cheveux disparurent, remplacés par une crête d'écailles tranchantes et deux grandes cornes d'ivoire. Ses jambes devinrent de puissantes pattes arrières, terminées par des griffes et une paire d'ailes gigantesques jaillit de son dos. Enfin, une longue queue s'étira jusqu'à plusieurs mètres de long.
Sous cette forme, la gardienne emplissait la moitié de la grotte et son imposante patte gauche, s'arrêtait à seulement quelques centimètres du nain qui la regardait les yeux exorbités et la mâchoire pendante, tellement ébahi qu'il en lâcha sa hache qui tomba au sol dans un bruit métallique. Il resta plusieurs secondes immobile, comme pétrifié, les bras ballants et la respiration coupée.
- Mais... Mais... Parvint-il péniblement à articuler alors que la magicienne et la vampire, les larmes aux yeux, hurlaient de rire à la vue de sa mine abasourdie.
- Eh ben... Fit Arkania. C'est grand un dragon...
- Vous le saviez ! Fulmina Splach en reprenant ses esprits, avant de ramasser sa hache et de reculer précipitamment.
- En effet, répondit Neptuna entre deux crises de rire.
- Vous auriez pu me prévenir ! S'énerva le nain.
- Avoue que ça aurait été nettement moins drôle, rétorqua Sariane en s'essuyant les yeux.
C'est alors que le portail acheva de s'ouvrir avant de vomir un flot de créatures difformes et hurlantes qui s'éparpillèrent dans la caverne.

Chapitre 15 : De l'autre côté du portail.

La gardienne massacrait les démons avec une efficacité stupéfiante. Elle se mouvait avec une vitesse incroyable étant donné l'immensité de son corps draconique. Ses griffes lacéraient ses adversaires, les réduisant en charpie sans se préoccuper de leurs carapaces ou de leurs lourdes armures. Son souffle ardent carbonisait leurs corps, ne laissant que de petits tas de cendres et une odeur de chair calcinée. Les mouvements vifs de sa queue balayaient les rares envahisseurs qui parvenaient à la contourner, les renvoyant au milieu de la mêlée.
Ce spectacle sanglant raviva dans l'esprit de Sariane le souvenir du massacre des elfes de Bassefeuille par le 60sec.
- Je préfère être de ce côté que de l'autre, remarqua-t-elle en frissonnant.
Ses compagnons ne répondirent pas, absorbés par la vision du massacre méthodique qui se déroulait sous leurs yeux.

***
La bataille dura plusieurs dizaines de minutes avant que le flux de démons sortant du portail ne se ralentisse enfin. Quand il se fut entièrement tari, le portail se referma laissant les derniers démons seuls face à la gardienne. La grotte était envahie de fumée et des corps déchiquetés recouvraient tout, où que se porte le regard.
Quand les derniers survivants furent passés de vie à trépas, la gardienne – toujours sous sa forme draconique – tendit la patte vers un tas de cadavres à demi brûlés, fouilla quelques instants et en sortit un petit démon tremblant de peur.
- Voici votre guide, annonça-t-elle, d'une voix grondante comme un roulement de tonnerre. Il vous montrera le chemin à travers les Plaines Sanglantes.
- M... Moi ? Montrer le chemin ? Demanda le petit démon d'une voix hésitante. Mais pourquoi donc Arallu ferait-il ça ?
- Peut-être parce qu'il n'a pour seule autre option que de mourir écrasé entre mes griffes, suggéra la gardienne en souriant, dévoilant ses gigantesques crocs.
- Arallu montrera le chemin ! S'exclama le démon.
- Parfait, acquiesça la gardienne en posant le démon face aux compagnons avant de reprendre sa forme elfique. Mais n'imagine pas que tu pourras leur fausser compagnie, ils ne sont peut-être pas des dragons, mais ils sont largement capables de te tuer avant que tu n'aies esquissé le moindre geste...
- Arallu ne fuira pas ! Arallu conduira les voyageurs, assura le démon. Mais où donc Arallu doit-il les conduire ?
- Tu nous conduiras au portail menant au monde des morts, répondit Sariane.
- Arallu connaît le chemin ! Arallu vous guidera, s'empressa d'acquiescer le démon.
- Si Arallu pouvait également parler moins, cela m'éviterait de lui fracasser le crâne à coups de hache, remarqua Splach, que le démon agaçait déjà.
- Arallu parlera moins, assura le démon en s'éloignant prudemment du nain.
- Bien, dit la gardienne. Si vous êtres prêts, je vais ouvrir le portail. Ce n'est pas que je sois pressée de me débarasser de vous, mais comme vous pouvez le voir, j'ai un peu de ménage à faire...
- Nous sommes prêts, répondit Sariane sans même consulter les autres.
La gardienne prononça une courte incantation et le portail se mit à gronder, alors qu'un tourbillon de lumière bleue s'ouvrait en son centre, s'élargissant de secondes en secondes.
- Vous pouvez y aller, annonça-t-elle quand le tourbillon eut rempli l'arche de pierre du portail. Je vous souhaite bonne chance... Et n'oubliez pas de tenir votre nouvel ami à l'oeil...
- Ne vous inquiétez pas pour ça, répondit Neptuna.
- Au moindre signe de traîtrise de sa part, je le découpe en rondelles, précisa Splach en jetant un regard menaçant en direction du démon.
- Merci pour tout, conclut la magicienne. Et bon courage pour votre ménage...
- Je passe devant, dit Neptuna avant de s'engouffrer dans le tourbillon d'un pas assuré, rapidement suivie par les autres.
La traversée fut similaire à ce que Sariane avait déjà connu en s'échappant de la chambre dimensionnelle de la volepeau, quelques semaines auparavant : une étrange sensation d'apesanteur, suivie d'un brusque retour à la réalité.
Leur traversée achevée, les quatre voyageurs découvrirent le monde hostile dans lequel ils venaient d'arriver. L'Enfer n'était pas vraiment un endroit où il faisait bon vivre... Le ciel rouge était encombré de nuages de fumée noire et l'air charriait tour à tour des odeurs de souffre, de chairs carbonisées et d'autres relents nauséabonds. Le sol inégal était parsemé d'immenses rochers d'un noir d'encre et couvert de sable tout aussi noir, balayé par un vent violent dont la direction changeait constamment. Outre le rugissement du vent, ils entendaient par moment des hurlements de souffrance ou des grondements démoniaques venant du lointain...
- Arallu conduit et vous suivez, dit le démon en s'engageant dans la plaine...

Chapitre 16 : Une nuit en Enfer...

Les compagnons voyagèrent sans encombre durant leur première journée en Enfer. Du moins, selon les critères des lieux, puisqu'ils n'eurent à déplorer qu'une trentaine d'attaques et embuscades, dont aucune ne leur laissa de blessures graves. La nuit approchant, ils s'abritèrent dans une cavité entre deux grands rochers. La nuit en Enfer était sensiblement différente d'une nuit au sens classique du terme. En effet, si elle consistait tout de même en un assombrissement du ciel, en lieu et place d'étoiles et de lunes, on pouvait observer de titanesques explosions dont les ondes de choc faisaient trembler le sol et le fracas insoutenable laissait un bourdonnement persistant dans les oreilles.
- Je vois pourquoi la Gardienne disait qu'on n'aurait pas trop l'occasion de se reposer, soupira Arkania.
- Vous dormez, Arallu surveille les environs, suggéra le démon, sa face difforme affichant un masque d'innocence que les compagnons jugèrent d'une crédibilité proche de zéro.
- Mais bien sûr, s'esclaffa Splach. Tu ne voudrais pas que je te prête ma hache aussi tant qu'on y est ?
- Arallu veut bien la hache, répondit l'intéressé.
- Est-ce que le concept d'ironie évoquerait quelque chose à Arallu, par hasard ? Suggéra Neptuna.
- Arallu voulait juste aider... Soupira le démon, affectant un air de chien battu.
- On dormira à tours de rôles, décida Sariane en commençant le tracé d'un symbole magique dans le sable noir qui recouvrait le sol. Je vais placer une zone de silence de deux mètres de rayon autour de ce symbole, les veilleurs devront donc rester à l'extérieur. En cas de menace, il suffit de brouiller le symbole – en y jetant une pierre, par exemple – pour désactiver le sort.
Les tours de garde furent tirés au sort – d'abord Splach, puis Arkania, suivie de Neptuna et enfin, Sariane – et la magicienne activa le sort de silence avant de s'allonger aux côtés de la vampire et de la voleuse, s'endormant rapidement dans le calme de la zone de silence...

***
Arkania courrait joyeusement dans les rues de Nivu, suivie de ses deux gardes du corps et de sa tutrice, qu'elle surnommait Tatalune à cause de sa passion pour les dragons d'argent. La fillette venait d'avoir six ans et se rendait au marché pour dépenser sans compter l'argent de son père, le seigneur de la ville.
Elle passa devant le stand d'une marchande de pommes, stand surplombé d'une banderole indiquant en lettres vertes sur fond blanc : « Chez Linou, les meilleures pommes de la région ! ». Les pommes étaient d'un rouge appétissant et semblaient croquantes et juteuses, aussi la fillette blonde demanda-t-elle à Tatalune de lui en acheter une.
Lorsqu'elle mordit dedans, elle la trouva délicieusement sucrée et juste assez acide. La fillette, ravie, croqua une seconde bouchée, pensant qu'elle n'en avait jamais mangé d'aussi bonne. À la troisième bouchée, elle sentit un goût étrange... Regardant la pomme, elle s'aperçut que celle-ci gouttait d'un jus rouge et épais comme du sang... La fillette en resta quelques secondes interdite, jusqu'à ce que des créatures insectoïdes en jaillissent, et qu'elle la laisse tomber au sol en hurlant de terreur et de dégoût.
Autour d'elle, la ville avait changé. Les habituels bâtiments de bois et de pierre blanche étaient devenus noirs et menaçants. Le ciel avait viré au rouge et une fine pluie écarlate tombait de nuages inexistants...
Apeurée et ne comprenant rien à ce qui se passait, la fillette se précipita vers Tatalune et les deux gardes. Levant les yeux, elle vit leurs visages se déformer, leurs corps se tordre, des cornes jaillir de leur peau qui tombait progressivement en lambeaux, dévoilant des écailles noires et dégoulinantes des sang.
Reculant précipitamment, elle se prit les pieds dans un pavé qui dépassait des autres et s'étala de tout son long dans une flaque de boue rougeâtre. Plus elle tentait de se relever, plus elle glissait et s'embourbait...
Soudain, elle sentit quelque chose percuter son crâne et exploser dans un bruit de chair pourrie. Passant la main dans ses cheveux blonds, elle sentit les restes d'une pomme et surtout le grouillement des insectes... Les créatures la mordirent de toute part, s'infiltrant dans ses vêtement et s'emmêlant dans ses cheveux. La vendeuse de pommes, dont le visage était devenu un masque terrifiant, continuait de la bombarder de ses pommes sanguinolentes en lâchant des ricanements cruels.
Les trois démons qui avaient été Tatalune et les deux gardes du corps s'approchèrent d'elle en levant leurs pattes griffues et menaçantes, leurs gueules dégoulinant d'une bave verdâtre qui grésillait au contact des pavés.
- Non... Gémit la fillette. Non, laissez-moi !
Mais les griffes s'enfoncèrent dans sa chair et son corps fut secoué dans tous les sens.
- Non ! Arrêtez ! Supplia-t-elle en pleurant.
Mais les démons continuaient, impitoyables...
Enfin, la voleuse ouvrit les yeux, apercevant le visage inquiet de Splach. Le nain articula quelque chose qu'elle n'entendit pas à cause du sort de silence. Renonçant, il lui indiqua par gestes de se lever et de s'éloigner un peu.
- C'est l'heure de ton tour de garde, lui dit-il alors qu'elle reprenait ses esprits, se remettant péniblement de son cauchemar.
- J'ai fait un rêve terrifiant, soupira-t-elle... D'autant plus terrifiant qu'il était en partie constitué de souvenirs... Bonne chance, souhaita-t-elle au nain, se demandant lequel des deux avait le plus de chance : elle qui montait la garde au son assourdissant des explosions, ou lui qui allait dormir...

Chapitre 17 : Ouistiti.

Les compagnons avaient enfin atteint le Temple de la Magie Inverse. Après avoir passé la grande porte d'entrée, ils étaient arrivés dans une gigantesque salle triangulaire aux murs de marbre gris. À chacun des trois angles on pouvait voir le buste sculpté de l'un des trois architectes du temple, sur le socle desquels étaient gravées leurs initiales... Un B sur le socle de gauche pour Bordeli, l'elfe charpentier qui avait un temps abandonné sa passion pour la literie afin de concevoir la toiture du temple et sa grande porte... Face à l'entrée, on distinguait le A d'Alafin'cefini, un nain maçon renommé pour avoir dessiné les plans du palais royal du royaume nain de Biereaflot – dont la forme unique d'une choppe de bière en faisait une attraction touristique réputée – qui s'était chargé de la conception des murs et des fondations du temple... Et enfin, à droite, le C de Cetebonmaipatanquçaenfait, un gnome viticulteur dont la participation à la conception du temple reste un mystère...
Une silhouette vaporeuse apparut au centre de la salle et déclama les vers suivants :

Au temple vous êtes venus
Aux dangers vous avez survécu
Dans les auberges vous avez bien bu
Et vous avez même supporté Arallu

Ici vous espérez vivement régler
Les problèmes qui ne cessent de vous torturer
Peut-être ce vœu sera-t-il exaucé
Commencez donc par me les expliquer

Sariane avait peine à y croire... Elle allait enfin être libérée de sa malédiction ! Sa quête entamée des années plus tôt allait enfin prendre fin !
- Je... Bredouilla-t-elle. Je voudrais être libérée de la malédiction qui me touche... Je voudrais ne plus jamais me transformer en ouistiti !
L'être brumeux la regarda quelques secondes en silence.
- Rien de plus facile, répondit-il enfin en traçant un symbole magique du bout de ses doigts immatériels.
Sariane sentit la magie imprégner son corps qui se mit à briller, d'abord faiblement, puis de plus en plus intensément... Quand la lumière disparut, elle se sentit bien, soulagée, libérée...
Lorsque ses compagnons retrouvèrent l'usage de leurs yeux aveuglés par la lumière, ils la regardèrent en silence, stupéfaits. Puis tout à coup, tous éclatèrent de rire.
- Que se passe-t-il ? Demanda la magicienne qui n'y comprenait plus rien.
Mais aucun ne répondit, trop occupés qu'ils étaient à se tordre de rire.
- Mais répondez enfin ! S'exclama-t-elle, de plus en plus intriguée.
Splach se mit alors à fouiller frénétiquement son sac dont il sortit son apa'reyfotau.
- Ça c'est trop fort, articula-t-il péniblement entre deux bruyants éclats de rire, avant de pointer l'artefact en direction de Sariane.
- Hé ! Non, j'ai aucune envie d'être sur une de tes images moi, protesta-t-elle enfouissant sa tête entre ses bras, tandis que l'artefact émettait un flash de lumière blanche.
- Parfaite ! S'exclama-t-il en montrant l'image aux autres qui rirent de plus belle.
- Mais enfin, qu'est-ce qu'il y a de si drôle ? S'énerva la magicienne.
Le nain tourna alors l'image dans sa direction et elle put y voir... Un ouistiti apeuré se cachant la tête dans ses bras !
- Vous ne vous transformerez plus en ouistiti, déclara l'être vaporeux en haussant les épaules avant de disparaître.
Sariane recula de quelques pas, refusant de croire à ce qui lui arrivait. Ce n'était pas possible ! Elle n'avait pas fait tout ce chemin, affronté tous ces dangers et supporté cet imbécile de nain pour devenir un singe jusqu'à la fin de ses jours ! Elle sentit la colère monter en elle... Elle avait été trompée, trahie et ceux qui se prétendaient ses amis continuaient de se tordre de rire et de se moquer d'elle !
Elle sentit la puissance chaotique... Toujours là, à la portée de son esprit... Attendant son heure... Cette fois, Sariane y fit appel volontairement. Elle ne tenta pas d'y résister mais, au contraire, l'appela de tous ses vœux... Ses yeux de singe s'illuminèrent tandis que son corps grandissait. Les ailes d'énergie écarlate, maintenant familières, poussèrent dans son dos à mesure qu'elle se laissait gagner par la puissance et la rage. Elle fut envahie d'une effroyable envie de détruire, de massacrer et de torturer...
Ses compagnons avaient cessé de rire pour la regarder, terrifiés. D'un geste de la main elle les réduit en cendres, eux et le temple où ils se trouvaient... En quelques instants, elle ravagea la cité de Necromancil avant d'ouvrir un portail dimensionnel vers son monde où elle sema la destruction et la mort... Des royaumes entiers tombèrent comme des mouches sans même avoir le temps de réaliser ce qui se passait...
C'est alors qu'elle se réveilla en sursaut. Voyant Arkania qui la regardait, l'inquiétude marquant ses traits, ses yeux rougeoyèrent de fureur et elle se leva d'un bond. La voleuse recula, terrifiée.
- Sariane, c'est moi, arrête !
La magicienne reprit lentement ses esprits en réalisant où elle était...
- Un rêve, soupira-t-elle... Ce n'était qu'un rêve...
- Cet endroit a l'air de favoriser les cauchemars, acquiesça Arkania.
- C'est au tour de qui de monter la garde ? Demanda Sariane.
- Neptuna... J'allais justement la réveiller quand je t'ai vue t'agiter dans ton sommeil...
- Laisse-la dormir, je prends son tour... Je n'arriverai pas à dormir de toutes façons...
- Je ne sais pas si j'y arriverai moi non plus... Mais je vais essayer, soupira Arkania en retournant se coucher...

Chapitre 18 : Trahison.

La magicienne n'eut à déplorer aucun incident durant son tour de garde, excepté le réveil en sursaut de Splach qui vint s'asseoir à côté d'elle et, toujours à moitié endormi, marmonna quelques jurons contre les chopes de bière carnivores qui d'après lui avaient attaqué sa barbe. Il acheva ses grommellements par une histoire invraisemblable à propos de pièces d'or et d'argent qui s'avéraient n'être en réalité que du chocolat et repartit se coucher en jurant que s'il trouvait ce maudit faussaire – sans doute un elfe, d'après lui – qui avait commis une telle abomination, il l'éplucherait à la hache.
Quand son tour fut fini, Sariane alla réveiller Neptuna qui prit sa place pour la dernière garde.
Alors qu'elle s'ennuyait ferme depuis déjà une bonne heure, la vampire vit apparaître une silhouette familière.
- Cet endroit n'est-il pas merveilleux ? Demanda Samael sur le ton de la conversation.
- Pas franchement, non... Grogna la vampire. Qu'est-ce que vous voulez encore ? Il me semblait pourtant avoir été claire... Ajouta-t-elle en jetant un coup d'œil à Arallu qui semblait en grande conversation avec lui-même quelques mètres plus loin.
- Il ne peut ni me voir ni m'entendre, précisa le démon en suivant son regard. Pas plus qu'il n'entend le son de ta voix tant que tu t'adresses à moi. Quant à ta question... Il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis, comme on dit... Je reviendrai autant qu'il le faudra, mais je pense que tu commences à réaliser quelle est ta vraie nature... Qui, nous le savons tous les deux, n'a plus grand chose d'elfique...
La vampire hésita. Sa vie elfique lui semblait si loin...
- Admettons que j'accepte votre offre... Que se passerait-il ?
- Il te suffirait de tuer tes compagnons pour prouver ta loyauté... Répondit Samael en haussant les épaules, comme si ce n'était qu'un détail mineur.
- Hors de question, coupa Neptuna. De toutes façons, je ne fais pas le poids contre elle, grogna-t-elle en désignant Sariane d'un mouvement du menton.
- Que je sache, elle est endormie... Et dans une zone de silence, qui plus est, ce qui réduit de beaucoup ses pouvoirs magiques... C'est très jouable à mon avis, conclut joyeusement le démon.
- Pourquoi la tuerais-je ? Elle n'a jamais rien fait contre moi...
- Elle a pourtant bien refusé de tuer la bête, te forçant à le faire toi-même... Elle est donc responsable de ta malédiction...
- Elle ne m'a forcé à rien, c'est moi qui ai décidé de l'achever contre l'avis d'une déesse.
- Sans compter que son sang chargé de magie te donnerait de grands pouvoirs, poursuivit le démon, ignorant sa remarque.
Le regard de la vampire s'illumina d'une lueur avide, tandis qu'elle s'imaginait plantant ses dents dans la chair tendre de la belle magicienne... Elle sentait déjà son sang couler lentement dans sa gorge, l'imprégnant de son pouvoir... Sa soif de sang, qui jusque là était restée discrète, lui hurlait de boire à cette source... La vampire s'avança lentement en direction de la magicienne endormie... Ce serait si simple... Si elle s'y prenait bien, la pauvre Sariane ne se réveillerait même pas avant que la mort l'emporte...
Samael observa Neptuna s'approcher de sa proie et contempler un instant son visage détendu avant de diriger sa bouche vers la gorge découverte. Elle huma le quelques secondes le parfum entêtant du sang chaud qui bientôt serait sien. Puis ses canines percèrent doucement la peau. La magicienne eut un léger frisson puis un sourire éclaira son visage endormi à mesure que la vampire buvait, ses canines s'enfonçant de plus en plus profondément dans la chair de sa victime.
La vampire sentait la magie couler dans ses veines. Elle sentait ses sens s'aiguiser et sa force augmenter à mesure qu'elle buvait la vie et le pouvoir de la magicienne.
Soudain, la zone de silence s'effondra et les trois dormeurs furent réveillés en sursaut par les grondements des explosions célestes. Neptuna jeta un coup d'œil au symbole magique qui maintenait le sortilège en place et pesta en voyant Arallu achever de l'effacer. Elle s'éloigna précipitamment de Sariane, mais le mal était fait. Cette dernière porta la main à sa gorge où un mince filet de sang coulait encore, sentant les petites marques de morsure et leva un regard incrédule en direction de Neptuna.
- Arallu avait dit qu'il monterait la garde, s'exclama le petit démon. Arallu n'a pas trahi, lui. Arallu protège la magicienne ! Arallu a promis...
- Merci Arallu, souffla Arkania. Mais tu ferais mieux de te taire jusqu'à ce qu'elles en aient fini, ajouta-t-elle en tremblant à la vue de la lueur rougeoyante qui envahissait le regard de la magicienne.
- Comment as-tu pu oser faire ça ? Cria-t-elle à la vampire qui reculait toujours, jusqu'à se retrouver dos à un des rochers qui délimitait leur abri. Parle ! Hurla-t-elle alors qu'un halo écarlate se formait autour d'elle.
La vampire ne savait plus quoi faire... Elle cherchait désespérément du regard le soutien de Samael, mais le démon n'était nulle part en vue...
- C'est ta dernière chance de t'expliquer, ajouta la magicienne d'une voix redevenue calme, mais menaçante, tandis que le halo rougeoyant qui l'entourait se changeait en tornade.
- Je... Commença Neptuna.
Mais elle ne put articuler quoi que ce soit de plus. Se changeant en un énorme loup, elle prit la fuite. Sariane déchaîna sa puissance, pulvérisant les rochers entre lesquels la vampire zigzaguait. Arkania et Splach n'osèrent intervenir, de peur que la fureur de la magicienne ne se retourne contre eux.
Au bout d'un moment, le loup disparut de leur vue et la magicienne retrouva peu à peu son calme... Se forçant à repousser la puissance chaotique qui l'envahissait... Enfin, elle regarda ses compagnons d'un air désolé. La lueur écarlate avait quitté ses yeux, où transparaissait la peur. La peur de sombrer dans la folie meurtrière et de ne plus parvenir à en sortir...
- Je crois qu'il est temps de repartir, soupira-t-elle...